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| Sujet: Moneta [terminé] NC -16 Mar 31 Mai - 1:15 | |
| o Informations générales : Nom : / Prénom : Moneta Surnom : Cap’taine, Mon' Rang : La Reine des Mers Âge : 54 ans Sexe : ♀ Race : Marquée Classe : Pirate On dit CAP’TAINE mon gars !! Pays d'origine : Daein o Description du Personnage : Caractère :
« Souquez ferme, matelots ! - Ah mais cap’taine, on peut pas, v’la la tempête qu’arrive à toute vapeur ! - Raaah, mais qui c’est qui m’a foutu des crétins pareils ? Par le cul des divinités, z’allez voir qu’on va souquer ! Cap à l’ouest, et qu’ça saute !! »
N’vas pas croire que j’me mets à nu comme ça par pure bonté d’âme. Il paraît que j’dois me présenter, pour faire plus « grande dame », si tu vois c’que j’veux dire. Enfin, j’vais pas vraiment dire que je l’suis, hein, grande dame. J’suis plutôt quelqu’un de sacrément chiant. Ouais mon gars ! Chiante, et tapageuse, et buveuse, et emmerdeuse, et tout c’que tu voudras ! J’suis même commandeuse !! COMMENT CA, ce mot n’existe pas ? Mais j’te permets point d’nous parler comme ça, nom de dieu (quel qu’il soit) ! C’était pour rimer. RI-MER. T’sais, comme la poésie. Tu dois avoir l’oreille dure, mon p’tit. Et ben ne comptes pas sur moi pour te consoler, aha ! Ouais, j’disais donc, avant qu’on n’m’interrompe subitement. Je suis chiante. J’écoute pas ce qu’on m’dit, j’ai plutôt tendance à faire ce que j’veux, surtout si je suis persuadée que j’suis dans mon droit. Car le Capitaine, en l’occurrence moi, a toujours raison mon p’tit !! Tou-jours, que ce soit clair. Donc, si tu veux v’nir sur mon bateau, t’as intérêt à te t’nir à carreaux, et surtout à m’obéir au doigt et à l’œil. Ouais, tu pourras remplir ce joli formulaire pour officialiser un peu tout ça. Mais j’te préviens, ça sert à rien. Juste pour avoir l’impression de faire les gens importants.
Mon second m’a dit que j’devais papoter avec les p’tits nouveaux, leur raconter qui j’suis. T’y crois p’tit gars, qu’il y a tellement de rumeurs sur moi que si on les entassait sur le bateau on ferait tout couler ? Bon, faut dire que j’le mérite un peu. Je suis tellement bruyante, une vraie gueularde. Lorsqu’on m’obéit pas, j’peux te jurer que ça chauffe. J’ai toujours détesté l’insubordination (sauf lorsqu’elle vient de moi, bien sûr, mais je suis une exception, j’ai tous les droits.). Quand je me mets à crier des ordres, faut que ça se fasse tout de suite. En fait, j’adore commander, t’y crois ça p’tit gars ? J’adore qu’on m’écoute attentivement, qu’on sente mon charisme merveilleux et la puissance de ma voix. J’aime qu’on m’dise « oui cap’taine » avec révérence. En fait, j’adore sentir le pouvoir que j’ai sur les hommes. Parce que tu sais, p’tit gars, c’pas facile d’être une femme. On s’fait bien souvent récrier, humilier. Si t’veux survivre, faut t’imposer aux hommes. Et ça, j’l’ai très bien fait j’pense.
Sinon j’aime bien la bonne bouffe, et l’alcool. Ouais, j’adore faire la fête après une bonne bataille, même si mes gars m’disent que j’suis un peu impudique quand j’suis bourrée. Mais on s’en fiche, hein ! Parce que les p’tiots, s’ils me touchent, ils savent qu’ils subiront… Mon… Courroux ! (j’ai toujours voulu utiliser c’mot d’vant quelqu’un). Ouais, parce que, tu vois p’tit gars, une des autres raisons pour laquelle j’me fais parfaitement obéir, c’est que j’me débrouille pour les subjuguer suffisamment pour qu’ils m’écoutent, mais pas assez pour les exciter. Car un homme excité n’est pas efficace. Ben oui, ça peut pas faire deux choses à la fois, un homme, c’bien connu. Alors, t’comprends p’tit gars ? Quoi, un amant sur l’bateau ? Nan mais ça va pas la tête, tu t’crois où ? Surtout que j’suis la seule femme à bord, alors tu penses que ça en f’rait du grabuge. Ah, non, beurk. Et puis t’sais, moi j’préfère les femmes. C’est plus rond, plus doux, plus gentil, plus sensible. Et puis, ça a une idée sur les sentiments plus souple et c’est moins jalouse qu’un homme. Alors j’ai quelques bonnes amies sur l’continent qui m’accueillent chaleureusement quand j’viens les visiter, et, j’vais t’dire, c’est amplement suffisant. Disons qu’l’adrénaline j’en ai à foison tous les jours.
Qu’est-ce que j’pourrais te dire d’autre sans que tu n’t’endormes comme une larve devant ta bière ? Un peu de nerf, que diantre ! Sois comme moi, énergique et attentif ! Le tout est de faire croire à l’autre que tu l’intéresses absolument, que c’est formidable de l’écouter parler tout seul, qu’il est très intelligent. Avec cette façon d’faire, t’vas voir, t’auras tout le monde à ta botte. Enfin, sauf tes ennemis bien sûr, parce que moi, quand quelqu’un me tape sur les nerfs, ben j’lui fais sentir. Très fort. Ma hache va droit dans leur petite tronche. Et qu’ils aillent tous se faire foutre, ces autres chefs qui pensent que j’ai pas mérité ma place dans c’monde. J’suis la Reine des Mers, et ça, personne ne m’le conteste, t’entends ? Personne. Physique :
« Quand j’me regarde dans le grand miroir de ma cabine personnelle, souvent, j’me dis ma vieille, t’es encore foutrement bien roulée. Ouais, parce que y’en a qui osent dire que les années en mer ça défraîchit le teint et ça gâte les dents, mais moi pour sûr, j’ai eu d’la chance ! Tout va bien dans le meilleur des mondes. »
Je suis assez grande pour être au niveau d’mes matelots. Ca doit faire, quoi. Plus d’un mètre quatre-vingts ? Bof, je sais plus exactement. Vous savez, à un moment on passe l’âge de se mesurer ! J’ai les gambettes longues et robustes, mais j’pense que ces adjectifs pourraient s’appliquer à mon corps tout entier. Ben ouais, mes hommes se désolent de m’voir manger comme quatre mais de rester sèche comme une branche ! Bon après, j’ai un peu de ces rondeurs qu’on nomme les attributs féminins. Faut dire qu’il faut des hanches larges pour ne pas s’casser la binette lorsqu’on manie la hache ! Et puis sinon, j’ai les seins bien ronds, qui n’tombent pas trop malgré l’exercice que je leur fait faire depuis toutes ces années (les pauvres petits). Mais j’m’égare, n’est-ce pas. J’parlais d’mes jambes, et voilà que j’brûle toutes les étapes ! Mais de toute manière, des jambes c’est des jambes, et j’les ai longues, musclées, les genoux un peu cagneux, les chevilles solides, les pieds bien plats, dont la plante est recouverte d’une épaisse corne à force de marcher pieds nus sur mon bateau chéri. Et puis, sur ma jambe gauche, le long d’mon fémur, y’a ma Marque. Une belle Marque noire, qu’on dirait ouvragée tellement les arabesques qui la composent sont jolies. La plupart du temps, les non initiés la prennent pour un joli tatouage. Heureusement, comme ça j’peux montrer mes gambettes sans trop de soucis.
Mes p’tits matelots aiment parler d’mon sacré popotin. J’l’ai pas spécialement bien gros, mais il paraît que j’ai la chute des reins tellement cambrée que, grands dieux ! ça m’fait un cul de tous les diables. Le contraste est d’autant plus grand que par devant, j’ai mes seins qui pointent, et le reste, c’est plat ! A force d’aider à tirer des cordes, monter des voiles, gueuler des ordres, j’vous assure que les abdominaux deviennent aussi solides que d’la pierre, et que le ventre se fait plat comme une limande. En tant que grande osseuse, j’ai les articulations assez visibles, tout comme mes sacrées clavicules, qu’on pourrait souligner au graphite sans remarquer de différence de saillance. La même pour mes omoplates, mes coudes, et mes mains ! Grandes, avec une large paume et des doigts solides en patte d’araignée, terminés par de longs ongles pointus que j’peins de plusieurs couleurs, lorsqu’il me reste un peu d’vernis. C’est l’genre de truc qui disparaît vite sur un bateau, pour peu qu’un de tes matelots se soit fiancé avant d’partir. Enfin, j’ai un cou long, si long ! qu’on croirait qu’il ne s’termine pas. Mais si, mais si. Sagement posé dessus, il y a ma gentille tête.
C’t’une tête quoi, avec le visage ovale, et un menton pointu. J’ai aussi un nez ridicule, tout petit, tout étroit. Parfois, mes gars se d’mandent comment j’fais pour respirer. Alors j’leur gueule que j’ai des branchies cachées, et puis c’est tout. J’ai les lèvres grandes, carmin, la supérieure plus épaisse que l’inférieure. Y paraît que ça m’donne un de ces airs dédaigneux de grande noble ! C’est point pour m’déplaire, ce doit être rigolo d’imiter une noble coincée faisant la moue. Sinon, j’ai hérité des jolis yeux de ma petite mère, presque noirs sur les bords de l’iris, devenant peu à peu dorés en s’rapprochant de la pupille. Ils sont ombrés par un maquillage que je m’refais tous les matins, à l’envie. Et puis j’ai les cils longs. Très longs. C’est très énervant lorsqu’il vous en tombe toujours un au coin de l’œil alors que vous tentez d’vous concentrer sur vot’ longue vue et sur l’horizon. Et puis mes cheveux, enfin, c’est un grand foutoir. Déjà, ils sont très longs. Ils m’arrivent au moins mi-cuisse, les chancres. C’est pas pour m’déplaire, sinon j’les couperais, mais cela demande un sacré nom d’entretien journalier ! Et puis, vous savez, un jour, j’me suis réveillée, et ils étaient devenus presque blancs ! Sauf une pauvre petite mèche restée marron, qui me tombe encore sur le front. Mais j’vous raconterai ça plus en détail, patience.
Je trouve que j’utilise pleins de mots compliqués, aujourd’hui. C’pour faire du bien à mon cerveau, il en a besoin j’pense. Les matelots sont pas des lumières. Bon, il manque quoi ? Ah ! Les vêtements. Bien sûr. Pour ça, c’pas bien compliqué : ça fait des années que j’récupère les tissus qui m’plaisent dans les butins, et que j’me couds ma p’tite garde robe, quand j’ai l’temps. C’est un sacré passe-temps ! Et ça donne des résultats originaux. Bon bien sûr, je m’permets des extravagances, mais on m’verra bien plus souvent avec de solides vêtements pour affronter les marées qu’avec mes beaux habits que j’me couds avec amour et patience. Il n’empêche que j’adore enfiler ces belles parures, coiffer mes cheveux, mettre un grand chapeau… Mais j’préfère quand même aller éventrer une ou deux personnes à coup de hache. Allez, enfile tes bottes ma grande ! Ton corps de rêve doit s’plier à la dure loi du labeur. Il est cinq heures : au travail ! Passé : Ma mère m’a mise à bas dans un coin d’rue, à la pointe du jour, alors que les marins commençaient à s’affairer dans ce petit port malpropre de cette petite ville paumée de Daein. J’utilise « mettre à bas », parce que c’est vraiment l’verbe le plus approprié. Vous savez, ma mère, c’tait un gentil petit chat Laguz, qui a été enlevée je n’sais plus quand (avant les guerres très certainement, sinon l’âge ne concorde pas vraiment, hum.), par des marchands d’esclaves ou un truc dans l’genre. Elle est devenue catin dans Daein, mais comme personne ne voulait d’une Laguz elle a fini par s’échouer dans c’te petite ville de rien du tout, cachant ses attributs animaux lorsqu’elle allait faire le trottoir. Et puis un jour, fallait bien que ça arrive, elle est tombée enceinte. Oh, elle l’a senti, j’peux t’le dire, d’un coup elle s’est trouvée toute aspirée, et puis pof ! Plus d’pouvoirs. Plus d’Laguz en elle. Elle m’a portée pendant ces neuf mois, et finalement, elle m’a éjectée rapidement, puis est allée mourir de chagrin quelque part. De quoi, comment je sais tout ça ? Ben, j’vais te dire, c’est parce que j’ai eu bien d’la chance : un gamin des rues qui aimait bien ma mère, et était son confident, s’est occupé de moi les premières années d’ma vie. Bon, il m’a élevée un peu à l’arrache, vu que lui-même avait perdu ses parents très jeune. Mais il paraît que j’étais une bonne petiote. Pas très grande et pas très vive, mais gentille.
Tout l’monde savait, dans not’ petite ville, que j’étais une Marquée. Mais tout l’monde s’en fichait comme de sa première chaussette, à vrai dire. Tant que je restais dans les rues et que je ne foutais pas trop le grabuge, on me tolérait. Disons que j’étais pas pire que les autres gamins des rues, alors bon. Mais par contre, on m’conseillait vivement de ne pas trop dire aux inconnus qui j’étais. Il pourrait m’arriver des broutilles, qu’on m’disait. J’faisais pas vraiment dans la grande truanderie. Au début, avec mes copains, je chapardais un peu sur les étals des marchands pour trouver de quoi manger. Une fois de temps en temps, on faisait des blagues sur la grand ‘place, et on allait tirer les jupes des dames pour faire rire les messieurs. C’tait pas bien méchant. Sinon, on faisait des p’tits boulots, on vendait des trucs, on cirait des chaussures, on aidait les passants à porter des trucs lourds. Puis, à chaque fin de mois, on récoltait les sous restants, et on faisait de grandes fêtes, avec tous les enfants des rues. C’était sacrément chouette. J’en verserais presque une larme, quelle belle époque, franchement. Moi, j’ai pas grandi très vite. Alors jusqu’à ma puberté (et boudiou ! Elle est pas venue vite celle-là), et ben j’allais cueillir des fleurs pour les vendre, et j’aidais à faire la cuisine pour les fêtes de fin de mois. De toute manière, les copains n’étaient pas inquiets pour moi. Parfois, lorsque j’avais le mouron, y’en avait un qui venait me gratter la tête, et qui m’gratifiait d’un sourire d’une oreille à l’autre, puis qui m’disait :
« T’en fais donc pas, Mon’, t’verras quand tu s’ras grande, tu s’ras super grande ! Et super forte ! Et super belle ! »
Quand ils m’disaient ces mots, j’devenais toute rouge, toute contente. Et je m’plaignais plus du tout. Il n’empêche que ça m’embêtait un peu d’me voir si p’tiote alors que toutes les copines devenaient grandes et belles, avec des seins et des hanches. Un jour, j’ai vu une robe de toute beauté dans un p’tit magasin. Et je l’ai voulue. Oh ! Qu’elle me faisait envie. Mais elle était bien chère, et les parents, j’en n’avais pas. J’pouvais pas me l’acheter, même en économisant beaucoup. Et puis, il n’y en avait qu’une seule, j’avais aucun espoir. A c’moment-là, j’étais avec ma meilleure amie. Elle a bien vu, la gamine, comment j’la voulais cette robe. Alors elle m’a pris par les épaules, et puis elle m’a fait :
« Ecoute Moneta, on va regarder comment elle est faite, cette robe, et puis on va t’faire la même. D’accord ? »
Oh ben oui alors ! Que j’lui ai répondu, lui sautant au cou. Parce que, la robe, on pouvait pas l’acheter, mais les tissus, on pouvait ! Bon, de moins bonne qualité, mais l’marchand du jeudi, qui vient nous voir pour nous vendre que quoi faire nos guenilles, il nous a fait un prix pour les jolis tissus que j’demandais. Par contre en échange, j’devais l’aider un peu à la cueillette des fraises qui allait bientôt commencer. Pour ça, j’étais forte à la cueillette des fraises ! On n’a pas besoin d’être grand, juste endurant. Et endurante, je l’étais sacrément ! Alors c’était un marché conclu, et j’ai obtenu mes beaux tissus. Avec Tricia, ma meilleure amie, on s’est confectionné deux robes (on avait juste assez d’tissu, quelle chance !), que l’on trouvait avec beaucoup d’sincérité bien plus belles que celle de la boutique. C’était sacrément chouette. On les gardait précieusement, on n’les sortait que pour les fêtes de fin du mois.
Et puis un jour, âgée de quinze printemps, vêtue de ma jolie robe (ai-je oublié d’préciser qu’elle était blanche ?), devinez quoi. Ben oui, vous d’vinez bien. Ouh, ça m’a vexée. La robe, fichue. Et devant tout l’monde en plus. Je crois que je suis dev’nue encore plus rouge que la jolie tache qui était apparue. J’suis allée m’cacher dans la pièce que j’partageais avec trois autres filles dans un bâtiment qui nous servait d’grande maison, j’ai enl’vé ma robe et puis j’ai essayé d’réparer un peu les dégâts. Mais rien à faire, c’était fichu. J’étais triste, mais alors là, triste ! Et puis, Tricia, elle est rentrée dans la chambre. Elle m’a regardée de haut en bas, la peau blanche, les cheveux bruns en bataille sur la poitrine toute plate, l’air renfrogné, le cadavre de la robe sur les jambes. Et elle a éclaté de rire. Je détestais quand elle faisait ça.
« Ben alors, c’est pas grave, on en fera d’autres, des robes. T’es pas contente ? - Contente de quoi ? J’pisse le sang, j’ai mal au bide, j’viens de détruire ma robe. - Ben, juste contente. Tu vas grandir maintenant. C’est l’docteur qui m’l’a dit quand j’suis venu lui demander quelles herbes utiliser pour avoir moins mal au ventre. »
Je crois que j’ai r’gardé Tricia avec des yeux de merlan frit, parce qu’elle a ri encore plus fort. J’le savais pas, moi, qu’on grandissait après ça ! Ou alors, on m’l’avais déjà dit, mais j’avais oublié, pff. Ben pour sûr, j’étais contente ! J’avais super mal, mais j’étais sacrément contente. Et puis, Tricia, sournoisement (elle était sacrément sournoise cette fille), elle s’est approchée, et elle m’a collé un baiser sur les lèvres, tout léger. A peine arrivé, tout de suite reparti. Elle est d’ailleurs sortie immédiatement après. J’suis restée toute seule, un peu bêta, sur mon lit, sans bouger, me d’mandant bien c’qui m’était arrivé. Les semaines suivantes, je n’ai pas vraiment senti de changement dans mon corps. J’suis allée voir le médecin, qui m’a dit que j’devais encore attendre un peu, que ça n’saurait tarder. Et puis, en attendant, Tricia continuait de m’tourner autour. Oh ! C’était pas méchant, mais c’était un peu bizarre, nan ? On avait bien des copains qui faisaient de gentils petits couples avec des copines (une ou deux étaient enceintes d’ailleurs), mais, deux copines ? C’était étraaaaange. Je comprenais pas bien. Et puis, au fil des mois, pouf ! J’me suis mise à grandir à toute allure ! J’me suis retrouvée avec des seins, des fesses, et des jambes de trois lieues d’long ! C’était incroyable. J’étais presque dev’nue l’attraction du village, tellement je changeais vite. Si un marchand partait plus d’un mois, lorsqu’il revn’ait et qu’il me voyait, il n’en croyait pas ses mirettes. Je dois dire que c’tait vraiment très drôle. J’devais avoir, quoi. Quinze ans ! Moi, la p’tiote qu’on avait du mal à retrouver dans la foule, maintenant on ne voyait que moi lorsque je haranguais pour vendre mes mignonnes petites fleurs. Avec les copains, on s’est dit que c’tait plus vraiment un bon métier pour moi. Que j’devais faire des trucs qui correspondaient plus à mes capacités physiques. Alors on s’est creusé la tête.
Tricia a proposé que j’l’aide à faire serveuse dans l’auberge du village. L’patron avait besoin de quelqu’un, et les filles « comme il faut » avaient pas envie de faire ce genre de truc. Moi j’m’en foutais un peu, à vrai dire. Alors ni une ni deux, me voilà avec une robe courte, des tresses pour mes longs cheveux, un plateau à boissons, et on y va ! C’était rigolo. Bon, les clients ont vite compris qu’il valait mieux pour eux qu’ils ne me pincent pas les fesses ou le bout d’un téton, sinon ça bardait. Le patron s’plaignait que j’amochais trop certains clients. J’lui répondais que j’avais bien l’droit de m’protéger des sales types. Mais parfois, entre deux services, Tricia me tripotait un peu. Elle, je la laissais faire. C’était plus gentil. On formait un joli petit couple, je pense. Not’relation était assez bizarre, quelque chose entre l’amitié et l’amour. Enfin, chais pas si c’est comme ça pour les autres, vu que j’ai jamais essayé d’homme. Enfin si, peut-être une ou deux fois, et ça m’a pas vraiment plu. Enfin bref. C’est avec elle que j’ai tout fait pour la première fois. C’tait un peu émouvant, quand même. Elle avait deux ans de plus que moi, et un peu plus d’expérience en la matière. J’dois dire que j’avais même bien peur. Mais quand on est lancé, ça va vite, ça s’apprend. Nos copains, ils nous trouvaient mignonnes. Mais certains villageois étaient un peu choqués. On s’en fichait. C’était rigolo. On faisait exprès de s’embrasser devant les vieilles femmes qui sortaient des chapelles. Ou on se disait des mots doux sous la chambre de jeunes mariés. Ou on faisait des sous-entendus salaces pendant la criée au marché. Oui, c’était vraiment drôle. Mais comme toutes les belles histoires, ça se termine au bout d’un moment.
J’avais dix-huit ans. J’me réveillais d’une nuit mouvementée et joyeuse. J’étais (à nouveau) en r’tard pour le boulot. Le patron allait gueuler. Tricia me faisait souvent l’coup : se l’ver avant moi pour me faire une blague en arrivant à l’auberge. Je me suis levée, un peu nettoyée, j’ai enfilé ma t’nue de travail, et me voilà partie. Donc je marchais, les oiseaux chantaient, le soleil brillait, c’était merveilleux. Puis me voilà avisant une drôle de troupe devant l’auberge. Je me suis pointée, me demandant bien ce qui s’passait. Les gens étaient agglutinés autour de quelque chose. J’suis allée trouver l’patron qui m’a regardée avec un air de chien battu. J’ai voulu voir c’que les gens regardaient. C’était Tricia, ma Tricia qui nageait dans son sang, l’arrière du crâne vilainement aplati, avec des morceaux d’cervelle sur ses vêtements d’serveuse. Le patron a posé ses grosses paluches sur mes épaules.
« Un client a passé la nuit à se soûler près de la porte de l’auberge. Quand Tricia est arrivée ce matin pour tout ouvrir, elle lui a demandé de libérer le passage. Il s’est fâché, et lui a collé sa bouteille vide sur le crâne. Il n’a pas dû y aller de main morte. »
Le patron m’a fait entrer dans l’auberge, et m’a servi un p’tit remontant, pendant qu’les autorités emportaient le corps de ma gentille amie. Les copains étaient venus demander si on pouvait l’enterrer dans l’cimetière public. Les gens importants leur ont dit que oui, car, même si c’était un sacré numéro, tout le monde aimait bien Tricia. Et moi, ben j’restais là, dans l’auberge, puis d’vant la tombe au cimetière, puis dans ma chambre vide. C’tait bien triste. J’arrivais plus à dire un seul mot. J’regardais des trucs qui me f’saient penser à elle. Des petits dessins jolis. Des robes qu’on avait cousues ensemble. Un bouquet d’fleurs qu’elle avait cueilli la veille. Je crois que j’l’aimais vraiment beaucoup. C’tait étrange, de s’dire que j’n’allais plus entendre son p’tit rire mesquin, voir son sourire moqueur, sentir ses p’tites caresses et ses p’tits baisers. Je me suis endormie sans penser à rien. Le lendemain, mes cheveux étaient dev’nus blancs. Blancs comme la neige, blanc comme le grand vide qui m’remplissait. Sauf une p’tite mèche sur mon front, qu’était restée bien brune. C’tait une petite mèche rebelle que Tricia adorait tripoter après avoir fait l’amour. Je me suis dit : Moneta, cette petite mèche, elle est là pour te rappeler que tu dois pas être triste, que tu dois continuer à t’battre, à vivre. Parce que, Tricia, elle t’en aurait foutu une, de sacrée raclée, pour t’être fait du mouron comme ça jusqu’à en perdre la couleur de tes ch’veux. T’es bien stupide. Alors ni une ni deux, j’ai enfilé un marcel, un pantalon, des bottes, j’ai foutu quelques trucs dans un baluchon, j’ai fait un gros chignon avec mes cheveux trop longs, trop blancs, et puis j’suis partie à l’aube. Les gens ne m’ont pas reconnue. Malgré ma grande taille, j’suis passée dans la ville comme une inconnue. Puis, j’suis arrivée au port. J’me suis avancé vers le premier bateau qu’j’ai vu, Le Fer, où un grand mec coiffé d’un tricorne énorme houspillait ses pov’ matelots. J’l’ai interpellé.
« Hey, Cap’taine, vous partez bientôt ? - Hey ma petite dame ! Si c’est pour fuguer avec votre amoureux, j’ai bien peur de n’pas avoir de place ! De toute manière, on n’part pas bientôt, mais maintenant. -Hum, l’amour j’en n’ai plus. A défaut vous prenez un matelot d’plus ? Sauf si vous avez peur des filles bien sûr. - Muwahaha, j’l’aime bien c’te p’tiote ! Allez, on l’embarque ! - Mais Cap’taine, c’est une fille ! - Et alors, t’as écouté c’qu’elle a dit ? Tu vas pas avoir peur d’une gamine, mon gars ! Surtout qu’avec un physique comme ça, t’vas voir qu’elle sera pas à la traîne pour souquer ! Allez, on n’dis rien, on y va ! A vos postes ! »
Ni une ni deux, je m’élance sur le bateau, je remercie le capitaine d’un hochement d’tête, je jette mon baluchon dans un coin, et j’aide les matelots à lancer le navire à toute berzingue à travers l’océan. A moi la liberté !! Nan, ça fait trop cliché comme phrase, hein. C’était l’aventure, la mer. J’avais jamais vu ça. Le p’tit vent qui te caresse la joue, le sel sur le bout du nez, les cris des hommes en train d’chahuter et de s’occuper du bateau, vérifiant si tout est bien, le cap’taine à la barre qui gueule ses ordres d’une voix de stentor… Le Capitaine, d’ailleurs, c’était un sacré numéro. Cap’taine Henrock, qu’il s’appelait. Lorsqu’il lançait ses directives, le bateau tremblait. On avait l’impression qu’il faisait peur au tonnerre et aux orages. Lorsqu’il voyait des nuages arriver, il allait s’percher au-dessus d’une des voiles, il s’accrochait au mât, et chantait de toute la force de ses poumons, pendant un temps qu’on n’pouvait pas compter tant ça nous ahurissait. Puis, lorsqu’il redescendait, y’avait plus un seul nuage. J’me suis toujours demandé si c’était de la magie, ou si not’ Capt’aine avait une chance de cocu. Quand j’lui demandais, il s’mettait à rire aux éclats, puis y m’répondait que de toute manière, vu le nombre de femmes qu’il avait, ça n’l’étonnerait pas si elles le trompaient toutes. Ca m’faisait bien rire. L’équipage était sympa. J’ai vite mis le holà sur ceux qui tentaient des approches trop poussées, puis ils se sont mis à me respecter pas comme une femme, mais comme un camarade. C’était chouette. Un jour, le cap’taine (qui m’avait un peu à la botte quand même), est v’nu m’trouver. « Alors mon cœur, il paraît que tu n’sais pas manier d’arme. Si t’es pirate, va falloir que tu t’y mettes fissa ! Pour l’instant on t’a préservée bien soigneusement pendant les attaques, mais maintenant va falloir mettre la main à la pâte, tu n’penses pas ? »
Il aimait bien m’appeler mon cœur, le cap’taine. J’sais pas pourquoi, ça lui f’sait plaisir. Un jour, j’lui avait raconté pourquoi j’m’étais engagée sur son bateau, et depuis, il m’appelait comme ça. Et donc, il m’a traînée dans une salle de la cale où étaient entreposées tout plein d’armes. Il m’a demandé d’en choisir une qui m’plaisait. Il y avait de tout. Des épées, des arcs, des lances, des haches, des boulets d’canon… J’ai même vu un beau pistolet, mais l’Cap’taine m’a interdit d’y toucher. Puis j’me suis retrouvée devant une grande hache. Vraiment grande. Elle m’arrivait à l’épaule, possédait un long manche et une double lame. J’me demandais bien en quoi elle était faite. Elle était lourde, et difficile à manier. Mais j’avais l’impression d’comprendre comment cette arme fonctionnait. Comment elle voulait bouger. Je sais pas si vous voyez c’que j’veux dire. J’me suis retournée, et j’ai montré la hache au Cap’taine. Il a eu un p’tit blanc, puis a souri dans sa grosse barbe rousse. « Ah, ça n’m’étonne pas de toi mon cœur. Cette hache s’appelle Orchak. T’as intérêt à en prendre soin. Et de toute manière, à partir d’aujourd’hui, tous les jours, tu vas t’entraîner à mort, jusqu’à ce que tu sois capable de la manier à la perfection. Tous les jours, tu m’entends bien ? Tu n’fais plus rien au bateau. Du matin au soir, tu t’entraînes. J’ferai tourner des gars qui t’apprendront à combattre. Je te jure que tu n’auras pas cette hache à toi seule tant que tu ne comprendras pas à quel point combattre peut être important. Compris mon cœur ? »
Je hochai la tête avec difficultés. Ce fut long. Ce fut sacrément dur. J’en utilise même du passé simple tant j’ai été traumatisée, t’as vu ? Mais il avait raison, le Cap’taine. Je me suis entraînée d’arrache-pied. J’ai failli m’arracher un pied avec la hache, une fois, d’ailleurs. Les matelots venaient et r’partaient, s’efforçaient de me mettre dans le crâne les passes et façons de manier la hache. Parfois, y’en avait qui utilisaient une autre arme, qui venaient vérifier comment j’me débrouillais au combat. Au fur et à mesure, j’ai compris toute la subtilité d’un maniement efficace de la hache. Tout n’est pas dans la musculature, non monsieur ! Le secret réside dans les appuis, la connaissance de son propre corps ! Quand tu sais où tu tombes, où tu ne tombes pas, où tu frappes, quand tu frappes, avec quelle force, le tour est joué ! Mais après, même si l’esprit reste vif là-dessus, faut bien forcer l’corps. Et ça, ce fut pas une mince affaire. Avec une arme plus légère, les réflexes seraient venus plus vite. Mais là, il fallait anticiper pour bien placer son mouvement, savoir ce qu’allait faire l’adversaire, où qu’il allait esquiver. Je sais pas combien de temps le Cap’taine m’a forcée à bosser. Longtemps, j’pense. Je comptais plus les heures. J’mangeais parfois, j’dormais parfois. Mais c’était bien. J’étais concentrée, j’oubliais un peu ma douleur. Parce que le matin, quand j’me réveillais, et que j’voyais mes cheveux blancs, comme ça, posés sur mes bras, mes épaules, mon ventre qu’elle n’embrasserait plus, j’me sentais vraiment triste. La hache au moins me permettait d’effacer, petit à petit.
Puis, j’ai décidé que j’étais prête. Et prête, je l’étais sacrément. Quelques jours plus tard, on a attaqué un bateau pirate rival. Je suis arrivée comme une furie à l’abordage, tenant la corde d’une main et ma hache dans l’autre. J’ai fauché nos p’tits adversaires comme du blé mûr. La vue du sang m’émoustillait, et plus j’en tuais, plus j’étais heureuse et fière d’avoir tant travaillé. Je n’laissais rien passer à travers ma garde. C’était vraiment, vraiment génial. Même le Cap’taine avait sifflé d’admiration à la fin du combat. J’étais fière de moi. Pendant des années, j’suis restée fidèle au poste. Les compagnons tombaient autour de moi, se f’saient charcuter, partaient se marier, mais moi, je restais là, avec le Cap’taine. Il a fini par me nommer sa seconde. Personne n’en croyait ses oreilles, pour sûr ! Quoi, une femme, second ? Pas possible. Impensable. Mais ceux-là, j’leur ai foutu une bonne raclée, et ils se la sont fermée. J’me souviens, un soir, le Cap’taine est venu papoter avec moi. Il aimait bien faire ça. Il se pointait après l’dîner, on parlait jusqu’à pas d’heure de choses et d’autres, puis on allait s’coucher. Ce soir-là, il avait apporté une bonne bouteille de rhum. Il m’en a servi une bonne bolée. J’ai empoigné mon verre d’une main, et je m’suis gratté la jambe gauche du bout d’l’ongle de l’autre main. Il s’est un peu penché, et il m’a fait :
« Dis-moi Moneta, si je meurs, qu’est-ce que tu feras ? - Ben, j’vous remplacerai, j’suppose. - Parce que tu vois mon cœur, je commence à m’sentir vieux. J’avais déjà perdu une jambe jeune, voilà que ya quelques mois je perds un bras… Et en plus, les années pèsent lourd. Déjà soixante ans ! Tu te rends compte qua ça fait plus de douze ans qu’on s’connaît. - Ouaip. » J’ai pas ajouté autre chose, il aimait bien radoter un peu comme ça. « Et toi, tu n’as pas pris une ride. Oh, ton visage s’est un peu creusé, mais à peine. On dirait la même. » Je sirotais mon rhum en l’écoutant avec attention. Mmh, il avait p’têtre fini par se rendre compte, au bout de tout c’temps. Il pointa le tatouage sur ma jambe gauche nue de son crochet tout neuf. « Ca. C’est une Marque, non ? - … Vous avez mis longtemps à vous en rendre compte, Cap’taine. - Mouais, j’me disais bien. » Un vague instant, je m’suis demandé comment il allait réagir. Je savais pas du tout c’que le Cap’taine pensait de tout ça, les Laguz, les Beorcs, les Marqués… J’ai attendu pour voir. Puis le vieux s’est levé d’un coup, et m’a serrée très paternellement dans ses bras. C’était émouvant. « Bon, et bien c’est décidé, lorsque je clamse, tu m’remplaces ! Tu vas me succéder pendant longtemps, vraiment longtemps, j’en suis sûr. Je suis heureux. » Je lui tapotai le dos gentiment. Il était gentil ce Cap’taine, mais l’âge le rendait un peu trop papy gâteau. On a terminé nos verres, et puis on est allés se coucher.
J’pense que c’est pas bien d’parler d’la mort avec quelqu’un. Parce que, dans la même année, un abordage a mal tourné, et notre Cap’taine s’est pris un sacré coup d’lance en plein cœur, et il est mort. D’un coup, paf. On s’est bien vengés, on a laminé nos adversaires. Mais ça restait la même chose. Notre Cap’taine était mort. Alors on a brisé le sceau de ses dernières volontés (qu’on a eu un mal de chien à trouver dans le foutoir de sa cabine), on a découvert ce qu’il voulait de moi, et on m’a nommée Capitaine. Sans discussion. Aah, voilà qui était bien. J’me suis sentie très puissante, soudainement. C’était agréable. Qu’est-ce que je dis ! C’était jouissif. Lorsqu’ils ont mis le chapeau trop grand du Cap’taine sur ma tête et qu’ils m’ont fait prendre la barre, c’était presque aussi fort qu’un orgasme, j’dirais. C’était tout juste merveilleux. Et c’était parti.
On n’s’est pas fait un nom tout d’suite. Mais on attaquait tant et si bien, on choisissait avec tant de soin qui charcuter, on s’enfuyait tellement bien, qu’on n’a pas tardé à attirer l’attention. Mes matelots, qui étaient de gentils gars, ont décidé de m’appeler la Reine des Mers. Alors quand on faisait une petite escale pour s’approvisionner, ils allaient dans les tavernes et ils parlaient de nos merveilleux exploits en mer. Mes ennemis préféraient m’appeler Orchack, comme ma hache. Elle devait les faire frissonner. Parfois je m’demandais s’ils ne faisaient pas un complexe d’infériorité par rapport à la taille de mon arme. J’me disais que c’était vraiment pitoyable, et dans ces moments j’étais bien contente d’aimer les femmes. Au fil des années, j’ai fini par endurer la perte de ma petite Tricia. J’ai rencontré d’autres filles bien gentilles, j’en ai abandonné beaucoup, mais d’autres m’ouvrent toujours leur porte quand je viens leur dire bonjour. Le plus drôle, je pense que c’étaient les conversations lorsque j’étais bourrée avec mes matelots. Ils me demandaient comment on faisait « ça » entre femmes. Je crois qu’les plus jeunes en profitaient même pour me d’mander comment on faisait « ça » tout court, le mieux possible, ce que les femmes préféraient. C’était vraiment drôle, puisque j’répondais à toutes les questions, et avec les détails je vous prie ! Mais lorsque je commençais à me déshabiller, mes matelots me ramenaient dans ma cabine, me foutaient au lit, m’aspergeaient d’eau froide, me collaient un baiser sur le front, et ils étaient repartis. C’était de bien gentil matelots. Tous des anciens, qui avaient connu Cap’taine Henrock, et qui lui avaient même survécu, les sacrés diables.
Vous savez, ça fait plus de 35 ans que j’voyage en mer. J’ai tout vu. J’ai vu des îles abandonnées peuplées d’oiseaux multicolores. J’ai vu des pirates de toute sortes, des loyaux, des traîtres, des couturés de partout, des tout petits jeunes… J’ai vu tous les pays, j’ai vu les dragons voler au-dessus de leur forteresse, les pégases sauvages de Criméa courant sur une plage, j’ai vu les meilleurs forgerons d’armes, les plus riches naufragés, j’ai vu les plus jolis villages de côtes détruits. Je pense avoir vu le Kraken une fois, mais j’suis pas folle, on a fui toutes voiles dehors. Mais de ce que j’ai vu, j’pense bien que ce qui m’a fait le plus de mal, ce sont les guerres. Tu sais, les guerres, c’est pas drôle. Je les ai vues, les deux. J’y ai perdu des compagnons chers. Ces guerres qui ont tout ravagé, tous les royaumes. Deux, en plus ! Deux. A la fin de la première, on pensait que ça ne pouvait pas être pire. On pensait que c’était fini, que le monde était libre, enfin libre. Mais non, non. Il a fallu que ça continue encore. Tu m’diras, mais ma p’tite dame, en temps d’guerre, tu dois être bien contente et te remplir les poches ! Ben de un, non, parce que tout le monde est appauvri, et de deux, j’suis p’têtre pirate, mais j’suis pas sans cœur ! Et j’pense que la guerre pour le seul motif de la différence, c’est nul. Enfin, j’dis ça mais je charcute ceux qui sont pas en accord avec moi, alors où est la différence, on s’le d’mande.
C’est pendant la deuxième guerre que mon existence a plus ou moins éclaté au grand jour. Avant, c’était surtout la piraterie, les marchands, les marins, bref, ceux habitués à naviguer, qui m’connaissaient. Quelques guildes de mercenaires m’avaient proposé de m’envoyer des hommes, ou encore de leur rendre un service. Les bateaux pirates dont le capitaine était en désaccord avec moi avaient tendance à nous fuir à vue, dès qu’ils apercevaient Le Fer. Mais on n’me connaissait pas vraiment au-delà des ports, sur le continent. On avait décidé d’être neutres pendant la guerre. C’était déjà assez difficile sur le bateau, puisque j’avais quelques Laguz et Marqués dans l’équipage. Ils m’avaient sentie, j’pense. Il fallait calmer les tensions entre les matelots. Ca n’a pas été insurmontable, puisque je faisais bien attention à la cohésion dans l’équipage, et à la confiance que chaque gars avait en l’autre. Alors on a fait un deal. On a décidé qu’on envahirait les villages des côtes qui seraient touchés par la guerre, pour essayer d’grappiller un peu. Laguz comme Beorc, bien sûr, le village. Tout l’monde était content, c’était parti. J’te raconte pas l’truc. On a commencé à faire notre petit marché. Parfois on s’faisait méchamment repousser par les survivants, on s’faisait même rejeter, on d’vait battre en r’traite ! Mais d’autres fois, et c’est là qu’c’est incroyable, quelques personnes ont voulu v’nir sur mon bateau. J’te jure ! Mon bateau, à moi. Ils étaient prêts à foutre leur vie en l’air (quoique c’tait déjà fait, hein), et à dev’nir pirate, pour avoir l’impression d’faire quelque chose.
Moi, pendant c’te guerre, j’l’ai dit, j’ai perdu beaucoup d’compagnons. Tout mes anciens camarades de l’époque du Cap’taine Henrock sont morts de vieillesse ou pendant les combats. De la vrai chair à canon, mon pauvre, pauvre équipage. Alors j’avais besoin de matelots frais. Les moussaillons se jetaient corps et âmes dans la mêlée, où que j’leur demande d’aller. Ils n’hésitaient pas à attaquer, charcuter, me vendre leur âme, pour pouvoir oublier qu’au dehors, ils n’avaient plus rien. Ceux qui ont survécu sont encore près de moi à c’jour. Et au fur et à m’sure, le bruit a commencé à courir qu’une Cap’taine merveilleusement belle recrutait pour son équipage, allant d’une incroyable aventure à une autre. C’était pas vrai, bien sûr, mais on sait comment vont les ragots. J’avais des gamins qui m’arrivaient des quatre coins du continent à chaque fois qu’on accostait à un port. C’tait pas possible, quoi.
Puis, la guerre s’est terminée. J’ n’faisais plus dans l’bénévolat du recrutement sur fond de village en ruines, mais j’avais toujours autant de demandes de la part de moussaillons plus ou moins jeunes, plus ou moins doués. C’tait pas drôle tous les jours, c’tait pas la joie de devoir survivre sur tous les fronts, puisque personne n’aime vraiment les pirates. Mais final’ment, j’crois qu’être pirate, c’est être très libre. Ceux qui viennent à moi, ils veulent juste goûter un peu à c’te liberté. J’suis pas bien sûre de pouvoir leur offrir, mais, grand dieux, si y’a quelque chose de certain dans c’bas monde qui tombe à nouveau dans les horreurs de la guerre, c’est que la Reine des Mers est toujours, encore là, et qu’elle continuera à mener fièrement son bateau et ses hommes jusqu’à ce qu’elle crève. Et encore si elle crève, elle pourrait bien rester hanter un peu ce monde pourri. Comment avez-vous connu le forum ? : Hélène =D Expérience du Role-Play: Cinq ans. - Spoiler:
J'ai hésité pour le NC, mais sait-on jamais, la langue bien pendue de Moneta pourrait en choquer certains.
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