5 ans... 5 ans d'une paix presque réelle, sans trop de conflits notables, laissant penser à une accalmie totale. Mais ce ne fut qu'une brève illusion, promesse de tranquilité à présent brisée et effacée suite à cette vague de meurtres inexpliqués. Des pertes autant du côté Laguz que Beorc. Et aucun coupable connu. Ne sachant que faire, les foules prennent peur, cherchent quelqu'un à accuser. Et quoi de plus simple que de porter toute la culpabilité sur son ennemi de toujours? C'est ce que firent les deux peuples, s'accusant mutuellement de ces crimes sanglants, créant de nouvelles tensions, qui risquent bien d'aboutir sur un nouveau conflit de grande envergure. Et malgré tout, une nouvelle guerre ne permettra pas de trouver le ou les véritables coupables, c'est bien évident... Et si dommage. Dire que la paix avait presque réussi à se faire une place solide sur Tellius... Ce constat en décevait et chagrinait plus d'uns. Tant de monde espérait pouvoir enfin vivre en toute tranquilité, que ce soit dans une grande capitale telle Sienne ou dans un petit village paysan de la région de Daein. Mais tout cela risquait d'être relégué au chapitre des souvenirs et espérances brisées, au vu des événements qui se profilaient actuellement... Que faire dans ce cas? Il est bien difficile de le savoir, alors pour le moment... Espérons. Oui, le seul mot qui était en vigueur dans de nombreux coeurs était bien celui-ci. Espoir.

***

Ces pensées, elle les avait maintes fois ressassées, tournées et retournées dans son esprit. Mais pas une seule fois elle n'avait abouti à quelque chose de vraiment positif... C'était décourageant, et d'ailleurs, bien embêtant, car la demoiselle en question était plutôt du genre éternellement joyeuse, avec option fêtarde. Pas du tout du genre à se morfondre sur son sort, donc. Mais là... Pas moyen de voir quelque de bien joyeux suite aux derniers événements... C'était même tout le contraire... Constat plutôt fâcheux pour Maleen, une corbeau exilée de Kilvas, errant de-ci de-là sur le continent de Tellius... Et depuis le temps que durait son errance, elle en avait vu des choses, et pas forcément très belles ou encourageantes. Cela dit, elle avait également rencontré quelques personnes, quoi qu’elle ne les avait pas côtoyés bien longtemps. Mais qu’importe, cela restait tout de même une expérience enrichissante, surtout pour elle, qui vagabondait sans cesse, et donc, sans réels amis ou contacts réguliers. Il y avait eu ce Beorc à la remarquable chevelure verdoyante (détail qui l’avait marquée et qu’elle avait sans peine retenu...), tout d’abord méfiant envers le bien fondé de ses actions; avec lui, deux autres personne. Un dragon de Goldoa, qui avait semblé bien plus confiant, et finalement, un autre Laguz, blessé et inconscient, si ses souvenirs étaient bons. La jeune femme regrettait d’ailleurs de ne les avoir fréquentés qu’une si courte période... enfin, c’est la vie... Et depuis, 5 longues années s’étaient écoulées. Outre les événements divers survenus un peu partout, pour Maleen, ce furent avant tout 5 années monotones, rythmées par quelques rares rencontres, quelques visites en divers lieux du continent, du chapardage... Le corbeau avait également tenté de faire un retour dans son village natal, mais sa tentative s’était soldée par un cuisant échec. En effet, en guise de bienvenu, ils l’accueillirent de façon plus qu’agressive, lui faisant bien comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue, et que si elle essayait de revenir, ils n’hésiteraient pas à la chasser sans ménagement. Comme quoi, même avec plus de 7 ans passés, les mentalités n’avaient pas changées. Et cela lui avait brisé le coeur, pour tout dire. Maintenant, c’était certain, elle était définitivement exilée. Certes, elle pouvait toujours se rendre dans le reste du territoire des corbeaux, mais... ce n’était pas la même chose que se retrouver vraiment chez soi... Dire qu’elle n’avait même pas pu dire convenablement adieu à ses parents... Enfin, ça ne servait à rien de se lamenter sur son sort, car ça ne changerait rien à la situation...

Assise sur une branche d’arbre fruitier, Maleen pensait... Son regard sombre, perdu dans le vague, elle restait là sans bouger, le menton reposant sur ses mains, accoudée sur ses genoux... Cela devait bien faire une heure qu’elle était là, dans la même position. Quelques personnes étaient passées sous cet arbre, mais aucune d’entre elles ne l’avait remarquée, et heureusement pour elle, d’ailleurs. Depuis un certain temps, les Beorcs étaient devenus soupçonneux envers les Laguz qui rôdaient près des villages... De ce fait, elle allait devoir se montre prudente, quoi que pour le moment, elle n’avait pas encore eu de vrais problèmes. Pourtant, en tant que voleuse, elle était plus sujette aux ennuis. Mais la demoiselle était du genre discrète et rapide, et surtout, efficace. De ce fait, elle était presque assurée de ne pas de faire attraper lors de l’exercice de son activité, à laquelle elle avait finit par s’accommoder, au final. Et justement, il allait être le moment de se mettre au travail... Il devait être aux environs de 10h, et le village qu’elle observait depuis un certain temps devenait bien animé, indiquant que c’était le moment propice pour trouver de quoi manger. Car pour tout dire, son estomac commençait à réclamer de quoi subsister, et ses provisions touchaient à leur fin. Actuellement, elle n’avait en stock qu’une pomme bien rouge, et appétissante, mais pas suffisante pour tenir une journée entier, voir deux. C’est pourquoi, après avoir vérifié que personne alentour ne l’observait, elle sauta de sa branche d’arbre. Maintenant, restait à savoir quelle stratégie adopter. Se transformer en corbeau? C’était le plus pratique, mais elle risquait aussi de se faire remarquer. Cependant, y aller sous forme humaine n’était pas forcément plus discret, pas lorsqu’on avait de grandes ailes noires plantées sur le dos. Qui plus est, les corbeaux n’étaient pas les Laguz à qui on faisait le plus confiance, loin de là. Pour le coup, elle enviait les dragons, qui eux, n’avaient que peu de caractéristiques, si ce n’est leurs oreilles pointues, qui pourraient les empêcher de se mêler à une foule sans se faire remarquer. Mais finalement, elle opta pour la première solution, et advienne que pourra...

Sous sa forme animale, la jeune femme prit son envol, et s’empressa d’aller survoler le fameux le fameux village. Elle réalisa qu’il était plus étendu que ce qu’elle pensait, et fourmillait de monde. Bon point pour elle, peut-être pourra-t-elle plus facilement se fondre dans le décor. Après quelques minutes, elle finit par trouver la cible idéale. En effet, attirée par une alléchante odeur de pain fraîchement cuit, elle repéra sa provenance, une échoppe de boulanger qui semblait avoir pas mal de succès, qui plus est. Bien contente de sa trouvaille, l’oiseau se posa sur un toit non loin, réfléchissant à un moyen d’obtenir de quoi manger. Certes, voler était mal, mais elle avait sa fierté, et préférait 100 fois être une hors-la-loi que de demander la charité...

Finalement, elle se glissa dans une petite ruelle, reprit sa forme humain, et sortit comme si de rien était, les mains dans les poches, mais néanmoins discrète. Après tout, moins elle se ferait remarquer, et moins elle aurait d’ennuis, du moins, elle comptait là dessus. Tout en marchant, elle remarqua les regards parfois haineux des villageois. De la méfiance aussi, ou encore de l’indifférence. Après quelques instants, elle fut assez rapprochée de l’échoppe, et se mit à chercher le meilleur moyen de chaparder sans se faire remarquer. Justement, il y avait une sorte de petite ruelle passant entre l’échoppe principale et l’intérieur du bâtiment devant laquelle elle se tenait, où résidait entre autre le four à pain. Et c’était justement là qu’étaient déposée les beaux pains bien dorés qui venaient d’être cuits. Pour en prendre un, il lui suffirait donc de se glisser derrière le boulanger, un homme bien en chair et plutôt imposant. Maleen attendit donc qu’il se tourne pour s’occuper de la foule de clients qui attendaient là, puis profita de cette opportunité pour se glisser vers sa cible rapidement, sans perdre de temps, et se saisit d’un pain bien appétissant, avant de rapidement s’éloigner, certaine que personne ne l’avait vue.

Marchant d’un pas un peu plus pressé qu’auparavant, un sourire joyeux et serein aux lèvres, la jeune femme souhaitait s’éloigner le plus vite possible du village, du moins du boulanger. Mais alors qu’elle allait tourner dans une petite rue tranquille, elle sentit quelqu’un la saisir par le bras, la forçant à se retourner, mais elle résista un premier temps, jusqu’à ce qu’elle entende une voix masculine et sévère s’exclamer :

-Hé! Toi! Espèce de voleuse! Une Laguz en plus!

La concernée sentit une sueur froide couler le long de son échine, tandis qu’elle finit par se tourner vers celui qui venait de l’apostropher de sorte, et qui était bien décider à ne pas la lâcher...

C’était un homme pas vraiment sympathique, de toute évidence, au visage sévère et cruel, un regard semblable à celui d’un bourreau. Il avait une vague ressemblance avec le boulanger, qui plus est. En le voyant, elle se dit qu’elle allait vraiment avoir des ennuis sévères. C’est alors que l’homme ajouta :

-Alors, petite voleuse, tu croyais pouvoir t’en sortir si facilement? On aime pas vraiment les voleurs, par ici... Suis-moi!
~Hé, mais...!?

Elle n’eut pas le temps de protester plus, que déjà, il la traînait avec lui jusque vers la place, tandis que les villageois se retournaient sur leur passage, la montrant quelquefois du doigt, la traitant de voleuse. Avait-elle donc l’air si coupable, ou était-ce autre chose qui les poussait à dire cela? Elle ne saurait le dire, mais elle était certaine d’une chose : elle allait au devant de gros ennuis. Justement, ils étaient de retour devant la boutique du boulanger. Ce dernier, en voyant la Laguz tirée par l’homme, demanda :

-Sais-tu ce qui arrive aux voleurs de ton espèce? On leur coupe la main!
-Q-quoi?!

Brusquement, l’homme qui l’avait attrapée la tira une fois de plus vers lui, et saisit fermement son bras pour ensuite le déposer sur le plan de travail, tandis que le boulanger était allé chercher de quoi mettre sa menace à exécution. Il revint avec un couteau bien aiguisé, semblable à une hachette. Le genre de couteau que l’on avait plus l’habitude de trouver chez un boucher, en fait. En voyant la chose, la demoiselle sentit de désagréables frissons s’emparer d’elle. Elle aurait voulu protester, mais la soudaine peur l’empêchait de prononcer le moindre mot. Et impossible de s’échapper, cas il était bien plus fort qu’elle physiquement. Quant à se transformer une fois de plus en corbeau, il ne fallait même pas y penser. Avec le centre vide, elle n’aurait pas assez d’énergie pour se transformer, se défaire de sa poigne et s’échapper. Pour le coup, elle regrettait de ne pas avoir manger cette jolie pomme, et de s’en être contentée... Malgré tout, elle essaya de se débattre, mais sans succès...

Voyant la lame, reflétant un rayon de soleil, s’abaisser vers son poignet, elle ferma les yeux en déglutissant, attendant avec la peur au ventre que l’homme fasse son office, quoi qu’elle ne voulait pas que cela arrive...

Si seulement quelqu’un était là pour l’aider...

Vraiment, elle aurait mieux fait de se contenter de cette fichue pomme, et au diable sa gourmandise! Elle l'avait bien chercher, cette fois. Comme quoi, celui qui avait un jour dit que le crime ne payait pas avait bien raison... Pour le coup, elle se mettait à regretter toutes les mauvaises actions qu'elle avait faites, touts les larcins et tout le reste. Si seulement cela pouvait lui permettre d'échapper à son triste sort! Mais bon, elle ne croyait plus trop aux miracles, depuis le temps. Mais là, elle serait capable d'y croire, si cela pouvait la sauver... Qui plus est, outre le fait qu'elle allait perdre une main, elle risquait bien de perdre plus que ça, à en croire les menaces qui émanaient de la foule. Les villageois semblaient bien déciés à lui faire payer ce vol. C'était tout bonnement disproportionné par rapport au crime. Un simple petit vol. Et que voulait-on lui faire? Aller jusqu'à la tuer. Ces Beorcs étaient fous, c'était la seule explication possible. Maleen n'arrivait pas à croire qu'ils pouvaient encore nourir une telle haine à l'égard des Laguz. Décidément, elle s'était lourdement trompée dans son constat entre les rapports entretenus entre les deux races... Déçue... Oui, la jeune corbeau l'était. L'espoir semblait avoir laissé la place à la haine, du moins dans ce village... C'était triste, si triste. A cet instant, elle ne pensait même plus à ce qui allait lui arriver incessemment sous peu, non, elle pensait à Kaen, l'homme qu'elle avait jadis aimé, et qui l'avait poussée à croire qu'une réelle entente entre Beorcs et Laguz était possible... Pourtant, avec ce qu'elle vivait actuellement, cette certitude était fortement ébranlée... Devait-elle continuer à croire que cela était possible? Cela en valait-il vraiment la peine? Elle ne connaissait absolument pas la réponse à cette interrogation, et résignée, savait que bientôt, elle ne pourrait plus y réfléchir... Ce n'était pas dans ses habitudes de renoncer si vite, mais à cet instant, elle était plus que découragée...

Et tout à coup, les cris des villageois la ramèrent à la réalité. Son premier réflexe fut de regarder son bourreau. A sa grande surprise, ce dernier c'était arrêté à un demi-centimètre de son bras, fixant d'un regard effrayé quelque chose qui se trouvait derrière la demoiselle. C'est alors qu'elle réalisa qu'il en était de même pour tous les curieux malsains présents sur la place... Intriguée, si ce n'est interpellée par leur réaction, elle tourna vivement la tête, après s'être défaite de la poigne du boulager, qui n'avait même pas protester. Et là... Elle vit le pourquoi de leur terreur. C'était une sorte de boule noire, ténébreuse. Effrayante. Annonciatrice d'une mort certaine. Ensuite, une voix, qui rendait l'instant plus effrayant encore. De toutes parts, les villageois semblaient vouloir fuir, mais ils étaient tous paralysés par la peur, pour la plupart. Puis lorsque là voix se tut, la boule noire s'écrasa sur la foule. Des morts, des blessés... C'était terrible...

Bien que choquée par cet événement pour le moins imprévu, la corbeau du bien vite se reprendre et s'enfuir, avant qu'il ne lui arrive quelque chose de plus grave encore. S'enfuir à pied semblait être vain, et c'est pourquoi elle s'envola, toujours sous sa forme humaine. Elle avait bien moins d'endurence que lorsqu'elle était transformée, mais c'était mieux que rien. Et elle repéra alors un homme, tout de noir vêtu, qui s'en allait d'un pas pressé, en direction de la forêt. Contrairement aux aures, ils ne semblait aucunement effrayer... C'était lui qui avait causé tout cela? Était-ce seulement vraisemblable? Maleen voulait en avoir le coeur net, et c'est pourquoi elle se mit en tête de le suivre, et de le lui demander, quand bien même elle n'était aucunement rassurée...

Certes, ce qui venait de se passer était horrible, et jamais elle n'aurait souhaité pareil massacre. C'était peut-être un peu trop efficace, comme miracle, si on pouvait vraiment nommer cela ainsi. Mais tant pis, en un sens, ils l'avaient mérité. Leur barbarie leur avait coûté cher, et étrangement, la jeune femme n'avait aucun remords en pensant cela...

Après quelques minutes, elle le rattrappa enfin. Il venait de traverser les portes du village, et se dirigeait manifestement vers la forêt. Rapidement, elle se posa devant lui, lui barrant la route. Et soudainement, elle sentit une sensation étrange s'emparer d'elle, lorsqu'elle posa le regard sur lui. Qu'était-ce donc que ce sentiment? Il lui semblait familier et différent à la fois... Mal à l'aise... Il la mettait mal à l'aise. Mais elle se devait de lui adresser la parole... C'est pourquoi, essayant de regagner le calme qu'elle avait perdu plus tôt, et dit, tout en le regardant :

~C'est toi qui... à fait ça, n'est-ce pas?... Hum, je ne sais pas si je devrais, mais... merci...

Puis elle le fixa longuement, sentant qu'elle devait s'éloigner de lui, pour sa sécurité. C'était son instinct qui lui disait d'agir de la sorte... Et pourtant, imprudente, elle restait plantée là, attendant on-ne-sait-quoi... Peut-être courrait-elle à sa perte, mais c'était plus fort qu'elle...

Décidément, elle s'était fourrée dans de beaux draps, avec cette stupide histoire de vol. Certes, il lui était déjà arrivé de se faire attraper après avoir commis ce genre de méfait, mais jamais cela ne s'était fini avec mort d'hommes, loin de là! Mais à présent, elle savait que dans ce village, plusieurs villageois pas forcément fautifs avaient péris. C'était tout de même injuste pour ceux qui étaient innocents, peut-être laissaient-ils des veuves ou des orphelins... En pensant à cela, la corbeau ne put s'empêcher de finalement ressentir quelques remords, quand bien même elle n'avait rien fait de mal, et qu'auparavant, elle avait pensé qu'ils l'avaient bien cherché. Non, tout cela était la faute de cet homme en noir... Et pourtant... Elle avait bien du mal à ressentir de la haine ou de la colère à son égard.... Elle aurait du, elle le devait, même, mais non, rien... Sauf un sentiment de malaise, peut-être un peu de crainte. Devait-elle le craindre? Elle ne le savait pas encore avec certitude... Pourtant, les mots qu'il lui adressa la mirent sur la voie :

<< ... je ne l'ai pas fait pour sauver ta main ou ta misérable existence, ne te méprend pas. >>

Comme je juste, elle ne pouvait pas lui faire confiance, de toute évidence. Et pour tout dire, elle s'était bien doutée qu'il n'avait pas fait cela pour elle. Qui plus est, elle le vit bien désappointé lorsque les voix des villageois à la recherche du coupable se firent entendre non plus. Il semblerait que le projet qui lui avait traversé l'esprit allait devoir être remis à plus tard...

Puis elle le vit s'avancer, et passer à côtés d'elle, lâchant ces quelques mots sur un air de mécontentement :

<< Fiche le camp si tu tiens à ta main, ils vont bientôt venir me chercher et je pense qu'ils n'ont pas oublié ton larcin, pour le peu que quelqu'un aie survécu et t'aie vu bien sur, mais ce n'est pas un détail à négliger... >>

Pour peu qu'elle soit un tantinet idiote, ce qui heureusement pour elle, ce n'était pas le cas, quoi que parfois la question était à se poser, elle aurait presque crû que c'était un signe manifestant une certaine inquiétude pour elle. Mais de toute évidence, ce n'était pas ça, oh que non! Il souhaitait surtout pouvoir échapper aux villageois... Ce qu'elle comprenait parfaitement....

Maleen le regarda donc s'en aller en direction de l'épaisse forêt qui se tenait fièrement non loin. Impénétrable, fortification naturelle offrant protection et abris aux fuyards... Puis elle tourna la tête dans la direction opposée, et vit au loin les villageois arriver. Elle aussi allait devoir trouver un lieu où se cacher le temps que les événements se calment. Et c'est pourquoi elle s'élança en direction de la forêt, d'un pas rapide, presque en courant. Une fois dissimulée derrière quelques arbres aux larges troncs, elle entendit des pas, pressés, des craquements de branches et de feuilles mortes. C'était sûrement l'homme en noir... Pour tout dire, être au même endroit que lui n'avait rien de rassurant, loin de là, mais en même temps, il avait quelque chose d'étrange, de curieux, ou encore, de fascinant. Et la jeune femme était intriguée par lui...

Après avoir grimpé dans un arbre aux épaisses branches, suffisamment pour soutenir son poids, elle l'observa depuis son perchoir, pour finalement oser lui demander, chose possiblement imprudente :

~Dis moi... Pourquoi, que vaut une vie, qu'importe la race ou la provenance de la vie en question?

Pourquoi cette question? Tout simplement parce qu'il semblait avoir ôté ces vies sans remords aucun, et qu'elle voulait en connaître la raison, en quelque sorte...

De toute évidence, le jeune homme ne s'était pas attendu à ce qu'elle le suive, à en voir sa réaction brutale lorsqu'elle l'avait apostropher. Par contre, en entendant sa réponse, ce fut à elle d'être surprise.

<< J'ai tué car la déesse le voulait. Les Beorcs et Laguz l'ont blessé en se haïssant et se faisant la guerre. Mon devoir est de mettre un terme à la folie des vivants, de faire table rase sur ce monde afin qu'elle puisse reprendre et créer un monde parfait. >>

Il faisait donc cela au nom de la déesse. Était-ce vraiment une bonne raison, ou simplement un moyen de justifier ses actes, pour le moins cruels? Elle ne saurait le dire, et puis, elle n'était pas en position de juger, elle qui volait pour se nourrir. Outre cela, il semblait exaspérer par la Laguz, vu son exclamation :

<< Fichez le camp et que je ne vous voie plus. Vous me retardez dans ma fuite ! >>

Il était vrai que les villageois se rapprochaient, mais il allait encore leur falloir un peu de temps pour les rattrapper...

Elle vit l'homme en noir se mettre à courire, mais ce n'était pas aisé, avec tout ces arbres. Pour elle par contre, c'était presque un jeu d'enfant... C'était un sacré avantage que d'avoir des ailes, c'était certain... Et craignant aussi de se faire rattrapper, elle s'enfonça un peu plus dans la masse feuillues, prenant plus ou moins la direction de son sauveur, quoi qu'elle n'avait pas l'impression qu'elle puisse le considérer de la sorte... Non pas qu'elle le suivait, mais elle allait tout simplement à l'opposé des villageois, donc dans la même direction que lui...

Et après quelques minutes, elle était à nouveau arrivée à sa hauteur, mais ne lui jeta pas un regard, se contentant de lâcher, qu'il ne l'écoute ou pas :

~Je t'aurais bien proposé de te donner un coup de main pour t'en aller d'ici sans mal, mais... Je n'ai pas l'impression que tu sois disposer à accepter... Enfin, ne soit pas si stressé... Les humains ne sont pas bien malins, et pas habitués à la forêt... Avec un peu de chance, il se perdront...

Puis elle s'éloigna tranquillement, toujours perchée sur une branche d'arbre, prêtant tout de même attention à ce qu'il pourrait possiblement dire ou faire, quoi qu'elle doutait fortement qu'il accepte son aide...

Les villageois allaient bien finir par le retrouver, elle les entendait se rapprocher de plus en plus... Cela dit, elle n'avait pas de souci à se faire, elle était bien cachée dans le feuillage verdoyant de l'arbre sur lequel elle était perchée. Par contre, il n'en était pas de même pour le mage noir. Lui, il était toujours au sol, plutôt à découvert donc... Et, sûrement par fierté, il refusa bien entendu l'aide que la Laguz venait de lui proposer si gentiment. Pour tout dire, elle se doutait bien qu'il n'accepterait pas, mais bon, elle perdait rien à le lui demander quand même...

Apparemment, il avait tout de même réussi à trouver refuge dans le tronc creux d'un gros arbre, juste à temps, qui plus est. Et les villageois, bien trop bêtes et pressés d'en finir, ne le remarquèrent pas, pas plus que la demoiselle perchée juste au dessus de leur tête, et passèrent leur chemin... Quelques minutes plus tard, le temps d'être certain qu'ils étaient bien loins, elle vit le jeune homme ressortir de sa cachette, et s'asseoir sur le sol. Que préparait-il encore? Elle ne pouvait le dire, mais il l'intriguait, et c'est pourquoi elle restait là, l'observant attentivement. Pour tout dire, elle était intriguée par cet étrange personnage qui ne semblait faire montre d'aucune pitié ni remords... Quoi qu'il en soit, il semblait bien concentré, perdu dans sa méditation... La corbeau quant à elle finit par s'asseoir sur sa branche, et sortit de sa sacoche la pomme ramassée un peu plus tôt, et qui, si elle n'avait pas été aussi butée et bornée, aurait pu lui éviter bien des ennuis... C'était une belle pomme bien rouge, à la peau brillante, sûrement succulente... Elle croqua un morceau du fruit, et se délecta du goût sucré de sa chaire, le regard toujours rivé sur lui...

Une bonne 20aine de minutes passèrent dans le plus grand des silences, si on omettait les bruits étranges de la forêt. Toutes sortes de sons, des craquement, des grognement, des froissements de feuilles, des cris animaux... Rien de bien effrayant, surtout en pleine journée... Et maintenant qu'un semblant de calme était revenu, elle pouvait se concentrer sur cet étrange spécimen qui l’avait sauvée bien malgré lui, il fallait croire... Quoi que, elle doutait un peu de cela... Enfin, maintenant, elle réalisait bien qu'il était passablement hostile envers elle, mais bon, pas besoin d'être un génie pour le savoir, il suffisait de voir les paroles qu'il lui avait adressées, ainsi que son attitude...

Malgré tout, quelque chose la poussait à ne pas s'en aller, rester là, voir ce qu'il allait faire, et pourquoi pas, en apprendre un peu plus sur lui. Mais il semblait bien méfiant, et obtenir ne serait-ce qu'une petite information risquait de s'avérer périlleux pour la demoiselle... Et puis après tout, elle n'avait rien à perdre, alors pourquoi ne pas tenter quelque chose...

~Tu comptes t'en prendre aux villageois qui restent, par hasard?

Question stupide, il allait sûrement le faire. Et c'était en soi une idée qui ne plaisait que peu à la corbeau, car au fond, elle n'adhérait pas vraiment aux massacres et autres barbaries du genre...

~Je sais que c'est au nom de la Déesse que tu fais cela, et qu'en un sens, ils ont bien mérité leur sort, mais... il n'y a aucun autre moyen de leur faire expier leur crime? Autre que la mort?

De toute évidence, le mage noir devait être exaspéré par les questions de la jeune femme, car finalement, après qu'elle se soit tue, il rouvrit les yeux, lui jetant un regard noir, tandis qu'il sortit de son mutisme pour lui dire ces mots :

<< Oui, je compte les tuer car c'est un ordre de la déesse. Et je ne laisserait personne mettre en doute ses paroles, est-ce clair ? Quand à chercher une autre alternative, ce n'est pas à moi d'en décider, je reste simple agent de la grande Ashera. >>

C'était bien ce dont elle se doutait. Cela dit, elle se demandait toujours si c'était vraiment ses pensées, ou si c'était simplement un moyen de se justifier... Quoi que, vu la virulence de ses propos, elle arrivait à la conclusion qu'il recevait réellement ses ordres de la grande déesse, ou du moins, le croyait sincèrement... Enfin, poser la question n'était en soit pas un mal, enfin, presque, au vu de ce qu'il ajouta par la suite :

<< Fichez le camp, j'en ai plus qu'assez de vous avoir dans les pattes. Si un tir se perd, tant pis pour vous ! >>

Maleen haussa alors un sourcil. Des menaces? Oui, c'était bien cela de toute évidence... Chose lui annonçant qu'elle avait intérêt à se taire, pour un certain temps, si elle tenait réellement à sa vie. Pourtant, elle avait bien envie de lui balancer sa façon de penser à la figure. Après tout, jamais elle ne lui avait demander de la sauver ou quoi que ce soit. Il avait fait ça de son propre chef, et avait tuer tout ce tas de villageois d'après ses propres initiatives, elle n'avait rien à voir là-dedans...

Après un long soupir, la corbeau s'étira longuement, et se redressa, s'étant assise quelques minutes plus tôt sur la branche où elle était perchée. Une fois cela fait, elle se déplaça légèrement, jusqu'à se retrouver sur une branche de l'arbre contre lequel le jeune homme était appuyé, tout en restant totalement invisible à sa vue, puisque dissimulée par le feuillage épais de vieil arbre. Ainsi placée, elle l'observa longuement, avant de dire, sachant pertinemment qu'il risquait de lui arriver des ennuis :

~Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même si je suis là pour t'exaspérer... Après tout, je ne t'ai jamais rien demandé, et rien ne te forçait à tuer ces villageois, que ce soit pour me sauver ou non... Attaquer en plein jour n'était pas la meilleure des choses...

Les villageois l'avaient finalement retrouvé. Pour le coup, elle se surprit à penser que c'était bien fait pour lui. Enfin, malgré tout, elle savait pertinnement qu'il arriverait sûrement à s'enn débarrasser sans mal... Puis, soudainement, d'une voix qui paraissait iritée, elle l'entendit s'exclamer à son attention :

<< Observe bien, toi qui m'espionne... >>

Et tout à coup, un nuage noir, impénétrable s'étendit autour des pauvres villageois qui ne comprenaient sûrement pas ce qui était en train de leur arriver... Les pauvres, tout de même... Enfin, il était trop tard pour faire quoi que ce soit à présent... Des cris terribles se firent entendre alors que ces pauvres gens tombaient un à un, mourrant dans une souffrance attroce... Puis, le mage noir ajouta, d'une voix à faire froid dans le dos :

<< Tu vois ? Les morts sont, pour la plupart, rongés par la colère. Ce sont ceux qui ont été victimes de leurs semblables. Bandits, guerre, assassins... chacun a connu la mort à cause d'une injustice et réclament vengeance. C'est pour cela qu'Ashera m'a désigné : les vivants s'entretuent sans raisons et se font du mal. Elle est triste de voir ses créations se déchirer ainsi et elle n'a pas d'autre choix pour cela. Je dois obéir et mettre un terme à ses tourments. >>

Puis, lorsque son sort fut terminé et sa sentance appliquée, il ne restait des hommes que des corps vidés de toute vie, calcinés... Une vision pour le moins horrible qui provoqua à la Laguz un soudain haut le coeur... C'était vraiment attroce à voir, vraiment... Puis, sursautant en entendant une nouvelle fois sa voix alors qu'elle était perdue dans ses pensées, la demoiselle ailée entendit ces mots :

<< Je n'aurais pas de pitié la prochaine fois. Alors arrête de me suivre ! >>

Bah pour le coup, elle prenait sa menace un peu plus au sérieux qu'auparavant. Il était sûrement plus que sérieux, et elle ne voulait pas risque d'y perdre bêtement des plumes... Mais d'un autre côté, sa curiosité, encore et toujours, la poussait à ne pas vouloir s'en aller... Mais alors qu'elle allait lui répliquer quelque chose, elle le vit se lever, et n'eut de ce fait pas le temps d'exprimer le fond de sa pensée... Il retournait vers le village. Comptait-il terminer le boulot? Sûrement... Quelle cruauté, tout de même...

Bien décidée à au moins tenter quelque chose pour l'en dissuader, la Laguz emprunta la même direction que lui, quoi qu'elle craignait que ce soit sans espoir. Il semblait résigner, et le faire changer d'avis risquait de s'avérer périlleux... Arrivés à l'orée de la forêt, elle s'exclama alors, tout en restant dissimulée à sa vue :

~Pourquoi ne les laisses-tu pas tranquilles? Ceux qui restent là ne sont sûrement que des enfants et des femmes, ils ne font de mal à personne, et n'ont sûrement rien fait qui aurait pu contrarier la grande Déesse...

Quoi qu'elle doutait que ses mots lui fassent un quelconque effet, elle préférait au moins essayer, même en vain, plutôt que de rester là sans rien faire...

A force de tenter le diable hé ben... on se fait cramer les fesses... Ca, c'était ce qu'allait apprendre tout prochainement Maleen. Hé oui, la corbeau, malgré les menaces de la part du mage noir, ne s'en était pas allée, loin de là, et de surcroît, elle avait continué de lui poser des questions, tout en sachant pertinemment qu'elle allait s'attirer des ennuis, de gros ennuis. Malheureusement pour elle, sa curiosité s'était montrée bien plus forte que sa raison, et ce qui devait arriver arriva...

En effet, le jeune homme, son regard affichant une exaspération incroyable, lui balança ces quelques mots tout en se saisissant de son tome magique :

<< Les enfants sont de futurs adultes qui prendront la voie de l'épée et les femmes peuvent manier les armes. Les ordres sont les ordres, je n'ai pas le choix. Et je t'avais prévenu ! >>

Bon, elle était toujours cachée, mais cela ne la protégeait pas d'une attaque, surtout si elle était du genre de celle qui avait réduit en cendres les pauvres villageois, il y a quelques minutes de cela... Et justement, elle l'entendit réciter une incantation, annonçant qu'elle allait avoir des ennuis, incessamment sous peu...

<< Due xie da dnuija tyhc ma leam éduemé. Bnêda sue dy vunla xie dnuija cac unekehac tyhc mac déhèpnac cyhc vuht. M'raina acd jahia ta vyena nékhan my hied t'ahlna. Xia my miseèna tecbynyecca ! Luna ! >>

Et voilà, c'était exactement comme auparavant. Cette même sphère de ténèbres qui grossissait à vue d'oeil, pour ensuite être dirigée vers elle. Il fallait absolument qu'elle s'en aille, et plus vite que ça. Et d'ailleurs, elle constata que le sort n'affectait en rien la végétation environnante, par contre, pour elle, c'était une autre paire de manches... Enfin, ce n'était plus le moment de faire ce genre de considérations, il fallait fuir, et plus vite que ça...

<< J'ai un boulot à faire, cesse de m'importuner, misérable volatile... >>

Voilà les derniers mots qu'elle entendit de sa part, avant qu'il ne s'en aille. Elle aurait bien voulu répliquer, mais pas le temps... Sans attendre plus, elle reprit sa forme animale, sa "discussion" avec le jeune homme lui ayant permis de reprendre quelques forces, pour ensuite s'envoler, quelques instants trop tard, malheureusement. Pas de gros dégâts, certes, mais tout de même... Un bout d'aile grillés, quelques plumes en moins, et une jolie brûlure bien douloureuse... c'était bien sa veine, tiens... Pourtant, elle ne pouvait pas encore s'arrêter, pas tout de suite... Sa curiosité avait été bien calmée, tout à coup, et pour tout dire, plus elle irait loin de cette homme, et plus elle se sentirait mieux....

C'est pourquoi, malgré la douleur occasionnée par sa blessure, la Laguz, sous sa forme volatile, s'en était allée, aussi loin que ses ailes le lui permettait... Et sincèrement, elle espérait ne plus le recroisé, quoi qu'elle était toujours intriguée par ce mage noir aux principes bien négativistes...