- La suite de ce topic -

La nuit tombait dans l'immensité forestière de Bégnion. Le ciel d'un orange presque sanglant n'illuminait plus grand-chose. Les branches noueuses ressemblaient à d'impitoyables et effrayantes griffes prêtes à lacérer les corps des visiteurs égarés. Les racines jaillissantes du sol n’embellissaient en rien les lieux assombris par la pénombre.
A vrai dire, le soleil lui-même semblait suffoquer en s'enfonçant dans la sombre nappe nuageuse comparable aux dernières pensées du vengeur.
Ce dernier ouvrit lentement ses yeux rouges épuisés. Il était adossé à un arbre, les jambes pliés et les mains appuyées sur ses genoux épuisés. L’absence de lumière eut un impact sur son esprit semi-endormi et le poussa à se redresser brusquement. Une vive douleur le rappela à l'ordre. Elle provenait de son épaule tâchée de sang séché. Même son visage en était partiellement recouvert. Sa vie devenait de plus en plus sale et de plus en plus sombre.
Une vie de vengeur.
En outre, même ses côtes le tiraillaient, séquelles des coups de poings et coups de lattes des gardes belliqueux du village. Il se palpa le flanc droit avec précaution, du bout des doigts. Rien que ce geste anodin lui procura une vive souffrance.
Il se mit à blâmer intérieurement son manque de sang-froid.
Seul point positif ? Aucun ennemi ne l'avait égorgé pendant son sommeil. Ah, et Haine ne l'emmerdait plus. Pour l'instant...
En s'aidant de l'arbre centenaire, le bretteur blessé tenta de se relever cahin-caha.

- "...Raaah... Ce foutu mal de crâne recommence...", gémit-il avant de se glisser mollement sur le sol, le dos toujours collé à l'arbre qui le soutenait depuis le début.

En sentant à tâtons le sang séché maculer la moitié gauche de son visage balafré, il décida de frotter les marques pour les effacer. Il en avait même dans les cheveux et cela commençait à l'irriter sérieusement. Il laissa s'échapper un grognement guttural tout en serrant les mâchoires.
Pour commencer, Burnagore retira sa toge usée par le labeur - surtout par les meurtres commis entre-temps - et ne se gêna pas pour faire de même avec sa veste en cuir bordeaux qu'il posa délicatement à portée de main. Le pendentif de son père brillait et pendait de son cou, à côté de son Ignifer souillé lui-aussi par les batailles et adossé à l'arbre bienveillant.
La longue cicatrice en diagonale ornant son torse meurtri faisait esthétiquement contraste avec le merveilleux lègue de son défunt paternel. A cela s'ajoutait la blessure désinfectée au niveau de son épaule droite, récente perforation d'une maudite flèche pour sauver son infortuné coéquipier.
Il leva la tête en y repensant; il cherchait Blaze du regard, sans trop de conviction.

Le soleil rouge perçait l'horizon encore une dernière fois à travers les nuages. La nuit s'approchait, et tels des bêtes acculés, Blaze et Burnagore étaient blessés, ensanglantés, mais vivant. Cette simple pensée était assez pour le rendre débordant d'énergie de vie. Dès son réveil après avoir laisser la caresse de la fatigue l'emporter dans un sommeil réparateur, il s'était immédiatement affairé à soigner ses blessures et celle de son compagnon. Il tenait dans la main un bol contenant une mixture gluante verte. Un mélange très puissant de plante agissant à la fois comme un désinfectant, mais aussi comme une source naturelle de nutriment pour alimenter la plaie pendant sa régénération. Il s'en appliqua malgré la douleur d'abord sur la jambe, remplissant la légère entaille de cette matière verte. Il continua avec son flanc, qui était bien plus douloureux. C'est avec quelques gémissements de douleur qu'il boucha cette plaie. Enfin vint l'épaule, qui lui en revanche, le força à mettre son fourreau dans la bouche pour éviter de crier.

Suant à grosses goutes, il respira lentement et reprit sourire sachant que la torture était terminé. Il lui fallait désormais du repos, mais c'était un luxe pour l'instant. Bien qu'il est du genre à vite récupérer, une telle fatigue ne se dissipe pas en quelques heures de repos, ses jambes tremblaient entre la douleur de ses blessures et la fatigue dans ses jambes. En dépit de sa condition précaire, il se dirigea vers Burnagore, les jambes tremblantes, mais animé par le maigre flot de vie circulant en lui. Le regard du vengeur était perdu, il le cherchait il semblerait. Il s'approcha doucement et sans un mot, il lui retira le vêtement puis son armure de cuir pour examiner la plaie désinfecté... avec son alcool.

"Ca va être un peu douloureux mais. Pour faire simple, c'est un onguent, ca remplie et bouche la plaie, et c'est fait pour limiter les dégâts en cas de mouvement."

Il en appliqua sur l'épaule avec bien plus de délicatesse que sur lui, ayant la vue dégagée pour mieux appliqué. Il remarqua que la plaie était celle d'une flèche standard, en revanche... Quand il porta son attention à l'autre blessure de flèche, celle-ci était... différente. Trop pour être une simple flèche qui s'est perdu.

"Burnagore... Cette blessure est comme la mienne. Elle est différente de celle de ton épaule. Tu as été touché par deux flèches différentes. La première était normale, la seconde..."

Il observa d'abord ses blessures avant de tenter de le rapprochement.

"C'était des flèches plus fines, plus légères, moins puissantes mais faites pour être très rapide, et toucher des cibles mobiles. Je suis peut être parano... Mais j'ai la vague impression que ce n'est pas un archer standard qui nous à toucher. De même, je n'ai pas vu les flèches venir, pas celle-ci. Les autres étaient plus grosses, plus lentes, je les voyais au moins, mais pas celle-la."

Blaze se rendit compte que faire une théorie sur un potentiel archer mieux équipé pour les traquer était futile, même s'il ne pouvait secouer cette sensation que quelqu'un était particulièrement à leur trousse. Il retrouva son calme et sa joie habituelle. Malgré la douleur, malgré les morts, malgré le sang, ils étaient tout les deux en vie, et c'était raison suffisante de sourire et de rire.

"Je trouve qu'on s'en est pas trop mal sorti! Survivre à une garde entière de village n'est pas chose aisé." Blaze mit son dos contre l'arbre sur lequel était son compagnon d'arme et se laissa aussi glisser pour retrouver le confort du sol.

"Mais nous devrions ouvrir l'œil cette nuit et éviter un feu de camp... J'ai un mauvais pressentiment..."

Cette sensation que la nuit, d'habitude le couvrant d'un voile le rendant invisible au danger, serait ici plutôt son ennemie. Qu'une menace se trame dans l'ombre, et que celle-ci se ruerait à la vue d'une lumière ou d'un signe de vie. Le sourire aux lèvres, mais l'esprit alerte et le sabre à la main, il lâcha un soupir et commença à se reposer.

Burnagore se sentait tellement groggy qu'il en avait manifestement oublié la longue estafilade résultant d'un coup de lance originaire d'une sentinelle d'Evan, le revanchard.
En même temps, il fallait dire que ladite blessure faisait pâle figure en comparaison de la grande et large cicatrice diagonale, vestige macabre du tranchant affilé de son meilleur ennemi avant de rejoindre les buissons en contrebas d'une falaise vertigineuse.
Un bref sursaut l'extirpa de son cauchemar en se rappelant de cette chute mémorable, de cette horrible phase de son existence l'ayant mené parmi les ombres de ce monde dominé par les complots. A cause de tous ces salauds de l'ordre de la Lame, il en était réduit à se cacher dans la forêt en espérant se venger de toute son âme. Malgré son pitoyable état physique, le brasier de la haine crépitait encore en lui. La simple vue de son corps mutilé lui donnait la nausée et accroissait l'irrépressible envie de se venger.

- Ça va être un peu douloureux mais, pour faire simple, c'est un onguent, ça remplie et bouche la plaie, et c'est fait pour limiter les dégâts en cas de mouvement.

Il n'avait même pas remarqué la présence de Blaze qui s'évertua à le soigner autant que possible. Son esprit vagabondait dans les ténèbres de la nuit - ou dans des conditions à-peu près semblables au beau milieu de la pénombre - et ne cherchait plus vraiment d'issue, comme un aveugle délaissé au beau milieu d'un désert glacé.
Burnagore, passif, étouffa un grognement de douleur une fois la solution appliquée sur sa plaie. Moins douloureuse qu'au départ, certes, mais douloureuse quand même. Et son état de fatigue accentuait le mal, le rendant ainsi plus sensible aux soins.
Puis, dans un silence de mort, il laissa Blaze continuer à palabrer. Ce dernier ne manquait pas de vitalité pour disserter au sujet des blessures récoltées lors de leur échappée.

- Burnagore... Cette blessure est comme la mienne. Elle est différente de celle de ton épaule. Tu as été touché par deux flèches différentes. La première était normale, la seconde...

Le vengeur se contenta de renifler de mépris. Blaze tirait des conclusion hâtives. En outre, le simple fait d'y réfléchir lui martelait le crâne comme un forgeron modèle l'acier à coups de marteau. Il posa donc sa main brunie par le sang séché au sommet de son crâne hérissé de cheveux rouges.

- C'était des flèches plus fines, plus légères, moins puissantes mais faites pour être très rapide, et toucher des cibles mobiles. Je suis peut être parano... Mais j'ai la vague impression que ce n'est pas un archer standard qui nous à toucher. De même, je n'ai pas vu les flèches venir, pas celle-ci. Les autres étaient plus grosses, plus lentes, je les voyais au moins, mais pas celle-la.

Burnagore, toujours silencieux, l'observa d'un œil torve. Il peinait à garder sa concentration tout en maintenant sa vigilance chancelante. Comment pouvait-il espérer réfléchir avec un minimum de bon ses sans proférer des injures à outrance ?
Il serra les dents et les fit crisser les unes contres les autres, une main plaquée sur ses cottes endommagées.

- "Que... d'inepties. Je n'ai reçu qu'une flèche dans tout ce merdier tandis que toi, tu en as encaissé deux avant que je ne me décide, dans le vif, à taillader tous ces salopards finis. Juste avant ça... je crois qu'une lance m'a effleuré le torse, suffisamment proche pour m'entailler dans l'élan. Je te fais fi des coups de pieds et autres frappes désarmées subies... mais je peux te dire qu'une de mes connaissance se cache derrière tout ça. Sans quoi, le désastre de la taverne ne nous aurait pas posé autant de problèmes", expliqua le mercenaire en grimaçant de douleur.

Un praticien des arts sordides et lugubres de la nécromancie se cachait derrière les marionnettes macabres contrôlées à distance. Le vengeur ne comprenait pas grand-chose au processus employé pour les manipuler avant tant de virtuosité. Ces cadavres rendaient sa vengeance vaine et stérile. A quoi bon affronter des morts ? A quoi bon les faire disparaître ? Cela ne le mènerait nulle part !
Un foutu combat d'arrière-garde destinait à le tester ou à l'épuiser.
Quant aux archers... il demeurait tout simplement sceptique.

- Je trouve qu'on s'en est pas trop mal sorti! Survivre à une garde entière de village n'est pas chose aisé." Blaze mit son dos contre l'arbre sur lequel était son compagnon d'arme et se laissa aussi glisser pour retrouver le confort du sol.[...]Mais nous devrions ouvrir l'œil cette nuit et éviter un feu de camp... J'ai un mauvais pressentiment...

Un sentiment partagé. Burnagore ne pouvait qu’acquiescer de telles recommandations. Et puis, de toute manière, il se sentait incapable d'allumer un feu dans son triste état de délabrement. Les vertiges avaient cessés, mais les maux de tête persistaient. Il fallait se contenter de ça et voir le bon côté des choses comme le ferait sa sœur dans n'importe quelle situation.
En pensant à son visage rayonnant, il esquissa un air sombre. Il ne pouvait pas se permettre de glander au beau milieu de cette vaste et obscure étendue boisée. Il ne pouvait pas se permettre de redevenir nostalgique et d'étouffer le brasier de la vengeance niché au plus profond de son cœur. Il ne pouvait tout simplement pas suffoquer dans l'inertie en attendant que la faucheuse se décide de lui envoyer l'un de ses émissaires malfaisants.
Reprenant contenance et quelques bribes de sa vigueur d'antan, il se redressa en saisissant ses vêtements d'une main maladroite ainsi que son arme de prédilection adossée à l'arbre. Il lança un regard oblique à Blaze avant de répliquer :

- "Nous sommes assurément suivis. Qu'il s'agisse d'êtres-humains, de morts-vivants ou que sais-je encore. Par ma faute, une auberge a flambé et tout un village s'est rué à notre poursuite. Ce ne sont pas quelques arbres qui vont les arrêter... en restant ici, nous ne faisons qu'attendre l'arrivée de la Mort", déclara le vengeur d'un ton froid. "Levons le camp et préparons un plan de secours."

Désormais dressé sur ses deux jambes, il tendit une main à l'intention de Blaze pour l'aider à se relever. Pour cette mission, Burnagore devait la jouer en équipe. Seul, comme cela aurait été le cas lors de la précédente cavalcade, il aurait perdu la vie depuis bien longtemps.
Son regard de braise balayait la zone et scrutai les moindres taches et silhouettes suspectes avec méfiance. La moindre surprise, le moindre coup, la moindre folie... et la vie les quitterait. Leur corps disparaitraient dans l'anonymat le plus total. Le feu s'éteindrait la vengeance de Burnagore s'eclipserait comme un feu de paille. Pire encore, sa sœur demeurerait à jamais entre les mains de ses ennemis jurés.

Il aurait fait des erreurs ? Le bretteur questionna son état, il aurait réussir à mal reconnaître une blessure ? La seule explication possible est la différence de gabarit entre les deux Marqués, mais ce n’était pas le moment d’utiliser de la matière grise inutilement. Burnagore confirma ses impressions, ils étaient suivis, et par une de ses fameuses connaissances. La situation était au final, très sombre et peu rassurante, blessés, dans l’égo et par la chair, ils n’avaient plus beaucoup de leurs capacités. Son optimisme ne l’emmènerait pas si loin que ça. Il allait probablement tuer, et même beaucoup s’il veut sortir vivant de cette situation.

 

Blaze haussa un sourcil à la dernière phrase de Burnagore, mais il apprécia la main pour l’aider à se relever, bien que molle, vidé de force et tremblante. Le jeune Loup était étrangement et malgré tout, en meilleure forme que son compère. Deux flèches et une taillade dans la jambe étaient négligeable comparé à une blessure à la tête, ce qui l’inquiéta sur la suite.

 

-Tu en es encore là ? Je suis aussi coupable que toi pour cette auberge flambée. Et je te rassure, la Mort est une amie à moi, j’ai eu l’honneur de partager de nombreuses danses avec elle… Bien qu’aujourd’hui, elle était un peu proche à mon goût. 

 

Un sourire arrogant et confiant sur ses lèvres se dessina. La pensée du Laguz ne lui effleura même pas l’esprit, trop tôt pour y penser. Burnagore était décidé à bouger, mais Blaze n’était pas trop de cet avis hélas. Leurs blessures étaient encore trop fraîches pour une course ou une fuite. La question n’était pas comment s’enfuir, mais comment survivre. Ils auraient beau marcher, leurs adversaires étaient plus rapides, plus nombreux, et en colère. Ils sauraient rapidement qu’ils ont fait un stop ici, car ils ne laisseraient plus de trace de sang. Le Marqué semblait être prit dans une réflexion intense, cherchant moult idées et stratagèmes.

 

"Nous ne pouvons pas les fuir, trop blesser. Mais désormais, nos pas de laisserons plus d'empreintes de sang, rendant notre chasse plus ardus. Nous devrions trouver un terrain propice pour… Oui… Oui c’est une bonne idée. Et je crois que Kaze est de mon avis.

 

Les séparer. Les éparpillés, les forcer à nous sous-estimer. Le Marqué laissa son esprit de Laguz faire le travail. Il fallait simuler une forme d’accident pour feindre notre faiblesse. Blaze se mit en chemin et exposa son plan de secours

 

"L’ennemis nous croit faible, et c’est vrai à un certain niveau. Nous devons trouver un endroit où ils devraient se forcer à se séparer pour nous chercher. Les affaiblir 1 à 1, réduire lentement leurs nombres jusqu’à ce que la paranoïa s’installe chez eux. Ils doivent aller vite, s’ils veulent fouiller une zone entière rapidement, ils doivent se disperser, nous tuons le 1^er qui se présente. Et ainsi de suite. Ainsi, ils devront soit ralentir pour la prudence, ou continuer à risquer des embuscades jusqu’à périr…

C’était avec un froid presque terrifiant que Blaze fit part de son plan, rien à voir avec le gamin jovial et impétueux d’avant. Malgré cet air intimidant, il décida d’attendre la réaction de son compère, et de son idée, bien qu’il n’en attendait que peu. Sa blessure à la tête provoquait probablement des vertiges et des douleurs, endiguant sa possibilité d’émettre un plan. Ceci laissa un goût amer dans la bouche de Blaze, il aimait faire un plan à deux, afin que Burnagore ne soit pas forcer de le suivre juste parce qu’il n’avait pas le force ou le cerveau à penser à son propre plan.

La nuit tombait doucement, le noir prit le dessus sur le rouge, mais une sorte de magie illuminait les yeux des Marqués. Les rubis dans l'orbite des yeux de Burnagore semblait brûler doucement, d'un feu doux, mais constant et chaud. Les yeux de Blaze montraient à l'inverse un bleu si pur et fluorescent qu'on pourrait presque les voir dans la nuit. Le soleil envoya ses derniers rayons, redonnant aux yeux des Marqués une tête invisible dans le noir, à moins que... Blaze imagina dans le noir complet 4 yeux, deux rouges comme la lave, deux bleu comme l'océan, pointé un Beorc terrifié au point de pas pouvoir hurler. Oui, il devait jouer sur la peur, retourner la situation, et ainsi... Lentement mais surement, mort par mort, goutte de sang par goutte de sang...

Les chasseurs deviendront les chassés.

Burnagore supporterait la migraine tant que le sang ne se mettrait pas à fuir de son cerveau particulièrement douloureux... les vertiges diminuaient avec le temps. Certes, de tels moments de faiblesses lui donnaient quelque peu la nausée, mais le mercenaire sanguinaire ne se laisserait pas abattre pour si peu.
Ni maintenant ni jamais.
Blaze se releva donc, aidé par la poigne ferme du vengeur. Il récupérait vite, drôlement vite. Sûrement grâce à cet onguent à l'odeur si étrange et si forte.
Toujours aussi bavard, il en profita pour répondre à l'Oiseau de Sang.

- Tu en es encore là ? Je suis aussi coupable que toi pour cette auberge flambée. Et je te rassure, la Mort est une amie à moi, j’ai eu l’honneur de partager de nombreuses danses avec elle… Bien qu’aujourd’hui, elle était un peu proche à mon goût.

Une amie ? La Mort ? Burnagore pourrait en dire autant, voire davantage. Il la côtoyait depuis si longtemps, lui envoyait tellement de clients, la gavait sans discontinuité qu'il se considérait presque comme l'un de ses fidèles pourvoyeurs.
Bien sûr, certaines victimes n’arrangeaient pas ses affaires et brandir sa lame pour leur trancher la gorge le répugnait... par moments. Quant aux autres raclures humaines, les criminels, les crevures en tout genre ou les voyous de bas-étages, le vengeur n'y pensait même plus. Malgré les mises en garde proférées par Khar'a et Agnan Daeroth, il se fichait totalement des proches de tels incapables. Peut-être pleuraient-ils encore la perte dudit être cher ?
Ils n'avaient qu'à remettre les intéressés dans le droit chemin avant que le vengeur ne les croise dans son sillage.
Dans tout ça, la taverne faisait parti de la première catégorie : des dommages collatéraux.

- "Je n'ai fait qu'énoncer une simple vérité. Mais nous ne sommes pas les seuls coupables dans cette histoire. Il se pourrait bien qu'une tête à trancher se manifeste dans peu de temps", répliqua-t-il en jetant un œil prudent vers les buissons alentours.

Rien pour le moment. Seules quelques chouettes laissaient entendre leurs cris rauques, sans pour autant se montrer. Le vent s'engouffrait également entre les arbres, mais sans trop de force.
Burnagore sentait au fond de lui que cette ambiance d'accalmie n'allait pas tarder à
se dissiper. Le genre de situation déjà vécue au préalable, mais dans de bien meilleures circonstances. Plus de visibilité, moins de blessures, plus de vigueur.
Il posa brièvement la paume de sa main sur ses cheveux roux pour éponger maladroitement les quelques taches de sang séché restantes.

- Nous ne pouvons pas les fuir, trop blessés. Mais désormais, nos pas ne laisseront plus d'empreintes de sang, rendant notre chasse plus ardue. Nous devrions trouver un terrain propice pour… Oui… Oui c’est une bonne idée. Et je crois que Kaze est de mon avis.

Burnagore se demandait encore comment il pouvait faire confiance à un homme qui... parlait avec sa lame. Ce putain d'épisode passé dans ce maudit village de gardes ivres de vengeance en expliquait une grande partie, certes. Blaze se comportait comme... un ami. Ce statut le rendait quelque peu nostalgique, mais il balaya ce sentiment pour se concentrer sur la situation actuelle.
Il devait à tout prix sortir de ce merdier et collecter d'autres informations sur la localisation de ses ennemis jurés. Ainsi il trouverait sa sœur, la libérerait, tuerait tous ces enfoirés de geôliers et...

- L’ennemi nous croit faible, et c’est vrai à un certain niveau. Nous devons trouver un endroit où ils devraient se forcer à se séparer pour nous chercher. Les affaiblir un à un, réduire lentement leurs nombres jusqu’à ce que la paranoïa s’installe chez eux. Ils doivent aller vite, s’ils veulent fouiller une zone entière rapidement, ils doivent se disperser, nous tuons le premier qui se présente. Et ainsi de suite. Ainsi, ils devront soit ralentir pour la prudence, ou continuer à risquer des embuscades jusqu’à périr…

Burnagore fronça les sourcils en suivant le bretteur aux pas.
Son compagnon d'infortune réfléchissait bien mieux que lui. Sa tête fonctionnait admirablement bien. En somme, il comptait liquider les éclaireurs. Une stratégie basique visant à tuer avant d'être tué. Un acte tout à fait classique pour le vengeur.
Une maxime de son existence tragique, qui plus est.
Mais pour que ce plan ait des chances de fonctionner, il fallait utiliser un appât. Falsifier les lieux. Fournir de fausses informations. Diriger les poursuivants dans un cul-de-sac.
Burnagore se tourna dans une autre direction, se remémorant les sentiers de la forêt explorés en plein jour au préalable, malgré sa tête lancinante.
En cet instant, il devait penser comme le ferait sa sœur.

- "Très bien. Je crois que deux sentiers se croisent, à quelques pas d'ici. Ils devront très certainement se séparer pour nous retrouver. J'ai quelques notions de chasse, ayant été recueilli par un chasseur, naguère. Je pense donc parvenir à les duper. Et pour cela, il leur faut une preuve", dit-il en déchirant deux morceaux de sa toge. "Une stratégie digne de ce nom prend en compte la topographie. Faute d'un climat défavorable en raison d'un manque flagrant de visibilité, nous allons nous concentrer sur l'environnement en question. Ces morceaux de tissu qui seront pris dans deux buissons différents, accompagnés de nos empreintes de pas, attireront l'attention de nos ennemis. La logique les pousseront à se scinder en deux groupes."

Il jeta un regard attentionné aux arbres, fit craquer son cou et rouler ses épaules.
Dans son état, il parviendrait à grimper à une hauteur raisonnable pour surprendre ses ennemis. Estimer leur nombre avant d'entamer un éventuel affrontement leur conférerait un grand avantage. La moindre bribe d'information ne devait pas être négligée.
Chemin faisant, le vengeur continua de réfléchir et d'expliquer la continuité de son plan. Ou sa théorie, en quelque sorte.

- "De plus, je doute que ces salauds soient assez idiots pour agir en sous-nombre. Nous sommes deux, ils seront donc au minimum à nombre égal par petits groupes. Après tout, nous avons réussi à quitter le village en duo. Ils ne commettront plus la même erreur", conclut-il en scrutant les ombres des branches noueuses.

Cette scène... cette sensation... tout cela lui donnait l'impression de revenir en arrière. Lorsque son père eut été tué par les bandits, lorsque sa mère avait donné sa vie pour les sauver, lui et sa précieuse sœur. Ce jour maudit, véritable début de sa descente aux enfers. Un monde oppressant parsemé de végétation étouffante, de branches semblables à des griffes menaçantes, d'ombres malsaines et de bruits glauques. Oui, cet univers lugubre ressemblait presque à celui de son passé d'enfant tourmenté. Ce moment de panique, avec des bandits à ses trousses, où il enjambait les racines rampantes en portant sa sœur sur son dos; il haletait et versait des larmes en serrant les dents.
Néanmoins, cette époque était révolue. Sa sœur avait disparu de son champs de vision, remplacé par un bretteur de son niveau. Par un homme débordant d'optimisme, capable de se battre. De même, Burnagore avait grandi depuis lors. Il savait se battre, désormais.
Et il se battrait. Jusqu'au bout ...quitte à tuer !

Blaze calculait minutieusement ses blessures et ses capacités, connaître ses limites s’avèrera sa plus grande force dans ce genre de situation. Si son épaule droite avait subi une flèche, elle pouvait bouger et appliquer une force convenable, mais limité. Sa hanche s’était rapidement soigné et bien que douloureuse, il pouvait bouger sans trop de problème, son onguent empêchant une possible aggravation de la plaie. Quant à la blessure de sa jambe, c’est celle qui l’inquiète le plus, car même cette blessure légère peut entraver sa si précieuse mobilité. Il n’y pensa pas, mais les mouvements trop brutaux et trop secs seraient très douloureux s’il s’appuyait sur celle-ci.

 

La mention d’une tête à trancher glaça le sang de Blaze, ce n’était pas une bonne nouvelle, s’ils étaient état de tenir des soldats standards, un être plus puissant, que ce soit en vitesse, en force, ou en vitesse, deviendrait rapidement un problème. Sans son œil de la tempête, il est incapable d’effectuer ses fameux sprints, et donc sa dangerosité s’en retrouve réduite, il se maudit de n’avoir pas pris le temps de méditer pour reconstituer ses forces correctement aux dépends de Burnagore, mais être deux affaiblis est plus avantageux qu’être seul et fort. Et il ne regretta pas son choix devant les explications du vengeur : Il connaissait bien le sentier et avait déjà une idée pour embellir son plan. ENCORE AVEC LES VETEMENTS ??? Bon sang, ça allait devenir une habitude… Une autre idée lui sauta à l’esprit et il déposa, au milieu des pas et des morceaux de tuniques, sa flasque. Les évènements du bar indiquaient clairement que c’était le genre d’objet auquel il tenait, et c’était le cas. Un excellent appât. Les deux rouquins préparèrent ainsi de la manière la plus tactique possible le terrain.

 

- "De plus, je doute que ces salauds soient assez idiots pour agir en sous-nombre. Nous sommes deux, ils seront donc au minimum à nombre égal par petits groupes. Après tout, nous avons réussi à quitter le village en duo. Ils ne commettront plus la même erreur"

 

Un point correct, mais qui importe peu, avec l’avantage de la surprise et leurs rapidités, ils pourraient rapidement surpasser des adversaires peu prévoyants. Ce qui inquiétait Blaze était une odeur qui se propageait dans l’air. Ses sens étaient particulièrement aiguisés, galvanisé par la douleur et ses origines.

 

« Ca sent les torches, ils arrivent, je nous donne encore quelques minutes. Nous devrions nous cacher dès maintenant et nous préparer. »

 

Blaze cacha ses cheveux dans sa veste et ajouta son écharpe à sa tenue, ne laissant que le haut de son visage et des bouts de cheveux ressortir dans l’ombre, le rendant assez noir pour se cacher parmi les ombres. Il mit son couteau dans la main droite, et changea le placement de son sabre, préférant l’avoir dégainer pour éviter tout son inutile. Il plaça celui-ci dans son dos sans fourreau, dangereux, certes, mais offrant flexibilité d’approche et discrétion comparé à sa dégaine bruyante et explosive d’habitude.

 

Dans cette tenue inquiétante, Blaze fit un signe à Burnagore, il était temps de se cacher, mais avant ceci, un vent puissant et mauvais souffla, inquiétant l’héritier des Loups

 

« … J’ai un mauvais pressentiment, quelqu’un… ou quelque chose ne tourne pas rond. Mais tu sais ce que l’on dit : garde tes amis près de toi, et tes ennemis encore plus près. »

Le duo ne mit pas longtemps à poser pied dans le fameux carrefour. Burnagore, préalablement plongé dans une autre de ses visions troublantes du passé, revint peu à peu à la réalité. Avant toute chose, sans se soucier de son partenaire, le mercenaire sanguinaire redoubla de prudence, inspectant les issues avec minutie, toutes griffes dehors.
Exactement comme il l'espérait.
Un carrefour à quatre voies, un terrain quelque peu irrégulier mais tout de même carrossable. Idéal pour inciter leurs poursuivants à la scission en petits groupes de recherche. Des circonstances indispensables pour leur tenir tête, évidemment.
Le vengeur s'affaira donc à placer quelques morceaux déchirés de sa toge à des endroits stratégiques, créant ainsi des fausses pistes méthodiquement calculées. De quoi occuper les plus idiots et pousser les plus intelligents à méditer un certain temps.
Il esquissa un sourire mauvais.
Cette idée lui plaisait de plus en plus. Restait à savoir si le destin jouerait en leur faveur. Jusqu'ici le verdict paraissait mitigé. Plutôt... orienté du mauvais côté, selon Burnagore, comme les deux poids d'une balance en déséquilibre entrainant la légère inclinaison de l'un des deux supports bancals.

- Ça sent les torches, ils arrivent, je nous donne encore quelques minutes. Nous devrions nous cacher dès maintenant et nous préparer.

Un conseil avisé que le vengeur approuva d'un hochement de tête. Il réajusta tout de même les quelques pistes laissées dans son sillage avant de rejoindre un arbre au feuillage particulièrement dense, et d'y grimper avec force grognements. Sa foutue blessure à l'épaule lui foudroya le bras, la main... jusqu'aux doigts. En serrant les dents, il parvint tout de même à rejoindre son objectif, non sans manquer de rejoindre le sol au préalable. Il n'osait pas imaginer l'ampleur du désastre s'il était tombé sur son épaule en voie de guérison.
Il balaya donc les graines de cette pensée macabre avant qu'elles ne puissent germer, souhaitant conserver toute son intégrité mentale avant une potentielle série d'embuscades ciblées.
Entre-temps, Blaze énonça quelque chose d'inquiétant. Et, curieusement, du haut de son perchoir de fortune, Burnagore ressentit un frisson glacé lui parcourir la nuque et lui hérisser les cheveux. Un vilain courant d’air nocturne de mauvaise augure s'était engouffré dans le carrefour, phénomène étrange et sournois décourageant.

- …J’ai un mauvais pressentiment, quelqu’un… ou quelque chose ne tourne pas rond. Mais tu sais ce que l’on dit : garde tes amis près de toi, et tes ennemis encore plus près.

- "On suit le plan", trancha-t-il. "Nous n'avons aucun autre moyen de nous en sortir. J'espère ne pas avoir à improviser de trop... la situation dérape toujours, à de tels moments."

Assez pessimiste de sa part, certes, mais vécu de trop nombreuses fois pour en dire le contraire. Il poussa un soupir discret en se remémorant le meurtre d'un commanditaire aisé, sans omettre les dommages collatéraux, bien entendu. On peut bien dire que l'argent n'a pas d'odeur mais pour Burnagore, la somme récoltée sur le cadavre du bâtard dénue de parole avait un goût amer. Il ne se rappelait plus ce qu'il en avait fait. Tant pis, se dit-il dans un silence de mort, en haussant simplement les épaules. Geste bénin qui lui valut une piqûre de rappel quant à sa blessure à l'épaule droite. Merci, camaraderie et instinct protecteur. Un beau duo capable de vous foutre dans la merde jusqu'au cou, et toujours au mauvais moment, cela va de soi.
Ce coup-ci, le vengeur poussa un soupir agacé, toujours accroupi derrière les feuillages de son arbre ancien. En tendant une oreille attentive et en s'efforçant d'effacer le vent frais - élément prétendument annonciateur d'un mauvais présage - de sa mémoire, Burnagore crut entendre un petit détachement s'approcher. Plusieurs foulées distinctes résonnèrent dans l'obscurité envahissante de ce milieu hostile. Selon ses prévisions, les salauds intrépides arriveraient en meute. il aurait sans doute voulu avoir tort...
En prenant en compte le dernier emplacement de son compagnon, le mercenaire sanguinaire fit signe à Blaze de se préparer à analyser la situation, et de redoubler également de prudence.

Ils avaient un plan à suivre, et c’était tout. L’attitude froide et meurtrière de Burnagore avait du bon dans cette situation, car il inspirait confiance, et malgré le risque inné à s’allier avec un tel individu, avoir un tueur dans son camp est toujours plus rassurant que de le voir en face. En regardant autour de lui, la nuit avait recouvert la forêt, rendant chaque arbre plus sombre, plus lugubre, et surtout, plus inquiétant. Une odeur de charbon remplit l’air, le temps pressait. D’un hochement de tête, Blaze se déplaça dans les hautes herbes, avant de trouver un arbre suffisamment solide pour le tenir tout en le camouflant. Après une escalade aussi silencieuse que lente, il prit les branchages, quitte à les tordre un peu, pour se protéger et rester cacher. Contrairement à Burnagore, il était bien plus proche du sol, plus par contrainte que par volonté, sa jambe blessée ne pourrait supporter une chute de trop haut.

 

Sa main droite gardant un feuillage devant lui, sa main gauche tenait son fidèle sabre. Il devait simplement attendre… Il regarda une dernière fois son chemin à suivre, il refit les gestes dans sa tête d’un mouvement propre et mortel au niveau du cou de son adversaire. Le bruit de pas devint de plus en plus oppressant, le jeune Loup ne regardait pas, du moins, pas ce qu’il voulait. Il ne devait que se concentrer sur les cibles à abattre, car la vue du régiment se déplacer était assez pour le faire sortir de ces gons… Ils étaient BEAUCOUP trop nombreux, pour deux simples fugitifs, ils étaient plus d’une douzaine… Environ 16, et encore, il peut y avoir d’autres qui se cachent. Tout n’était que question de patience et de nerf. Le Loup reniflait une autre senteur particulière… De la peur.

 

Un sourire mauvais se dessinait sur son visage, à part les plus courageux qui se tiennent devant, dans leurs armures, boucliers et armes brillantes flambantes neuves. Il y avait des trouillards, des hommes qui avaient vu de quoi le duo était capable, et qui ne souhaitaient pas les poursuivre. Des hommes justes peut-être, ou simplement trop désespérés pour refuser un travail. Le groupe arriva sur le centre de la route, et remarquèrent les détails laissés par leurs soins. Comme prévue, le groupe se sépara dans toutes les directions, mais un duo d’homme resta au milieu, et toute la peur qu’il ressentait venait de ces deux hommes… Il déglutit, puis regarda un premier détachement s’approcher près d’eux.

 

Blaze brandit sa main en l’air où Burnagore pouvait la voir, il fit un signe du pouce, mais à l’horizontale, le signe universel de la pitié, ou de la mise à mort. En fonction de la réponse de son ami, il se jetterait sur les deux hommes, il devrait être capable après tout, il ne sentait plus ses plaies, et l’adrénaline coulait doucement tel un bonbon au miel dans sa bouche. Les groupes s’espaçaient lentement, et le bruit que Blaze provoquerait offrirait une occasion pour Burnagore pour frapper à nouveau dans le dos. Après, ils n’auraient qu’à suivre le chemin entre les deux arbres, ce qui leur permettrait de se retrouver de l’autre côté de la zone. Tout était en place… Approchez, doucement, soyez prudent, remarqué nos traces de pas, remonter vers nous… L’odeur de l’argent et du sang vous a rendu incapable de voir la toile autour de vous.

 

Nerveux, le Marqué susurra : « Dépêche… on n’a pas toute la nuit… »

 

Si jamais Burnagore lançait l’assaut, Blaze pourrait éliminer les deux soldats devant lui sans trop de problème, mais il ferait du bruit, en revanche, si Burnagore prenait part à l’attaque, ils avaient un moyen de faire une double élimination silencieuse. Si on les laissait passer, nous pourrions nous concentrer sur les deux hommes au milieu du chemin, qui semblent être des traqueurs expérimentés… Ces cibles étaient prioritaires, mais le choix était un luxe qui pourrait coûter bien cher…

Plus la meute approchait, plus la situation sentait mauvais.
Burnagore étouffa un juron devant ce défilé de parasites. Putain, qu'ils étaient nombreux ! Il se sentait étrangement bien là-haut, perché dans son arbre. Beaucoup plus à l'aise que sur les toits de la ville, à se recevoir des coups de lattes ou des flèches. D'ailleurs sa blessure au niveau de son épaule le démangeait un peu. Il devait donc éviter de faire trop de folies avec. Facile à dire mais clairement difficile d'y prêter attention en plein combat. Tout ça pour dire qu'il valait mieux éviter les affrontements loyaux et préconiser les coups bas. Le genre de saloperie utilisé par Céasar Vulturès...
Son visage se crispa de dégoût et de haine.
Pour se changer un peu les idées, le vengeur suivit des yeux les différents groupes de chasse. Certains ne paraissaient nullement confiants, d'autres brûlés d'envie de récupérer la récompense sur les têtes du duo. Difficile de le leur reprocher après l'incendie de l'auberge, les quelques gardes tués et cette attitude comparable au mercenariat. Sauf que Burnagore n'avait pas lancé les hostilités dans cette foutue auberge, bordel de merde ! La faute revenait à ces deux espèces de pantins humains couverts de cicatrices et de points de suture ! Ils avaient allumé la mèche... et Burnagore avait suivi. Bon... il était allé un peu loin en utilisant sa faculté de pyromane, il fallait bien l'admettre. Il avait donc sa part de responsabilité dans ce bourbier, la mort d'un laguz sur la conscience et une milice au train. Sans omettre Blaze, cet épéiste assez étrange mais courageux. Digne de confiance.... ou peut-être pas. Le vengeur ne parvenait plus à croire en l'amitié. Son cœur avait, semblait-il, pourri suite à sa chute. Sa conscience ne valait pas mieux. Vraiment pas mieux. Cette horrible voix malsaine ne le guidait pas sur le droit chemin mais bien vers les enfers.
Cette forêt obscure ne représentait que les préludes de son voyage macabre.
Il regarda Blaze qui lui fit un signe. Tuer, épargner, laisser passer, attendre ou...; assommer ? Burnagore avisa les deux ennemis les plus proches, tout en jetant un regard en coin vers les deux autres tocards postés au milieu.
Le mercenaire sanguinaire étouffa un grognement en posant son regard de braise sur les deux enfoirés les plus proches.
S'opposer aux deux traqueurs restés au milieu du chemin représentait un risque plus important que de se jeter sur les deux autres. Selon lui, il fallait se focaliser sur les proies les plus proches sans se faire remarquer par les guetteurs.
Burnagore leva une main vers Blaze pour lui indiquer son choix, à savoir s'attaquer à ceux qui se trouvaient non loin d'eux, sans pour autant les tuer. Sauf si la situation l'exigeait. Ainsi, il plaça une main devant sa bouche à l'intention de Blaze pour mimer un étouffement. Faire taire ces salauds dans la hâte, voilà ce qu'il désirait. Et sans se faire remarquer. D'un geste de la tête, il donna le signal et se glissa dans l'ombre de son perchoir, sans faire le moindre bruit, avec une furtivité féline. Par chance, ses cibles ne parlaient pas. Attentionnées ou stressées... ou un peu des deux.
En se rendant compte de la position de Blaze, Burangore saisit l'un des hommes par le cou en s'appuyant sur l'une de ses épaules, et l'étouffa tout en l'immobilisant. Jusqu'à ce qu'il sombre dans l'inconscient. L'autre devait finir entre les mains de Blaze, pourvu que ce dernier agisse à temps et ne fasse pas trop de bruits !

- *Magne-toi... et tirons-nous de ce merdier au plus vite!*, pensa-t-il en serrant les dents.

Burnagore louchait déjà sur l'issue propice à leur fuite, tout en gardant un œil sur les traqueurs positionnés au centre du carrefour. Si l'un d'eux se retournait...
Il déplaça le corps de l’homme étouffé par son étreinte derrière un arbre, histoire que ce dernier n'attire pas leur attention.

Le signal fut lancé, et une sorte de silence spirituel s’instaura dans l’âme de Blaze. Aucune pensée ne vint le perturber, tout était devenu un étrange monde sans lumière, sans couleur. Seuls les sons restaient, et ses oreilles s’agitaient d’un mouvement canin à chaque bruit. Le vent soufflait doucement, lui conférant une légère couverture sonore. Descendant de son arbre en souplesse, il esquissa à plusieurs reprises des grimaces de douleur. Sa jambe ainsi que son épaule étaient touchés, et si la douleur est le signe qu’il est en vie et conscient, cela peut rapidement dégénérer. Son souffle s’accéléra, il devait rester bas, et donc plier les jambes, demandant un effort constant sur celle-ci, déjà ruinés par la course dans le village. Tenter de retenir le souffle de cette personne suffisamment longtemps n’était pas une bonne idée : avec sa blessure à l’épaule, il allait souffrir le martyr pour le retenir, il devait le mettre hors d’état de combattre de manière plus… conventionnelle.

 

Tout n’était que maitrise et concentration, il aperçut la forme de Burnagore s’occuper du premier poursuivant, et il suivit bientôt. D’un mouvement vif et un peu imprudent, le jeune Marqué se leva soudainement et prit son adversaire dans le dos. Il lui bloqua immédiatement la bouche de son adversaire pour étouffer tout son. D’un coup de genou, il mit son adversaire à ses pieds. Et d’un geste expert, il lui tordit le bras droit, le déboitant avec de finir avec un violant coup de revers sur la tête, le mettant KO. Le vent avait soufflé fort, assez pour camoufler cette mise à terre brutale et peu habituelle. Mais au moins, cet homme ne pourra rien faire sans soin, et c’est toujours une bonne chose. Il tira le corps et prit le risque de se redresser pour le trainer dans un coin plus sûr. Proche des arbres et de Burnagore. Il le regarda dans les yeux et ne sembla absolument pas désoler d’avoir fait du bruit. Il fallait prendre les mesures correspondantes. Les deux pauvres mercenaires étaient inconscient et dos à un arbre assis.

 

Une idée germa dans son esprit, et Blaze laissa un sourire se dessiner sur son visage, il retira son écharpe pour montrer son visage à son compagnon et expliqua.

 

« Prépare le chemin, je vais laisser un faux indice. »

 

Sortant son petit couteau, il découpa un morceau de sa veste, pour le mettre dans la main d’un des deux évanouis. Il mit ensuite la main de manière à pointer une direction opposée à celle qu’il allait emprunter. Ainsi, dès que les corps seraient découvert, cet indice de lutte devrait donner une direction à leur poursuivant, leur donnant de précieuses minutes pour s’éloigner. Une distraction parfaite, ces adversaires allaient probablement penser que ce morceau de tissus montrait que les fuyards s’étaient battus et que la direction indiqué par le doigt de leur camarade était certainement son dernier effort pour guider leurs chasses.

 

Remettant son écharpe et rengainant sa lame, heureux qu’elle n’ait pas servi, Blaze garda tout de même son couteau près de lui et reprit le chemin pour rejoindre Burnagore dans un chemin couvert par les hautes herbes. Il avait été si concentré sur sa démarche, sur son travail, qu’il n’avait pas remarqué que sa jambe saignait à nouveau.

 

« Bien. Cela devrait nous donner un peu plus de temps. Dépêchons nous ! »

Bien. Très bien, même.
Il ne leur fallut pas beaucoup de temps pour empêcher les deux zigotos trop curieux et beaucoup trop ambitieux au goût du Vengeur pour leur nuire. Ce vent bienvenu couronnait le succès de la manœuvre, étouffant les grognements ou gémissements de la victime de Blaze. Désormais le duo de chasseurs, mercenaires ou laquais du village demeurait inconscient derrière un arbre. Avec un peu de chance, les autres participants de cette foutue chasse à l'homme ne reviendraient pas sur leurs pas avant un bon moment. Dans le pire des cas, ces derniers se rendraient compte de la supercherie un peu trop tard. Sauf si les deux traqueurs postés au beau milieu du carrefour décidaient de sonder les alentours à un moment ou à un autre, ce que Burnagore redoutait dans l'instant. En jetant un coup d’œil depuis les buissons particulièrement denses, les deux intéressés n'avaient pas bougé. L'un d'eux se curait le nez et racontait des conneries à son coéquipier.
Bien. Parfait, même.
En se retournant vers son collègue bretteur, Burnagore haussa un sourcil devant ce qui semblait être un rictus malin.

- Prépare le chemin, je vais laisser un faux indice.

Tiens-donc ! Blaze comptait innover à sa manière. Non, pas vraiment. Il s'inspirait des duperies du vengeur, visiblement. Burnagore sourit à son tour, haussa les épaules et inspecta le chemin après avoir extirpé délicatement et silencieusement la lame de son fourreau. Il n'était pas à exclure qu'une raclure se soit postée à quelques pas de la zone, sceptique au sujet des indices laissés au préalable par le duo d'épéistes.
Après quelques secondes ou quelques minutes, Burnagore ne vit rien de suspect. Il en profita donc pour tester la fluidité de son épaule blessée. Son dernier geste visant à étouffer provisoirement l'un des deux hommes inconscients lui avait coûté une légère douleur au niveau de ladite articulation fragilisée. Il réprima sa colère, sachant pertinemment que cette dernière ne lui servirait à rien pour s'échapper de cette forêt trois fois damnée.

- Bien. Cela devrait nous donner un peu plus de temps. Dépêchons nous !

Dans les hautes herbes, le mercenaire quelque peu assagi par la situation hocha la tête et répondit calmement à son interlocuteur.

- "Hm. Je connais les environs mais la nuit le vent peut vite tourner. Nous allons nous dépêcher sans manquer de prudence. Puis ensuite nous-... Merde", marmonna Burnagore en se baissant davantage.

Il regarda Blaze, un doigt devant la bouche pour lui faire signe de ne pas parler, de ne strictement rien dire ! Ensuite, son regard de rubis scruta prudemment l'horizon découpé par les hautes herbes. Le champs de vision réduit ne facilitait pas la tâche du vengeur, mais ce dernier se focalisait sur autre chose.
Une sale impression. Quelque chose d'anormal. La même sensation qu'il transmettait à ses opposants avant de les tuer. Un frisson glacé. Une bourrasque fouetta les hautes herbes dans lesquelles le duo se dissimulait. Des grognements résonnèrent dans l'ombre des feuillages. Ceux-là ne provenaient pas d'une bête. Burnagore doutait même de sa théorie. S'agissait-il vraiment de grognements ? En y prêtant une oreille plus attentive, cela ressemblait à une puissante respiration. Un peu comme celle d'un homme épuisé, avec une voix rauque.
Deux points verts se détachèrent du rideau de la nuit. Des lueurs sinistres, très vite suivies par deux volutes tout aussi lugubres. Une immense silhouette, d'une taille équivalente à celle de Redeye, s'arrêta brusquement et contempla les hautes herbes.
Burnagore relâcha la végétation pour se tourner vers Blaze sans émettre le moindre son dénonciateur.

- "Ils nous ont dénichés un colosse aux allures macabres. D'où sort ce... truc ? J'ai l'impression de... Non. Insensé. Oublie", souffla-t-il en réfléchissant, avant de continuer doucement : "Nous allons le contourner. Si nous affrontons cette chose... Je n'ai pas besoin de te faire un dessin."

Cette... créature ne bougeait pas. Comme si quelque chose l'attirait. Cachée par les feuillages et les buissons, à quelques mètres de la position des deux bretteurs, elle attendait. L'ignoble respiration transportée par les vents continuait son concert.
Les poursuivants faisaient déjà assez chier, avec ce colosse supplémentaire... la grosse cerise sanglante sur un monticule de merde.

Les hautes herbes offraient un camouflage décent, suffisamment pour les cacher des lumières inquiétantes… Il y avait quelque chose de suffocant dans cette atmosphère, par-delà être simplement chasser, il fuyait la lumière. Toute forme d’éclairage était proscrite, et ainsi, ces alliés de tous les jours étaient ces ennemis à cet instant, la voile argenté de la Lune qui éclairait les dunes le soir n’était qu’un voile de mort. Le feu des torches pourrait être les flammes de l’enfer, car dès que celle-ci se rapproche trop, c’est la mort qui les attendait… Alors il s’abritait, se protégeait de celle-ci, s’offrant à l’étreinte inquiétante des ombres. Burnagore savait où aller, et il n’avait ni le temps ni la volonté de poser des questions dans ce genre de moment.

 

Sa jambe droite tremblait, il sentait un liquide chaud, et assuma immédiatement que sa plaie s’était rouverte. Il y mit une main et serra les dents pour retenir un gémissement de douleur. Sa plaie n’était pas que ouverte, elle présentait de réelle risque d’hémorragie mortelle. Tout mouvement trop brusque risquerait d’aggraver l’entaille profonde causé par la flèche, réduisant encore plus ses chances de survie. Il soupira et retira son écharpe pour bourrer sa plaie avec. Ca tiendra… Il le faut.

 

Depuis le début de leur fuite, le vent était favorable, couvrant leurs odeurs, mais Burnagore expliqua calmement que tout pouvait basculer en un instant. Blaze acquiesça avec des yeux vides, il avait perdu plus de sang qu’il ne voulait l’admettre et sa vigueur en prenait un coup. Il devait garder toute son énergie au cas où… Chaque battement de cœur troublait sa vision, et sa tête était légère… très légère. Avait-il perdu déjà tant de sang ?

 

(Impossible, absolument… impossible…)

 

Pendant un très court instant, Blaze perdit conscience, ses yeux se fermèrent et le noir envahit son esprit. Déconnecté de son corps, une voix distante l’appela. Il ne pouvait distinguer correctement la personne qui lui parlait. C’était la voix d’une femme, du moins, c’était ce qu’il pouvait assumer. Une forme humaine apparut devant lui, dégageant une lumière verte douce et calme. Il ne put distinguer aucun trait, et a supposa qu’elle était la source de la voix, désormais silencieuse. La forme sembla pointer du doigt une direction, qu’il regarda…

Un souffle froid et glacé parcourut son corps, lui donnant un frisson de terreur. Un colosse se posa devant lui, grande, imposant, mais vide comme une coquille creuse. Ses mouvements étaient désarticulés, comme manipulé par des cordes attachés à ces membres. Une marionnette, voilà le bon terme. Une main inquiétant avait les cordes sur ses doigts, manipulant le corps du géant tel un pantin. La vision s’arrêta soudainement, brisé par la voix de Burnagore, et Blaze lui agrippa l’épaule d’une main forte avec une force retrouvée.

 

« Ce ‘truc’ n’est pas humain. Une force extérieure fait bouger cette… coquille vide. Quelque chose à capter son attention… Comme s’il avait vu une trace… Une trace ? »

L’armoire à glace regardait exactement le chemin qu’avait pris Blaze, ce qui voulait dire… Que cette chose était peut-être attirée par le sang. Une stratégie qui hélas n’était pas disponible, il peinait à ne pas perdre son or rouge, alors le dépenser était hors de question. Il devait faire preuve de discrétion, mais ce monstre couvrait un trop gros périmètre, dont leur chemin de sortie. Alors il fallait prendre le risque de perdre encore plus de sang...

 

D’un geste déterminé et sûr, Blaze dégaina son couteau et retira son écharpe de sa plaie sur la jambe. Il mit son couteau au niveau de la plaie pour le gaver de sang. Bientôt, plus une seule parcelle d’acier n’était visible sur celui-ci. Il mit le couteau entre les mains de Burnagore, lui expliquant son idée.

 

« Cette chose regarde étrangement au dernière endroit où j’ai laissé couler du sang… Envoie ce couteau loin de notre trajectoire, ceci pourrait être notre ticket de sortie… Urgh… »

 

Blaze flancha. Sa plaie coulait à nouveau, avec plus de vigueur qu’avant. Il se dépêcha de remettre son foulard en guise de bouchon, mais vu la vitesse à laquelle il perdait son essence, ce n’est qu’une question de minute avec que le tissus ne soit complètement imbibé. Il appuya fortement sur sa jambe pour se maintenir en position, mais ses os firent des bruits étranges, preuve irréfutable que son physique avait beaucoup subit de son activé post fuite. Il faut dire qu’après avoir été sauvé par un Laguz, Blaze s’est relevé, à soigner Burnagore, nettoyer son épée, et bien d’autres tâches que sa fougue naturelle ont rendu faciles, mais dont il paye les conséquences en ce moment même…

 

Ce couteau trempé de son sang était sans doute un moyen de détourner l’attention ne serait-ce qu’un quart de seconde du monstre, cela pourrait être suffisant. Mais ses membres tremblaient beaucoup trop, une fièvre le prenait. Avait-il prit une quelconque maladie ? Ce n’était pas impossible, mais en attendant d’en découvrir, il se concentra de toutes ses forces sur le signal de Burnagore.

 

« Ah…. Hah… Hah… Quand… Tu veux… hah… »

 

Sa voix était très faible, et pareillement inquiétante ! Lui qui avait pourtant montré un tel entrain du début jusqu’à la fin, on pourrait presque croire qu’il mourrait surplace. Sa vitalité semblait avoir fondu comme neige au soleil, son visage était couvert de sueur froide, dû à la peur ? Non, cela venait d’un autre mal, la peur a toujours été une ami proche de Blaze. Alors pourquoi… Pourquoi cette sensation que la Mort lui offre une nouvelle danse…

Cet étron géant suivi par deux étranges feux-follets verdâtres poussait Burnagore à la réflexion. Pourquoi avait-il la désagréable impression de le connaître ? Cela ne rimait à rien. Un type de cette taille dans sa liste de contacts ? Absurde. Complètement insensé. Une illusion fabriquée par son imagination débordante. Rien de plus. Aucune raison de fricoter avec des colosses nocturnes. Pas la moindre.
Burnagore grimaça en songeant au moyen de quitter les lieux sans encombres.
Comment éviter un monstre de cette taille ? Sans compter que ce dernier scrutait les environs telle une sentinelle, et semblait ressentir quelque chose de pas très net dans le coin. Une forteresse mobile de ce calibre risquait fort d'avertir les autres larves... mélangez-les et le tout formerait une belle purée sanglante. Avec deux bretteurs en petits morceaux, tels les croutons brisés flottant à la surface d'une soupe sordide.
La ruse allait devoir jouer de sa baguette magique pour rendre la finalité de cette partie de chasse à l'homme moins déroutante.

- Ce ‘truc’ n’est pas humain. Une force extérieure fait bouger cette… coquille vide. Quelque chose à capter son attention… Comme s’il avait vu une trace… Une trace ?

Un coquille vide ? Cette expression lui donnait un arrière goût absolument ignoble dans la bouche... bien pire que celui du sang. Les tarés recousus ! Cette odeur... putréfiée et malsaine. Le vengeur tourna la tête pour surveiller la chose toujours inerte à travers un misérable interstice entre les hautes herbes. Cette histoire devenait de plus en plus glauque et dangereuse.
Un autre pantin manipulé dans l'ombre ? Burnagore en venait à détester autant les morts que les vivants depuis cet incident au village Adiature...
En se focalisant davantage sur la silhouette gigantesque de la masse ténébreuse, il aperçut l'éclat spécifique d'une armure en plaques. Le mercenaire sanguinaire crachat de dégoût. Il ne manquait plus que les morts se relèvent avec une armure, maintenant...

- Cette chose regarde étrangement au dernier endroit où j’ai laissé couler du sang… Envoie ce couteau loin de notre trajectoire, ceci pourrait être notre ticket de sortie… Urgh…

Blaze proposa une diversion bien sanglante. Et avec son propre sang, qui plus est. D'ailleurs il semblait saigner abondamment. Par tous les diables ! Cette situation sentait de plus en plus la merde ! En continuant sur cette voie, ils n'allaient pas tarder à se transformer en viande morte !
Mourir ? Avant d'avoir accompli vengeance ? Avant d'avoir sauvé sa sœur ? Avant de revoir le sourire de Phoenix, de sentir sa présence plus que réconfortante ? Fadaises. Fadaises, fadaises et fadaises !
Burnagore réceptionna le couteau et le soupesa aussitôt. Peu lui importait le sang dessus, il s'y était habitué avec le temps et les meurtres.

- "Très bien. Nous allons procéder comme tu l'entends...", murmura le vengeur en préparant son lancé.

Il dut se concentrer sur le vent, histoire de ne pas être trahi par le bruit du couteau fendant l'air. Les hautes herbes lui permirent de masquer convenablement son lancé et l'arme produisit un bruit particulier lors de son atterrissage. Un son sec et creux. Un "toc" très éloquent. Sûrement planté dans un arbre environnant, derrière les hautes herbes. Ce qui signifiait que les gouttes de sang s'étaient éparpillées dans la végétation en chemin. Ha ! Qu'il aille donc chercher sa "proie", ce bâtard de pantin.
Le vengeur esquissa un sourire rusé et satisfait devant cette délicieuse perspective d'égarement.
Il en profita pour connaître la réaction dudit poursuivant. La montagne se mit en marche, dos au duo de bretteurs camouflé. La respiration du monstre résonnant à travers les arbres noueux.
Burnagore se tourna vers Blaze, mais son sourire malin s’éclipsa dans la seconde à la vue de l'état de santé du roux.

- Ah…. Hah… Hah… Quand… Tu veux… hah…

Sa voix trahissait sa faiblesse. Un lourde respiration caractéristique d'une blessure conséquente. Cette plaie à la jambe le faisait souffrir à ce point ? Elle saignait beaucoup, mais la blessure bandée retarderait certainement le saignement...
Burnagore s'approcha de son équipier et inspecta la plaie sans pour autant la toucher. Il prit également compte du visage de ce dernier qui faisait peine à voir. Dans un tel état, le voir courir tiendrait du miracle.
Putain que ça sentait mauvais, très mauvais.
La situation ne pouvait-elle pas s'améliorer d'un iota ? Juste un petit coup de pouce du destin ? Que devait-il faire, bordel ?! Laisser Blaze se faire découper, écarteler ou pendre par les chasseurs ? Le trahir, lui qu'il l'avait aidé à quitter le village ? Comme Céasar Vulturès l'avait fait en le jetant d'une falaise avec son frère et consort ? Intolérable ! Jamais il ne prendrait exemple sur une telle bande de chacals ! Il serait incapable de regarder sa sœur et Phoenix en face après un tel outrage. Son père et sa mère, tous deux défunts, le maudiraient depuis les cieux.
Burnagore étouffa un juron et prit Blaze par l'épaule. Rester dans les fourrés à attendre que le colosse les retrouve... hors de question. Il fit au mieux pour éviter de forcer sur la blessure de son camarade.

- "Je crains que ta blessure ne soit pas anodine. Mais est-ce vraiment l'origine de ton mal-être ?... Il va falloir avancer avec prudence. Si le géant ne nous prête pas attention, les pisteurs peuvent finir par croiser notre chemin", dit le vengeur à voix basse. "Ta pommade miracle ne m'a pas l'air grandement efficace, sans vouloir te vexer..."

Le vengeur fit du mieux qu'il put pour avancer en soutenant Blaze, dépassant les hautes herbes pour pénétrer dans les bois sombres où se trouvait le colosse une poignée de minutes plus tôt. Aucune route décente ne leur permettait d'avancer à un rythme régulier. Les buissons étaient légion et des branchages rigides encombraient le chemin. Néanmoins, en y allant doucement et en évitant de faire trop de bruits, le duo parviendrait à ses fins. A quitter ce nid de serpents ! Et surtout à voir le soleil se lever une nouvelle fois.
Burnagore avait de la volonté à revendre malgré les blessures récoltées durant son précédent périple. Les mâchoires serrées, il progressait en silence. Depuis combien de temps n'avait-il pas soutenu un allié ? Il tuait plus qu'il ne sauvait, et ce depuis quelques mois déjà.
Il lança un regard en coin à son compagnon d'infortune. Pourquoi souffrait-il à ce point, d'un coup, après cette altercation avec... les deux...
Merde.

- "Le gars de tout à l'heure... t'aurait t-il touché avec son arme ? Ne serait-ce qu'une égratignure bénigne ?" s'enquit le mercenaire.

Si ses suppositions étaient exactes, la situation allait empirer de façon drastique. Un désastre évolutif parmi les désastres. D'autant plus que les bois grouillaient de types pas commodes et qu'une zone sûre ne se profilerait pas avant un petit moment...

Tout paraissait si flou, si distant. Seul la voix de son compagnon lui permettait de garder un pied dans la réalité. Chacune de ses pensées n'arrivaient pas à se synthétiser correctement, et donnaient un résultat brouillon, incohérent, aberrant. Ses yeux réussirent tout de même à suivre le mouvement du couteau que Burnagore jeta pour distraire le géant. C'est alors qu'il sentit son épaule se faire soulever par une force extérieure, on le soutenait. Porté par son compagnon d'infortune, Blaze sentait ses jambes tremblantes, incapable le maintenir debout, et encore moins se cacher dans les herbes. Suivre la marche afin de se rendre plus facilement déplaçable était la seule chose dont il était capable à cet instant. Lentement, ses forces revinrent dans ses jambes, puis ses bras, mais sa tête restait dans un épais brouillard de confusion et d'incertitude, une émotion définitivement inconnu pour le jeune Marqué arrogant qu'il était.

Les paroles de Burnagore semblaient mentionner l'inefficacité de sa pommade, ce qui lui arracha un sourire déformé par la douleur. Il analysa lentement, mais avec une terrible difficulté les phrases... Attention au géant, les pisteurs, oui, on doit s'enfuir pour l'instant... Un étrange système semblait s'opérer au niveau de son corps, plus celui-ci semblait retrouvé ses capacités, plus son esprit se retrouvait dans un état second, incapable de fonctionner rapidement et efficacement en dehors des réflexes les plus primaires. Soudainement, il sentit la flexion des muscles de Burnagore, et ses paroles eurent l'effet d'une véritable bombe dans sa tête :

- "Le gars de tout à l'heure... t'aurait t-il touché avec son arme ? Ne serait-ce qu'une égratignure bénigne ?"

Blaze passa immédiatement sa main sur son autre bras, une très légère coupure y était. Incroyable légère, mais en regardant de plus près, du sang quasiment noir en sortait, on l'avait empoisonné. Il mit sa bouche au niveau de son bras et aspira le peu de poison qu'il y avait dans sa bouche avant de le recracher avec mépris. Il réussit à se libérer de Burnagore et se laisser tomber à genoux,  et mit sans aucune hésitation deux doigts dans sa bouche. Une remontée acide se développa dans sa gorge, et il tenta, en se couvrant la bouche, de faire le moins de bruit possible. Il retint avec difficulté des toussotements, des larmes chaudes se dessinèrent sur son visage, et un petit gémissement de douleur lui échappa devant la terrible acidité du liquide. Il regarda Burnagore avec des yeux brillants au clair de la Lune à la suite de ces larmes de douleur. Son regard exprimait son désir de devoir prendre un petit moment pour se soigner, mais pas tout de suite, pas dans un endroit aussi risqué.

(Un hallucinogène... Vite...)

Le Marqué n'avait que peu de temps avant qu'il ne perde la tête, alors il devait essayé de neutraliser le plus possible cette toxine avant de devenir un handicap. Si son état physique ralentissait déjà beaucoup leur progression, des hallucinations scelleraient définitivement son sort, et celui de Burnagore par la même occasion. Il laissa son instinct de survie prendre le dessus, guider ses pas. Il continua dans la même direction qu'auparavant, ne prenant pas le temps d'expliquer à son allié la situation dans laquelle ils étaient. Un vent doux guida ses pas, son regard, vers un arbre géant, possédant une grande quantité de hautes herbes à sa base afin de les cacher. Blaze s'y posa délicatement, avant de laisser son corps complètement contre l'arbre, exténué. Il fouilla dans sa poche arrière des plantes, et expliqua à Burnagore.

"Empoisonné, un hallucinogène, si ca continue, je vais voir des choses et hurler..."

Il prit des étranges plantes abordant une couleur et une forme peu orthodoxe et les mirent en bouche pour les mastiquer. Une fois la salive et les essences de plantes complètement incorporé, il laissa un liquide pâteux et compacte couler de sa bouche à sa plaie. Cela devrait réduire fortement la progression et les effets, mais seulement pour un temps. Il se releva, respira longuement, essuya sa visage qui était devenu un vil mélange de vomi, de salive, et de sueur. En regardant la Lune, il expliqua avec une voix calme, sérieuse, et réfléchit

"Continuons de nous éloigner... Il en faut plus pour me tuer."

Alors que Burnagore allait probablement continuer son chemin, il lui retint le bras. La lumière dans ses yeux s'étaient éteinte durant un court instant, puis il détourna le regard et reprit sa confiance habituelle. Il prit les devants et marcha bien sous la couverture du vent et des hautes herbes. La lumière de l'astre d'argent ne les éclairaient quasiment pas, et l'odeur des torches se faisait distante. Il secoua la tête, toutes ses informations pouvaient être faussés par le poison! Une ombre se manifesta dans sa tête, encore ce géant? Comme-ci il n'en avait pas eu assez... Non, c'était une forme bien plus féminine, Khar'a? Alors qu'il se faufilait dans l'ombre de la nuit pour s'enfuir, il murmura, assez fort pour que Burnagore entende, le nom de la femme qui avait volé son cœur... Tout espoir de la revoir serait impossible s'il mourrait ici! Il tint fortement dans sa poche les silex avec lesquels il avait allumé le feu de leur première rencontre, et espérons le, pas leur dernière.

"... Khar'a..."

Burnagore détourna vivement la tête dans une direction. L'espace d'un instant, il crut entendre leurs poursuivant non loin, à discuter comme des idiots pendant la chasse. Il attendit un instant, y prêta une oreille bien plus attentive... et n'entendit que le vent siffler à travers les feuillages sombres découpés dans la nuit noire. Le vengeur poussa un bref soupir de soulagement, l'air impassible, puis bascula son regard de rubis sur Blaze. Celui-ci plaqua ses mains par terre pour tenter de se purger l'estomac. Une pratique clairement insuffisante, vu qu'il s'agissait très certainement d'une blessure jouant sur la vulnérabilité sanguine. A son humble avis, du moins. Il poussa un grognement dégoûté par les circonstances écœurantes et maudissait une énième fois ses pulsions sanguinaires envahissantes.
Il avait tellement merdé face à ces putains de cadavres ambulants ! Sans omettre la triste fin du Laguz loup...
Burnagore secoua la tête pour se forcer à effacer de telles pensées. Ici, les regrets n'engendreraient que des drames supplémentaires. Seule la survie comptait. Les erreurs du passé et les morts devaient rester loin de son esprit déjà bien assez torturé...

- Empoisonné, un hallucinogène, si ça continue, je vais voir des choses et hurler...

Ce qu'il redoutait le plus, effectivement. Si un cri devait sortir de la bouche du bretteur... il faudrait peut-être le faire taire une bonne fois pour toute en lui ouvrant la gorge ?
...Non ! Quelle putain de pensée malfaisante !
Burnagore se mordit la lèvre inférieure en suivant Blaze comme son ombre, le regard voyageur afin de ne pas être étonné de croiser l'un de ses potentiels bourreau à venir...
Fort heureusement, il ne vit rien de suspect.
Jouer la sentinelle pendant que son allié empoisonné lui permettait d'éviter d'agir impulsivement. Dans un monde aussi sombre, seulement éclairé par la Lune, la prudence restait de mise. Crever ici n'aurait aucun sens. Ni pour Burnagore, ni pour Blaze. Et surtout pas pour leurs connaissances qui ne seraient au courant de rien. Leurs deux cadavres pourriraient dans un coin... ou finiraient brûler en place publique, avec un peu de chance.
Si on pouvait appeler ça de la chance.

- Continuons de nous éloigner... Il en faut plus pour me tuer.

Le vengeur resta silencieux, l'air grave. Il ne voulait pas se fatiguer à remonter le moral de Blaze. Burnagore se craignait lui-même. Au lieu d'aider verbalement les siens et de les réconforter, il risquait probablement de produire l'effet inverse. Hors de question de gaffer dans un moment aussi crucial !
Alors le mercenaire sanguinaire entama une foulée, pour finir interrompu par une main de Blaze. En tant normal, il l'aurait envoyé paître d'un roulement d'épaule accompagné d'une injure parfaitement appropriée. Mais il se refusait d’agir de la sorte. Si la survie méritait qu'on y accorde grande importance, la camaraderie avait également sa place. Et la confiance y jouait un petit rôle...
Blaze lui passa devant, et il n'y voyait aucune objection. S'il se sentait capable d'avancer... Pourquoi pas ? Tant qu'il ne perdait pas le Nord. Retour aux hautes herbes et aux cachettes bienvenues. Un périple de couards s'accrochant péniblement à la vie... Pour une vengeance, un sauvetage, une libération et...

- ... Khar'a...

Burnagore marqua un temps d'arrêt, les yeux braqués sur Blaze.
Le monde devint soudain bien petit. Tellement étroit ! Au point qu'il ne se résumait plus qu'à cette région bondée d'individus dérangés... mais aussi de gens innocents et rêveurs. Comme la Laguz féline nommée "Khar'a".
Le vengeur haussa un sourcil, le visage presque dénué d'émotion.

- "Ainsi tu la connais... Quel monde ridiculement petit", souffla le vengeur en regardant le ciel d'un air songeur. "Comment partager ses idéaux pacifiques dans un monde rempli de tordus... et de cadavres animés ?", continua Burnagore d'une voix emplie de reproches, avant de regarder Blaze et d'esquisser un sourire en coin. "Mais je te comprends. Un minimum. A chacun sa lumière... Ne tardons pas plus !" conclut-il en haussant légèrement les épaules.

Burnagore se remit en route, les idées un peu moins noires.
Le duo traversa les hautes herbes, mais le prochain chemin n'allait pas leur être aussi favorable. Non loin d'un axe principal, le danger les frôlerait. Dans le pire des cas, il leur tomberait dessus dans un virage bien serré. Le comble serait de tomber sur une meute de loups affamés. Mais évitons de parler du pire... Tout cela en devient désolant !
Parmi les arbres épais et leurs feuillages oppressants, les échos d'une discussion brisèrent le mur fragile d'un silence nocturne. Burnagore fit signe à Blaze de ralentir. Et de la fermer. Surtout de la fermer. Il s'adossa à un arbre, plus prudent et suspicieux que jamais. Les salauds parlaient entre-eux... Mais Blaze disposait sûrement d'une meilleure acuité auditive que le vengeur ? Pour couronner le tout, un courant d'air glacial frôla le duo. Un élément de mauvaise augure soulevant une vague d’anxiété chez le vengeur. Il s'efforça de l'ignorer pour chuchoter à Blaze...

- "Que racontent-ils ? La moindre information peut nous être utile...", marmonna-t-il en indiquant d'un simple mouvement de tête la localisation des bruits.

Là où il croyait les entendre, du moins...

Elle fut dans ces pensées pendant un instant, il dit même son nom. Avant de se résoudre à faire disparaître cette image de sa tête. Tant qu’il la verrait, il risquait de mourir, alors s’il voulait la revoir, c’était maintenant qu’il ne devait pas y penser ! Mais c’était sans compter une révélation qui lui tordit le cœur. Alors c’était lui, l’homme qui avait choqué à ce point la Laguz, d’un certain côté, il en était intimement convaincu. Il grogna à l’idée qu’elle était sa lumière, le salaud n’avait pas tort, et hélas, ce n’était ni la place, ni l’instant de régler des comptes. Ce monde est rempli de tordus et de saloperies, il avait raison sur toute la ligne, mais c’était exactement pour cela qu’il fallait se battre, et préserver la lumière.
 
(Il me comprend… Tsss, il aurait intérêt.)
 
En réalité, Khar’a n’était pas forcement sa lumière, lui et elle incarnait la même, mais d’une perspective différente, Blaze brûlait, mais Khar’a éclairait. Khar’a était la source lumineuse directe : diffuse, douce et inoffensive. Blaze était le reflet de cette lumière, beaucoup plus concentré, dangereux, et capable de brûler les plus imprudents. Oui, cette comparaison était correcte. Il continua sa course, un peu réjouie, mais aussi un peu en colère contre son compagnon d’infortune. Il allait avoir besoin de temps pour digérer cette nouvelle, mais exactement comme Khar’a, lui aussi faisait confiance à Burnagore, même s’il se tenait sur une pile de cadavre, il y croirait, jusqu’au bout, jusqu’à ce que qu’une lame rentre le gosier de l’un ou de l’autre.
 
La couverture des herbes diminua brusquement, le reste du chemin allait s’avérer compliquer. Son souffle s’apaisa et ses membres tremblaient avec moins de vigueur, le poison reculait. Sans Burnagore, celui-ci aurait eu le temps d’atteindre son centre nerveux et infliger des dégâts irréparables. Soudainement, son compagnon ralentit, et il l’imita, et remarqua la main impliquant le silence absolu. Avec des mouvements souples, mais légèrement tremblant, Blaze s’adossa à un autre arbre, de manière à voir d’un autre angle le groupe de traqueur. Le vent se fit froid, mortel, oppressant. Mais d’un simple hochement de tête, il en fit abstraction pour se concentrer sur ce que lui offrait la route : Une conversation plutôt sans intérêt…
 
-Franchement, autant de gens, pour deux pauvres rouquins avec des épées ? On se fiche de nous !
-Oublie pas qu’ils ont mis le feu à l’auberge ! Et qu’ils avaient un Laguz Loup avec eux.
-Cette saloperie est déjà morte à l’heure qu’il est, personne ne peut survivre avec autant de flèche dans le lard.
-Quel dommage, quitte à ce qu’on l’ait tué, autant prendre sa fourrure !
 
Franchement, une conversation aussi futile que révoltante, Blaze se retourna pour faire un signe de la tête, lui indiquant l’inutilité totale de ceux qu’ils racontaient. Soudainement, il retourna la tête, une phrase venait de le marquer.


-Par contre, le grand gaillard ne m’inspire par confiance, ni même l’autre à l’arc.
-Ouais, le chef de la garde voulait absolument que ce truc nous accompagne. Entre nous, je pense que c’est même plus un humain ce truc.
-LA FERME ! Il pourrait nous entendre…. Oh merde le voilà, continuer de chercher !
 
Les gardes mimèrent de nous chercher activement tout en restant grouper. Le colosse arriva à la lumière des torches. Il était équipé d’une hache colossale, qu’il maniait à une main ! Et son armure aggravait ce sentiment d’invulnérabilité qu’il dégageait. Sa démarche fut lente, sombre et sans vie. Ses pas suffisaient à faire trembler le sol suffisamment fort pour qu’on puisse le repérer en mettant l’oreille au sol. Son silence était de glace, et son souffle semblait inexistant. Il s’approcha dangereusement du groupe de garde qui cachait avec de plus en en plus de mal leur peur. Et d’un seul coup, la hache tomba et trancha comme du beurre un homme en deux. Puis un second, les gardes levèrent leur lance qui s’empala dans le géant qui avançait, en brandissant sa hache avant de l’écraser au sol pour transformer en bouilli ce qui était avant des Beorcs. Blaze détourna le regard, mais le colosse n’en était pas en reste, il continue de frapper les morceaux jusqu’à ce que la zone entière soit couverte de sang et de tripes.
 
Le pauvre cœur de Blaze battait à tout rompre, et soudainement, il accéléra encore. Il pouvait sentir le colosse marcher vers eux, le tremblement se faisait sentir dans l’arbre. Il envoya un regard inquiet à Burnagore et il se risqua à regarder le colosse. Celui-ci marchait pile vers eux ! Non, vers Burnagore plus exactement, sa présence semblait être invisible pour l’instant. Blaze se remit totalement à couvert contre l’arbre et fit des signes de main à Burnagore
 
(Il ignore que je suis là. Mais il te voit toi !!!!)
 

Blaze dégaina Kaze en silence et vit sa main trembler de plus belle, il respira lentement et silencieusement pour tenter de se préparer à un assaut éventuel. Comme il l’avait prédit, il allait être la carte maitresse de son allié…

Apparemment le bavardage des chasseurs n'évoquait pas la moindre information utile. Pourtant, une infime partie du comportement de Blaze lui intima quelque-chose de plus ou moins troublant. Une pointe de colère et de mépris presque imperceptible. Pas pour le vengeur, néanmoins. Question rancune et sombres pensées, il s'y connaissait. Pour le moment, il se contentait d'en étouffer les flammes pour ne pas se brûler stupidement dans un accès de rage improductive.
Soudain, Blaze tiqua sur les paroles des chasseurs de tête du village voisin. Burnagore ne recueillit que la finalité de la dernière phrase. Il sentit un éclair de peur traverser la gorge volubile d'un de ses poursuivants. De la méfiance, il comprendrait, mais de l'angoisse,... cela n'inaugurait rien de bon. Étant donné leur avantage numérique, les concernés ne devraient logiquement pas craindre leurs ennemis.
"le Voilà" ?
En clair, l'autre abruti ne traitait pas du duo de fugitifs avec ses camarades. Une pensée très inquiétante. Surtout si "le" concernait la silhouette massive rencontrée précédemment.
Le sol se mit à vibrer par intermittence, comme secoué par des détonations contrôlées. Burnagore jeta discrètement un œil vers le groupe d'idiots manifestement excité par les recherches, et potentiellement par la présence du colosse sorti des ombres. Un énième frisson glacé traversa l'échine du vengeur et lui hérissa les cheveux. Le vengeur déglutit en silence, s'abstenant un instant de respirer...
Des bruits familiers lui secouèrent les entrailles. Celui du métal, du carnage et du sang coulant à flots ! Pour il-ne-savait-quelle-raison, lé géant en armure de plaques noire abattit sa hache gigantesque sur ses "partenaires de chasse". Avec toute la grâce d'un boucher aveugle, le colosse morbide se défoula sans la moindre émotion palpable sur les dépouilles sanguinolentes de ses récentes victimes.
Burnagore se retrouva partagé entre joie et profond dégoût. Des ennemis en moins, mais un colosse en armure ivre de sang et de tuerie profondément dérangé et extrêmement collant.
Comment diable ce taré avait-il fait pour devancer le duo de bretteur ?
Le vengeur croisa le regard de Blaze en se campant derrière son abri de fortune - à savoir un arbre entouré de buissons à peu-près aussi épais que lui. Son instinct de survie lui hurlait de rebrousser chemin face à cette calamité sur pattes, et son cœur semblait sur le point de jaillir de sa poitrine.
Le géant aux allures sombres et à la hache teintée de rouge se dirigea vers eux. Burnagore entendit une respiration maléfique jaillir du casque du monstre d'acier, de plus en plus proche, de plus en plus alarmante !
Le mercenaire à l'affût entreprit de murmurer quelque-chose à son collègue :

- "Comment ce connard de damné fait-il pour nous localiser ?"

Puis il dégaina son Ignifer, émettant un léger sifflement métallique. Il se tenait prêt à frapper, hochant la tête à l'attention de Blaze.
Mais cet affrontement s'annonçait mal.
Il ne s'agissait nullement de son épaule meurtrie ou de ses récentes plaies récoltées la veille, ni de la sensation froide liée à la présence terriblement proche de la Mort en ces lieux assombris par la nuit noire. Les autres gardes, alertés par le bruits et galvanisés par les cadavres des leurs, risquaient fort de rappliquer.
Burnagore inspira l'air à pleins poumons et se tint prêt à frapper.
Il attendit l'arrivée du colosse mais... le bruit de ses pas avait étrangement disparu.
Le vengeur interrogea Blaze du regard en arquant un sourcil.
L'arbre derrière lequel il se tenait explosa dans une gerbe d'échardes et s'effondra dans un vacarme à réveiller les morts. Là, ce gland risquait fort de rameuter les renforts ! Mais pourquoi avait-il buté "ses alliés" dans ce cas-là ? Putain de sinistre con décérébré !
Burnagore fit un pas en retrait en se protégeant le visage de son avant-bras libre. D'un seul œil, il vit le plat gondolé d'une épaisse plaque d'acier rougeâtre foncer sur lui.
Impossible d'esquiver l'assaut à temps.
Dans un bruit sourd, l'Oiseau de sang fut décollé du sol et termina sa course dans un arbre. Il sentit ses os grincer à l'impact et son épaule droite le rappeler à l'ordre. Les jambes lourdes, il glissa dos à l'arbre en se ressaisissant tant bien que mal. Il se contenta de lever les yeux et d'essuyer le sang coulant de son front depuis sa chevelure souillée.
Le colosse en armure leva l'un de ses gros pieds pour piétiner Blaze dans la foulée, étant incapable de donner un autre coup de son immense hache suite à sa première offensive de bourrin.

- "Recule... vite !", parvint-il à éructer péniblement.

Il avait mal partout et tenait mollement sa lame dorée.
Comment combattre ce truc gigantesque bardé d'acier sans y laisser des plumes ? Comment se débarrasser de lui et filer loin de cet endroit maudit ?! Un colosse aussi lourd... aussi imposant que Redeye... aussi... ?!
Impossible !
Non ! Il ne pouvait pas y croire. Le vengeur secoua la tête pour se débarrasser de ses doutes et songea à un plan. Tout d'abord, il devait rejoindre Blaze, et profiter de la lourdeur de leur ennemi commun. En espérant que son partenaire survive, bien entendu.

Tentant le plus possible de maintenir une sérénité défaillante au sein de son esprit tourmenté par les hallucinations naissantes, le tremblement du sol sous le crissement des bottes métalliques de ce plus qu’homme, tel une machine écrasant des ordures, et ils étaient les prochaines. Lentement, il rapprocha sa lame près de son corps en fermant les yeux, acérant sa prise sur la garde, respirant l’odeur froide de l’acier et réfléchissant sur son corps, ses plaies, son état. Le bruit discret mais suffisant pour lui d’un fer dégainé attira son regard sur Burnagore, il avait en effet son épée aussi prête à l’emploi. Peut-être une bonne chose, surtout que désormais, le géant armait sa hache. Sa bouche s’ouvrit pour tenter de le prévenir, mais aucun son n’en sortit.

 

Dans un fracas assourdissant, une hache acérée pulvérisa l’arbre qui servait de protection à Burnagore, le laissant exposé, tout en prévenant probablement toute l’équipe de mercenaire de notre présence. Certains éclats de bois manquèrent de se planter dans son visage tandis que l’arbre se fracassa au sol. Son sang bouillant, il se releva seulement pour voir le vengeur volé au loin d’un puissant coup de de bras. Un arbre était, hélas ? Assez proche pour le reprendre à la voler. Un bruit sourd d’os craquant sous l’impact des mains du géant qui s’approchait désormais de sa victime, avec la ferme intention de le tuer.

 

Se relevant, sans un bruit, Blaze adoptait une posture absurde, sans forme, incapable de se tenir sur des appuis solides, il avançait à pas foireux, un par un, avant de réaliser que le géant n’avait pas avancer pour tuer Burnagore, non, il avait avancé à cause du poids de sa hache, et son prochain mouvement était de l’écraser d’un coup de pied. Le temps semblait si lent, si futile. Sa tête était un vide immonde, comme-ci chaque pensée y était drainée avec l’intention de ne jamais la lui rendre. Il ne parviendrait même plus à se souvenir du visage de sa mère s’il essayait. Avec un geste très mou, mais suffisant pour son corps frêle et à l’équilibre douteux. Il esquiva mollement, tel un alcoolique tentant de se tenir dans un combat… Alcoolique ?

 

Utilisant son inertie naissante, il arrêta de lutter contre le vide, et l’embrassa de toutes ses forces, ne craignant plus de se perdre, d’halluciner, de mourir. Il tournoya sur son pied à l’appui et concentra son esprit et ses forces dans sa main gauche, tenant son sabre avec tremblement, mais surtout avec ferveur. Sautillant à la fin de la rotation pour continuer de mettre de la distance entre lui et le géant, la rotation entraina son bras armé à pleine force, avant de rencontrer de l’acier. Dans un crissement strident, assez pour lui remettre du plomb dans la tête, il retomba au sol et étrangement, ses pas furent souples, suffisamment pour qu’il ne tombe pas. Burnagore était juste derrière lui, mais Blaze ne parlait pas, il ne réfléchissait pas, il agissait sur le moment. Pas de futur, pas de passé, l’instant, la vie, la mort. Sans même se retourner, le jeune bretteur s’avança à nouveau alors que le géant armait un coup horizontal, pour s’assurer de le toucher. L’esprit de Blaze fonctionnait d’une manière qu’il n’avait jamais expérimenté, non seulement le strict essentiel y était, mais aucune sensation futile dans son corps l’animait, lui laissant un jugement clair… Ou peut-être était-ce l’inverse ?

 

Coup horizontal, hauteur vers mon buste, ne peut être plus bas sinon trop court.

Se jeter en avant, passer entre ces jambes, la couper au passage. Esquiver en arrière, utiliser l’arbre comme appuis, se jeter épée pointer sur la gorge. Sauter sur le torse et poignarder ou mordre…

 

Une large quantité de dessins d’attaque lui passait à travers la tête, avant de finalement se ruer en avant au contact du colosse. La hache commença à dessiner son long coup horizontal, menaçant de le découper en deux comme une vulgaire brindille.  Ces jambes lâchèrent pour le mettre à genoux, glissant un peu avant de se retrouver juste devant le colosse dont le coup à pleine puissance trancha le vide. Sa propre épée en revanche, trancha avec aigreurs les pieds de son adversaire, comment ? De manière effective ? Il n’en savait rien, seul la sensation de la légère résistance de la chair devant une lame aiguisée lui confirmait que son coup avait porté.

 

Brutalement, il subit un coup de pied qui l’envoya voler de la même manière que Burnagore, à la simple différence qu’il n’avait pas d’arbre, alors il roula et se releva, sans même se rendre compte qu’il était debout. Pendant tout ce temps, il n’avait pas dit un mot, et son regard… son regard était autre chose. Il braqua avec des dagues à la place des iris Burnagore, toujours sans faire un son avant de se rapproche doucement de lui sans quitter des yeux le géant en le perçant du regard. Il savait. Quelque chose, ou plutôt quelqu’un le voyait à travers les yeux du colosse. Jamais un regard n’avait été aussi menaçant, froid et pénétrant que celui d’un Loup sur le point de mourir, et celui ou celle qui tentait de supprimer leurs sangs hybrides allait vite le comprendre…

Apparemment, la frappe glissée de Blaze venait de toucher miraculeusement l'enfoiré de cadavre ambulant bardé d'acier sombre. Un coup plutôt surprenant dans la mesure où, selon le point de vue du vengeur encore un peu sonné par sa rencontre soudaine avec l'arbre qui se trouvait encore derrière lui, l'héritier des loups tenait difficilement sur ses jambes à cause de la toxine affectant ses capacités originelles.
Mais l'heure n'était guère à l'admiration de la vélocité incongrue de son compagnon d'arme. Le coup de Blaze demeurait insuffisant face au monstre à la hache. Dans le noir, impossible de voir si du sang coulait des jambes du colosse. Burnagore doutait fort que cette conserve géante à peine humaine puisse laisser choir un simple filet de sang.
Il fallait donc songer à se tirer de cette forêt, en échappant à ce putain de colosse démoniaque. La moindre des choses si le duo tenait un tant soit peu à la vie. D'autant plus que, pendant que Blaze remettait un pied dans la réalité par le biais d'un roulé-boulé, Burnagore crut entendre des bruits de pas dans les parages. Ou des pas de courses dans les hautes herbes... voire peut-être sur des feuilles mortes ? Tout lui paraissait si confus.
Le vengeur retint Blaze par l'épaule et garda un œil sur la montagne de violence à l'inquiétante aura funeste :

- "Je crois que je connais cette... chose. Les monstres de cette taille ne sont pas légion ! Et pourtant, Redeye l'avait abattu en face à face bien avant que je te rencontre... ce type se nomme - Non, se nommait - Khrone !" annonça le vengeur en écarquillant les yeux devant le colosse aussi inactif qu'une statue.

Les bruits de pas s'accentuaient, ponctués par ce qui ressemblaient à de vives interpellations. Les chasseurs de tête se rapprochaient inéluctablement de leurs trophées.
Et pourtant, comme prit d'un émerveillement glacé, Burnagore riva ses yeux rouges sur le colosse à la hache. Un lueur verdâtre sembla s'échapper des pupilles du monstre en armure, et un rire guttural jaillit de son casque noirâtre. Le salaud démesurément grand se fendait la gueule et savourait sa foutue mise en scène. Non, celui qui riait ne se tenait pas vraiment devant eux. Le marionnettiste lui-même projetait son hilarité sur son pantin maléfique...
La créature démente ôta son casque et dévoila un visage assombri par la nuit noire. Une face terrifiante, chauve, bardée de cicatrices recousues, avec quelques tâches sombres et violettes propres à un corps en voie de décomposition.
Burnagore avait malheureusement vu juste.

- Excellente déduction, sourit le damné avec une voix de tueur sortie tout droit du gouffre des enfers.

Et maintenant, non seulement les cadavres s'animaient, mais en plus de ça ils parlaient. Ce monde devenait de plus en plus ignoble et le mercenaire sanguinaire ne put refouler une grimace de dégoût mêlée à de la colère.
Cela dit, le duo n'avait pas le privilège temporel de pouvoir converser avec la montagne d'acier. Burnagore le savait bien. Tous ses sens en alerte, il imaginait déjà les pires scénarios envisageables. Tous se finissaient dans un bain de sang. Avec sa propre dépouille pendue à une branche, les entrailles à l'air.
Le colosse fit un pas, son casque dans une main et sa hache suspendue à sa comparse. Il continuait d'émettre d'odieux ricanements rauques très agaçants aux oreilles du vengeur.
Sans plus attendre l'arrivée des renforts ennemis, Burnagore tira Blaze en arrière et courut dans une direction, piétinant buissons et hautes herbes dans son sillage.

- "Il ne nous lâchera pas, je le sais. Je ne sais pas qui tire les ficelles de ce spectacle de taré, mais je peux te dire... qu'il va falloir trouver un moyen d'écarter cette menace pesante ! Et vite... Si seulement...", râla le vengeur pendant al course, essayant de distancer leurs poursuivants par la même occasion.

Il se mit à réfléchir en serrant les deux, bousculant ses pensées pour tenter de s'échapper de ce guêpier qui ne tenait que de sa responsabilité, après tout. Il ne pouvait pas blâmer son frère d'arme, lui qui pensait sûrement agir pour la bonne cause. Pestant à la fois contre sa malchance et son ivresse de la vengeance, Burnagore s'enfonça davantage dans les bois à travers l'obscurité.
Difficile de se repérer dans un tel environnement. Et sa course effrénée n'avait en rien arrangé ce fait. Il donnait l'impression d'être perdu... jusqu'à ce qu'une chose attire son attention.
Le vengeur s'arrêta brusquement en chemin, prêtant une oreille attentive à ce qu'il pensait être un cours d'eau. Les yeux plongés dans le vide avec un sourire aux lèvres, il incita Blaze à le suivre en direction de la source :

- "Je crois bien avoir un plan. Mais il ne sera pas sans risque. L'armure du boucher va peut-être devenir son point faible, en fin de compte...", annonça-t-il en entamant une nouvelle course à travers les bois.

La forêt se désépaississait, et Burnagore ne se fiait plus qu'aux bruits de l'eau. L'absence de lueur dans les environs et la distance à laquelle il parvenait à entendre les chasseurs lui ôtait un poids sur la conscience. Il ne pensait plus qu'à son plan, pourvu qu'il arrive non loin de la rivière sans subir un accrochage sur le chemin. Enfin bon, suivant le rythme de ses foulées, les ennemis peineraient à suivre.

Blaze gardait son épée braquée vers son adversaire, mais sa lame pointait inexorablement vers le bas, reflet de sa condition physique faible. Sa tête devenait lourde maintenant que le plomb des paroles s’y étaient insinuées. Tenter de mettre du sens dans les mots étaient une souffrance qui l’amènerait à mourir ici s’il continuait. Tiens, le géant révéla son visage. Cela comptait peu, le bretteur regardait le sol, la tête montant et descendant sous ces respirations difficiles et contraignantes. Il ne pouvait plus le cacher désormais, sa posture était celle d’un bretteur affaibli, et bientôt, à l’agonie si les coups continuaient de l’atteindre. Alors que les ténèbres commençaient à l’engloutir, une main le tira en arrière. Burnagore l’aida à s’enfuir, et il continua le mouvement de lui-même, espérant une délivrance au bout de la course.

 

Une fois de plus, les lèvres de Burnagore s’animaient avec fureur pour expliquer son plan, mais c’était comme-ci le son avait été coupé. Il n’entendait rien, mais il voyait toujours. Et ces yeux s’arrêtèrent sur un cours d’eau. Il avait toujours apprécié de les admirer, car inexistant dans le désert. On dirait que Burnagore souhaitait y aller. D’où un bain aiderait ? Bah, il n’a plus rien à perdre… Enchainant une course vers l’eau, ils y arrivèrent sans trop d’encombre, et chance, il n’y avait personne. Blaze se retourna par instinct avant de voir un buisson bouger. Il se remit en posture de combat et deux lanciers en sortirent, ricanant. Ils semblaient vouloir profiter à la base de la discrétion mais à leurs vues, celle-ci paraissait bien inutile.

 

Blaze retourna Burnagore de force pour faire face à ses deux adversaires, dans l’état des choses, un combat allait rapidement tourner au massacre, mais s’ils parvenaient à les éliminer, alors ils auraient le champ libre pour traverser le cours d’eau et ralentir la progression du géant qui semblait attaquer alliée comme ennemi.

 

Soudainement, dans un cri de guerre, le premier lancier prit sa lance à deux mains et sembla se préparer à charger. Blaze, animé d’un instinct typique des épéistes, raffermit sa position, braquant à nouveau son épée droite et regardant son adversaire dans les yeux. L’adrénaline lui donnant le coup de pouce nécessaire, il prit l’initiative malgré son état déplorable. Il s’approcha en manquant de trébucher sur son 1^er pas, mais prit un appui solide pour frapper, suffisamment pour infliger une longue écorchure au torse, probablement non mortelle, mais dangereuse. Le lancier répondit immédiatement d’un violent coup de lance, utilisant le bout en bois d’abord pour frapper Blaze au visage avant de tournoyer et trancher à distance optimale le bretteur avec la pointe en acier.

 

« Guaaargh !!! »

 

Des gouttes de sang rejoignirent les herbes. Blaze recula de quelques pas, sa main sur sa hanche, un long filet de liquide rouge et une plaie dangereusement ouverte venait de s’ouvrir. Sa survie n’était dû qu’à l’imprécision de son adversaire, probablement moins habituer aux combats de nuit. En revanche, il était toujours plus rapide, et Blaze porta un second coup, cette fois avec si peu de force que seul le tranchant de Kaze allait faire la différence. Le coup frappa à nouveau au torse et acheva de rendre la plaie mortelle. Alors qu’il finissait son mouvement, l’autre lancier était en pleine charge vers lui, impossible d’esquiver dans cet état.

 

Cette fois, le bout d’acier de la lance reflétait, au clair de cette lune qui aurait dû être rouge pour le sang versé, le visage de la Mort. Elle venait pour prendre son dû cette fois, et malgré tout son courage, son habilité, il y a des situations où la Mort est toujours gagnante. Seul une intervention extérieure pouvait le sauver à ce point, comment diable avait-il pût omettre si facilement le second lancier ! Il n’avait rien fait alors qu’il découpait son allié !!! A moins que…

 

Son visage se déforma de colère, cet enfoiré à sacrifier son allié juste pour être sûr de pouvoir porter un coup fatal au lieu de prendre le risque ! Une méthode dont il aurait dû prendre compte, mais son passé solitaire ne l’avait jamais habitué aux attaques en duo. La lance fonça en coupant l’air avant de décrire un large arc pour le frapper au flan déjà ouvert et dégoulinant de sang. Ce coup était fatal cette fois, il n’y avait aucun moyen pour lui de s’en protéger…

Ils étaient enfin parvenus au bord de cette foutue rivière ! Pas trop tôt, même si les jambes de Burnagore étaient encore aptes à soutenir le poids de son corps, celui-ci dut étouffer un grognement de douleur en sentant une douleur tenace lui brûler l'épaule. Les séquelles de la flèche encaissée dans ce maudit village. Un acte que certains pourraient qualifier d'héroïque mais que Burnagore, après réflexion, considérait comme téméraire. Étant donné la mouise dans laquelle le duo s'était fourré, il n'avait pas spécialement tort...
Tiens, en parlant de Blaze... Pourquoi ce dernier s'évertuait à lui secouer l'épaule au point de manquer de le faire trébucher ?
La réponse visuelle ne se fit guère attendre. Devant les yeux stupéfaits du vengeur se trouvaient deux hommes armés d'une lance. Putain ! Des lances contre deux hommes blessés ! A ce prix-là, une foutue divinité leur en voulait !
Indigné, Burnagore se prit à lever les yeux au ciel par réflexe. Il allait lancer une courte réplique cinglante destinée aux salauds célestes mais un cri perçant interrompit sa cruelle envie de blasphémer.

- Bordel de merde ! rugit le mercenaire sanguinaire en se mettant aussitôt en position de combat.

Afin d'être sûrs de remporter cet affrontement déjà inégal, le premier lancier prit le plus mal en point pour cible : Blaze. Difficile de leur en vouloir, Burnagore aurait très certainement fait de même s'il s'agissait de bandits acculés en face de lui. Néanmoins, il serra les dents de rage en assistant à la scène et entreprit de lacérer le lancier avec la pointe de son Ignifer.
Au beau milieu de ce chaos nocturne, un autre éclat métallique accompagné d'un sifflement tout aussi éloquent attira son attention comme un éclair dans le ciel. D'un mouvement leste du poignet, le vengeur parvint à décaler in-extremis  la pointe meurtrière de l'outil de mort du second lancier. Ce dernier, en entendant le fer crisser, marmonna une imprécation envers la mère de Burnagore.
Dommage pour lui, la concernée était morte depuis belle lurette.
Incapable de se soucier de la situation ô combien merdique de son compagnon d'infortune, et galvanisé par l'insulte destinée à son ancêtre, l'Oiseau de Sang tenta d'empaler l'ordure qui se dressait devant lui. Malheureusement, sa plaie à l'épaule perturbait la précision de ses mouvements. La hampe de la lance lui percuta la tempe et un liquide chaud s'écoula le long de sa joue. Une simple goutte, mais ce n'était pas très rassurant. Un œil encore ouvert, avec une mine de prédateur, il foudroya le lancier du regard.
Il voulait le voir mort. L'embrocher cent fois avant de jeter son corps dans la rivière ! Ce salaud devait crever ici-même, et de sa main ! Il venait tout juste de signer un pacte avec la faucheuse en s'attaquant à un prétendu blessé !
Burnagore fut si distrait qu'il n'entendit pas le cri de douleur émit par Blaze.
L'enfoiré de lancier changea la trajectoire de sa frappe suivante pour projeter la pointe aiguisée de son arme sur le bretteur aux longs cheveux roux, un geste rapide et oblique vers un flac déjà ensanglanté. Un coup parfaitement bien exécuté tandis que le premier lancier mourrait dans l'instant.
Merde... merde et re-merde !
Dans un hurlement de colère, Burnagore enfonça l'une de ses bottes dans le sol et, choisissant de ne pas impliquer son épaule meurtrie dans ce mouvement brusque, se servit de sa jambe pour briser le genou du lancier avec son talon. Un bruit très convaincant résonna dans la nuit noire, ponctué du cri de douleur du lancier.
La lance perdit de sa force, quitta les mains du mauvais bougre, et s'inclina suffisamment au point que le bois de l'arme heurte maladroitement le flanc de Blaze, juste en-dessous de sa plaie. C'était toujours mieux de te recevoir la lame en elle-même.
Sans plus attendre, dans un grognement de pur mépris, alors que le lancier essayait de se relever hâtivement sur sa jambe valide, le mercenaire sanguinaire empoigna son Ignifer et enfonça sa lame dans les entrailles de l'assaillant ! Pour en finir rapidement après avoir tiré le corps du salaud vers le manche de l'épée dorée en le prenant par le col, Burnagore fit tourner la lame d'un rapide mouvement du poignet.
Dans un dernier râle de douleur étouffé par les prémices d'une écume de sang, le lancier mourut les yeux écarquillés, incrédule quant à sa propre mort.
Le vengeur cracha sur son cadavre avant de s'approcher de Blaze.

- "C'était cette merde ou toi. Le choix fut rapide. Tu tiens le coup ?", s'enquit-il en posant une mains sur son épaule avant de la retirer aussitôt en détournant le regard, alerté par un bruit devenu familier et de très mauvaise augure. "...J'ai sous-estimé la vitesse de cette raclure..."

Le colosse en armure anciennement affublé du nom de "Khrone" se dressait de toute sa hauteur, un sourire macabre sur ses lèvres d'où s'échappait un fumée âcre et verdâtre. Il fut résonner l'acier de sa hache contre le sol touffu, envoyant valser quelques mottes de terre lors du processus. Pour le moment, il ne montrait aucune velléité de meurtre... et Burnagore ne sut quoi en penser.
Le damné recousu engagea la conversation comme s'il se trouvait dans un salon de thé. Son regard vitreux se posa sur les deux cadavres postés étalés aux pieds du duo de bretteurs.

- Impressionnant... L'âme chevillée au corps, comme dirait les grands poètes, débuta la machine à tuer de son habituelle voix caverneuse. Il leva un doigt épais et ganté d'acier en direction de Burnagore. Mais elle ne risque pas de le rester si tu t'entêtes à t'attacher aux autres, très cher. Je peux laisser l'un d'entre-vous en vie s'en tirer. Un noble sacrifice pour bâtir une future légende.

Burnagore fronça les sourcils, troublé par cette proposition incongrue. Qu'est ce que ça voulait dire ? Que diable voulait-il réellement ? Pourquoi parlait-il d'une "future légende" ?
Le vengeur se redressa et donna l'impression de disposer de toute sa vitalité, ce qui n'était évidemment pas le cas.

- "Tu n’appâteras personne avec un tel tissu de conneries... Une "future légende" ? Laisse-moi rire. Légende ou héros, les deux relèvent du mythe. De plus, tu as essayé de nous abattre en chemin", répliqua le mercenaire en secouant la tête de dégoût.

Il ne voulait pas s'attarder et jeta un bref d’œil par-dessus son épaule. Il évalua brièvement la distance à parcourir pour fuir ce guêpier et atteindre l'autre rive. Mais le colosse avait en partie raison. Avec Blaze dans un tel état de faiblesse, il n'y parviendrait pas...
"En partie raison" ne voulait pas dire qu'il avait "assurément tort".

- Pour tester votre ténacité, coupa le géant en armure noire. La souffrance et l'adrénaline réveillent le potentiel d'un individu. Sans épreuve, l'homme est comme une arme sans personne pour la brandir ! Si l'un de vous ne se décide pas, je tuerai le plus faible et j’emporterai le plus fort pour un ultime test très révélateur...

Burnagore n'en crut pas ses oreilles. Pour la simple et bonne raison qu'en écoutant attentivement le monstre, il ne perçut aucune trace de mensonge dans sa voix. D'habitude, cela lui sautait aux oreilles. même la voix rauque de ce monstre n'échappait pas à la règle... et ce fait le troublait.
Les poings serrés, il jeta un regard en coin à Blaze. Une brise glacée balaya les quelques mèches trempées de sueur qui pendaient sur son front.
A quoi pouvait-il bien penser ?

Alors que la lance s’élançant vers lui, refroidissant l’air autour de lui, arrêtant son cœur peut-être pour la dernière fois, Burnagore était déjà dans le combat et intervint. Les cris, le sang, la douleur, le tout dans des ténèbres éclaircit seulement par les reflets de la Lune sur l’eau. Sans comprendre pourquoi, le pic de la lance se dévia et toucha avec beaucoup moins de force Blaze, lui permettant de survivre une fois de plus. Son flanc le lançait horriblement, provoquant des poussées de rage et des envies de jurons qui arriva à filer entre ces dents.

« Bordel… le petit enfoiré… »

Le bretteur recula un peu à cause du coup et se courba sans mettre les genoux à terre. Tout son corps semblait attiré par le sol de manière irrésistible, sa lame touchait le sol et ses cheveux cachait dangereusement son entourage, il releva la tête violement, planta son épée au sol et se redressa difficilement pour voir le second mercenaire s’écraser au sol. Burnagore le devança en crachant allégrement dessus. Un geste qu’il aurait bien dupliqué si son état lui permettait. Mais la méprise était futile pour l’instant.

 

Le contact de la main de son compagnon d’infortune sembla l’arracher de sa trance… Non, ce fut le géant en vérité, déjà devant eux, à son grand désespoir. Blaze poussa un de ces désormais légendaires soupirs de découragement. La situation était au point le plus merdique… Il écouta la conversation et se rendit compte d’une chose, depuis combien de temps s’était-il battu ? Il ne trouva pas la réponse dans sa tête, mais dans son épée, brillant d’un reflet qu’il ne connaissait que trop bien.

 

Alors le géant raconta des choses. De véritables inepties, une légende ? Lui n’en avait pas, et Burnagore cherchait sa sœur. Ils allaient encore devoir tuer dans leurs vies, alors ceci n’a rien d‘héroïque ou de légendaire. Soudainement, le reste de parole éclaircit les propos du colosse. Blaze regarda Burnagore avant de détourner les yeux, sa lame était pleine d’énergie du vent, peut-être était-ce ce à quoi il faisait référence ? Impossible, et surtout, ce genre d’idée n’aide en rien.

 

« Test ? Un seul survivant ? NE TE FOUT PAS DE MOI !!!! »

 

Blaze affirma sa posture, malgré sa plaie ouverte. Il avait l’impression que le froid de la Mort elle-même s’infiltrait dans celle-ci, mais son sang bouillait de ses paroles. Plutôt mourir que de laisser Burnagore derrière. Un Loup s’est sacrifié pour lui et Burnagore, alors ils devaient survivre, ensemble.

 

« Deux Loups solitaires acculés sont plus unis que n’importe quelle meute. Alors ne t’attend pas à ce que ceci arrive ! »

 

Il souffla longuement, créant un léger nuage de vapeur au niveau de sa bouche avant de se mettre en posture d’épéiste. Il effectua un léger mouvement avant de se tourner vers Burnagore.

 

« Je crois en toi… »

 

Son épée était à nouveau braquée vers le colosse, mais cette fois, un vent puissant secoua les arbres, les branches. Les roseaux de la rivière pliaient, les feuilles crissaient, le froid s’infiltrait. L’eau de la rivière tranquille refléta l’élément se déchainant petit à petit. Dans un appel fort, puissant et affirmé, Blaze lança :

 

« A ton commandement ! »

Burnagore vit, à sa grande surprise, un éclair de fraternité dans le regard de Blaze. Un éclat oculaire comparable à celui du vieux Laguz loup abattu par un troupeau de fumiers appartenant à un village aussi malodorant que ces derniers. Le genre de vision qui vous hérisse les cheveux, vous redresse les vertèbres, et vous pousse à soulever votre arme dans un excès d'adrénaline.
Le vengeur sourit. Un rictus narquois barré par sa maudite balafre.
Dans de telles circonstances, le colosse - ou plutôt le pantin guidé par un salopard de nécromancien - allait devoir réfléchir avant de définir qui de ses deux adversaires serait le plus faible, et donc le plus rapide à abattre.
En brandissant Eskhàrion de sa main gauche, il se mit à rire. Une moquerie subtile adressée au géant. Le monstre bardé de plaques de fer d'un noir abyssal haussa les sourcils, dont l'un avait déjà perdu la majorité de ses poils.

- Deux Loups solitaires acculés sont plus unis que n’importe quelle meute. Alors ne t’attend pas à ce que ceci arrive !

C'était le bon esprit, pensa le vengeur, car les moissonneurs risquaient d'arriver d'un instant à l'autre. L'impact de l'acier contre l'acier résonnerait dans les environs et les attireraient comme des mouches flairant le sucre. Mais pour le moment, le mercenaire sanguinaire ne les entendait pas arriver.
De ce fait, le duo n'avait guère le choix. Pour pouvoir avancer, il fallait renverser la montagne qui se dressait devant eux en un temps record.
Burnagore entendit presque le tic-tac d'une horloge se mêler aux paroles de son coéquipier.

- Je crois en toi…



Son sourire malin s'élargissait tandis que le colosse prit des appuis convenables, écartant ses jambes massives comparables à des troncs d'arbre. Dans une telle posture, il ressemblait à un rempart capable de contenir la charge d'un bélier.
Et pourtant, même devant un tel mastodonte, il n'y avait pas à hésiter.

- "Bonne chance pour localiser le 'plus faible' d'entre-nous, saloperie de manipulateur", railla Burnagore en faisant siffler sa lame dans l'air, comme pour annoncer une prochaine offensive fulgurante.

Le géant parut se délecter de ce spectacle, comme s'il attendait ce moment depuis le début de la conversation au bord du point d'eau. Sa poigne de titan se referma sur le manche de son impressionnante hache. Une sorte de vapeur verdâtre s'exfiltra des jointures serrées de son armure.
Le colosse damné gardait ses yeux rivés sur ses proies, ses pupilles possédées jonglant entre les deux bretteurs d'un air aussi macabre qu'amusé.

- Votre détermination ne fera qu'alourdir le poids de votre futur désespoir, lorsque celle-ci sera anéantie dans la minute qui suit, répliqua la machine à tuer en produisant un grondement semblable à la cacophonie d'un tremblement de terre.

Les courants d'air, prémices du carnage à venir, soufflèrent au bord de la rivière. L'eau se mit à onduler, comme secouée par la tension produite par les combattants. Ce soir encore, le sang allait couler...
Et l'intervention verbale de Blaze ne fit que souligner cette perspective guerrière !

- A ton commandement !

Comme toute réponse, Burnagore émit un cri de guerre comme pour cracher toute sa rage sur leur ennemi commun ! Il fut le premier à se ruer sur le colosse en armure, attirant aussitôt son regard de possédé comme un aimant. Sans crier gare, la hache du gigantesque bourreau s'abattit sur lui telle la chute d'un arbre frappé par la foudre ! Un coup oblique qui fit vibrer l'air autour de la lame massive et souillée de sang bruni.
Dans un mouvement de recul semblable à la propulsion d'un oiseau de proie, Burnagore entendit la terre se retourner sous son regard protégé en grande partie par son avant-bras bandé.
Excellent.
Sans aucune perte d'équilibre conséquente, le vengeur s'appuya fermement sur ses pieds et tendit la pointe de son Ignifer en arrière, comme pour lui donner de l'élan afin d'asséner un coup d'estoc que le géant sentirait passer. Avant de lancer sa frappe, il hurla quelque chose à Blaze dans le feu de l'action :

- "Frappe son flanc opposé ! Maintenant !"

D'une main ferme et décidée, le damné blindé souleva sa hache du sol.
Une main partiellement protégée, constata le vengeur. Celui-ci visa adroitement à gauche du pouce refermé sur sa prise. La pointe de l'Ignifer, projetée comme une flèche suite à un mouvement d'épaule foutrement douloureux, s'enfonça dans la chair putréfiée du damné, juste sous la hampe de la hache, et permit à Blaze d'attaquer à loisir le colosse.
Pour parfaire son action et en tenant compte du prétendu statut de mort-vivant de leur adversaire, Burnagore alluma sa lame en usant de son pouvoir. La main du cadavre de Khrone devint une torche en l'espace de quelques secondes.
Néanmoins, le monstre n'avait utilisé qu'une seul de ses mains, et l'autre se tenait en un poing d'acier prêt à accueillir Blaze dans son offensive d'opportuniste.
Dans tous les cas, Burnagore ne pouvait rien faire, car sa lame était coincée dans la main mutilée et enflammée du titan d'outre-tombe. Il crut entendre un drôle de bruit venant de la pointe de son épée...

Au moins, l’hésitation avait disparu, seule la certitude restait. Le visage reflétant le délice du géant lui importait guère. L’acier volait, et ce n’était ni la 1^ère fois, ni la dernière qu’il se retrouvait à combattre dans une position si désavantageuse. Il pouvait presque le voir, ce petit courant d’air soulevant le sable autour de lui. Il fit le vide dans sa tête et concentra toutes ses pensées sur sa lame, il devait trancher à travers la roche, être plus rapide que le vent, et aussi insaisissable que l’eau. Il se rua en même temps que Burnagore, si ce n’est qu’avec une légère seconde de retard. La hache du géant se souleva dans un simple mouvement, le coup fut oblique et manqua sa cible, mais la terre vibra presque. Leur équilibre n’en fut pas atteint heureusement.

 

Burnagore esquissa un mouvement de recul avant de repartir en pleine cible. Le coup était de face, d’estoc, cherchant à pénétrer l’armure épaisse du géant. Dans le feu de l’action, cela reste une frappe sûre à effectuer, mais Blaze s’inquiéta, et la lame du vengeur restait bloquer dans le corps du mort vivant ? Ceci était arrivé plus tôt dans la journée, et cela risquerait de compliquer cette situation déjà mortelle. Il leva la tête et écouta les paroles de Burnagore. Le flanc opposé ? Ainsi soit-il.

 

Blaze avait déjà l’inertie du sprint à son avantage. Avec une main en moins, le colosse avait juste un flanc ouvert et prêt à se faire découper à loisir. Le bretteur employa toute sa force pour entamer une rotation avant de trancher le flanc de toutes ses forces. La jointure de l’armure céda et Kaze ouvrit la cote du géant. Dans une odeur immonde, des tripes en putréfaction s’écrasèrent au sol. Blaze entama une nouvelle rotation seulement pour se faire saisir à la gorge par le géant, dans un rire gras.

 

« Ack !! Uuuuuugh…. uuugh… Hehkofkof ! »

 

Blaze racla sa gorge pour cracher au visage de son agresseur. Il fut soulevé haut, le géant le tenant avec force au niveau du cou, et il allait lui briser les vertèbres en un instant. Mais il vit une autre ouverture d’armure, au niveau de l’aisselle du mort vivant. Il y planta son épée dans ses dernières forces, ce qui accentua le rire maléfique, avant de s’éteindre.

 

Dans un bruit ahurissant, Kaze provoqua son explosion de vent à la pointe de la lame, logé dans l’omoplate désormais. Le bras sauta du géant et s’écrasa au sol, Blaze avec. La chaire frêle et moisie de ce mort vivant ne supporta pas l’explosion de vent et ainsi, sépara le bras de son tronc. La main l’avait lâché par surprise, et Blaze, blindé d’adrénaline, se releva pour agresser à nouveau le géant, désormais sans défense. D’abord, il trancha à nouveau la cote ouverte, puis y faufila son épée pour trancher la jointure du plastron, avant de se prendre un puissant coup de pied dans le ventre qui le repoussa sur plusieurs mètres.

 

Durant le vol, Blaze se demanda s’il n’était pas bon de s’arrêter là. De simplement laisser tomber. Son souffle était si douloureux, sa tête si lourde, son bras droit incapable de bouger, probablement l’épaule déboitée durant sa chute avec celle du bras du géant. Mais l’esprit du vent lui donnait volonté et résistance. Il se maitrisa pour ne pas chuter avant de regarder à nouveau le monstre devant lui. Burnagore était encore aux prises avec lui, alors il avait encore une dernière carte à jouer. Il se remit en direction du géant et le contourna pour arriver sur flanc que Burnagore maitrisait. D’un coup, il sentit ses pieds aussi légers que l’air, et se rua en un sprint extrêmement rapide. Sa lame était pointée vers l’avant, en coup d’estoc à pleine puissance et à deux mains. Dans un bruit strident de chair empalé, Kaze s’enfonça dans l’avant-bras du mort vivant et l’empala contre le corps du géant, l’empêchant de bouger son bras tant que Blaze avait son épée enfoncée.

 

« A toi maintenant ! Kof… »

 

Blaze avait tout donné, maintenant, la seule chose qu’il pouvait faire, c’était maintenir sa position et limité les mouvements du colosse, mais pour combien de temps… Il pria pour que Burnagore achève ce calvaire vite, il ne pourrait pas réitérer cet exploit, il avait donné beaucoup trop, sur trop long, et c’était désormais sa volonté qui le faisait tenir debout, mais pour combien de temps encore… Il arriva à la triste conclusion que si jamais Burnagore échouait à sa prochaine tentative, il allait devoir filer, et encore, il se demandait s’il y arriverait… Mais il avait plus de chance que rester ici et mourir. Dans un ultime effort, il enfonça un peu plus sa lame dans le corps du géant, il avait une dernière explosion de vent à sa disposition. Et il s’en servit.

 

« Retourne dans les cendres ! »

 

Une nouvelle explosion de vent s’ensuivit, vidant l’intérieur du corps du monstre par le flanc qu’il avait ouvert auparavant. Désormais, le tronc n’était qu’un espace vide animé de magie néfaste. Mais son coup avait eu un autre effet, le feu semblait se rependre beaucoup plus vite désormais. Blaze manqua de se faire consumer par les flammes et retira son épée pour remettre de la distance entre lui et le géant. Ses jambes le lâchèrent et il tomba sur ses fesses, exténué et toussant sur sa douloureuse gorge. Il pouvait simplement regarder maintenant…

Au fur et à mesure que ses flammes gagnaient du terrain, Burnagore sentit la jubilation de la bataille lui plisser le coin des lèvres en un sourire sadique. Même dans une situation aussi précaire et dangereuse, le fait de voir son brasier danser et transformer sa rage guerrière en un élément aussi destructeur lui procurait un bien être intérieur absolument fascinant et délectable ! Il se sentait... purgé ! Comme si le brasier de son âme perdait en intensité et lui permettait d'alléger le poids de ses souffrances. Affreux résultats des trop nombreux obstacles de son existence meurtrie par les trahisons des siens et par la mort de ses proches.
Mais la petite voix maligne lui chuchotait à l'oreille de ne pas se laisser enivrer de la sorte. Auparavant, elle l'incitait à semer la mort pour satisfaire sa nouvelle philosophie de la vie. ce soir, elle semblait... contradictoire.
Elle avait peur ! Elle lui demandait de fuir, comme si la mort approchait à grands pas !
Burnagore ignora ses suppliques. Il tirait sur sa lame comme un damné, se servant du poids de son corps pour faire levier au beau milieu des flammes ou pour la tirer en arrière. Mais le colosse, ayant laissé choir sa hache sur le sol depuis un bon moment, se servait de sa main en proie aux flammes pour empêcher Burnagore de récupérer sa précieuse lame.
Comment cette aberration arrivait-elle à faire... ça ?!
Le monstre ignorait la douleur, comme dans l'auberge avec les salauds encapuchonnés. Le vengeur refusait de lui céder son arme, car elle appartenait naguère à son défunt paternel.
Il hurla de rage tandis que le bras opposé et caparaçonné de Khorne s'arracha violemment du tronc, entraînant Blaze dans une chute tout aussi surprenante. En se concentrant davantage sur le damné, Burnagore vit même que le flanc du titan puait la mort et les entrailles à l'air.
Malgré tout le sang perdu, l'horreur géante tenait encore debout, avec un maudit sourire aux lèvres. Il fallait détruire la source de ce pouvoir méphitique ! Mais... comment la localiser ?
Encore en train de s'échiner à vouloir déloger sa lame coincée, le vengeur se servait de ses bottes pour essayer de s'appuyer sur une jambe du colosse, ce qui lui fournirait théoriquement davantage de force d'extraction. Entre-temps, son ami bretteur parvint à anéantir la résistance du diable géant. Pour cause, la grosse main du colosse fut clouée contre sa hanche.
L'héritier des loups scanda son enthousiasme et passant le relai au vengeur :

- A toi maintenant ! Kof…

Burnagore, surpris et ravi, allait pousser un cri de triomphe quand un bruit de cassure métallique interrompit ses intentions. Il bascula en arrière.

- "N...Non ! Impensable !"

Sur le cul (dans le sens propre du terme) et hébété, le mercenaire sanguinaire contempla son épée - ou plutôt le manche de son Ignifer - avec des yeux écarquillés.
Puis il releva le regard vers le colosse, toujours souriant face à Blaze.
Il savait ! Ce salaud savait ce qui allait se passer ! Burnagore ne savait pas comment il était parvenu à un tel constat, mais quelque chose l'avait poussé à y croire fermement.
Le combat continuait, le géant en proie au flammes subissait les attaques de Blaze avec une impassibilité morbide. Il attendait que le bretteur s'épuise. Il n'était qu'une marionnette entre les mains d'un spectateur, et sa "vie" ne signifiait rien aux yeux de ce dernier.
Burnagore n'en croyait toujours pas ses yeux.
Eskhàrion, détruite ! L'arme de son père, brisée ! L'outil de son jugement, anéanti...
Le vengeur se sentit terriblement seul. Sa lame équivalait à sa vie. Il n'aurait jamais pu croire qu'elle finirait brisée avant lui ! Muet, il avait pourtant envie de hurler. Ses membres se mirent à trembler de rage comme de peur. Un sentiment d'impuissance le rongeait.
Il aurait dû écouter la petite voix maligne. Il en payait désormais le prix. Un prix très cher à ses yeux.

Toujours le cul par terre, Burnagore entendit une fine explosion, le clapotis de la chair putréfiée et du sang maudit se répandre sur le sol. De son regard morne, il aperçut la monstruosité enflammée se tenir encore et toujours debout, à la seule différence que son torse n'était plus qu'une grande gueule de métal béante, déchirée et sanguinolente. Une vision de cauchemar accompagnée d'un espèce de nuage verdâtre.
Était-ce la magie du Nécromancien qui servait à animer le cadavre de Khorne ?
Non, quelque chose d'autre dormait dans cette carcasse massacrée... juste au-dessus du cœur... une sorte de... parchemin ? Les flammes commençaient tout juste à le grignoter et le pantin macabre tremblait étrangement.
Interloqué, Burnagore chercha Blaze du regard. Il ne le vit pas du premier coup d’œil. Pour cause, le malheureux ne tenait plus sur ses jambes, juste à côté de lui, à environ un mètre de distance. Il n'en pouvait plus.
Le vengeur sourit... un sourire nostalgique. Puis il grogna d'indignation en se relevant à l'aide d'une main tremblante et maladroite.
L'un d'eux devait rendre l'âme cette nuit ?
Très bien. Il avait fait son choix.
Il leva une main en un signe provocateur à l'intention du colosse illuminé par les flammes qui le drapaient. A travers ce brasier, Burnagore pouvait encore le voir sourire.

- "Une saloperie puante... jusqu'au bout... Approche, putain d'enfoiré !", brailla le vengeur avant de se camper sur ses jambes épuisées et flageolantes. Il adressa un dernier regard à Blaze. Un instant aussi rapide que l'éclair : "Fuis. Nous avons perdu notre pari."

Ce furent ses derniers mots.
Intérieurement, ses dernières pensées s'en allèrent pour sa sœur, pour son ami bretteur... et pour Phoenix.
Au milieu d'un brasier, Khorne poussa un rire démoniaque crépitant et chargea le vengeur comme un taureau ! Convaincu de ne pas pouvoir éviter le dernier assaut du géant damné, Burnagore encaissa le coup comme un animal renversé par un chariot.
Il eut à peine le temps de prendre feu que le colosse s'écrasa avec lui dans la rivière et, en l'espace de quelques secondes, le monstre et le bretteur finirent au fond des eaux.
Dans la nuit noire, sous la lune argentée reflétée par l'eau ondulée, Il ne restait plus que Blaze. Un lointain écho lui annonçait la prochaine arrivée des renforts. Impossible pour lui de s'attarder sur le champ de bataille si comptait toujours sauver sa propre vie...