A l'origine quelqu'un de calme et modéré, la malédiction infligée par son épée noire avait fait de Kerorian un être aussi puissant qu'instable, qui peinait à se contenir pour la moindre action. Sa gentillesse devenait preuve de folie, sa dépression était son quotidien, mais il n'y avait rien de pire que sa colère.
Au début réduite à une vague contrariété qui lui faisait au mieux hausser le ton et serrer les poings, elle s'était changée, alimentée par des tourments millénaires et des pouvoirs obscurs, en une rage inextinguible. Elle dévorait le guerrier, distordait sa perception du monde et faisait de lui un juggernaut implacable. Un monstre assoiffé de sang et de douleur. Généralement, seule la perte de connaissance forcée par l'épuisement extrême de ses forces parvenait à le calmer. Avoir été plaqué, frappé, transpercé, fracassé n'avait jamais suffi qu'à attiser sa démence acharnée.

Et cela ne s'arrangea pas lorsqu'un cercle flamboyant se posa autour d'eux et que cette sensation de feu bouillonnant s'amplifia encore, alors que réapparaissait la sorcière. Le géant s'était arrêté lorsque le sort les avait emprisonnés pour en fixer le centre. Il pouvait entendre les battements de son cœur, ce tambourinement déchaîné dans ses oreilles, comme si le palpitant se débattait comme un forcené pour s'extraire de sa poitrine et charger à son tour pour répandre la mort.
Oh bien sûr, ce petit chevalier de pacotille était toujours sur sa liste, infâme petit bâtard qu'il prendrait plaisir à démembrer à la seule force de ses bras, misérable et pénible vermine humaine, tout comme la morveuse avec a magie noire. Le tueur se ferait une joie immense de l'envoyer un siècle ou deux au cœur de sa malédiction.
Mais tout ça, ce n'était absolument rien. Sa haine viscérale pour tout ce qui respire, cette rancune mortelle pour ceux qui l'attaquaient, cette rage sauvage contre les enfoirés qui le frappaient dans le dos ou qui usaient de la magie...ce n'était rien.
Rien en comparaison de ce qui le consumait alors que son oeil solitaire, injecté d'un sang furieux, dévorait de son regard de feu la sorcière flamboyante.

Son esprit avait été balayé, brûlé par la guerre. Et pourtant il souriait.

Elle. Elle plus que tout !

C'était elle sa proie. Sa véritable proie. Sa faim s'éveilla, plus que jamais. Le géant aurait juré sentir son corps gonfler dans son armure, si tant est qu'il pouvait encore ressentir quelque chose d'autre qu'un désir impérieux, alors que tout son être réclamait la mystérieuse mage.

Prends la, Déchires LA, TUE LA ! TUE ! TUE !!!

Devenu plus bête que les fauves qu'il avait affronté, le dément changea de cible, pour ne pas dire qu'il avait oublié en l'espace d'un souffle l'existence des deux autres êtres qui avaient pourtant fait exploser sa colère. Son corps, ou bien était-ce son armure, grinça sous la puissance qu'il le força à déployer pour s'élancer sur l'étrangère qui tendait les bras vers eux.

Elle les somma de mourir. Lui allait la tuer. La sorcière souriait. Le démon souriait.
Déchaîné, le géant bondit dans les airs pour accroître sa force de frappe, son potentiel de destruction. Une petite épée pouvait suffire à couper une tête, quand on possédait sa puissance. La Dragonslayer n'avait pas besoin de ça pour être létale...mais tout son être n'était plus voué qu'à l'annihilation absolue de la magicienne.
Et puis le monde explosa. Foncer tête baissée, littéralement, dans une boule de feu aussi puissante n'était jamais une bonne idée.

_______________________________________


Lorsque Kerorian ouvrit les yeux, tout avait...changé. Son esprit était confus, ses sens émoussés. Le Rôdeur avait du mal à se concentrer, tout comme il peinait à se rappeler ce qui s'était passé. Sans plus attendre il se releva et commença à étudier les lieux. Cet environnement vide, placide ne lui disait rien. Que s'était-il passé ? D'instinct, il porta la main à son épée. La Dragonslayer n'était plus là, mais il portait toujours son armure, avec son acier terne, déjà fatigué par le train de vie qu'il lui imposait. Sa bonne vieille Zwei était toujours à sa hanche en revanche, sa présence familière, aussi chaleureuse que celle d'une femme aimée mais avec une indéfectible fiabilité, réconforta le jeune homme.
Lorsqu'il laissa reposer sa main sur sa vieille lame, Kerorian eut le sentiment de...qu'il aurait pu penser à quelque chose, se rappeler peut-être...de quelqu'un. Mais son esprit demeurait trouble. Prêt à dégainer si jamais cet endroit plat lui présentait une menace, il s'avança en regard autour de lui, poussant même le vice jusqu'à demander à haute voix s'il y avait quelqu'un. Première fois, pas de réponse. Seconde fois, plus forte, il crut entendre...ou sentir quelque chose, dans une direction. Il alla voir. Toujours rien. Une hallucination ? Pas impossible, ses sens demeuraient incertains...
Troisième fois, cette fois le Rôdeur en était certain, quelqu'un chantonnait.

Prudemment, il alla voir l'origine de cette mélodie étrangement familière alors qu'elle l'angoissait. Inconsciemment, Kerorian calqua son pas sur le rythme de la chanson, dont il ne pouvait percevoir autre chose que le rythme aussi lancinant qu'attirant, comme une flamme aurait attiré un papillon.
Il aurait juré avoir longé un mur, bien que cet endroit en soit dénué, puis arriva enfin à la source de la mélopée. Quelqu'un était perché, comme installé sur un rocher ou en haut d'une pente, et répétait éternellement ce chant fatidique, sans même s'interrompre en le voyant. Le Rôdeur plissa les yeux pour essayer de deviner la silhouette, sans succès. Elle se trouvait dans un contre-jour mystique qui ne laissait rien entrevoir d'autre que la forme vague de l'inconnu, dont le changement infime de ton laissa supposer qu'il souriait. Kerorian crut apercevoir un éclat rougeoyant, brillant comme un brasier, comme un soleil au milieu de ce néant.
Curieux, irrésistiblement attiré par cette entité mystérieuse, fasciné par son éclat unique, son chant, le Rôdeur s'avança, levant un bras pour se couvrir les yeux, se protéger de la lumière. L'inconnu parut se pencher vers lui et lui tendre la main, l'invitant semblait-il à le rejoindre.

Kerorian était confus, sceptique. Pour rien au monde il ne serait pas allé s'asseoir avec cette silhouette fascinante, ou pour aller voir ce qui brillait à ce point pour l'éblouir au milieu de nulle part. Cependant il hésita en voyant que la main était un gantelet d'arme, aussi rouge que le sang, aussi rouge que ses yeux.
Ses yeux ?
Le Rôdeur leva les doigts pour effleurer la partie droite de son visage. Il sentit son œil se fermer à leur approche et sa vision s'étrécir. Qu'est-ce que ça signifiait ? Il était devenu borgne le jour où...

"Nngh..."

Une violente migraine le saisit. Il s'était passé quelque chose de grave...très grave. C'était lui qui...qu'est-ce qu'il avait fait bon sang ? L'inconnu chantonnant sembla hausser les épaules. A travers son chant, Kerorian sentit son cœur se serrer, puis se détendre, contractant brutalement à un vers pour se relâcher au suivant. Une terreur effroyable s'empara du guerrier, pourtant si brave. Une peur sans nom qui le fit reculer d'un pas, prêt à dégainer alors qu'il se prit à suffoquer. La mélodie avait changé, ce n'était qu'une nuance, mais elle venait de changer, et cela le pétrifiait presque d'horreur.
Le néant commença à s'assombrir alors que la souffrance le gagnait. Bientôt, toute sa volonté ne fut plus suffisante pour résister à la douleur et il tomba à genoux, serrant les dents pour se contenir. L'éblouissante lumière disparaissait petit à petit alors que le mystérieux inconnu se levait. Un ennemi ? Sans doute même pire que ça...

Mais si tout devait finir ici, alors que ce soit au moins l'arme à la main ! Kerorian essaya de saisir Zwei, sa presque-sœur d'acier, mais la souffrance l'écrasait trop, il n'avait même plus la force de dégainer. Cela l'enragea. Il ne voulait pas mourir, et certainement pas comme ça ! Il avait encore tant à faire !

En es-tu bien certain, jeune Kerorian, de vouloir continuer à te battre ?

Une douleur déchirante irradia depuis son oeil droit, le Rôdeur fut forcer de le fermer alors que depuis celui-ci commença à s'écouler du sang. Cela ne fit que renforcer sa volonté, la lumière s'effaça et tout devint sombre. Sombre mais pas noir, il voyait l'étrange lieu comme il le percevait avant. La silhouette demeurait floue, incertaine, presque changeante. Mais son armure, son sourire et son chant, eux restaient. Une certitude de quelque chose au milieu de rien.
Le gantelet rouge se tendit à nouveau devant lui, à sa portée. Ca, il pouvait l'attraper, c'était certain. Mais l'esprit du guerrier était encore plus confus, Kerorian était certain que c'était cette mélodie qui le terrassait ainsi, alors pourquoi son chanteur souhaitait-il l'aider ? Peu importait. Le Rôdeur refuser de crever comme ça, comme un chien perdu dans le néant, agenouillé face à un malheureux chant !
Sa fureur de vivre, de résister lui donna assez de force pour saisir la main de l'énigmatique spectre, leurs gants de guerre claquant l'un contre l'autre.

La douleur redoubla, arrachant un cri à celui qu'on avait appelé Redeye, mais il parvint pourtant à se relever, comme si le musicien lui conférait une force nouvelle. Le sourire de l'homme sans visage, dissimulé par un voile à l'existence incertaine, s'agrandit encore.

Tu n'as jamais choisi la facilité de toute façon, mon frère...alors continues comme ça.

La souffrance s'agrandit encore, irradiant dans tout son corps. Mais le Rôdeur ne cria pas. Cette puissance qui infusait dans son corps lui donnait la force de résister. Son "bienfaiteur" posa une main contre sa cuirasse, soufflant quelques mots à travers son chant qui persistait à gagner en intensité jusqu'à devenir sifflant, brûlant. Kerorian crut entendre quelque chose comme "bonne chance", peu avant que le musicien ne le pousse en arrière.
Avant de tomber, ne trouvant pas le sol vide sous lui, mais bien une abîme interminable, son oeil écarlate se fixa sur l'armure écarlate du mystérieux chanteur. Le Rôdeur chuta en même temps qu'il réalisa que le rouge de son gantelet avait laissé des traces sur le sien.
C'était du sang.
Et ce n'était pas lui qui chantait. C'était Kerorian.

___________________________________________


Au milieu des sables et de la poussière, un titan de fer remua à peine. Longuement, lentement la carapace inerte se releva péniblement, se mettant à quatre pattes pour pouvoir se déplacer avant de chercher à tâtons quelque chose qu'il avait perdu, quelque chose qui lui manquait. Sa main se referma finalement dessus, et il s'en servit comme d'une canne massive pour se remettre sur pied et reprendre sa route. Vers où ? Peu lui importait, mais il sentait que rien ne l'attendait ici. Dans cet endroit où ne demeurait que le silence du vent, qui déplaçait les dunes jusqu'à recouvrir la terre, le sang et la cendre.
Un vagabond, meurtri et égaré quitta ces terres désolées, sans même savoir ce qu'il devait faire de sa vie.

Il entendait toujours la fascinante mélodie. Elle résonnait en permanence en lui.
Mais il ne chantait pas.

Cet évent est désormais clos !

Voici vos récompenses :
Pour la participation, vous recevez 20 points d'expérience.
Quant à vos posts, ils ont une valeur de 5 points par post !
Veillez à préciser tout cela lors d'un passage au module de demande d'expérience, pour que ce soit validé, et pas oublié. ( =P )
Qui plus est, vous obtenez tous les trois 2 flacons de breuvage, connus pour être plus efficaces que les potions de soins habituelles. Faîtes en bon usage!

Merci encore de votre participation !