Un coeur déserté [PV : Yue]

J’ai laissé Elisabeth derrière moi… elle sera mieux à Mélior avec Erin plutôt que sur les routes avec moi. Les routes sont dangereuses, ma mission encore plus… Alors j’avance seule de nouveau vers ce désert infini qu’est Hatary. Parfois, elle me manque, sa compagnie, sa voix, et son incroyable insouciance d’enfant. Mais je savais que ni les loups, ni les esclavagistes ne seraient sensibles à sa jeunesse et son innocence les uns la dévoreraient les autres l’asserviraient.

***

Personne avait traversé la frontière d’Hatary sous sa forme animale, annonçant directement son appartenance au clan des loups. La dernière fois qu’elle était venue, Alek l’avait recrutée trop vite pour qu’elle puisse parcourir la terre de ses aïeuls. Mais aujourd’hui, elle avait un objectif dont elle ne pouvait se détourner. Elle avançait la tête haute, son pelage se confondant avec le sable. Elle avait entendu parler d’un trafic d’esclaves initié par une jeune marchande qui se serait installée en Hatary suite aux représailles d’un clan anti-esclavagisme. La louve ne serait expliquer pourquoi elle avait été acceptée en ces terres Laguz mais elle ferait en sorte de tirer ça au clair et s’il le fallait, elle vengerait les siens.
- Halte voyageur ! Tu rentres sur les terres neutres de Dame Lotsan et Maitre Yue. Quelle est la raison de ta venue ?
- Je ne pensais pas qu’il y avait besoin d’avoir un but pour rentrer chez soit.
- Il y en a désormais car trop de Laguz et autres bipèdes se présente comme des amis alors qu’ils viennent nous saigner à blanc.
- Je suis Garhuga de la maison Gar’ga, je souhaite simplement rentrer chez moi et me ravitailler en chemin.

Il était aisé pour une personne sans nom que d’emprunter celui de personne morte ou n’ayant jamais existé. Bien que celui-ci avait une signification toute particulière pour la jeune femme. C’était le nom que lui avait donné son père peu avant qu’elle ne lui arrache la tête…
- Ils ne sortent peu de chez eux… Entre fille des Gar’ga et soit la bienvenue dans les terres neutres de dame Lotsan. Et sache avant d’entrer que tous signes de discrimination sont sévèrement punis.
- J’ai entendu parlé d’une marchande Beorc qui proposait des produits de grande qualité, cela vous dit quelque chose ?
- Oui, c’est Cassy vous la reconnaitrait facilement, elle coure dans tous les sens suivie par une espèce de grand dadet d’humain un peu gras à l’odeur de bière prononcée !

Personne inclina sa tête légèrement pour remercier la sentinelle et entra dans la ville une centaine de mètres plus loin.

***

Je n’avais que rarement vu de ville aussi joyeuse et active. C’était typiquement une ville marchande où l’on pouvait entendre dans les rues la clameur des marchands voir courir les enfants dans les pieds des étables. Mais le plus étonnant restait ce mélange de race, des humains, des loups jouaient ensemble sans distinction de couleur ou de poils. Je n’avais jamais été raciste outre mesure. Je ne supportais pas que l’on s’en prenne aux miens et l’histoire avait trop souvent voulu que ce soit les humains qui s’en prennent aux miens. Alors je ne les aimais pas.

***

Personne n’eut pas de mal à repérer sa proie. Comme on lui avait décrit, la jeune femme courait partout en parlant et lançant des ordres à tord et à travers, à un alcoolique trop bourré pour tout retenir. La louve ne pensait pas que la marchande en question serait si jeune… Elle devait à peine avoir 10 ans… comment pouvait-elle être à l’origine d’un trafic ?
La louve devait mettre ça au clair.
En un éclair, elle se déplaça et se mit en travers de la route de la jeune fille, la faisant tomber sans la moindre hésitation. Sa gueule aux dents tranchantes se tournèrent vers elle alors que son haleine se faisait chaude proche de sa gorge.
- Dis moi petite l’esclavage ça te parle ?

Yue se mourrait dans ce pays sans arbre, cette terre sans ombre où le soleil faisait loi. Elle se terrait sous une couverture de toile cirée à l’intérieur d’un cabanon dont toutes les fenêtres étaient impitoyablement bouchées.
- Jaf… grouille toi de me finir cette mixture, je me meurs ! Si tu m’as emmené ici pour me tuer, tu aurais aussi bien pu le faire dans la forêt ! Ca aurait été moins douloureux !
- Arrête de te plaindre, ça ne fera pas cuire la mixture plus vite, en plus il manque un ingrédient qu’apporte Cassandra. Met déjà de l’enduis sur tes bandes ça te protégera. Quelle idée d’être sensible au soleil !
- Quelle idée qu’d’habiter un pays chaud avec une telle fourrure !
- Arrête de râler, elle devrait arriver. D’ailleurs elle en met du temps…

Yue se concentra quelques secondes sur les bruits de la foule alors qu’elle entendait parmi la clameur marchande une voix plus rauque plus dangereuse qui attira ses oreilles autant que son nez.
- Jaf sort dehors, je crois que ta donzelle a des soucis.

Le visage du loup se déforma sous l’inquiétude alors qu’il se jetait contre la porte, les crocs sortis.
- Attend Jaf, il manque quoi dans la potion ?
- Des groseilles, on a eu du mal à en trouver…

Yue secoua la tête alors qu’elle rampait pitoyablement vers le chaudron bouillant. Les groseilles ne servaient qu’au goût, elle n’en avait rien à faire.

Dehors, quelques loups s’étaient réunis et Jaf pouvait distinguer Bernard qui s’agitait en tout sens. Mais ce qui attira son attention, c’était cette louve démesurément grande qui dépassait tout le monde d’une tête et qui était visiblement l’objet du trouble.
- Ecartez-vous ! Cassandra ça va ?
- Je… oui. Je ne comprends pas ce qu’elle me dit. Elle ne me laisse pas me relever…

Jaf se transforma. Il était moins impressionnant en termes de taille, mais sa couleur rougeoyante était annonciatrice de désastre. Il se plaça devant Cassandra, repoussant l’intrus d’un violent coup de museau. Un grognement de rage s’échappait de sa gorge. Un grognement auquel les autres loups n’eurent aucun mal à s’accorder. C’était l’étrange pouvoir de Jaf. Il rassemblait chacun à sa cause.
- Euh… Les amis, Jaf, enfin non, maitre Yue ça ne vous dirait pas de vous calmer ? Je veux dire, Cassandra n’a rien alors avant de tous se jeter les uns sur les autres. Ce serait sympa que tout le monde garde son calme.
- C’est vrai ça va vous savez…

Yue releva Cassandra d’une main alors qu’elle rabaissait un peu plus sa capuche sur son visage de l’autre. Tout le monde la connaissait comme l’ami de Yue soit Jaf mais personne ne la respectait vraiment ou faisait attention à ce qu’elle disait. Alors, arrivant comme un cheveu dans la soupe, elle essuya des regards quelque peu malveillants.
Jaf se retourna et reprit lentement une forme humaine suivit de ces congénères. Seule la jeune femme resta sous sa forme animale, Yue ne s’en offusqua pas. Elle se concentra quelque peu et s’exprima dans se dialecte si particulier qu’était celui des homme-loups.
- Si nous parlions tranquillement ensemble à l’écart des oreilles indiscrètes. Et si vous rangiez les crocs aussi, se serait pas mal, tout le monde ici pourrait se détendre non ?

Yue, par l’intonation de sa voix ne laissait que peu de chance au refus, elle tendit la main pour lui indiquer la maison d’où elle sortait, alors que Jaf éloignait les passants. Bernard voulu emmener Cassandra, Jaf s’y opposa. Quelque soit le problème il la concernait.

Personne encaissa le coup sans broncher. Il y avait de la violence dans ce coup mais surtout de la témérité, surement due au jeune âge du loup. Pourtant, à son grand étonnement, chacun se synchronisa sur cette colère, sur cette rage. La louve ne pensait pas autant attirer l’attention avec une si simple bousculade.
- Mais t’es qui toi…
- Jaf, enfin non, maitre Yue ça ne vous dirait pas de vous calmer ?

La louve tourna son visage sur cette humaine à l’odeur drôlement trompeuse. Elle ne pouvait distinguer les traits de son visage, ni la puissance de son corps, mais elle sentait au ton de sa voix, qu’elle n’était nullement impressionnée par la taille monumentale qu’était la sienne. Elle sentait aussi que cette confiance en soit était justifiée…
- Si nous parlions tranquillement ensemble à l’écart des oreilles indiscrètes. Et si vous rangiez les crocs aussi, se serait pas mal, tout le monde ici pourrait se détendre non ?

Mais qui était cette nana qui se permettait de lui parler comme un égal et où était le chef de ce village, il aurait du se montrer maintenant, elle voulait s’expliquer avec lui aussi car accueillir une esclavagiste était une honte. Elle voulait entendre ses explications.
- Je ne souhaite parler qu’à un dirigeant.
- Eh bien tant mieux, je suis le maitre de la frontière.

Personne fut surprise… Malgré sa corpulence, il ne faisait aucun doute que ce Laguz n’était qu’un gamin… Cependant, Personne accepta se fait reprenant à son tour sa forme humaine. Elle était bien moins impressionnante avec ses bras frêles, sa peau laiteuse et son minois juvénile, pourtant, ils savaient tous désormais qu’il fallait se méfier des apparences.
On voulut la saisir par le bras, elle grogna laissant clairement apparaitre ces dents tranchantes, puis se dirigea d’elle-même vers la porte indiquée.

La pièce était sombre, les fenêtres et tous interstices semblaient bouchés comme si vivait en ces lieux un être de l’ombre. Personne avait du mal à s’imaginer cet endroit comme la maison du chef de clan.
Elle se posa dans un coin prêt d’une fenêtre prête à s’enfuir bien qu’elle doutait de la résistance des parois. Entrèrent ensuite dans la pièce le rouquin la petite dinde et la Beorc encapée.

Elle évalua du regard chacun d’entre eux. Le petit teigneux la dévisageait avec haine, il semblait prêt à lui sauter à la gorge toutes griffes dehors et à son grand désarrois, il avait certainement la force de lui faire face… malgré son jeune âge il était plus musclé qu’elle ne pourrait jamais l’être et bien plus grand également quant à compter sur la bêtise de son jeune âge, sa position hiérarchique la faisait douter. Puis cette femme encapée… elle ne savait que dire sa présence avait quelque chose de dérangeant. Enfin, restait la gamine Beorc... Son regard sombre s’attarda sur elle la perçant de par en par, essayant de voir en elle l’espèce de monstre sans pitié qu’elle s’était imaginée.
Elle avait imaginé une femme froide dénuée de cœur, une Beorc cruelle et manipulatrice qui se servirait de quelques moyens pour s’imposer en terre Laguz. Mais ce qui lui faisait face était serein, il n’y avait pas de peur, ni de culpabilité… seulement de l’incompréhension.
Se serait-elle trompée… elle ne savait pas. Elle aurait peut être mieux fait d’attaquer de nuit et de l’égorger. Mais elle souhaitait entendre leurs explications

Dans l’ombre de la salle, Yue se sentait plus à l’aise. Elle retira le capuchon qui masquait son visage, et jeta un regard derrière elle alors que Jaf refermait la porte avec un air grave. Cassandra à ces cotés se tenait droite et fière mais l’archère devinait une certaine frayeur dans ses yeux. La pauvre enfant avait vécu de durs moments. Que ce soit l’assassinat de ses parents, la mise à sac de sa demeure.les nombreuses tentatives d’assassinat à son encontre… La chasseuse aurait aimé lui éviter d’affronter désormais les conséquences de ses décisions.
- Bon puisque tout le monde se regardent en chiens de faïence, laissez moi briser la glace et surtout ce silence pesant.

Ils ne sourcillèrent absolument pas d’un poil. Yue soupira devant cette gravité qui n’avait pas lieu. Ce n’était certainement qu’un malentendu.
- Je me nomme Yue Eristoff et voici Yue Legris, chef des frontières Beorquiennes et Cassandra, marchande de Daien. J’ai cru comprendre que tu étais ici par rapport à des rumeurs concernant mademoiselle et ces potentiels relations avec un réseau d’esclavage.

Cassandra tilta au mot esclavage mais le plus offensé restait Jaf. Yue le vit monter sur ses grands chevaux avant même qu’il n’y pense lui-même et intercepta la bombe au bond.
- Oui esclavage. C’est bien ce que j’ai dit et ne commence pas à t’exciter. C’est juste un énorme malentendu qui hélas, à quelque peu dégénéré.

La louve des sables semblait excédée par tout ce suspense. Yue sentait qu’elle voulait des réponses et elle les voulait maintenant.
- Ecoutez tous… lors de l’attaque du Black Fang, Jaffar, le Croc Pourpre m’a révélé qu’il s’en était pris à ta famille car vos parents finançaient un homme versé dans le trafic d’esclaves Laguz.

L’atmosphère de la pièce se tendit à cette révélation mais Cassandra semblait surtout perdue dans ses pensées essayant de déterminer qui pouvait être cette personne, essayant de se souvenir si ses parents avaient pu laisser échapper des informations sur le sujet…
- Tes parents étaient versé dans le trafic d’esclave ?

Jaf se contrôlait mais il ne pouvait cacher un certain dégoût dans sa voix…
- Je… je ne vois pas de quoi elle parle… mes parents étaient d’honnête marchand et ils ont été tués car ils ne voulaient pas céder au chantage qu’exerçait ces criminels du Black Fang.

La voix de la jeune fille était un peu rayée, elle n’était pas sure de ce qu’elle avançait mais elle n’avait que 7 ans au moment des faits… La seule certitude qu’elle avait c’est que ces parents étaient aimants avec elle, généreux, courageux et ils ne méritaient aucunement ce qu’ils avaient subit.
- Yue… comment peux-tu croire ce qu’un criminel t’a dit… c’est qu’un assassin !

La jeune fille était sur la défensive et le regard inquisiteur de Jaf ne l’aidait pas. Elle se sentait sans soutien…
- Cassandra… la question de tes parents n’est pas d’actualité. Personne ne peut vérifier ces faits, et le jugement n’est pas mon souhait et il n’est pas celui de Yue non plus.

La jeune femme mit un genou par terre alors qu’elle prenait la petite demoiselle par les épaules, tout en jetant un regard de reproche à Jaf. Il ne devait pas se détourner d’elle, et encore moins dans un tel moment de doute. Le jeune loup mit alors de coté ses questions et posa à son tour une main réconfortante sur l’enfant.
- Ecoute, il vaut peut être mieux qu’on te laisse encaisser ça d’abords. Je vais continuer de converser avec notre invité. Ça ne vous dérange pas ?

Personne sentait sa patience s’amenuiser à chacune des phrases de l’humaine. Elle était venue pour une raison simple et voulait des réponses simples. Elle n’avait que faire de leur histoire, elle n’avait que faire des homme-loups également, il pouvait bien accueillir une tueuse s’ils le souhaitaient. Il ne devait pas s’étonner que des gens comme elle, viennent par la suite réclamer justice.
- Ecoute, il vaut peut être mieux qu’on te laisse encaisser ça d’abords. Je vais continuer de converser avec notre invité. Ça ne vous dérange pas ?
- Si ça m’ennui beaucoup. Chaque minute à parler ici et une de plus pour mes frères enfermés dans des cages. Cages financées par son argent. En tant que Laguz vous devriez comprendre ma frustration.

La louve s’adressait au maitre des frontières. Mais il ne lui répondit pas. Il semblait embarrasser lui aussi et la seule qui semblait en mesure de lui répondre était cette humaine.
- Je ne sais pas de quoi vous parlez.
- Eh bien réfléchie humaine. Si une organisation c’est attaqué à toi car tu finançais l’esclavage alors réfléchie. Avec qui travailles-tu, qui avait un rapport avec tes parents ?
- Je n’ai déjà pas assez d’argent pour payer tous mes employées ! Alors comment je pourrais financer un trafic d’esclaves ! Ce n’ait pas en m’agressant que vous aurez plus de réponse.

Quelle perte de temps… Personne commençait à s’énervé et ces cent pas dans la pièce ne présageait rien de bon. Elle avait envi de tirer les informations de cette enfant plus rapidement, plus violemment.
- Je ne sais vraiment pas… je suis déso…

La patte griffue de la louve se referma instantanément sur la gorge de la jeune fille l’empêchant de terminer cette phrase qu’elle ne serait supporter. Mais pourtant, la jeune fille ne se laissa pas démonter.
- Je suis désolée.

Le loup roux reprit sa forme animale et la repoussa d’un violent coup de tête. Personne qu’en parti transformée se vit propulsée sur plusieurs mètres dans la pièce étroite.
- Si vous la touchez encore une fois, je vous assure que je vous tue.

Personne se calma un peu. Elle n’était pas en position de force et cet endroit la mettait mal à l’aise. Trop sombre, trop étroit, et cette odeur de loups… Elle ne se sentait pas proche des loups et leur présence la mettait mal à l’aise. Cela se ressentait dans ses actes et elle le savait.
Elle essuya du revers de la main un petit filet de sang qui s’écoulait de ses lèvres.
- Si elle ne veut pas que je l’agresse alors qu’elle me trouve le nom de celui qui fait souffrir les miens.

Yue sentait la situation lui échapper. Cette louve était téméraire et têtu. Bien sûr Yue comprenait son sentiment de haine et de rage mais il était dirigé vers la mauvaise personne. Cassandra était intelligente, il est vrai. Cependant l’archère avait déjà essayé de tirer au clair cette affaire et elle n’avait rien trouvé de répréhensible dans les contacts de l’humaine.
Elle n’avait que peu d’argent et n’en fournissait donc que peu également. Pas de quoi assurer ce dont on l’accusait. Elle n’avait pas insisté non plus de peur d’effrayer l’enfant déjà traumatisée.
- Je ne peux pas vous donner la liste de mes contacts. Quelle marchande je serais si je donnais la liste de mes clients et fournisseurs à une folle furieuse telle que vous.

La voix de Cassandra s’était faite plus assurée alors qu’elle endossait le rôle de la marchande. Cependant, Jaf à ses cotés ne semblait pas du même avis. Il protégerait la jeune femme au péril de sa vie mais l’idée d’un trafic d’esclave le turlupinait. Lui-même était au courant des différents contrats émit entre la jeune fille et ses clients/fournisseurs mais il n’avait jamais supposé un problème de telle envergure.
- Cassy… laisse moi jeter un œil au registre avec Sebastien.
- Tu ne me crois pas ? _ lui dit-elle outrée.
- Je te crois mais je ne crois pas forcément toutes personnes avec qui tu travailles. Et si cette femme dit vrai, il y a plus en jeu que ta fierté de marchande.

Il avait essayé de se montrer délicat mais il avait échoué. La jeune fille était vexée et blessée en son cœur.
- Cassandra, plus que le trafic d’esclave, cela pourrait mettre fin à la persécution du Black Fang. Cet homme te l’a dit lui-même.

La mention de cet homme ne fit qu’envenimer la situation alors que la jeune fille se mettait à trembler de tout son être, de toute son âme. Le démon qui hantait toutes ses nuits, venait la frapper de jour également. Elle essaya de maitriser son tremblement, elle essaya de calmer son corps mais rien n’y faisait.
- Faites comme bon vous semble.

La jeune fille s’était raidi à ses mots et tourna les talons pour partir. Elle n’avait plus envi de leur parler ni même au loup. Il essaya bien de la retenir mais elle ne lui en laissa pas l’occasion.
Elle ouvrit grand la porte laissant entrer la lumière et grincer des dents l’archère puis disparut. Jaf serra les dents en la voyant s’éloigner mais il savait qu’il n’arrangerait rien en lui courant après. Elle devait se calmer, se rendre compte d’elle-même que s’était pour elle aussi qu’ils agissaient ainsi.
- Yue, je vais aller voir Sebastien et je vais tenter d’identifier l’homme que vous recherchez tous. Fais en sorte qu’elle ne sorte pas d’ici. Sa vision risquerait de ralentir mes recherches.

La louve sembla tiquer au regard que lui lança le loup roux mais en réponse elle s’assit dans un coin de la hutte prête à attendre.
Yue posa une main de soutien sur l’épaule de son frère. Il l’accepta avec douceur avant de partir à son tour pour se plonger dans la paperasse.

Personne se faisait insensible à ces petites scènes. Elle n’avait que faire de leur humeur, de leurs problèmes elle devait agir vite. Agir vite pour rentrer rapidement chez elle et la revoir, glorieuse. Elle était venue seule bien que Ellie l’avait suppliée de l’accompagner. Elle était resté forte pour ne pas la mettre en danger et cet endroit était dangereux elle le savait. Son nom lui avait permis de passer les frontières d’Hatary, mais il ne suffirait pas pour rassembler les loups sous sa coupe. Ici… elle n’avait pas l’impression de pouvoir jouer sur la haine entre Laguzs et Beorc. Ce jeune garçon semblait avoir acquis la loyauté de ses hommes malgré son jeune âge et l’humaine semblait également intégrée. Elle avait senti quelques tensions sur lesquelles elle pourrait surement jouer mais peut être pas suffisamment. Mais la jeune fille semblait prête à craquer… un petit conflit de plus pourrait lui donner accès à tout ses papiers et au criminel… soudain personne releva les yeux sentant une pression sur ses épaules, affolante.
Les yeux rouges de l’humaine étaient braqués sur elle et semblaient pouvoir lire en elle avec une clairvoyance troublante. Personne émit un grognement léger se sentant malgré elle, agressée.
- N’y pense même pas… ça ne sert à rien d’essayer d’accélérer les choses, Legris va te trouver les informations que tu recherches. Comme toi, il n’accepte pas que son peuple se fasse persécuter.

La louve avait des doutes quant à ces dires. Elle remettait en cause l’intégrité du loup si sa précieuse humaine se retrouvait en porte-à-faux.
- Je ne vois pas de quoi tu parles. J’attends sagement, non ?

Personne sentait la tension palpable entre elles deux ses griffes avaient instinctivement poussé et s’enfonçait légèrement dans le sol. Elle avait beau être assise, tous ses sens étaient aux aguets et elle était prête à plonger sur son ennemi et à l’étriper si elle le devait.
- Je te le déconseille également. Je suis plus puissante que toi.

L’assurance dans sa voix la déstabilisa quelque peu mais elle n’en montra rien. Personne s’était souvent mesurée à plus puissante qu’elle et elle avait toujours su tirer son épingle du jeu par son intelligence et sa persévérance.
- Tu crois que tu me fais peur ?

L’humaine eut un sourire troublant. Oui elle le croyait et peut être avait elle raison mais rien ne détournerait Personne de ses convictions. Si elle devait l’affronter ainsi que tous les loups de ce village elle le ferait pour récupérer ces informations et trouver ces camarades, les libérer, les libérer et leur livrer les bonnes paroles, celles de la tolérance, du pardon.
Les plus grand perturbateurs de la paix qu’elle souhaitait installer étaient ces esclaves libérer qui devenaient de extrémistes anti-Beorc… Un sentiment qu’elle ne comprenait que trop bien. Après tout… elle les avait tous tué après la mort de son ami et l’enlèvement d’Isy.
- Je vais te montrer que ce n’est pas le cas.

Sortant les griffes, la laguz plongea de toute sa vitesse et de toute sa force sur l’humaine.

Qu’avait-elle en tête pour jouer dans un moment pareil… ? Elle ne savait pas. Le contexte ne se prêtait guère à ce type de comportement, la louve était sur les nerfs, à fleur de peau. Mais Yue la provoquait, tout dans sa gestuelle, dans ses sourires, dans sa voix appelait à la violence. Cette louve s’était aventurée en terre ennemi, elle avait su se maitriser pour avoir ce qu’elle souhaitait mais Yue savait que comme elle, la patience n’était pas son fort. Pourtant seule celle-ci pourrait apporter les réponses qu’elle attendait.
Elle n’avait pas apprécié ses remarques, ni sa manière de s’en prendre à Cassandra… elle n’aimait pas sa présence. Cette fille débarquait avec ses envies de justice, ces désires de sauveuse sans prendre en compte le contexte. C’était une arriviste, qui n’essayait pas de comprendre. Yue la regarda de haut, elle n’était pas hautaine pour deux sous mais elle pouvait se montrer si arrogante quand elle le voulait. Ce n’était pas quelque chose qu’elle avait appris de son père ou de Jaffar, c’était simplement devenu inné à sa personne au court de ses voyages, de ses rencontres.
- N’y pense même pas… ça ne sert à rien d’essayer d’accélérer les choses, Legris va te trouver les informations que tu recherches. Comme toi, il n’accepte pas que son peuple se fasse persécuter. _ Sa voix était afable et son sourire tout autant. Elle s’en rendait compte mais une certaine mesquinerie s’était glissée en elle depuis son affrontement avec le Croc Pourpre.
- Je ne vois pas de quoi tu parles. J’attends sagement, non ? _ Elle sentait de la tension dans sa voix, peut-être même de la peur. Elle vit ses griffes sortirent de manière mécanique et gratter le sol… Yue se savait en état de supériorité mentale.
- Je te le déconseille également. Je suis plus puissante que toi. _ Mais peut-être pas physique… elle se posait la question elle-même.
- Tu crois que tu me fais peur ?_ Silence _ Je vais te montrer que ce n’est pas le cas.

La louve se rua sur elle sans une seconde d’hésitation. Elle était jeune, inexpérimentée et même si elle était rapide, la chasseuse l’était plus. Elle esquiva d’un léger bond sur le côté et une main humaine essaya d’attraper sa cheville au bond. Mais le tranchant de la main de l’albinos vint calmer les ardeurs de son adversaire en venant frapper l’arrière de sa nuque.
Le cuir de la louve était plus épais que celui d’un humain… c’est pourquoi, son coup n’eut qu’un effet étourdissant sur elle. Elle se retourna et plaqua l’humaine au sol. Yue se sentait étouffée par le poids monumental de la bête, mais il n’y avait nulle crainte dans son regard. Ses genoux repliés sur son abdomen la protégeaient de ses crocs. Via la célérité elle repoussa la bête en arrière et se releva. Elle était puissante mais elle avait l’impression de jouer avec Jaf et ce dernier pouvait se montrer bien plus coriace.
- C’est tout ce que tu peux faire… permet moi de te dire que pour quelqu’un qui a la prétention de vouloir libérer les prisonniers Laguzs de l’esclavage tu es trop faible. Beaucoup trop faible.

Elle avait touché un point sensible. Elle le savait. La louve accéléra encore le pas et devint plus agressive cherchant réellement à la blesser, à la tuer… Mais Yue en faisait ce qu’elle voulait. Ses attaques bien que violentes n’avaient pas d’intérêt si elles ne les atteignaient pas. La rage dans son regard n’avait d’intérêt si elle ne lui transmettait aucune peur. Même dans un endroit aussi étroit… elle pouvait la maitriser à sa guise.
- J’ai démantelé un trafic d’esclave avec Jaf une fois et ce n’est pas avec des actions vaines comme celles que tu mènes aujourd’hui que j’ai réussi à les sauver. C’est en choisissant mes alliés et ceux à qui j’accordais ma confiance.

Elle saisit une flèche sur une étagère et d’un mouvement précis et habile elle la plaça sous la gorge de la jeune femme.
- Et toi ? A qui accordes-tu ta confiance ?

Il était si pénible de se faire ainsi malmener… Comment pouvait-elle être plus rapide qu’elle avec son corps de Beorc… Il n’y avait pas de raison à ce qu’elle lui échappe encore moins dans un si petit espace. Elle était plus agile, plus vive que la louve et cela la frustrait, l’énervait. D’autant plus qu’elle n’avait pas envie de se battre plus longtemps que ça. Elle avait succombé à une impulsion, si elle avait pu lui montrer sa supériorité, ça aurait suffi et elle aurait attendu sans rien dire de plus mais elle l’avait évitée et maintenant elle ne pouvait plus s’arrêter en cours de route se serait trop humiliant.
Alors elle continuait se tordant dans tous les sens pour chopper cet être si filiforme, si rapide, si puissant. Cette Yue était comme l’eau… inarrêtable, incontrôlable alors que Personne était comme la roche, puissante, résistante… Deux forces de la nature s’opposaient. Et elle perdait irrémédiablement. Après tout, la roche a beau résister au courant, l’eau finit toujours pas la polir et la déloger.
- J’ai démantelé un trafic d’esclave avec Jaf une fois et ce n’est pas avec des actions vaines comme celles que tu mènes aujourd’hui que j’ai réussi à les sauver. C’est en choisissant mes alliés et ceux à qui j’accordais ma confiance. Et toi ? A qui accordes-tu ta confiance ?

La louve n’avait pas vu la pointe se placer sous sa gorge mais elle s’était immobilisée par réflexe. Alors que son esprit réfléchissait déjà à une réponse. A qui faisait-elle confiance… ? Elle avait fait confiance à sa sœur mais elle l’avait abandonnée. Elle avait fait confiance à sa guilde pourtant elle n’avait demandé à aucun d’entre eux de l’accompagner dans sa quête. Elle aimait Elie, mais elle l'avait laissé derrière de peur qu’elle ne soit blessée. Elle avait confiance en chacun d’eux… mais elle n’avait pas confiance en sa capacité à les protéger. Par contre elle croyait en celle de se protéger elle-même.

Avançant vers la flèche, la chasseuse recula son bras. Elle n’avait aucune intention de lui faire du mal alors qu’elle, elle le souhaitait. Sa main se transforma en une griffe puissante et le sourire abandonna le visage de l’albinos le temps d’une seconde, elle était de nouveau prête à se battre mais Personne envoya son poing avec toute la violence dont elle pouvait faire preuve. La chasseuse esquiva mais son poing explosa les volets de bois qui filtraient la lumière. Un rayon de soleil s’invita dans la pièce, suivi de plusieurs autres alors qu’elle retirait sa main en arrachant les gonds de la fenêtre.
La Beorc recula de plusieurs bonds alors qu’elle cachait sa peau sous les guenilles qui lui servaient de vêtements.
- Je ne fais confiance qu’à moi et à moi seule. _ Pour survivre à mon devoir.

La folie de sa mission n’avait point de secret pour la louve, elle savait dans quoi elle s’embarquait. C’est pourquoi elle ne pouvait impliquer personne. Ce n’était pas un manque de confiance en eux… n’est-ce pas ?
La louve dévisagea la chasseuse et y vit un sourire triste. Elle ne comprit pas pourquoi. Elle se retourna reprenant une forme humaine et attrapa une toile cirée au sol qu’elle tendit devant la fenêtre. Elle la coinça dans l’encadrement avant de se poser. Elle n’avait pas gagné loin de là mais cette petite victoire satisfaisait son orgueil.
- Car rien n’est mieux fait que par soi-même.

La louve s’assit en tailleur sous la fenêtre, le dos contre le mur. Maintenant, elle pouvait attendre.

Recroquevillée dans un coin Yue repensait à ce qu’elle serait devenue sans ses amis, sans sa famille. Elle ne serait pas allée bien loin sans eux, sans sa rencontre avec Jaffar, avec son frère, avec Allen. Elle serait certainement en prison ou isolée en forêt. Elle n’était pas femme à pouvoir vivre seule, elle avait besoin d’être entourée, elle avait besoin de dévouer sa vie aux autres. Elle fonctionnait ainsi elle n’avait besoin que de peu pour elle. L’amour de son frère celui de ceux qu’elle aimait.
Elle le savait, elle était incapable de vivre seule, elle n’était pas adaptée à cette société et en cette louve elle voyait son reflet dans le miroir. Elle sentait une motivation similaire à la sienne. Cela la faisait sourire.
La porte s’ouvrit faisant grincer des dents la chasseuse alors que Jaf entrait des lunettes sur le bout du nez. Il ressemblait réellement à un jeune comptable. Il jeta un regard sur la salle dévastée puis porta son regard sur Yue qui lui sourit puis sur la louve qui détourna les yeux.
- J’espère que tu rangeras tout ça grande sœur. Il est hors de question que je nettoie derrière toi.

Le jeune loup semblait plus calme, il n’avait dû se dérouler qu’une demi-heure depuis son départ mais Yue savait qu’il reprenait rapidement ses esprits, chose dont elle était bien incapable. Elle supposait qu’il se réservait pour affronter la jeune Cassandra qui malgré son jeune âge pouvait se montrer très pinçante dans ses réflexion. Son jeune frère s’était trouvé une petite femme pleine de poigne et avec un caractère de cochon.
- Alors qu’est ce que ça donne.
- J’ai fait un croisement entre les clients, fournisseurs et distributeur il n’y en a que deux qui ont un rapport avec ceux des parents de Cassandra. Bien sûr il pourrait y en avoir d’autres, nous n’avons pas récupéré tous les documents de la famille Diskens après le massacre fomenté par le Fang.
- J’imagine bien… Qui sait ce qui a pu être emporté par l’organisation du Fang après notre fuite.

La louve se rapprocha pour prendre en main les parchemins. Le roux eut du mal à les lui céder. Mais Yue l’incita à lâcher prise peut être pourrait elle trouver ce que lui ne voyait pas. Les yeux de la brune s’agitèrent de droite à gauche alors qu’elle dévorait le document en quelques secondes. Yue fut impressionnée de sa vitesse. Elle-même avait appris à lire mais elle devait bien avouer que l’exercice lui été difficile.
- Lui, je voudrais plus d’informations sur lui.

La louve indiquait du doigt le nom d’un investisseur. Le loup roux leva un sourcil, il ne s’était pas intéressait aux individus investissant dans leurs affaires cherchant plutôt qui pouvait alimenter un trafic de Laguz. Il regarda le nom et se souvint de celui qui le portait.
- C’est un parent de Cassandra. Il investissait déjà dans les affaires de ses parents. Quand il a appris que la fille Disckens reprenait l’affaire familiale il a tout de suite proposé de nous aider. Il a été d’un grand soutien financier pour nous.
- Mais je ne comprends pas, s’il y investit, on ne peut alimenter un trafic d’esclavage…
- Vous blanchissez l’argent qu’ils en tirent… j’ai déjà vu son nom, il y a quelques années quand j’étais sur la piste d’un autre trafic…Je veux son adresse.

Yue et son frère échangèrent un regard. C’était un membre de la famille de Cassandra, certainement l’un des derniers. Ils ne pouvaient lui donner une telle information sans en parler à la petite bourgeoise. Cette fille n’était pas aussi magnanime qu’eux, elle le tuerait.
- Je veux son adresse.
Sa demande n’acceptait pas de refus, alors que ses traits se tiraient pour laisser apparaitre toute la rage de cette forme bestiale.

« Lionnel Chantaud »… Personne se souvenait d’avoir vu ce nom dans les documents que possédaient ses premières proies, elle se souvenait l’avoir lu sur les parchemins qu’ils transportaient sous scellés. A l’époque Erin lui avait été d’une grande aide dans cette quête et ce nom l’avait menée à Daein où elle avait libéré nombre des siens dont Gabriel… Ce jeune dragon à peine en âge de comprendre. Elle se souvenait de tous les combats menés de tous les Laguzs morts dans leur cage ou en combat. Ces souvenirs lui revenaient à l’esprit et l’assaillaient de toute part. Elle n’avait jamais autant détesté les humains que ce jour là.
- Je veux son adresse.

Son ton se faisait de plus en plus impérieux alors qu’elle les voyait hésiter. N’allaient-ils donc pas tenir leur parole ? Avait-elle raison de croire qui privilégierait le bien-être de cette fille plutôt que celui de tout un peuple ?
Elle n’en avait rien à faire que sa famille ait été massacrée, d’autres l’était actuellement. Préserver cette enfant ne faisait que détruire d’autres vies. Elle ne pouvait accepter ça. Elle se releva en un cri entre l’hurlement et le rugissement faisant trembler les fondations de la demeure.
- Calmez-vous. Nous devons en parler avec Cassandra, rugir ainsi ne changera rien.
- Mais pendant que vous parlementez avec cette enfant, les miens se font saigner !
- Ce sont aussi les miens !

Le loup roux pouvait lui aussi rugir et sa voix masculine était aussi forte que celle de la jeune femme, mais bien plus respectée. A une vitesse impressionnante, les loups se rassemblèrent devant la demeure alors qu’une femme à la chevelure d’un rouge flamboyant passait les portes d’un pas impérieux.
- Maitre souhaitez-vous notre intervention ? _ La jeune femme s’inclinait devant le loup roux
- Amenez-moi Cassandra. Réglons cette histoire rapidement.
- Je suis là.

La jeune fille était venue au pas de course elle aussi. Elle s’inquiétait pour Yue même si elle lui en voulait. Elle ne voulait pas le savoir blesser surtout si se devait être par sa faute. Il avait tellement fait pour elle… Elle l’aimait tellement du haut de ses 10 ans. Elle l’aimait autant qu’elle avait pu aimer ses parents.
Personne la regarda avec colère alors que l’albinos se plaçait entre elles deux d’un geste protecteur. La louve se demanda si elle aurait agi ainsi pour Ellie… surement mais là, elle n’arrivait pas à le comprendre.
- S’il vous plait mes amis… sortez. Il n’y a pas de crainte à avoir, je gère la situation.

Les loups se dispersèrent de mauvaise grâce alors que la jeune fille rejoignait Yue, le loup roux.
- Nous avons peut être identifié la personne responsable de tous ces malentendus…
- Il n’y a pas de malentendu. Son oncle blanchit l’argent des trafics d’esclave en investissant dans votre commerce. Il n’y a pas de malentendu.

La louve tournait en rond alors que Cassandra la regardait avec interrogation. Elle ne comprenait pas parfaitement le langage des loups et Personne ne faisait pas d’effort pour se faire comprendre. Jaf lui indiqua le nom de la personne en question et Cassandra s’écarta interdite.
- Mon oncle, vous pensez que c’est mon oncle ? Il a été l’un des premiers à nous soutenir…
- L’as-tu saisi ou est-ce lui qui est venu vers toi Cassandra ?
- C’est lui… C’est lui mais… si c’est vrai qu’allez-vous lui faire ?

Son regard désespéré se tournait vers Personne qui y resta insensible, elle rendrait justice. C’est tout. Mais ce n’est pas ce qu’elle lui répondit. Le mensonge s’il lui obtenait les informations demandées était nécessaire.
- Je l’interrogerais pour savoir qui tient le trafic. S’il coopère, il n’aura rien à craindre.
- Elle vient de dire qu’elle lui tirerait les informations dont elle a besoin.
- Et s’il était innocent, qui me dit que vous ne le manipulerez pas de telle sorte qu’il avoue des choses fausses ? Je ne vous fais pas confiance !
- Mais à moi si ? _ L’albinos avait parlé avec douceur _ Je pourrais l’accompagner et je m’assurerais de la sécurité de ton oncle.

Le regard de Cassandra alternait entre Yue et la louve. Personne ne voulait pas de l’albinos pour compagne de route, elle ne voulait pas qu’on lui mette de bâton dans les roux. Mais elle sentait que cette décision ne lui reviendrait pas.
- J’ai confiance en toi… bien sûr. Je… _ Elle porta ses yeux dans ceux de Jaf, il n’y avait pas d’insistance, pas de pression bien qu’elle savait que ça lui tenait à cœur. _ Donne-la lui Yue, si ta sœur l’accompagne j’accepte. Et mettons toute cette histoire derrière nous.

Personne reprit forme humaine alors qu’elle se sentait incroyablement soulagée. A vrai dire elle ne pensait pas être capable de récupérer ces informations sans leur consentement malgré ce qu’elle avait pu laisser paraitre. Et elle avait peur que l’humaine ne reste arrêtée sur ses décisions. Elle se calma et la regarda… Peut être s’était-elle montrée trop agressive avec cette enfant plus jeune encore qu’Ellie…
- Pour s’assurer que tu ne me fausseras pas compagnie, par contre, je serais seule à connaitre l’adresse. Heureuse de notre future collaboration.

Personne grogna.

La route en compagnie de la louve n’avait rien d’agréable, elle ne parlait pas, ne l’écoutait pas non plus et avançait particulièrement vite. Si Yue demandait à faire une pause, elle accélérait le pas. Si elle prenait trop de distance, la louve ralentissait pour la perdre. Ça ne servait à rien au vue des sens aiguisés de la chasseuse mais ça l’énervait, surtout qu’elle faisait ça pour elle. Son intérêt dans l’affaire n’était que limité. Elle n’avait pas envi de revoir quiconque en rapport avec le Fang ou l’esclavage. Elle y allait pour protéger un homme qui arrosait certainement les trafics d’esclaves alors qu’elle-même n’aurait eu aucune pitié pour un tel homme.
Elle repensait à son frère qui était resté en retrait à son départ, elle avait senti son hésitation, son désir de l’accompagner. Elle repensait à Cassandra qui n’avait réussi à lui sourire… alors qu’elle prenait la route. La chasseuse ne la connaissait que peu, cependant elle comprenait que cette jeune fille ferait parti intégrante de sa vie, de son avenir et faisait donc tout pour l’apprécier et être appréciée d’elle. Cependant, le calvaire qu’elle s’imposait pour cela venait à bout de sa patience fragile.
- Oh Gar’ga tu n’voudrais pas te montrer plus causante, plus sympathique… Moins chiante quoi ?

Mais elle n’eut pour seule réponse qu’un silence affligeant. Ça avait duré le temps de la traversé du désert et sa se continuait maintenant qu’elles avaient gagné les montagnes et forêt de Daien. Elle connaissait bien cet endroit, elle y était née.
- Tu sais que je suis la seule à connaitre l’adresse, il serait donc bienvenu de ta part de te montrer plus amicale avec moi si tu ne veux pas que je rentre simplement chez moi.

Yue ne rentrerait pas chez elle. Elle ne pouvait laisser en suspens une telle affaire. Mais le fait que la louve continuait de l’ignorer, l’énervait. Elle prit la mouche.
- Très bien… alors j’irais seule.

Dans les étendues désertiques d’Hatary, elle n’avait pu se le permettre mais maintenant, elle pouvait se lâcher. Prenant un léger élan dans la terre humide de la forêt de Daien, Yue accéléra, prenant une vitesse que peu d’être vivant pouvait atteindre. Elle se fondit dans la masse de verdure. Seule la trace de sa botte dans la terre témoignait de son passage dans les bois. La forêt était sa demeure, son ami, sa protectrice. Elle en était la fille, l’habitante, la protectrice.
Abandonnant la louve, elle installa rapidement une distance irrattrapable entre elles. Elle vit la louve essayer de la suivre, mais jamais elle ne réussit à réduire la distance qui les séparait puis elle la perdit. Elle la sema et en profita pour se jouer d’elle.
Le contexte ne se prêtait pas aux jeux d’enfant, à l’immaturité mais aux yeux de Yue… C’est elle qui avait commencé.

Un chaperon… on lui avait imposé un chaperon. Elle avait presque donné sa parole de ne rien lui faire… bien sûr elle ne l’avait pas dit à haute voix mais en tant que louve d’honneur, il était évident qu’elle ne le tuerait point s’il coopérait. Mais on ne lui avait pas fait confiance et elle se retrouvait à devoir voyager avec cette femme que la lumière du soleil handicapait.
Elle n’était pas lente, loin de là, mais pas aussi rapide que la louve. Elle n’avait aucune difficulté à se mouvoir en forêt mais Personne aurait voulu qu’elle aille encore plus vite. Ou plutôt elle aurait voulu qu’on lui donne cette adresse pour pouvoir y aller seule.
Mais non, elle devait supporter cette femme, supporter sa voix, supporter sa présence… Ses nerfs déjà à vifs en souffraient énormément et elle ne pouvait l’accepter avec maturité et sagesse.
Personne n’était pourtant pas femme à être impatiente, ni téméraire. Elle avait été adulte avant d’avoir appris à marcher. Elle était la maturité incarnée et d’une indépendance qui lui tenait à cœur. Pourtant cette situation la mettait dans une situation désagréable. Elle se sentait mal à l’aise.
- Oh Gar’ga tu n’voudrais pas te montrer plus causante, plus sympathique… Moins chiante quoi ?

La louve monta les yeux au ciel. Non, elle n’avait pas envi de se montrer amicale car ce n’était pas son amie. Elle était même plus jeune qu’elle et pourtant elle en dépendait.
- Tu sais que je suis la seule à connaitre l’adresse, il serait donc bienvenu de ta part de te montrer plus amicale avec moi si tu ne veux pas que je rentre simplement chez moi… Très bien… alors j’irais seule.

Personne eut à peine le temps de jeter un regard à Yue, à son expression espiègle avant qu’elle ne disparaisse en un éclair. Transformant la partie inférieure de son corps, elle se mit à la poursuivre. Elle ne pouvait pas la perdre, elle n’en avait pas le droit pour les siens, pour ses frère et ses sœurs… quelle idiote elle avait été de se montrer si orgueilleuse.
Se fiant à son flair elle réussit à la suivre sur quelques centaines de mètre, puis elle disparut. Elle n’était plus là. Invisible à ses yeux, à ses oreilles, à son nez.
La panique la gagna… que valaient ces quelques journées de désagrément face à leurs mois, années de souffrance. Si elle voulait parler alors elle le ferait.
- Montre toi humaine… nous n’avons pas le temps pour ces bêtises ! _ Mais elle ne se montra pas _ Montre toi ! Jouer ainsi avec leur vie… tu ne peux pas faire ça !!!

Et elle non plus, elle ne pouvait agir ainsi. Elle n’avait pas le droit de perdre une seule seconde de son précieux temps…
- Montre t… _ Le visage de la chasseuse se présenta à l’envers devant ses yeux.
- C’est bon, reprenons la route mais s’il te plait ne rend pas ce voyage plus pénible qu’il ne l’est déjà… _ Yue sauta pour se retrouver debout devant la louve.
- Pourquoi m’accompagnes-tu si c’est si désagréable. _ Personne ne comprenait pas le comportement de cette femme
- Cassandra est butée, elle ne t’aurait pas donné l’adresse si je n’avais fait ça. Et je suis comme toi, contre l’idée d’enfermer une personne contre sa volonté quand elle ne la pas mérité.
- Mais tu pourrais me donner l’adresse dès à présent et partir. Ce n’est pas moi qui trahirais ton geste.
- Je ne ferais pas ça à Cassandra. Je lui ai donné ma parole.

L’honneur. C’était une valeur qui lui parlait. La louve émit un léger sourire peut être n’étaient elles pas si différente l’une de l’autre.
- Dis-moi seulement si c’est encore loin.
- Encore deux jours de marche si mes estimation sont bonnes. Et elles le sont.

Deux jour à devoir faire semblant d’apprécier l’humaine pour ne plus ralentir leur course. Elle pouvait le faire. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait parlé, mais elle se forcerait.

Les deux jours s’écoulèrent plus rapidement qu’elle n’aurait pensé. Une fois les choses établies la compagnie de la jeune femme s’était montrée presque agréable. C’était une bonne chasseuse, rapide et silencieuse. Elle ne s’était pas montrée amicale mais cordiale, c’était suffisant.

C’est au crépuscule qu’elles se présentèrent au devant des murs de la demeure Davela, l’oncle de Cassandra. La tension se faisait palpable alors que la calme jeune fille laissait place petit à petit à la redoutable louve. Yue fut impressionnée par la lente métamorphose de la Laguz. Ses traits se tirèrent, son nez s’allongea pour laisser place au museau puissant et aux crocs féroces. Son dos se vouta, alors qu’elle tombait à quatre pattes. Elle était habituée à voir Jaf se transformer mais à la différence de son frère qui avait déjà un corps musclé et une taille presque adulte, Gar’ga était frêle comme une enfant. Elle n’avait rien d’impressionnant, elle était presque invisible sous forme humaine. Sa transformation physique lui donnait également une présence, un charisme nouveau.
- Nous ne sommes pas là pour massacrer, je préférerais que tu restes sous forme humaine pour tout te dire.

Mais la louve ne l’écouta pas. Ses oreilles vibraient faiblement avec le vent. Yue se concentra sur ce qu’il pouvait lui raconter et perçu au loin le son de l’acier ainsi qu’un son plus sourd venant de derrière elle. Elle se retourna reconnaissant dans ce bruit inaudible le pas de velours des assassins.
- Attends… je dois vérifier quelque chose.

Ignorant les odeurs de sous bois, la jeune femme se concentra sur celles qu’elle pensait familière celle de la poudre, celle du poison… celle de Jaffar et dans les effluves qu’elle capta via ses sens surdéveloppés elle sentit le sang. Les cheveux s’hérissèrent sur sa nuque. Que faisait-il ici… ? Et que devait-elle faire par rapport à lui ? Elle n’avait pas encore digéré sa défaite face à lui, elle n’avait pas encore accepté d’avoir mis sa famille en danger pour des moments passés avec l’assassin. Elle s’était haï de ne pas l’avoir blessé, elle s’en était voulu de ne pas l’avoir tué. Ses sentiments pour lui avaient pris le dessus…
- Nous y allons ?
- Je… Il y a des assassins du Fang dans la zone au moins deux. Il faut rester sur nos gardes.
- Surement engagé par ce type !
- Je pense plutôt engagé pour le tuer.
- Ce ne serait que justice pour les miens.
- Alors je n’ai pas le même sens de la justice que toi.

Il n’y avait pas de jugement, seul les faits. Elles n’étaient pas les mêmes, elles n’étaient même pas compatibles. La jeune louve se jeta à l’attaque du mur enfonçant profondément ses griffes dans la pierre pour se hisser d’un mouvement leste en haut de celui-ci. Yue plus pragmatique pris l’une de ses flèches et y attacha une corde avant de la tirer. Avec une précision parfaite, la pointe se ficha quelques centimètres avant le rebord, avec suffisamment de puissance pour qu’elle puisse s’y accrocher.
En haut du mur des cadavres les attendaient sous des toiles vernies à la forte odeur de graisse. Jaffar semblait s’attendre à sa venue, il avait protégé ses arrières.
- Quelle direction ?

Yue se concentra tentant d’ignorer ce qui l’entourait, là où il serait, elle était persuadé que leur cible s’y trouverait également mais elle se demandait dans quel état elle le trouverait… sa promesse à Cassandra semblait lui échapper, lui glisser entre les doigts. Encore une fois, il allait lui faire rompre l’un de ses serments. Elle avait un mauvais pressentiment.
- C’est par là.

La louve se précipita dans la direction indiquée mais elle ne pouvait se montrer aussi enthousiaste qu’elle. Elle y allait à reculons. Elles descendirent un escalier puis un second les corps s’entassaient. Elles passèrent une porte, prirent un couloir et se retrouvèrent devant la porte qui les séparait de lui. Yue le savait derrière cette porte, il serait là.
Les pans de bois volèrent en éclat sous la charge de la Laguz alors que les yeux de l’albinos se posaient sur le corps sanglant d’un homme aux pieds de l’assassin aux cheveux de feu. Elle n’eut aucun mal à identifier le cadavre. Les mêmes cheveux d’un brun au reflet blond, la même peau ambrée… M. Davela.
Yue détourna son regard puis se retourna avant même qu’il ne prenne connaissance de sa présence. Sa mission prenait fin. L’homme était mort avant leur arrivée. Elle n’avait plus rien à faire ici.

Elle ressentait l’excitation l’envahir alors que la pierre prenait le pas sur le bois, que l’architecture superflue de l’homme prenait la place du chaos ordonné de la nature. Il était là tout près celui qui la mènerait aux miens, celui qui osait rendre l’argent de ce trafic immonde, innocent…
- Nous ne sommes pas là pour massacrer, je préférerais que tu restes sous forme humaine pour tout te dire.
Personne revint à la réalité, elle ne s’était pas rendue compte que ses griffes s’étaient allongées, que ses crocs avaient transpercé sa gencive, que sa fourrure avait recouvert sa peau blanche. Mais maintenant qu’elle était sous sa forme primale, elle ressentait tout ce qui l’entourait avec plus de sensibilité, plus de douceur. Elle leva l’oreille au bruit d’un cri qu’on étouffe. Elle la tendit pour comprendre qu’il était mort en un dernier soupir à peine audible.
- Je… Il y a des assassins du Fang dans la zone au moins deux. Il faut rester sur nos gardes.
- Surement engagé par ce type ! _ Elle n’avait que faire de ce type de détails. Le Fang, elle ne savait même pas ce que c’était quant au qualificatif d’assassins tout humain l’était un peu par sa nature.
- Je pense plutôt engagé pour le tuer.
- Ce ne serait que justice pour les miens. _ Ses mots étaient rudes pourtant Personne s’étonna à les penser. Elle ne prônait pas la haine des Beorcs, elle était même pour l’entente entre les deux peuples mais cette entente ne pouvait exister avec des humains comme ce lord je ne sais quoi qui se permettait d’encourager, la haine, la violence, et l’humiliation envers les siens.
- Alors je n’ai pas le même sens de la justice que toi.
Non… il était clair que non.

Les facultés de la chasseuse étaient impressionnantes, elle s’étonna de la force de ses bras et de la précision de ses sens. Mais ce qui l’étonna plus encore était sa compassion. Pour Personne qui n’avait que faire des cadavres entassés, la tristesse, et l’incompréhension qu’elle pensait lire dans le regard de l’albinos l’étonna. Elle s’arrêta droite comme un piquet devant une porte massive et lui indiqua qu’il était derrière cette porte. Nul mot supplémentaire ne lui fut nécessaire. La louve enfonça la porte d’une violente charge et se retrouva nez à nez avec sa proie gisant dans son sang alors qu’au dessus d’elle se tenait un homme à la chevelure aussi rouge que celle du maitre des frontières.
Personne se retourna vers l’albinos mais celle-ci était déjà partie. Seule le vide prit place devant ses yeux. L’homme mort était certainement l’oncle de la gamine et celui le regardant, son assassin. La louve comprit la raison du départ de l’humaine. Sa mission était finie, Personne ne pourrait plus tuer l’humain puisqu’il était déjà mort.
Soudain, elle vit dans les flammes d’une cheminée brûler des documents… Ses yeux s’écarquillèrent alors que partait en fumée les preuves, les renseignements dont elle avait besoin. Son sang ne faisant qu’un tour dans ses veines, elle plongea vers le foyer de la cheminée faisant un premier bond à deux bonnes longueurs de bras de l’assassin pour se retrouver devant le feu impuissante.
La chaleur l’effrayait, la repoussait, les flammes léchant ses doigts la paralysaient entièrement. Elle repensa à son frère d’arme, son frère de cœur mort brûlé vif par le pire assassin que la nature ait connu. Elle repensa à son visage figé dans la douleur. Elle repensa à tous ses autres frères et sœurs qui subissaient ces mêmes sévices actuellement…
Reprenant en partie forme humaine, elle saisit de ses cinq doigts un tisonnier et sortit les papiers du feu. N’arrivant pas à les attraper, elle y plongea une main entière pour les récupérer. Puis son instinct la rappelant à l’ordre, elle fit retourna pour faire face à l’assassin.
Il n’était plus là.
Elle huma l’air quelques instants mais ne le sentit pas dans les parages… Un camouflage ? Non, s’il avait souhaité la tuer il l’aurait fait quand elle avait le dos tourné. Elle baissa alors son regard sur les documents qu’elle avait sauvé… Elle savait où aller.

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