Sujet: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Mar 7 Jan - 22:48
LE CŒUR DES HOMMES
Cela faisait bien des mois qu'il avait quitté son ancienne patrie. Le sanctuaire de la Peste Pourpre. Le musée des horreurs. Des mois qu'il avait dévalé les montagnes, et découvert après des années d'autarcie la civilisation, les villages, le cœur des hommes.
On lui avait dit au début de venir à l'abri de la neige et du vent. Il était totalement apeuré, car cette fois-là, au monastère, l'orage couvrait le cri d'un moine s’immolant par les flammes. Les gens ne comprenaient pas qui était ce chérubin descendu des cieux : il était vêtu d'une toge noire, et ne portait que très peu d'effets personnels. Autour du cou se tenait un pendentif en forme de soleil, et dont le blanc immaculé contrastait instantanément avec la noirceur de son habit. Dans sa petite bourse, il y avait quelques herbes, destinés à guérir les blessures les plus superficielles.
Et il trainait enfin avec lui un livre des plus lourds, et dont la sinistre couverture digne d'un vieil ouvrage de bibliothèque contenait un récit des plus inquiétants : celui du silence, retranscrit à travers des centaines, peut-être même un millier de pages blanches.
On lui avait dit au fil de sa descente vers la civilisation de partir, de ne jamais revenir. L'Innocence et la Crainte cédaient au fanatisme, à la Folie. Là où passait le Moine Fou, le suicide était roi, les rixes en tout genre aussi. Les gens perdaient la raison, rejoignaient le camp sans bornes du Psychopompe déchu. Pour autant, personne n'intervenait : il fallait rencontrer le fameux Louka pour le craindre. Autrement, les histoires macabres qu'il semait faisait le fond de commerce des commères, troubadours, et autres adeptes de la parole populaire.
On lui avait dit au final de choisir : périr, ou partir. Une poignée d'hommes armés, et avertis de la menace avait croisé la route d'un Louka amoché par les coups de bâton, les lapidations des habitants. Le garçon s'était constitué une mauvaise réputation en l'espace de quelques mois. Hérétique, démon, semeur de désastres… autant de surnoms lui étaient attribués que de chefs d'accusation. Avant même de prévenir la garde de Begnion, les villageois imposèrent leur loi au chérubin : quitter le pays, ou le monde des vivants. Bien que corrompu par la confusion, Louka se retourna en silence, et repartit en sens inverse, emportant avec lui les vivres que les marchands lui donnaient en offrande, afin d'acheter sa clémence. Le messie de la folie repartit vers le Nord, vers les Montagnes, et sans un brin de connaissances géographiques, puisque mû par une volonté irrationnelle, vers Daein.
…
Les semaines passèrent avec difficulté. Coulant de lourdes foulées, le Moine Fou avait réussi à dépasser la frontière séparant Begnion et Daien. Ses souliers étaient usés par la pierre, au point que ses pieds nus, et écorchés marquaient son passage à coups d'empreintes érubescentes. Pour se nourrir, la Lumière d'Asura éclairait son gibier. Le sanglier vint tuer ses semblables, se cogner la tête contre un brave rocher avant de périr, et de servir de repas au chérubin déchu. En guise de "remerciements" - envers qui ? pourquoi ? et surtout… peut-on vraiment appeler ceci des remerciements ? - le blondinet traça quelques écrits du sang de la bête sur la roche qui l'avait occise.
Personne, pas même Louka, ne saurait traduire la langue employée par le Moine Fou pour ce remerciement d'un jour.
L'ascension précéda la descente, et le retour à la civilisation. Le messie reprit alors sa fonction de messager d'Asura : les terres de Daien se gorgèrent du sang et de la folie provoquées par l'esprit déchiré et tordu du jeune Moine Fou.
Sileb. Petit village de montagne, plutôt isolé. L'air froid balaye en permanence la bourgade, comme un souffle divin qui s'assure de l'existence de ses fidèles. Mais en ce matin d'hiver, la bise était vidée de ses sujets de chair. La plupart était à l'abri dans leurs chaumières. Les autres goûtaient au chaos hivernal. On pouvait voir un corps sans vie annoncer l'entrée du village, la corde faisant office d'écharpe serrée autour de son cou, et l'arbre qui le maintenait en suspension comme un parapluie. Depuis peu, divers personnages se partageaient l'extravagance dans les rues.
Il y avait ces trois femmes, plus ou moins belles, crinières dorée à fauve, assises au bord de la fontaine de la grande place. Leurs lamentations se diffusaient dans le vent. Quand l'une s'arrêtait un instant, les deux autres prenaient presque instinctivement le relais. Elles pleuraient à en faire déborder la fontaine, tant leur chagrin était intense. Une douleur puissante leur saisissait à chaque instant la poitrine, et évacuait ce flux continu de peine en larmes salées. Et puis… il y avait les extrêmes. Comme ce sans-abri, dont le froid avait sans aucun doute gelé la cervelle. Craint et fui de tous, il avait comme lubie macabre de s'arracher, et de présenter un doigt entier au passant qui avait le malheur de croiser son regard. Un rire sinistre et presque loufoque s'échappait de sa gorge.
Et entre les quelques disputes qui se créaient çà et là - pourquoi tu regardes le ciel à ma place ?! Pourquoi tu lui as parlé et pas à moi ? D'où tu marches avec ces chaussures ? - marchait l'air serein un homme à la démarche inquiétante. De loin tout semblait normal : le pas léger, le port altier, il marchait, se promenait de manière rectiligne à travers le village. Mais ce n'était qu'en se rapprochant du personnage que l'on comprenait la place qu'il occupait dans ce monde azimuté.
Il promenait ses deux yeux. Arrachés à la main. Quelle démence habite son esprit ? Sileb la Déséquilibrée… quel vent démoniaque souffle sur tes chaumières ? Veux-tu rendre ton dernier souffle de lucidité au vent d'Ashera ? Quels insectes crépitent dans ton crâne creux ? Peut-être que le bruit des plaintes dissimulées le sait, tapi dans cette auberge…
Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Mar 7 Jan - 22:54
ACTE II — Scène #1 — Le Cœur des Hommes.
Liberté. Ce mot qui sonne si bien à tes oreilles. Tu peux enfin revivre, te balader à ta guise, sans avoir d’attache, ou être condamnée à suivre qui que ce soit. Tu es seule, seule dans ton petit univers. Tu voles au gré de tes envies, te baladant d’un endroit à l’autre sans rendre de compte à qui que ce soit. Maintenant que ton ancien maître est mort, tu n’as plus qu’à quitter Daein pour t’installer ailleurs, ou continuer à vagabonder, puis trouver quelque chose à faire pour gagner ta vie. Pourquoi ne pas devenir mercenaire ? Tes capacités pourraient bien te servir pour aider les autres, non ? Tu ne sais pas vraiment si tu es intéressée par cette idée, mais tu as parfaitement conscience que ne rien faire du tout ne te permettra pas d’avancer. Tu dois agir, que ce soit pour la bonne cause ou non, tu ne veux pas d’une vie monotone à simplement traverser le monde. Croiser des gens, c’est bien beau, mais suivre une bannière, c’est toujours mieux. Ça donne un guide, une marche à suivre. Ouais, être mercenaire ça te brancherait bien, finalement. Se battre pour celui qui paye le plus, c’est plutôt intéressant. Tu n’as que faire de l’argent, c’est sûr, le principal étant l’occupation. Le reste, tu ne t’en soucies guère. M’enfin, tu as encore le temps de penser à tout ça, pour l’heure, tu dois juste partir d’ici. C’est ce qui importe, le reste est désuet.
Tu bats doucement des ailes, survolant des forêts, t’arrêtant quelques fois pour y ramasser des baies, profiter du paysage. C’est dingue comme tout semble avoir repris des couleurs, d’un seul coup. Tu t’émerveilles devant la plus bête des fleurs qui se trouve sur ton chemin. C’est idiot, dit comme ça, mais tu trouves ça tellement plaisant que tu ne te soucies même plus de l’image que ça te donne. Après tout, n’es-tu pas une esclave fraîchement libérée ? Grâce à ces deux hommes, qui resteront à jamais gravés dans ta mémoire. Deux Anges, venus du Ciel, apparus juste pour te sauver. Ils ont pris de gros risques pour te sauver, tu ne sauras jamais comment les remercier suffisamment. Un jour, tu les reverras, et ils pourront se rendre compte que tout cela n’était pas vain. Du moins, tu espères qu’ils le verront ainsi …
À force de voler, tu finis par t’approcher d’un village à la frontière entre Daein et Begnion. Vu de loin, tout a l’air parfaitement banal par ici. Pourtant, quelque chose de dégoûtant dévore ce village. Une peste indescriptible qui ronge tout, et transforme l’endroit en un véritable sac de cadavres. Intriguée – ta curiosité te perdra, Princesse –, tu décides de t’approcher pour en savoir davantage. De ce fait, tu descends, et reprends ta forme humaine. Une femme passe à côté de toi, et décide de te jeter une caillasse. Par un réflexe inexplicable, tu la chopes et la balances droit dans la fontaine. Sa tête cogne contre le rebord, qu’elle souille d’une magnifique tache d’hémoglobine, avant de tomber droit dans l’eau. Sonnée, l’hérétique ne reviendra pas de sitôt pour te chercher des poux. Puis, tu la regardes, avant de comprendre ce qui vient de se passer. Une étrange pulsion, hein ? Tu t’approches de la source d’eau pour tenter de l’en sortir, puis remarques que sa blessure est bien plus grave que tu ne te l’imaginais. Oups ? Boarf, vu la réaction des autres villageois, ça ne doit pas être bien important.
D’ailleurs … Tu trouves ça très étrange. Les gens n’ont pas l’air de se soucier des autres. Certains ont l’air déprimés, d’autres sont paumés, tandis que des derniers se crêpent le chignon pour une obscure raison. Tu arques un sourcil, troublée. Où est-ce que tu as bien pu atterrir, encore ? Après le village de racistes, le village de perchés ? Ils sont probablement drogués, tu ne vois pas d’autre raison. Tu vas à la rencontre de l’homme qui te paraît le plus sain du lot.
→ Hum … Excusez-moi, que se passe-t-il ici ? → C’EST LA PINTADE ! ELLE A DÉVORÉ LE LAPIN !! MON PAUVRE LAPIN ! MAUDITE PINTADE !
Tu recules brusquement pour ne pas qu’il t’agrippe les cheveux, et tu t’éclipses aussi vite. Bordel de bordel. Où est-ce que tu t’es encore fourrée, ma p’tite Maë’ ? Encore bien des gens louches t’entourent. Tu parcoures le village des yeux, avant de croiser une pancarte rassurante – ENFIN ! – : celle de l’auberge. Peut-être un endroit où tu trouveras la normalité dans ce monde de fous. Quelqu’un de relativement net, qui sort du lot, et qui parle sans amener de Pintade dans la conversation. Tu t’y précipites, ouvres la porte, et la refermes, restant le dos contre elle. Dans la bâtisse se trouve un jeune homme, plutôt mignon, qui a plus ou moins ton âge. Tu le regardes avec un air de chaton égaré qui vient de trouver sa mère. Sans plus tarder, tu viens t’asseoir près de lui.
→ Dîtes, vous savez ce qui se passe ici ?
Il est peut-être ton seul espoir de comprendre ce qui se trame dans cet étrange village … Sileb, pauvre petite bourgade paumée, rongée par la folie ? Non, non, tu ne veux pas y croire, ce n’est pas possible. Encore un autre endroit plein de malades mentaux ? Bon, tu es à Daein, donc ça ne t’étonne guère, mais quand même, ça reste particulièrement perturbant. Surtout en l’état. Tu viens de sortir de ta prison dorée, serais-tu en passe de retourner dans une autre ? Non. Impossible. Tu ne peux pas. Prise d’une panique soudaine, tu détailles l’inconnu face à toi, remarquant ses vêtements originaux, et son visage pur, qui semble avoir échappé à la peste qui ronge les autres habitants. Pour autant, quelque chose cloche. Il ressemble à un moine. Aaaah, tu as compris !
→ Vous êtes venus les sauver de leur détresse, c’est ça ?
Un ange ! Tu as trouvé un ange ! C’est formidable ! Tu vas pouvoir en faire quelque chose ! Hallelujah !
Dernière édition par Maëlly le Sam 22 Mar - 16:00, édité 1 fois
❝ Isaak ❞
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Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Mar 7 Jan - 22:56
LE CŒUR DES HOMMES
Le murmure des montagnes découvraient une nouvelle présence, qui allait à la rencontre des pleurs innocents. Une inconnue, vagabondant elle-même dans l'inconnu polymorphe. Nonobstant la ménagerie aliénée de Sileb, la silhouette se défendit contre la haine décuplée de l'une des trois ondines déchues. Aucune compassion, juste un réflexe, presque animal, envers ce geste violent. La petite ombre se faufila à travers les allées infectées, et trouva le chemin de l'auberge, balisé par l'odeur du bois fumant sous un lit de braises. Une colonne de fumée s'élevait dans les cieux, avec bien plus d'intensité que les autres pilliers de la bourgade. L'intérieur de la bâtisse justifiait cette domination céleste.
Refuge de clarté d'esprit, l'auberge couvait une imposante cheminée en pierre, dont l'âtre volumineux diffusait une agréable et intense chaleur pour lutter contre la morsure du frimas. La taverne faisait office de centre névralgique de Sileb. Un lieu de choix où la chaleur de la cheminée et celle procurée par l'ambiance attirait nombre de villageois. Pour discuter autour d'un bon vin chaud, pour se loger l'espace d'une, ou quelques nuits… l'auberge attirait du monde. Tout comme cette demoiselle, en quête de réponses, qui était entrée après avoir fait connaissance avec l'asile à ciel ouvert du pathelin.
Toute de noire vêtue, la silhouette adoptait un pas presque félin, dont la démarche aérienne trahissait le genre. Ses longs cheveux fulligineux comme des plumes de corbeau, soyeux comme le velour, se courbaient sous le vent sans jamais fléchir. Ils paraissaient aussi longs qu'indomptables sous le zéphyr, exprimant toute la liberté dont venait de faire l'acquisition la donzelle. Une liberté presque vestimentaire, puisque le regard se posait et s'embourbait même les pattes dans le miel de sa peau, visible à nombre d'endroits. Un nectar souillé par la véhémence, un nectar chanci par les contusions, témoignant d'un passé difficile.
Mais lorsque cet ange déchu aux ailes escamotées se présenta face à son comparse pour le questionner, Louka ne vit rien de tout ce tableau. Si tôt face à l'étrangère, son premier réflexe fut d'agiter la tête dans toutes les directions, cherchant la menace là où elle n'était pas. La girouette s'orienta à droite, vers la gauche, au-dessus de l'épaule frêle de l'inconnue, personne. Mais sait-on jamais…
❖ Ils… ils ne vous ont pas suivi ?
Ils, c'étaient les rôdeurs, ces moines dégradés par la Peste Pourpre.
❖ Vous avez bien fermé la porte ?
Une chance pour l'inconnue que le religieux psychosé ne l'ait considéré comme une rôdeuse. Le sus-dit moine se recroquevilla davantage en boule dans le coin de l'auberge, apeuré.
❖ Ne … ne… ne les laissez pas me faire de mal ! Ils veulent m'infecter, me corrompre… Il geint, puis, toujours en begayant d'un ton rapide et nerveux… Ils vont vouloir me MANGER. Me … m'infecter, ou pire. Me VIOLER.
À des questions, le paranoïaque aimait surenchirir inconsciemment par d'autres questions, sans rapport avec le contexte actuel. L'égaré regarda terrorisé son interlocutrice, et se rapprocha d'elle, rampant de l'arrière-train pour venir à proximité de son visage, et lui confier dans un murmure imbu d'effroi…
❖ Ils nous entendent… ils sont dans notre tête. J'ai voulu les aider, j'ai voulu apprendre à les guérir, mais … mais… c'est trop tard. Je ne peux plus. Ils m'ont enfermé ici, car ils ont aussi peur de moi.
Ils, c'étaient cette fois-ci le reste des moines de Belogor encore lucides, et qui dans leur grande lucidité, voyaient en Louka une menace naissante, une éponge à confusion, à crainte, et surtout de folie. Une menace qui, ayant le potentiel d'acquérir facilement la Lumière d'Ashera, pouvait devenir aussi dévastateur que la peste écarlate.
Tremblotant, Louka se recroquevilla toujours plus, et recula pour se plaquer à nouveau contre le mur. C'était son seul allié. Il ne parlait pas, ne bougeait pas. Il le connaissait bien, mais lui non. Il avait l'habitude de la pierre froide et basané qui ornait sa cellule. La pierre qui le soir, pleurait l'humidité et nourrissait l'angoisse. Mais le mur en bois de chêne, lui, ne connaissait pas le Moine Fou. Oh non… il ne voulait pas le connaître.
Mais on ne savait jamais, alors Louka sortit sa caboche innocente et apeurée de sa carapace de tissu et de chair fragile, et guetta à nouveau à droite et à gauche. Une chance pour lui : ils n'étaient pas là. Il n'y avait que lui, et cette ombre qui lui était inconnue, dans sa cellule. L'ombre n'était pas infectée, il le voyait. Le quidam savait faire la différence d'un coup d'oeil d'expert entre le bourgeon encore trop cérulescent de la fleur fraîchement éclose.
Il réprima un nouveau soubresaut, effrayé par un bruit qu'il interprêta sous le joug de l'angoisse.
❖ J'ai peur… ils vont encore hurler cette nuit au lieu de dormir… et puis… j'ai peur que les cadavres se réveillent dans la nuit, et viennent me trouver… qu'est-ce que vous me voulez, à la fin ?! Je veux vous aider, aidez-moi !
Stupide créature, hantée par le souvenir d'une période de ta vie se résumant en une partie de cache-cache avec la mort, et ses sbires, vêtus de plaies ensanglantés et de mouches. Ton angoisse te perdra.
Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Sam 11 Jan - 18:45
Effroi. Il est l’enfant perdu dans des songes ténébreux, qui court après une lumière salvatrice qu’il ne semble pas atteindre. Tu le regardes, attentionnée, comme si tu tenais absolument à le protéger de ce mal qui le ronge. La Haine dévore chaque parcelle de l’Humanité, et ce petit être semble la craindre au plus haut point. Tétanisé, il est là, recroquevillé, à te balancer des phrases toutes aussi insensées les unes que les autres. Du moins, elles seraient insensées en temps normal. À l’heure actuelle, leur réalité te crève les yeux. Ces gens, là, dehors, ont l’air complètement cinglés, prêts à sauter sur tout ce qui bouge. Lacérer, détruire, brûler, mordre. Ils sont là avec ces seules envies. Mais toi, tu n’as pas peur d’eux. Tu sais très bien que tu peux les anéantir plutôt facilement. Ils ne sont que fous, perdus au milieu de la réalité, qu’ils tentent doucement de grignoter. Mais ils n’y arriveront pas, ils ne prendront pas tout ce qu’il reste de « net » au monde. Et ce type, paniqué … Ils ne l’auront pas non plus.
Tu lui prends doucement le main, effleurant sa silhouette de ton regard céruléen, avant de poser directement tes prunelles au creux des siennes. Un sourire sincère se pose sur tes lèvres, tandis que tu serres ton étreinte avec tendresse, tout en caressant sa peau avec ton pouce. Il est mignon, ne trouves-tu pas ? Cette brebis égarée, laissée là, au milieu de la folie pure. Pauvre créature perdue, qui n’a pas su retrouver son troupeau. Ce n’est pas grave, maintenant tu es là. Il ne lui arrivera rien tant que tu rôderas dans le coin.
→ Là, là, c’est fini. Ils ne te feront aucun mal, je te le promets.
Instinctivement, tu le prends dans tes bras. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu ne veux pas qu’une autre personne souffre d’un mal qui semble indomptable. Si la Haine doit dévorer l’Homme, alors elle ne le fera pas aujourd’hui. S’ils sont tous aussi enclins à détruire le monde dans lequel ils vivent, tant mieux, mais qu’ils laissent ces personnes vivre à leur guise, sans les importuner. Les songes maléfiques ne doivent pas atteindre ceux qui ont encore un espoir de survivre. Ils ont le droit de rêver d’une vie meilleure, qu’ils façonneront à leur manière, que ce soit aujourd’hui ou demain. Personne n’a le droit de leur enlever ça, pas même ces gens, dehors. Tu les piétineras s’il le faut, tu leur mettras des coups de serres, sans pitié aucune. Ils ne l’auront pas. Jamais.
Mais pourquoi, Maëlly ? Pourquoi t’obstiner ainsi, alors que tu ne le connais ni de Yune ou d’Ashera ? Tu ne sais rien à son propos, juste qu’il est ici, complètement déboussolé, à la recherche d’un cocon de sûreté. Mais es-tu suffisamment forte pour le lui apporter ? Et si un jour il se retournait pour te planter un couteau dans le dos ? Que sais-tu de ces gens, au final ? Tu tentes de leur donner une bonne image, alors qu’ils t’ont tous détruite. Te souviens-tu de ces caillasses qui volaient jusqu’à ton corps ? Regarde ta peau, vois ces stigmates qui font de ton corps un objet même de la Haine ? Pourquoi y croire encore, alors qu’au final tu as été déçue depuis le début ? Tu ne saurais pas répondre à ces questions. Peut-être qu’en toi, il reste une lueur d’espoir. Tu ne sais pas exactement pourquoi, mais tu as envie d’y croire. Vivre seule te plaît, évidemment, mais à la longue, tu sais que tu finirais par beaucoup en souffrir. Se mettre à dos le monde entier, pour retourner à Kilvas et mener une existence morne ? Trop peu pour toi. Croire en l’autre, en son « prochain », comme on dit, pourquoi pas ? Même si tout le monde se déteste, et que tu es une créature dégoûtante de par tes grandes ailes noires, peut-être qu’il existe, dans cette masse noire et chaotique, des êtres qui peuvent voir au-delà de ton apparence ? En plus … Il ne t’a pas repoussée. Et ça, ça, c’est incroyable. Il s’est rapproché et t’a fait part de ses peurs, comme ça. Peut-être l’aurait-il tout aussi bien fait avec une autre personne, mais quand même. À toi, corbeau, il a livré les raisons de son effroi, et pour ça, tu ne peux pas le laisser croupir ici, au milieu de la folie. Tu te dois de le prendre sous ton aile.
Tes mains effectuent de petits passages sur son dos, puis tu le relâches. Toujours aussi souriante, tu poses ta main sur son épaule. Peut-être. Peut-être que tu as le droit d’espérer, et que rien ne t’arrivera, cette fois-ci. Peut-être qu’il est légitime d’y croire. Alors plonge, Maëlly, n’aie pas peur du reste. Il n’y a plus que toi et ce petit homme. Le reste ne compte plus.
→ Je suis là maintenant, et je te protégerai, d’accord ?
Une promesse lancée au hasard, que tu n’es même pas sûre de pouvoir tenir. Seras-tu assez puissante pour aller à l’encontre de vents et marées, rien que pour lui assurer une protection ? Tu n’en sais rien, et tu ne veux pas te prendre la tête. Actuellement, tu n’y penses même pas. La seule chose que tu désires, ici et maintenant, c’est l’embarquer loin, loin de cet asile de fous dans lequel il risque de perdre la tête. Il y a tant à voir dans cet univers, pourquoi se berner à un endroit aussi merdique que Daein ? Il n’y a rien à Daein, à part des racistes haineux sur lesquels tu craches joyeusement. Ils ne lui apporteront jamais rien. Tu caresses sa joue du bout des doigts.
→ Je m’appelle Maëlly, et toi, qui es-tu ?
Après tout, quand on ne connaît pas, il faut bien faire un pas, non ? Dissiper les brouillards sur l’inconnu, et parcourir cette masse nébuleuse, sans jamais avoir peur.
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’inconnu pour y trouver du nouveau ! — C. Baudelaire.
❝ Isaak ❞
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Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Lun 13 Jan - 0:28
LE CŒUR DES HOMMES
L'air était glacial, à proximité de la cheminée, trouvait Louka. Après tout, le mur en pierre n'isolait pas tant que ça la chaleur, dans sa petite chambre improvisée en cellule. Le blondin se trouvait vraiment seul dans cette assemblée. Il n'y avait pas un rat - enfin si, mais eux sortaient plutôt dans la nuit matinale - ici. Isolé dans ce petit espace qui constituait la plus grande surface commerciale de Sileb, Louka ne savait plus où se mettre, tant il se sentait à l'étroit, pris au piège entre quatre murs. Dans le brouhaha de la foule conversant de tout et rien, il distinguait le silence, le clapotis des gouttes d'eau sur la pierre morne. Il se sentait désespérement seul, ici. Juste l'obscurité, l'humidité, et Louka.
Ah si, il y avait elle. Cette demoiselle aux vastes ailes de charbon. Mais Louka était trop terrorisée pour comprendre la réalité. Lorsqu'elle vint saisir la dextre du malheureux paranoïaque, ce dernier, grelottant, manqua de la repousser. La faiblesse qui l'inondait l'empêcha de faire acte de résistance. La Laguz pouvait s'estimer heureuse : dans son monde d'ombre permanente, le Moine Fou distinguait une silhouette supplémentaire dans son univers d'antan. Une intrusion insoupçonnée dans ses réminiscences, mais pas désagréable au fond. Son regard, momentanément bloqué par les barreaux formés par ses bras, discernait deux astres flous d'un bleu brumeux, ainsi qu'un prolixe diadème taillé dans la laine d'onyx. Il y voyait une robe ample, façonnée à partir de la sorgue sereine, constellée de marques. Enfin, derrière elle, il discernait difficilement les deux ailes qui trahissait sa nature de Laguz. De son point de vue confus et angoissé, le moine les estimait extraites de croissants de lune obscure, obtenue à partir du même matériau que la robe.
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin, Verse confusément le bienfait et le crime. — Charles Baudelaire.
Cette vision ésotérique, le Moine Fou ne s'y attacha que très vaguement. Non pas qu'il se sentait désintéressé par la salvatrice silhouette que son subconscient lui esquissait, mais sa peur primordiale prenait le dessus sur tout le reste. Le jugement n'avait que peu de place dans l'esprit de Louka : l'anxiété dévorait l'espace, et siégeait en tyran sur son libre-arbitre.
❖ Vous avez entendu ? Il y a eu un bruit, j'en suis sûr ! Vous avez vraiment bien fermé derrière vous ? La porte a du mal à se fermer… c'est l'humidité qui fait ça. Vous êtes sûre que vous allez bien ?
Les questions s'enchainaient sur le ton prompt de la paranoïa. Louka n'avait de cesse de s'embourber dans le passé, alors que l'inconnue, en le réconfortant vainement, tentait de l'en extirper inconsciemment. Pris de panique, les grelottements cédèrent aux gémissements étouffés par les bras protecteurs du blondin. Dans un mouvement brusque, il s'extirpa de l'étreinte de la demoiselle-corvidée, et ses manches se retroussèrent jusqu'aux coudes, laissant apparaître de sinistres stigmates.
Les routes de la mutilation se creusaient superficiellement sur ses bras, se croisaient, se suivaient. Tout comme le tronc de l'arbre vénérable, on distinguait du clair-obscur les blessures anciennes des plus récentes. Aucune croûte par chance, mais les cicatrices pour la plupart resteraient à jamais. En outre, les hématomes dues aux multiples lapidations laissèrent place à un mélange entre impressionnisme macabre et orphisme funeste avec les lésions.
❖ Vous êtes qui, vous ? Vous ? Ou un autre qui n'est autre qu'un rôdeur ? Je ne vous ai jamais vu ici… Vous n'êtes pas du monastère ! Vous n'êtes pas de Belogor ! Pourquoi vous voulez me voir moi ? Je n'ai rien fait…
Et il se mit à geindre, une fois de plus.
❖ J'entends les rats … ils veulent manger mes pieds. J'entends les rôdeurs, ils veulent manger MON CŒUR !
Toujours Louka. Ils veulent ton cœur. Ton organe faiblard, qui bat le rythme de ta stupidité, et qui fait circuler un flux incommensurable d'absurdité. Ils veulent le manger, ton cœur rancie par les affres du pellagre. La lumineuse folie attire les mouches de la confusion autour d'elle, ils ne te laisseront jamais de répit. Pas même dans le présent, ni le futur. Tu dois les fuir. Pour toujours.
Ils veulent aussi ton cœur, à Toi. Ton cœur, tes poumons, tes os. Tout ton corps. Ils ont faim, depuis des jours. Nourris-les, veux-tu ? Nourris tes peurs, nourris les rôdeurs. Apaise leur maux, toi dont la chair les attire. Tu n'as pas le choix : tu es le repas, ils sont les ogres. Tu ne les entends pas ? Ils arrivent, ils grattent aux portes, aux murs et dans ton cerveau, pour chercher la faiblesse. Leur cri crissant critique et détruit ta chrysalide, frêle carapace de craie, et s’agrippe à ta gorge de leurs griffes guerrières.
Ils sont là. Ils ont disparu. Mais reviendront. A moins qu'il ne soit trop tard. Ici, ou là.
Dans ton lit, sous ton lit, dans ton ombre. Dans ton crâne, ou dans tes entrailles.
❖ Oh non… pas eux. Pas eux. Non. Non non non non…
Ne soit pas inquiet Louka. Bientôt tu seras des leurs : rôdeurs ou horreur parmi les cadavres, ta place te sera donnée vite. Très viiiiite.
❖ Je les entends ! CHUT !
Instinctivement - enfin presque - Louka posa sa main candide sur la bouche de la Laguz. Certains auraient eu du mal à toucher la femme ailée, de par son statut de Laguz. Mais le Moine Fou, dans son délire personnel n'en avait cure : elle ne devait pas faire de bruit, afin que le silence règne. Sinon, les ombres les dévoreraient tout crus, eux deux. La dame avait fait le choix de se mettre en danger aux côtés du mage noir. Et pour sa survie, Louka devait assurer également celle de la femme aux traits aviaires.
Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Mer 22 Jan - 22:52
Folie. Une douce mélodie, qui résonne dans tes oreilles, fait battre ton cœur. Tu la sens, plus présente que jamais, qui t’entoure de ses grandes ailes, encore plus noires que les tiennes. Et tu le vois, lui, ce petit être, plus en proie que jamais à cette dernière. Il est rongé par la folie, qui s’est transformée en une terreur invincible, qui le cloître dans son monde sombre, et dégoulinant de paranoïa. Tu les entends, ces voix, qui troublent son esprit. Tu les as connues, toi aussi. Mais tu les as vaincues. Par une force indescriptible, qui t’est toujours inconnue. Mais voilà. Te voilà face à ces souvenirs douloureux, et face à ce petit être incapable de se défendre. Il est là, dans le noir, seul. Complètement seul et démuni, contre les démons surpuissants, tapis dans ses propres ténèbres. Il te repousse, suffoquant, haletant. La terreur grimpe, elle court dans les veines et annihile toute raison. Sa tête n’est plus au service de la logique, mais elle est maîtrisée par cette peur qui le détruit. Tu peux le sentir, le voir rien que dans ses yeux. Cet être est magnifique. Il est incroyable, et son être est plein d’une bonté détruite. Une folle intuition te le dit. Mais elle est folle, elle aussi. Que croire, alors ? Lui donneras-tu sa chance ? Tu hésites, puis tu l’enserres de tes ailes, comme pour le protéger. Tu te défais de son emprise, serrant sa main entre les tiennes. Puis, tu mêles tes prunelles aux siennes, de manière à ne jamais dévier le regard, et à le contraindre à te regarder.
→ Il n’y a personne. Tout est fermé, et si jamais les portes s’ouvrent, je repousserai les rôdeurs.
Un sourire candide naît sur tes lèvres. Il est d’une candeur qui ne t’appartient plus qu’à moitié, qui n’est là que pour lui, cet enfant égaré que tu veux protéger. Il n’existe que pour qu’il se sente bien, et n’ait plus jamais à avoir peur. Courber l’échine face aux démons, voilà une bien belle faiblesse. Il doit apprendre à être fort. Mais en attendant, tu es là. Tu le protèges. Et tu le protégeras encore. Tous les anges ont droit à leur chance, même lorsqu’ils sont déchus, pourquoi pas lui ? Folle intuition, folle intuition. Tu sais que tu te lances sur la mauvaise voie, et que c’est idiot, mais cela ne change rien. Tu plonges. Il faut y croire. Et ne jamais oublier que dans l’ombre, il y a toujours des bonnes personnes. Toujours.
Un grand bruit retentit dans le fond de la salle, à l’entrée de l’auberge. Une porte qui claque, et un homme qui entre. Une démarche disgracieuse, qui a sûrement fait fuir la moindre araignée présente dans un coin de la pièce. Tu l’associes directement à un éléphant, tellement il est large et pataud. De dos, tu peux déjà l’imaginer. Il est grand, gras, et maladroit. C’est un homme, obligatoirement. Une femme n’a pas autant de force, surtout vu les femmes chétives que tu as rencontrées. Non, non, c’est un homme. Enfin, si tu peux appeler ça un homme.
Tu poses tes prunelles sur le jeune homme, puis tu caresses à nouveau sa joue, avant de rétracter tes ailes. Ton sourire ne s’en est pas allé, et tu tentes de le rassurer une dernière fois du regard. Le pauvre. Sa plus grande peur, le rôdeur, se trouve non-loin de lui, prêt à le dévorer, et exaucer ses funestes prières. C’est la haine, qui régit tout. Tu sais, la haine. Cette saloperie qui te poursuit depuis le début. Elle amène tant de choses … Allez, Maëlly. Il est temps d’arrêter tout ça. N’est-ce pas ce que tu as à faire ? Éradiquer la haine. Alors tu te dresses, et tu le regardes avec un grand sourire. Coucou mon cachalot, tu es venu t’égarer dans des eaux trop dangereuses ?
Tu te poses dans un coin, n’ayant qu’un petit regard sur ses agissements, loin d’être une grande curieuse. Tu le gardes à l’œil, tout en prenant un chocolat chaud pour le jeune homme, et une petite bière pour toi. Tu l’amènes à ton petit protégé. « Tout ira bien », lui murmures-tu, avant de te mettre dans l’angle de vue du balourd. Il s’est presque attablé, emmerdant ce qui te semble être des voyageurs. Pauvres hommes. Il t’exaspère déjà. C’est lourd, de voir que ces personnes sont incapables de se tenir en lieux publics. Tu t’approches doucement, serrant ta bière dans une main, tout en lui lançant un regard amusé. Il pose ses prunelles sur toi, intrigué, avant de retenir un jet de salive. Lama, lama, lama. Puis il pousse la table, renverse un pauvre homme installé là et menace le gérant avec une dague rouillée, sûrement volée, ou très vieille.
→ Vous acceptez cette merde dans votre bar ?!
La bière vole au travers de la pièce. Headshot. Elle explose en plusieurs morceaux. Une longue trace de sang colore progressivement son visage. Il crie. Il hurle. Il injurie tout ce qui passe. Il a mal. C’est terrible. Terriblement douloureux. Et toi, tu la sens. La Haine. Elle est là. Elle scande des mots effroyables, inlassablement. Tu la sens comme si elle se trouvait à côté de toi. Cette puissante salope qui n’a que faire des règles, des normes. Non, elle arrive et écrase tout. Hommes, femmes, enfants, animaux. C’est une putain. Une putain qui aime montrer sa psychopathie en public. Oh, oui, elle adore ça. Et elle te dévore. Encore une fois, la Haine gagne. Tu te précipites sur le balourd et tu le cognes contre le bar.
→ Meurs de la main de cette merde que tu détestes tant.
Tu prends sa tête d’une poigne ferme et l’écrase à nouveau contre le comptoir. Les gens à côté de toi se retiennent de gémir de terreur, ils se taisent, et se tapissent dans l’ombre. L’homme précédemment amoché par le balourd se relève et vient jusqu’à toi pour t’arrêter. Tu le repousses violemment. Cette histoire ne concerne désormais plus que toi, et lui. Il n’y a rien de plus. Alors tu le chopes, puis tu le jettes au sol. Il rampe, et demande pardon. La clémence ? Ce mot n’existe plus dans ton vocabulaire. Tu poses ton pied sur son ventre, et le transformes une serre gigantesque, que tu resserres instantanément. Un « crac » se fait entendre, avant de laisser place à de nouveaux hurlements, de douleur, cette fois-ci.
→ Que ton voyage aux Enfers soit des plus désagréables.
Tu l’écrases joyeusement, avant de récupérer ton pied, et de le laisser au milieu du bar. Le barman te surveille, complètement choqué. Tu redescends sur terre, beaucoup plus calme. Un sourire naît sur tes lèvres, avant de céder sa place à une mine attristée. Tu regardes les autres, avant de demander au gérant de leur servir un verre à ton nom pour te faire excuser. C’est mince, bien sûr, mais tu ne peux pas faire plus. Tu récupères le cadavre et le sors du bar, puis nettoie le sang de ton mieux.
Ceci fait, tu retournes auprès de ton protégé. Maladroite, tu ne sais plus comment t’y prendre. Tu as du sang sur les mains, une mort de plus sur la conscience, et le cœur détruit. Pourquoi la Haine, Maëlly ? Pourquoi tant de séquelles ? Tant d’envies meurtrières ? Pourquoi n’es-tu pas comme les autres ? Tu t’installes devant le jeune homme, assise à même le sol, et le regardes, perdue.
→ Là, il n’est plus. Tu ne souffriras plus, tu vois ? Tu ne risques rien. Je te le promets.
Ton sourire attendrissant revient. Tu ne sais plus comment t’y prendre. Soit tu t’es trop mouillée et c’est une erreur impossible à rattraper, soit … tu as réussi, d’une certaine manière. Tu l’espères. Tu ne souhaites absolument pas qu’il ait peur de toi.
❝ Isaak ❞
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Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Dim 16 Fév - 23:31
LE CŒUR DES HOMMES
L'archange aux plumes d'ombre n'avait pas reculé. Pourquoi ? Comment pouvait-elle rester sur place, alors qu'il ne valait rien ? Qu'importe. Dans la caverne creusée par la jonction de ses ailes, Louka se reposait dans l'obscurité générée par la corvidée. La zoomorphe, inconsciemment, avait trouvé le moyen de calmer les pulsions schizophréniques de son pseudo-protégé. Cerné dans les murs humides de sa cellule, l'enfant appréciait les ténèbres. Dans le noir absolu, il n'y avait plus à craindre. Il suffisait d'une forme, d'une lueur, pour que la peur le gagne, et dessine d'abominables créations dans son esprit. Ici, il n'y avait que la vacuité du noir. Aucune lumière. La luminosité était fourbe, dans son cagibi humide : elle miroitait des ombres qui à leur tour, reflétaient de terribles soupçons, d'oppressantes crises.
Peu à peu, le blondinet respira calmement. Ses membres tremblaient encore, mais plus avec la fréquence du froid, que celle de la crainte. Évoluant dans la cécité, l'évaporé perdit progressivement en cohérence, et se laissa abrutir par l'obscurité. Toujours installé sur le plancher ciré de l'auberge, ses jambes restèrent collées au sol, mais ses bras, eux, mus d'une volonté incoercible, s'élevèrent, comme pour chercher les étoiles manquant dans cette sorgue de plumes. L'enfant était fasciné, presque autiste : il était captivé au point de se détacher de tout, même de ses souvenirs. Louka rentrait en transe, plongé dans un monde qu'il ne pouvait déformer sous le filtre de la démence. Pour faire, il lui fallait des couleurs, des sons, des odeurs. Ici, il n'y avait que ce noir, pur et absolu, qui l'apaisait. Il n'y avait que le son du plumage, se dépliant en auréole crépusculaire autour du chérubin déchu. Et surtout, il restait cette odeur, celle que Louka avait oublié, en s'abrutissant à la démence, au culte de l'absurde. Sa peau libérait une fragrance boisée, fraîche, issue de jours de voyage dans la sylve. La dame aux ailes fuligineuses était une véritable herboristerie, qui maintenait la larve dans son cocon.
Un cocon. C'était le terme exact qui désignait cette enveloppe éphémère de chaleur englobant le blondin. Dans un état proche du végétatif, mais surtout du contemplatif, ses bras palpèrent brièvement son enveloppe. Il lui serait impossible pour lui de se souvenir, et même d’interpréter le contact de sa peau avec celle des plumes, mais qu'importe, seul le geste comptait sur le moment. Le crépitement des flammes au loin, filtrée par la houppelande de pennes noires, donnait un rythme, une sonorité à la fois proche et lointaine des vagues s'échouant sur la plage. Progressivement, ses dextres quittèrent le jaseran de rémiges, pour explorer sa peau, ses bras, son ventre, son visage, sans pour autant associer la sensation à la zone sentie.
Au cours de ce kairos, rare, presque unique, il était un embryon, dénudé de conscience réelle. Un être cerné d'un placenta étranger, d'une autre race, mais pourtant si proche. Louka dérivait dans cette bulle obscure : ses mains se baladaient inlassablement, comme deux chrysanthèmes se balançant au gré de l'autan, un vent frais et pourtant si accueillant. Ses phalanges détaillèrent la courbe de ses hanches, le contour de ses épaules, et même sa poitrine, sans intention aucune.
Puis soudain, plus rien. Déconnexion. Retour à la réalité.
Un énergumène fit son apparition, et libéra Louka de sa cage de charbon. La paranoïa reprit le dessus, et les convulsions s’intensifièrent à nouveau. Livré à lui-même, le heimatlos assista impuissant à la scène de rixe entre la Laguz et l'individu. Un homme à la stature pachydermique, où le dédain se lisait sur chaque trait de son visage. La dame-corbeau attachait un intérêt non dissimulé pour cet homme, sans pour autant le considérer avec amitié. Au contraire, son visage affichait une mine farouche quant à la venue de ce béotien à la prestance de sanglier. Perdue entre une haine viscérale presque antédiluvienne, née d'une joute raciale entre humains et zoomorphes, et un mépris considérable pour celui qui constituait une menace potentielle, un "rôdeur" pour Louka.
Ce qui devait arriver arriva. Faisant usage de ses dons de femme-oiseau, la dénommée Maëlly réduisit en charpie l'individu, anéantissant toutes chances d'expression, de riposte, de la part de ce dernier. La scène, d'une violence singulière dans cette ville, choqua à moitié les gens de l'auberge. Ils avaient vu pire, et pour eux, cet homme n'avait fait que chercher le bâton pour se faire battre. La donzelle se fit excuser, épongea l'incident de son mieux, et revint auprès de son protégé.
La porte était à nouveau ouverte.
Nonobstant totalement l'homicide de Maëlly, réalisé avec la plus grande sauvagerie digne du règne animal, le banni se leva, les bras pendants, le regard presque vide. Quelque chose n'allait pas. Et la suppression froide et véhémente du gougnafier n'y changea rien.
❖ La porte est encore ouverte…
Tout juste "réveillé", le peureux avança, coulant des foulées encore endormies. Le regard des autres n'existait pas. Pas moins la chaleur rassurante de l'âtre. Il n'y avait pas de bruit. Si ce n'était le clapotis de l'eau tombant en gouttes sur la pierre triste.
❖ Il faut… il faut la fermer. Oui… la fermer.
Oui, ferme-la Louka. Ton existence est un blasphème à l'encontre du genre humain. Tu pourris tes semblables, les empoisonnes avec ton air innocent, ton attitude de démagogue azimuté, tes allures de maniaco-paranoïaque. Empêche ta bouche de diffuser le poison de la folie et de la discorde, empoisonne-toi, dépasse la mithridatisation, jusqu'à épouser la camarde.
Se dirigeant vers la porte de la taverne, Louka avança, bouscula inconsciemment quelques personnes.
❖ Si je ne la ferme pas… ils vont pouvoir rentrer. Ils vont venir… Et qu'est-ce que cette pièce à l'air grande… elle est tellement vide.
Grelottant à l'idée qu'Ils puissent venir à son encontre, l'égaré heurta un obstacle. Ou plus précisément, heurta ce qui précédemment constituait un obstacle. Louka marcha ainsi sur ce qui restait du sang du feu sanglier humanoïde. Il piétina sans aucune arrière-pensée, ni même pensée, l'ancienne localisation de cette fange viscérale, au coloris purpurin. Si le macchabée était encore présent, peut-être que l'égaré y aurait distingué un amoncèlement de nourritures avariées, infectées par quelques rats faméliques, eux aussi contaminés par la peste pourpre. Il aurait comblé les viscères avec des vivres aux odeurs fétides, substitué la décomposition et la nécrose en péremption, en rancissure et dégradation. Ses yeux n'auraient été que quelques raisins couverts de moisissure, ses bras une ligne de fourmis se bousculant pour les restes. Il marcha, sans y prêter attention. Le vide restait, dans la topique paraphrénique du fou, le vide.
La scène n'avait jamais existé à ses yeux, et il fallait être aussi inconscient que lui pour se rendre compte que l'enfant était totalement désaxé.
❖ J'y suis presque… presque, avant qu'ils n'arrivent et me cherchent.
Louka continua, et gagna le seuil de la porte. Sa main frêle, ayant répandu la confusion dans plusieurs hameaux, poussa la porte, et l'isola à nouveau dans cet havre de granit et de solitude. Harassé, presque lessivé par ce rituel au trait pré-natal, il se laissa tomber au sol, assis par terre, dans la poussière. Le paranoïaque était à moitié rassuré, dans son monde d'ombres mouvantes. Au loin, il distinguait difficilement la silhouette encore floue de son ange déchu. Il n'était pas là avant. Ni après, en fait. Mais maintenant il était là. Dans cette chronologie, cet anachronisme interdit. Maëlly avait intégré sans s'en rendre compte une autre réalité, ce que jusqu'à ce jour peu de personnes - et la plupart était déjà morte - avaient réalisé.
❖ Ouf ! Ils ne sont pas là. Ils ne sont pas venus ! Pas pour le moment ! Pas de RÔDEUR ! Je suis sauvé. Enfin presque. Pas encore. Pas vraiment. J'ai peur…
Et la boucle fut bouclée. Le serpent à toison dorée se mordit la queue, et s'empoisonna avec sa propre crainte, encore et toujours.
Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Mar 18 Fév - 18:07
Arlequins. C’est juste drôle, cette histoire. Tu les vois, te regarder là, oisifs, à ne pas comprendre. Vous n’êtes que des clowns, dégoûtants, amusants juste parce que vous êtes complètement cinglés. Ouaip’, vous faîtes peur à la galerie, tellement qu’ils baissent les yeux quand les vôtres se posent sur eux. Tu te demandes ce qui est le plus désagréable, là-dedans. Si leurs regards sont vrais, et que vous n’êtes que des clowns attristés par cette putain de vie, des arlequins, où si tout est faux, et qu’ils vous associent une image fausse. Tu ne sais plus ce qui est vrai, tu ne sais plus ce que tu es. Ça ne te préoccupe plus. Poupée de porcelaine, assassin, sous-merde, sous-race, putain. T’en sais rien, et tu t’en fous. C’est toi, Maëlly. Juste ça. Et peu importent les mots qu’on t’associe, et les œillades qu’on te jette. Fusils, revolvers, ou fleurs, regards de soie. Tu aimerais qu’on te fasse un sourire, mais tu n’attires plus que la haine, la peur. Tu n’es pas humaine, Maëlly. Tu es juste un monstre. Tu marches sur un fil, comme une funambule, à te prendre les caillasses de la populace. Sale merde. Tu mériterais de mourir, non ? Non … Tu ne veux pas, tu ne peux pas mourir. Tu as besoin de retrouver ce petit homme, cet ange, tombé du ciel, tétanisé par la vie elle-même, qui ne supporte rien et a envie de constamment se cacher.
Qu’est-ce que c’est, tout ça ? La vie, la peur, la crainte ? C’est peut-être la haine, qu’est-ce que t’en sais ? Ce côté détruit qui pourrit son visage et en fait un pantin, mais cette douceur qui émane de tout son être, cette candeur que tu recherches, dont tu as besoin. Il est comme l’infirmière d’un malade, la lueur blanche qui permet de sortir des ténèbres. Une petite drogue, qui permet de quitter cette Terre pour se rappeler que le monde peut être beau, des fois. Des fois. Seulement quelques fois. Tu as besoin de lui. Mais pas seulement. Il a besoin de toi. Cette petite créature, si innocente, égarée au milieu du monde. Tu as envie de le protéger, de lui caresser l’épaule, chaque fois que tout va mal, pour lui rappeler que tu es là, que rien ne lui arrivera. Pourtant, tu le sens. Ce petit homme a un potentiel extraordinaire, il te dépasse largement. Il te pourrirait presque, et n’aurait aucun mal à te détruire. Tu te sais faible, absolument à sa merci, mais tu n’as pas peur. Tu ne le crains pas. Finalement, tu es probablement aussi allumée que lui. Tu n’as juste pas peur. Tu as la haine. Ah, la haine …
Il s’est rassis. Comment une personne peut s’accrocher à toi, comme ça, balader ses mains sur ton corps, et sembler extrêmement bien, puis finir mal, installé au coin d’un bar, tremblant de peur à l’idée qu’Ils reviennent. Ces créatures étranges, dévorées par la folie, dont personne ne se soucie. Tu en as tué un, pourtant. N’est-ce pas suffisant ? Tu ne sais plus ce qu’il faut faire pour le protéger, et lui rappeler que tu es là. Qu’il ne lui arrivera plus rien, tant que tu seras là. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu as envie de rester près de lui. De lui offrir ton être tout entier, ton âme, toutes ces conneries, pour un simple sourire, et un bien-être qu’il ne semble pas atteindre. Tu ne comprends pas ce qui t’attire autant, ce qui te donne tant envie de te rapprocher de lui, pourtant, tu sais. Au fond de toi, tu sais que tu dois rester près de lui. Qu’il est le seul qui ne te dévisagera pas parce que tu as de grandes ailes noires. Qu’il ne te rejettera pas parce que tu n’es pas … humaine ? Tu as besoin de lui, finalement. C’est ton seul moyen de reprendre foi en l’humanité après ce que tu as vécu. Il est le seul à pouvoir te donner cet espoir, aussi infime soit-il, que le monde ne soit pas totalement détruit, pourri, couvert d’un miasme dévorant qui les rend racistes. S’ils pouvaient te tuer avec leurs yeux, ils le feraient. Mais quand tu le vois, lui, tu sais que tu es protégée. Que ton côté Laguz ne compte plus. Tu es juste Maëlly. Rien de plus, rien de moins. Et c’est enivrant. Monstrueusement bon.
Alors, tu fermes les yeux. Et tu recommences. S’il faut se jeter six, dix, quarante fois du pont, tu le feras. Juste pour son sourire. Juste pour qu’il soit heureux. Parce que putain, merde. Tu es humaine. Vivante. Comme jamais tu ne l’as été. Tu es regardée comme quelqu’un de normal. Ou non, même pas. Tu es juste regardée. Tu n’es pas dévisagée, il ne te critique pas, ne te crache pas dessus. Il est juste extrêmement beau. Innocent. Magnifique. Il y a certaines choses, comme ça, qui te font un effet de dingue. Voilà, c’est ça.
Imagine-toi : t’es là, en train de te reprendre un verre au bar Quand tout à coup tu croises un regard, qui te perfore de part en part Imagine-toi : t’es là, ça te tombe dessus, sans crier gare Un truc bandant, un truc dément, qui redonne la foi …— FAUVE, « Nuits Fauves ».
Tu avances, tu le regardes. Tu t’abaisses, caresses sa joue. C’est lui, ce petit homme. La seule personne encore existante qui ne veuille pas te détruire. En lui, tu peux avoir confiance. Mieux, tu veux avoir confiance. Ce serait tellement bien, de fermer les yeux et de te dire qu’il ne viendra pas te violer pendant la nuit, ou qu’il ne te battra pas à coups de bâton jusqu’à ce que tu tombes dans les pommes. C’est fou. C’est juste fou. Tu le prends dans tes bras. Ce petit ange ne souffrira plus. Plus jamais. Tu te le promets.
→ Sois fort, mon Prince. C’est fini. Il n’y a personne, et s’ils reviennent, je les chasserais.
Tes ailes l’entourent à nouveau, et tu poses tes lèvres sur sa joue. Un baiser. Si petit, si insignifiant. Putain, ça ne veut rien dire. Ça devient débile, tu ne sais même plus pourquoi t’agis comme ça. C’est quoi ? Encore un truc incompréhensible, dans lequel tu te jettes sans savoir ? Mais bordel, c’est bon. Qu’est-ce que c’est bon. Tu fermes les yeux, et le prends dans tes bras.
→ Ferme les yeux. Respire lentement. Je suis là, petit Prince. Tu ne risques rien. Absolument rien.
Ta main caresse à nouveau sa joue, doucement. Sa peau est si douce, si fragile. Et tu laisserais le monde abîmer cette petite créature ? Non. Tu mettras l’univers à feu et à sang s’il le faut, mais il restera intact. Pas une seule égratignure, rien. Un seul ange, protégé par tes deux ailes noires. Par ta violence, tes serres de corbeau. Tu seras là pour le protéger, quitte à y laisser les plumes. T’en as plus rien à foutre. Il est l’espoir. Ton espoir. Celui qui te redonne foi. Plus que jamais.
→ Je m’appelle Maëlly. Je te protègerai, petit Prince. Pour toujours, envers et contre tout. Tu ne craindras plus jamais rien, ni personne.
Une promesse, envoyée à l’inconnu, tu ne sais pas ce qu’il en fera, de toute façon il n’a pas le choix. Face au monde il est une proie trop facile. Et désormais, tu ne peux plus, tu ne peux plus le laisser seul. Tu enlèves tes ailes qui le couvrent, te lèves, va chercher une petite tasse de lait au bar, que le barman te sert sans rien dire. Le lait est chaud, sucré. Tu retournes vers ton protégé et lui tend la porcelaine. Un sourire naît sur tes lèvres.
→ Tiens, ça te fera du bien. Ne crains rien, je suis là.
Oui. Tu es là. Et tu ne partiras pas. Tant que tu ne le devras pas, tu ne le quitteras pas. Tu poses ta main sur son bras, comme pour lui rappeler qu’il n’est plus seul. Que désormais, plus rien ne lui arrivera.
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Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Sam 22 Mar - 22:01
LE CŒUR DES HOMMES
Il y a le monde des hommes. La réalité à l'état pur et dur. Un paradigme fondé sur le respect des acquis, d'antan ou actuel, et sur la crainte de l'étranger, de celui qui empoisonne l'environnement. Le poison est inconnu, il est dangereux. C'est un enfant, c'est un animal. C'est un peuple différent morphologiquement, c'est un phénomène incompris. Il faut éliminer, il faut éradiquer pour prévenir la menace. Et le cercle de la haine se repend dans des mandalas de dédain dont les affluences irriguent plus ou moins les hommes. Tout semble simple, et à la fois pénible. Le chagrin inonde le cœur des hommes, les assemble et les désassemble, inlassablement. Le fil de la destinée s'agite alors par ondulations, sous l'amusement des Parques apathiques.
Et il existe aussi ce monde parallèle, superposé à la réalité. Un paradigme ésotérique, à la fois compris et incompris de ses penseurs. Un monde de magie, où des forces incroyables régissent un équilibre, et un chaos. La folie a des allures de vérité individuelle sur l'univers, la haine un credo pour répondre au racisme par le raptus. Et dans un seul espace, se mêlent deux espèces, deux esprits diamétralement opposés, unis par la même capacité, celle d'occire. L'un sème l'autoctonie et le ragle, l'autre l'homicide. En outre, l'un s'isole dans l'angoisse. Il ne voit pas le monde du bon œil. Il craint, redoute, et corrompt inconsciemment. Son esprit s'enferme dans son propre corps. La folie est son bourreau, le traumatisme son geôlier. Sa comparse, cet archange au plumage de fusain, elle, volait sur les courants de la liberté. Elle voguait, semant sa sentence sans craindre la vengeance. Et pourtant, malgré ces différents, malgré cette similitude non désirable, les deux êtres s'unissaient autrement. Un équilibre qui s'imbriquait dans un chaos, à la manière du jeu d'équilibriste que menait en permanence le petit moine noir dans sa vie.
Noyé encore un moment dans son amence paranoïaque, Louka fut à nouveau couvert de ce dôme d'anthracite céleste. La shinigami alifère aveuglait son protégé potentiel de cette réalité sordide à laquelle il n'avait pas accès. Il baignait dans l'ombre, de douces ténèbres fluides et exquises. Bercé par la douceur de ses plumes, l'estropié passa d'un état de jestigation à celui de jactitation. Quel était ce don interdit qu'avait la corvidée à pouvoir contenir le nihilisme du Moine Fou ? Laissant ses bras osciller au contact de cette voûte nocturne de plumes, le chérubin gazouillait péniblement, une légère fatigue l'accompagnant. Progressivement, ses paupières se firent lourdes, très lourdes.
L'aponie, c'est ne rien entendre, ne rien voir, ni rien sentir. Vivre sans vivre. Ne pas souffrir, se laisser emporter par les flots de la vie, sans mourir. Rêver les yeux ouverts, dans les bras de ceux qui nous apportent les rêves. Laisser son corps formuler nos pensées.
Tu m'entends ? Mes mots te remercient, c'est mon cœur meurtri qui te sourit. Ferme les yeux, laisse la nuit adoucir ta vie.
Ferme les yeux, respire, ouvre ton cœur, avant que la Nuit Fauve ne dévore ta vie. Sens mon cœur, sens mon souffle, avant que la peine et l'accalmie se réveillent.
C'est mon cadeau, tu es mon don.
Car tu es mon toit, l'endroit où je vis et revis.
Quand l’enfant oligophrène rouvrit les yeux, il était différent. Son regard n’était plus le même. Louka n’était plus ce séide fanatique, propageant des litanies absurdes tout comme l’autolyse. Il n’était plus également cet éponge à pantophobie, pour qui les ombres avaient des griffes acérées, et les bruits des crocs pointus. Le Moine Fou était dans une autre époque. Sous l’impulsion du don de l’archange noir, il voyageait dans un temps d’innocence et d’enfance. Des années en arrière, il découvrait enfin la réalité aujourd’hui. Quand Louka revint à la réalité, il était cerné d’une auréole de plumes. Il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait, mais il appréciait le contact chaleureux que lui offrait la Laguz. Nombreux auraient été ceux qui auraient repoussé la demoiselle. Mais sur les cimes des Montagnes de Begnion, il avait grandi loin de l’antixénie compulsive des siens, des Beorcs. Au contraire, il avait appris à vivre aux côtés d’une maigre communauté prônant l’égalité. Selon eux, la Trinité avait conçu le monde dans sa totalité. Chaque rocher, chaque arbre, chaque animal, chaque Laguz, chaque Beorc, étaient une création de la Divinité, de ce fait leur égal.
Louka laissa ses lippes s’éclaircir en un authentique sourire lors de ce contact chaleureux. Contrôlant véritablement ses mains, il caressait consciemment les ailes de sa protectrice. Il appréciait le contact, et passait ses petits doigts sur les interstices séparant les plumes. Jamais le quidam n’avait reçu une telle affection. À Belogor, il avait certes connu des gens aimants et agréables, qui maintenaient le blondin dans une atmosphère de liberté spirituelle, et d’ouverture envers le monde. Mais jamais il n’avait connu la douceur d’une caresse, la tendre d’un baiser, sur la joue ou non. Jamais il n’avait pu être satisfait de la chaleur d’une enlaçade. Il n’avait connu que la vie en communauté et l’épanouissement personnel.
Quelques instants plus tard, la dénommée Maëlly s’absenta afin de ramener un lait chaud à son protégé potentiel. Le blondinet en question saisit alors la tasse dans toute sa circonférence de ses deux mains estropiées, et souffla légèrement sur la tasse. Quelques fumerolles lactescentes s’élevaient lentement dans les airs. En guise de remerciement, le juvénile sourit à nouveau, probablement pour le plus grand bonheur de son ange gardien. Sa gorge asséchée lui intima par la suite de boire le contenu de sa tasse. Louka s’y attarda, et but quelques larges gorgées du liquide doux et mielleux. Face à lui se tenait de nouveau la célicole du borgnon. Elle s’était présentée à lui, alors c’était à son tour de faire de même. Une gorgée de lait plus tard, le chérubin tâcha de se présenter, sur un ton bien plus tranquille et doux que précédemment.
Mais pour combien de temps ? Combien de temps avant que la brise ne cède à nouveau à la tempête ?
❖ Merci beaucoup pour le lait ! Je suis Louka !
Dans cette nouvelle réalité à laquelle Louka n’avait qu’un accès très superficiel, ce dernier remarqua que… Maëlly lui était étrangère. Que faisait-il ici ?
❖ Hum… tu es nouvelle à Belogor ? Je ne t’ai jamais vu ici, c’est la première fois !
Quelques coups d’œil vaguement placés firent comprendre au garçonnet que Belogor n’était pas ici. Il était dans une auberge, désertée par les clients habituels. Une bagarre sans doute, à laquelle il n’avait pas eu accès, du moins pas sous ce point de vue. Sa tête s’inclina alors, manifestant somatiquement son incompréhension. Que faisait-il ici, si ce n’était pas Belogor ? Ses souvenirs étaient trop flous pour qu’il puisse chercher à trouver la vérité. Il se rappelait de ses proches, bien entendu : d’Uriel, des grands Sages. Il se souvenait comme de sa poche du Monastère, avec ses environs, ses vergers ensoleillés. Mais si on devait lui demander ce qu’il avait fait la veille, ou même il y a quelques instants, c’était un mur, une muraille qui se dressait entre sa conscience et sa mémoire.
❖ Désolé… c’est la première fois que je viens ici en fait. J’ai du mal à me rappeler ce qui m’a amené à cet endroit… Est-ce que tu pourrais nous dire où nous sommes, Maëlly ?
Du haut de sa dizaine d’années mentale, et au vu de l’affection démesurée que la Laguz lui portait, Louka se permit de la tutoyer. Dans un rapport de convivialité et de douceur, c’était la deuxième personne du singulier qui primait. Et puis… au premier coup d’œil, l’enfant semblait donner de la confiance envers la dame-corbeau. Son ton était sincère, et chaleureux à la fois. Elle évoquait une certaine sensibilité propre au genre féminin qui rassurait l’enfant à la toison de miel. Malgré cette confiance inédite, le Moine Noir était inquiet. Où était Uriel ? Lui qui était toujours à ses côtés, comme un père aimant. Lui qui lui avait donné des repères dans la vie, un toit où vivre, il n’était plus là. Louka était perdu, seul, dans un environnement inconnu, et plus hostile qu’il ne pouvait l’imaginer.
❖ Tu n’as pas vu Uriel ? Ou plutôt … tu connais Uriel ? Je crois bien que je suis perdu…
Inévitablement, le désir de rentrer au Monastère gagna l’enfant. Il voulait retrouver sa communauté, ses proches. Mais actuellement, il n’y avait plus rien de tel. Il n’y avait plus que les ruines de Belogor, où régnait sur les cadavres en décomposition une nuée de rats sauvages, corrompus par la chair humaine en putréfaction. Dansaient chaque nuit le souffle marmoréen de milles et un spectres. Des fantômes se lamentant dans le vent, pleurant leur douleur d’antan. Belogor n’était plus qu’un sanctuaire, où la mort rampait elle-même à l’agonie. Ces montagnes exhalaient une aura maudite pour des éons. Jamais l’enfant ne retrouverait son toit d’antan. Il était condamné à un long voyage d’errance, à la recherche de son toit, en compagnie de Celle qui lui offre des cieux cléments au creux de ses ailes. Sa célicole. Son ange gardien. Son garde fou, surtout.
Sujet: Re: Le Cœur des Hommes [PV Maëlly] Dim 30 Mar - 14:42
La douceur de son sourire … Ses lèvres rosées, son visage de porcelaine illuminé par cette simple manifestation de tendresse, qui fait battre ton cœur plus vite, plus fort. Il est mignon. Tu n’y aurais jamais pensé autrement, à le voir perdu dans ses songes ténébreux, mais il est là, il est plus vivant que jamais. Il a vu la lumière, lueur opaline au bout d’un tunnel assombri par ses propres cauchemars. Il n’a plus peur, sa torpeur est terminée. C’est fini. Maintenant, il peut respirer, et oublier. Oublier à quel point ça faisait mal hier, et se dire que demain, tout ira mieux. Ou pas ? Tu ne parviens pas à le cerner. Perdue dans l’abysse de ses yeux, tu n’oses pas demander. Et si tout cassait ? Si cette phrase, aussi innocente soit-elle, le plongeait à nouveau dans son Enfer ? Non, non … Tu ne veux pas. Alors tu ne diras rien, tu te contenteras de le contempler, silencieuse, en cherchant à comprendre par toi-même. De toute façon, au fond de ton cœur, tu sais pertinemment que tout s’éclaircira. Ces parts sombres de son être se pareront d’un halo au fur et à mesure. Tu as le temps. Rien ne sert de te précipiter.
Pourtant, alors que l’accalmie semble être le point final de cette petite histoire, tu sens que quelque chose cloche. Louka ne sait plus où il est. Tu as beau sourire doucement, au fond de toi se percutent de nombreuses questions. Une transe, peut-être ? Un peu comme les tiennes, même si … Tu te souviens de ton environnement au final, tu oublies seulement ce que tu as pu faire. Quoique. Tu t’en souviens parce qu’elles sont extrêmement courtes, mais … S’il s’agissait d’un long moment d’absence ? Qui dure bien plus que quelques minutes ? Là, ce serait bien plus problématique … Ta conscience s’installe en tailleur dans un coin de ton esprit et médite, paisible, à la recherche de toutes les réponses à tes questions. Pour l’heure, tu te concentres sur ses interrogations. Le mot « Belogor » remue dans ta tête. Il t’est totalement inconnu, malgré tous tes voyages … Ça te rappelle à quel point tu as encore tant à découvrir …
S’il se croit à cet endroit, c’est qu’il a vraiment perdu une grande partie de sa mémoire. Tu connais assez bien Daein, avec toutes les histoires de feu ton maître, donc forcément … C’est ailleurs. Loin ? Il serait venu à pieds jusque-là ? Sans savoir où il allait ? Mais quel étrange personnage … Tu le contemples un instant. Il y a vraiment trop de choses étranges. Ton esprit critique se heurte à ta conscience pour te contraindre à poser des questions, mais cette dernière maintient son pouvoir sur lui, de manière à ce qu’aucune interrogation ne t’échappe maladroitement. Tu dois réfléchir, Maëlly. Ne pas le blesser, ni le brusquer.
→ Nous sommes à Sileb, petit village de Daein, à quelques kilomètres de la frontière Nord de Begnion et Est de Criméa.
Un village dont tu ne connaissais même pas l’existence jusqu’à ce que tes ailes t’y portent. Un village condamné, pourri de l’intérieur par une démence croissante, qui dévore de plus en plus les habitants. Un village que vous vous devez de quitter rapidement pour ne pas finir comme eux. Ta force mentale te permettra sûrement d’y échapper, mais … Peut-être n’en est-il pas autant pour le petit ange qui te fait face. Après Belogor, c’est le nom d’Uriel qui est mentionné. Une fois encore, tu ignores tout de cette personne. Tu hausses les épaules. Il est probablement loin de son ancien univers. C’est plutôt désagréable à dire, mais c’est vrai. C’est un oiseau blessé, perdu au beau milieu d’un monde plein de chasseurs. Tu soupires doucement.
→ Je ne connais ni Uriel, ni Belogor, à vrai dire. Mais si tu me guides, je peux te porter sur mon dos et t’y amener !
Après tout, pourquoi pas ? Les animaux blessés ont besoin d’un refuge, et si ce petit être en avait un avant toute chose, autant t’y arrêter, cela ne tuera personne. Mais tu n’imagines pas à quel point tu peux avoir tort … Tu lui souris tendrement, et poses ta main sur la sienne. Elle est chaude. Douce. Délicate. Une main qui n’a pas l’air souillée par la haine, ni même la violence. Tu la relâches après un instant, donnes un peu d’argent au tenancier de l’auberge, et fais signe à Louka de te suivre. Le prenant par la main, tu l’entraînes dehors, dans cet univers hideux.
→ On passe tout droit, on ne s’arrête pas. Une fois dans la forêt, tu monteras sur mon dos et je te transporterai.
Tu le regardes tendrement, comme une maman oiseau le ferait pour son oisillon, et tu commences à avancer. Plus de temps à perdre, toutes ces personnes qui vous regardent bizarrement, ça t’ennuie. Tu accélères le pas en direction de la forêt. Petit ange doit retrouver son Paradis. Bien que le Paradis ne soit pas empli de dizaines de cadavres empilés les uns sur les autres … Mais ça … Tu ne le sais pas.