Shikonai est assez grand et pâle car il passe sa vie dans l'ombre la plupart du temps. Il a les cheveux noirs, les yeux noirs et cernés et une bouche fine. Il n'a pour seul habit qu'un manteau noir et un collier à clous avec un petit crâne. Sur sa main droite se trouve la marque témoignant d'un pacte avec les esprits, nécessaire à tout mage noir pour avoir accès au savoir des ténèbres. Cette marque ressemble beaucoup à celle sur sa main gauche, symbolisant ses origines métisses. Shikonai ne masque pas ces marques : il n'a pas honte de ses origines et les critiques de ses futures victimes lui importent peu. Sans son manteau, Shikonai apparaît comme squelettique, frêle. Il a pourtant de nombreuses cicatrices sur le dos, infligées par son père. On se demande comment il a pu survivre à tous ces coups, lui qui est si chétif.
Ce monde est imparfait. La déesse n'a pu remettre le monde dans le droit chemin. Je m'en chargerais donc. Grande Ashera, regardez votre fidèle serviteur de l'ombre corriger ces ingrats.
<<
Mère... mère, vous allez bien ? -
Laisse-moi. Espèce de monstre... >>
Il en a toujours été ainsi. Il a toujours été rejeté par sa mère, fière Laguz tigresse et pourtant domptée par un noble. Noble qui n'est autre que son père. Cet enfant, si petit et nu comme un ver, a été martyrisé par son géniteur. Il loge dans une cellule dans la cave, aux côtés de sa mère, traumatisée par le temps, triste d'avoir perdu tout pouvoirs lors de l'accouchement. Il en est ainsi depuis toujours : un enfant métisse prive tout pouvoir de son parent Laguz. Il n'était désiré par aucun des deux. Il n'a pas de nom. Sa mère a toutefois eu la présence d'esprit de nourrir et élever cet enfant... pourquoi donc ? L'enfant de neuf ans ne le savait pas, mais il lui en était reconnaissant.
Leur vie n'était pas des plus enviables : ils n'étaient nourris et abreuvé qu'un jour sur deux, voir trois. Le père de l'enfant venait tous les jours pour torturer sa progéniture et sa « femme ». Ils ne voyaient jamais la lumière du jour et passaient leur vie dans cette pièce fort peu confortable.
Et son père venait de passer en « visite ». L'enfant avait souffert, mais sa mère encore plus.
Le noble grassouillet aux cheveux parfaitement coiffé n'était pas encore parti. Il regardait le garçonnet fébrile ramper vers sa mère. Il eut un rictus avant de saisir son enfant par les cheveux et le trainer hors de la geôle.
<<
Tu vas enfin servir à quelque chose... >>
Le noble entraîna l'enfant, tellement effrayé qu'il ne tentait pas de se débattre ou de crier, à travers les couloirs souterrains. Ces couloirs avaient la même décoration que celle de sa pièce. A l'exception qu'il y avait des drôles de trucs lumineux au mur... comment sa mère appelait-elle ça déjà ? Ah oui, des « troches »... non... des torches, oui c'est ça ! Il y avait des torches contre le mur ! Bref, son père l'entraînait dans les couloirs pour finalement l'emmener dans une grande pièce.
La pièce était éclairée par des torches elle aussi. Elle était vide de meubles. Juste des hommes autour d'un étrange cercle dessiné sur le sol d'où s'élevait de la fumée.
<<
Il faut un sacrifice humain pour invoquer les esprits, c'est ça ? >>
Un des hommes acquiesça d'un signe de tête. Le noble eu un sourire de dégout et jeta sa progéniture dans le cercle.
Aussitôt, une colonne de flammes noires comme les ténèbres apparut autour de l'enfant. Il était terrorisé et hurlait à plein poumons, pleurant à chaudes larmes, fermant les yeux, se recroquevillant. Le bruit des flammes s'estompa. L'enfant cessa de pleurer et regarda autour de lui...
Les ténèbres. Rien que des ténèbres. Une noirceur indéfinissable, mais plus noir que les ténèbres qui envahissent une pièce non éclairée en sous-sol.
<<
Ils nous envoient un enfant comme repas avant la rencontre ? Il sont vraiment ignobles...-
Mais cet enfant... il semble si pur, si candide... il ne sait rien de la vie...-
Telma... tu veux donc...-
Parfaitement. Cet enfant sera l'incarnation de notre haine et notre désespoir. >>
Une étrange sensation emplit l'enfant. Une marque apparut sur sa main droite, semblable à celle qui était sur sa main gauche, et sa tête s'emplit d'informations diverses comme la lecture et la compréhension de l'ancienne langue.
Les ténèbres l'élevaient et l'instruisaient tout en partageant leur souffrance avec lui. Ils lui firent comprendre que le monde extérieur était corrompu, sans pitié. Tellius s'était détourné des souhaits de la déesse Ashera. On avait confié à cet enfant le souhait de ces âmes en peine : purifier Tellius par le sang. Mais il n'avait pas de nom... il s'en forgerait un : Shikonai, l'enfant des âmes en peine.
Les flammes s'estompèrent, laissant place à une fumée opaque.
<<
Bien... esprits, êtes vous la ?-
Les esprits sont mécontents... père... >>
Le noble écarquilla les yeux. Qu'avait il dit ? A qui appartenait cette voix emplie de haine ?
La fumée disparut petit à petit. La silhouette d'un enfant se dessinait au milieu du pentagramme. On distinguait déjà un manteau noir et un livre ouvert.
<<
Ysac tyshéac, juic xie annaw tyhc mac déhèpnac ah xiêda ta jahkayhla, ahdahtaw suh ybbam, syhevacdaw juic ad bnêdaw sue judna lumèna. Sue, Shikonai, judna éseccyena, za juic ah esbmuna... LUNA ! >>
Une gigantesque boule de ténèbres apparut et écrasa les misérables qui avaient osé tenter de le sacrifier pour leur intérêt quelconque. Leurs cris d'horreur se mêlèrent à l'explosion de la boule de ténèbres, puis ce fut le silence. Le mage noir avait regardé la scène, impassible, inexpressif.
Shikonai sortit tranquillement de la pièce, abattant un par un ses opposants qui furent alerté du boucan. Sa quête de purification avait commencé.
Il s'arrêta devant la pièce où il avait grandi et ouvrit la porte. La tigresse le regarda puis fut surprise. Son fils avait changé... que lui était-il arrivé ?
<<
Mère... je viens t'accorder le repos... >>
Quelques secondes plus tard, le garçonnet sortit de la pièce, laissant derrière lui le cadavre calciné de sa génitrice. Il n'avait aucun regret : il savait qu'elle n'attendait plus que ça...
Shikonai continua d'arpenter la demeure, abattant quiconque croisait son chemin. C'était pathétique... personne ne savait donc lui tenir tête ? Si tous les habitants de Tellius étaient comme eux, sa tâche serait des plus aisées... Au bout d'une demi-heure, la maison ne comportait plus aucun signe de vie. Shikonai détruisit la maison et s'en alla dans l'obscurité de cette nuit sans lune.
Sa quête put enfin commencer. La déesse l'observait : son émissaire s'était éveillé...
Pendant près de 15 ans, il commit ses actes discrètement, il allait lentement, mais surement. Personne ne l'avait démasqué.