Les joies de la taverne [Hel]

Alan se tenait devant l'auberge, ses enfants et Kwendal dormaient dans une chambre au rez-de-chaussée. Il a obtenu deux semaines de vacances et on lui a dégoté un village paisible où la nouvelle les concernant, lui et Kwendal, n'avait jamais circulé. Quel plaisir de pouvoir se balader sans avoir la capuche rabaissé sur le visage ! Et, effectivement, personne n'a haussé les sourcils en voyant un homme aux cheveux noirs-yeux émeraudes, ni devant la femme à la chevelure blanche et yeux saphirs, malgré leurs traits tendus et les deux bébés d'une semaine dans leurs bras.

Alan s'est bien vite habitué aux joies de père de famille. Travailler pour Aurora lui rapportait bien assez pour vivre convenablement malgré les quatre bouches à nourrir (l'ajout d'une prime de risque ainsi que celle d'éventuels bandits arrêtés assurant au moins 30% du revenu), mais le changement de couches restait la mission la plus délicate de toute sa vie. Bien que sa vie d'esclave l'aie formé à la chasse et aux taches ménagères, on ne lui a jamais appris à s'occuper d'un bébé ! C'est donc sur le tas qu'il à appris à chauffer le lait à la température idéale, changer les couches et bercer les enfants quand il leur fallait dormir... au final, il s'en tirait pas si mal, mais quand même il n'aurait jamais cru qu'une couche puisse être aussi remplie. Mais tout ça était un maigre tribut pour la joie d'avoirs deux enfants adorables et l'amour de sa vie à ses côtés.

Alan se leva et acheva le fond d'alcool qui restait dans son verre avant de le rapporter au comptoir de la taverne qui se situait dans la pièce à droite de l'accueil de l'auberge. Tout ça dans le but de le faire remplir en faisant miroiter une pièce au tavernier. C'est ça qui est bien avec un commerçant : on lui montre une rondelle en argent et on a tout ce qu'on veut d'eux, même s'il faut parfois en ajouter une ou deux pour avoir vraiment ce qu'on veut.

La taverne était bondée et bruyante à cette heure-ci. Le soleil couchant avait un drôle d'impact sur l'esprit de l'homme éreinté : plutôt que d'aller aussitôt chez lui retrouver foyer brûlant et compagne attentionnée, il préférait retrouver ses semblables pour des chansons paillardes et de l'alcool à volonté. Alan ne supportait pas vraiment ce genre d'ambiance et s’apprêtait à repartir vers la terrasse quand...

<< Hé ! Toi ! Sur j'te connais !
- Hein ? >>

Alan garda le dos tourné mais le soulard avait vite fait de tourner son visage vers lui d'une poigne musclée bien qu'incertaine. Il observait le visage d'Alan en marmonnant des « ouiiiii... Ouiiiiiiiiiiiiiiii ! » comme ces charlatans avec une boule de cristal se disant capable de prédire l'avenir.

<< Je sais ! T'es le gars qu'habitait pas loin de Melior ! Ce type qu'à toujours deux épées sur lui, là, et qu'à emmené mon copain en taule ! C'quoi ton nom déjà... Alon ? Allun ? Non c'pas ça... heu...
- Je vois pas de quoi vous voulez parler...
- Alan, c'est ça ! Alan ! A cause de toi, connard, j'ai du quitter ma femme et fuir !
- Je vois pas pourquoi vous avez du fuir et je me souviens pas vous avoir vu !
- Ouais ben après deux trois marrons ça te reviendra !
- Messieurs ! Si vous avez des comptes à régler, c'est dehors ! >>

Mais le poivrot ne semblait pas vouloir attendre d'aller dehors et déjà Alan titubait après un coup de boule assez violent et se courba pour éviter une droite. Il reculait vers la porte de sortie. S'il fallait vraiment régler ça dehors pour éviter le mécontentement du tavernier, autant obéir. Quand il eut atteint l'extérieur, il porta la main à la garde de son épée.

<< Ecoute, gars. Je suis en vacances et je veux pas d'emmerde, alors rentre chez toi et cuve tranquillement ta bière !
- T'as pas compris ? J'ai plus de chez moi ! Mais je crois qu'avec ta bourse, je pourrais arranger ce problème.
- « Un village paisible » qu'elle disait... « personne te connaîtra la bas » qu'elle disait... >>

Alan grommela en dégainant son épée d'argent. Pas question de faire couler le sang, un coup de garde sur le crâne suffira... en espérant que personne n'aura l'idée de venir aider le poivrot, bien sur. Il était innocent après tout !

- Je suis sûre que quelque chose va pas. Voyons... J'ai mes habits, j'ai mes armes, j'ai ma wyverne... AH! J'ai trouvé! Le ciel est en bas! Feron, t'aurais quand même pu me le dire! Ah... Attends... J'oubliais, tu parles pas, t'es une wyverne.

Réussir à atteler une wyverne avec la selle en bas, la chevaucher comme ça et s'en rendre compte une heure plus tard, c'est champion. Ou mensuel, si on s'appelle Helena Lanceval.
Les autres cavaliers ne se faisaient plus suer à le lui rappeler vu que même avec une note écrite, il y aie une chance qu'elle oublie. Donc, il n'y avait qu'à attendre qu'elle s'en rende compte elle-même. Après tout, jusque là, sa bonne étoile l'avait empêchée de trop se faire mal à cause de son abrutissement, il n'y avait pas de raison pour que ça ne continue pas.

- Bon, euh... Comment je fais, moi? On va déja commencer par descendre pour voir ça et J'AI OUBLIE LA GRAVITEEEEEEEEEEE!

Réussir à oublier la gravité. RÉUSSIR à oublier la gravité. Si les autorités de Criméa savaient ça, les pauvres en auraient des ruptures d'anévrisme.
Toujours était-il qu'Helena était en ce moment même de tester les joies d'une chute à 200 kilomètres/heure en armes et armure. Et avec toute sa bonne volonté et son expérience de rattrapage de cavalier demeuré, Feron avait tilté un peu tard. Impossible de rattraper Helena avant qu'elle aille heurter le sol. Quoique à force de tomber de haut, notre chère et tendre avait trouvé un moyen de transformer ces malheureux incidents en puissantes attaques. Pour ça, il suffisait de mettre la lance pointe vers le pas, de s'accrocher aussi fort qu'on est bête à la poignée (soit avec une puissance dépassant le milliard de Newton pour Helena) et d'espérer que la cible ne se décale pas.

- Pourvu qu'il n'y aie pas un type en dessous. Sinon, je vais encore me faire engueuler pour... Pour quoi, déjà?

<< Ca suffit, tu vas vraiment te faire mal... >>

Depuis quelques minutes, il n'a pas compté combien, Alan évitait les coups du poivrot en attendant une ouverture, mais le bougre n'en laissait pas, hélas. Et Alan s'en tenait à sa résolution principale : ne pas faire couler le sang.

<< Bah alors, t'attends quoi pour frapper ?
- Pas envie de tâcher ma chemise avec ton sang...
- Tant pis pour toi ! >>

Un poing vola vers la tête d'Alan. Celui-ci se baissa pour l'éviter... mauvaise idée car son adversaire trébucha et le coup finit par lui heurter le haut du crâne, faisant voir à l'épéiste des étoiles. Il tituba quelques secondes et un autre coup le projeta au sol. Son adversaire n'était pas fut-fut, vu le temps de réaction, mais il a eu la chance de comprendre et agir assez vite.

L'épéiste se redressa en se massant sa joue.

<< Tu fais chier... bon, tant pis pour t... >>

Telle la foudre du jugement divin, quelque chose tomba des cieux et s’abattit sur l'impie, projetant une gerbe de sang aux environs (et éclaboussant généreusement l'épéiste). Alors que les spectateurs hurlaient et fuyaient tout partout, Alan resta abasourdi devant la scène. Une lance s'était planté sur son ennemi, le transperçant entièrement et il faisait face au cadavre encore debout alors que la pointe de l'arme était sacrément enfoncée dans le sol. Et il y avait également une femme aux cheveux blancs portant une armure. Que faire dans ce cas ? Il avait son épée d'argent en main et Alondite au fourreau, qu'il ne sortira qu'en cas d’extrême nécessité.

Finalement, il décida de fermer sa bouche qui était grande ouverte et parla. Il était en garde, prêt à agir des fois que la femme soit la pour un bain de sang.

<< Qu'est ce qui vous prend ? Pourquoi vous l'avez empalé comme ça, ce pauvre homme ? Qu'est ce qu'il a fait qui mérite un tel châtiment ? >>

Il a balancé une phrase au pif, ne sachant quoi faire devant une telle scène... surtout qu'à en juger la tête de la femme, il avait affaire à une tarée... enfin, à première vue seulement.

- Duuuuuuuuuuuuuuuuuuuuh...

Un moment. Le temps que le sang recommence à irriguer le cerveau. Non pas qu'il reste lourd à irriguer, mais une chute pareille , c'est à vous faire tellement serrer les fesses que même les globules rouges osent plus bouger.

- Duuh... Ah, ça va mieux. Bon, je suis où, là?

Comme toujours, la question évidente passait à trois bornes au-dessus de miss Lanceval. Ou le fait qu'elle avait mis de la confiture de framboises un peu partout en s'écrasant sur un pauvre gars qui avait ni plus ni moins explosé à cause de la puissance de l'atterrissage d'Helena. Ou le fait que les gens étaient paniqués. Non, la question la plus importante, c'était "Je suis où?". Quand on à un QI de chimpanzé, l'ordre des priorités en prend vraiment un coup.

- Alors... Si je me souviens bien, le ciel était en bas tout à l'heure, mais je me suis retournée, donc il était en haut, puis je suis tombée... Tombée vers le ciel? Oh mon Dieu! Je suis morte! Je suis arrivée au Paradis!!!

Et c'est quoi cette tâche rouge... Et ces pieds... Et ma lance plantée dans OH M*RDE J'AI TUE UN ANGE!!!

Panique à bord. Arrachant d'une main la lance (plantée jusqu'à la garde dans le sol), Helena se mit à cavaler dans tous les sens comme un poulet sans tête. Le type couvert de sang devait se demander sur quoi il était tombé... Surtout quand Helena l'agrippa au collet en pleine crise de panique.

- Jevousjourejaipasfaitexprèsc'étaitunaccident!!! Avec ça je suis grillée!!! Je vais aller en Enfer direct!! Qui c'est qui... Qui... M*rde, pourquoi je m'énerve, déjà? Feron? T'es où?

La femme ensanglantée resta immobile un moment, probablement le temps que le choc dû à la chute passe, puis...

<< - Duuh... Ah, ça va mieux. Bon, je suis où, là? >>

... où elle était ? Elle vient de tuer un innocent et la seule chose qu'elle trouve à dire c'est « je suis où, là ? »...

<< Alors... Si je me souviens bien, le ciel était en bas tout à l'heure, mais je me suis retournée, donc il était en haut, puis je suis tombée... Tombée vers le ciel? Oh mon Dieu! Je suis morte! Je suis arrivée au Paradis!!!

Et c'est quoi cette tâche rouge... Et ces pieds... Et ma lance plantée dans OH M*RDE J'AI TUE UN ANGE!!! >>

A nouveau, la machoire inférieure alla pendre en direction du sol, ouvrant bien grand l'orifice buccal de l'épéiste. Cette femme était une abrutie fini, pas possible. Elle n'avait aucune idée de ce qu'était la gravité ou quoi ?

Il resta complètement sous le choc en regardant la folle reprendre son arme et courir dans tous les sens comme si elle espérait remonter le temps et éviter la mort du pauvre homme qui devait passer le choc de sa mort dans une taverne dans les cieux à s’enivrer de bière.

Puis subitement, il se vit saisi par le col et secoué dans tous les sens par la tarée.

<< Jevousjourejaipasfaitexprèsc'étaitunaccident!!! Avec ça je suis grillée!!! Je vais aller en Enfer direct!! Qui c'est qui... Qui... M*rde, pourquoi je m'énerve, déjà? Feron? T'es où?
- mais LACHEZ MOI PUTAIN ! >>

Alan attrapa les mains de la jeune femme et les repoussa, libérant ainsi son col et inspira un grand coup.

<< Bon... première chose, on se calme TOUS LES DEUX ! >>

Alan se doutait bien que des milliers de regards planqués derrières portes, fenêtres, murs et autres barils épiaient la scène silencieusement et il fit de son mieux pour les ignorer. Le plus dur sera de voir quoi faire de la femme.

<< Booon... une lance, une armure, le fait que vous tombez de très haut... vous êtes soit cavalière pégase, soit cavalière wyverne et probablement de l'armée. Déclinez votre identité et la garnison à laquelle vous appartenez je vous prie ? >>

Il avait toujours son arme en main, sait-on jamais. Au moins, elle ne semblait pas méchante dans le fond... juste qu'on lui a ôté toute faculté intellectuelle par Ashera sait quel procédé.

*Purée, même en vacances je dois gérer des crises...*

[Comment c'est vorace en temps Minecraft]

- Ah oui! Faut bien que je vous dise qui je suis, vous devez être débordé avec tous ces morts partout!

En écoutant bien, on devrait entendre les neurones d'Alan fondre l'une après l'autre. Helena devait être une sorte de vortex à intelligence, car plus le temps passait, plus les gens autour d'elle devenaient abrutis Comme si elle redéfinissait la normalité.
A force de pourrir la vie des habitants et de faire preuve d'un QI à un chiffre la plupart du temps, Helena avait fini par écrire toutes les infos utiles à son sujet sur une feuille. Au cas où elle aurait oublié. Aussi s'empressa-t-elle de tendre la feuille à Alan.

"- Bonjour, mon nom est Helena Lanceval et je suis un chevalier wyverne de Crimea. Je souffre d'une grave maladie qui affecte mon cerveau, désolée de me comporter de la sorte.

Entre temps, Feron s'était posé, avait dispersé la foule un peu trop curieuse et alternait entre renifler Alan pour s'assurer qu'il n'allait ni partir en courant ni profiter de la situation et s'assurer qu'Helena n'avait pas perdu le peu de cerveau qui lui restait. tout allait comme d'habitude dans la vie de Lanceval et comme le pire jour de la vie des gens aux alentours. Sauf le mort.

- T'as vu ça, Feron, j'ai tué un ange. Je vais drôlement me faire engueuler.

Petit à petit, un truc douloureux s'insérait dans le cerveau d'Alan pour faire un bordel pas possible, causant ce qu'on appelle communément : « un putain de mal de crâne ! » ou alors « une migraine »... bref, de quoi inciter Alan à laisser la tarée seule et retourner au lit dans les bras de Kwendal, avec la certitude que les bébés vont gueuler 5 minutes après pour qu'on leur file leur biberon ou bien changer leur couche...

<< Ah oui! Faut bien que je vous dise qui je suis, vous devez être débordé avec tous ces morts partout! >>

Voila qu'elle prenait Alan pour le douanier de l'au-delà... ça faisait longtemps qu'il n'a pas fait passer quelqu'un dans l'autre monde, quand même, faut pas exagérer ! Et puis « tous ces morts partout »... hormis celui qui se trouvait à leur pieds et imprégnait joyeusement les pieds nus et les godasses de la dame...

Tiens, qu'est-ce qu'elle luit tend là, son passeport ?

"Bonjour, mon nom est Helena Lanceval et je suis un chevalier wyverne de Crimea. Je souffre d'une grave maladie qui affecte mon cerveau, désolée de me comporter de la sorte.

... Ca n'est surement pas elle qui a rédigé ce papier... quoi qu'il en soit, au moins maintenant il avait le nom de la dame et en plus la wyverne a dispersés les dernières personnes trop curieuses et reniflait Alan, sans avoir une attitude affamée, au moins... un peu comme un chien renifle un inconnu en fait.

<< T'as vu ça, Feron, j'ai tué un ange. Je vais drôlement me faire engueuler.
- Ce n'était pas un ange mais un humain tout ce qu'il y avait de vivant avant que vous ne tombiez du ciel, mademoiselle... >>

Il rendit le papier à la demoiselle et décida de lui dire la vérité tant qu'elle semblait apte à comprendre avec le dernier quart de neurone qui lui restait.

<< J'ignore pourquoi et comment, mais vous êtes tombée du ciel en pointant votre lance vers le sol. Et Monsieur le cadavre ici présent, vivant à ce moment là, a eu le malheur de se trouver en dessous de vous lors de l'atterrissage, donc vous l'avez envoyé au paradis et il doit pleurer sa mort devant une choppe de bière si vous voulez mon avis. Maintenant la question est, « qu'est ce que je fais de vous ? ». J'ai le droit de vous conduire en prison pour homicide involontaire, mais je suis en vacances là et j'ai pas envie de me taper un rapport alors que je pourrais dormir... >>

Et Alan se mit à réfléchir... pourtant, il avait pas trop le choix : cette femme à commis un crime, elle doit aller au frais un moment... et on fait quoi de la wyverne ? On la relâche ? Il a jamais eu affaire à ce genre de cas quand même...

- Feron, t'entends ça? C'est pas un ange? Bah y a qu'un moyen de savoir.

Le temps de le dire, Feron et Helena ramassaient chacun un des pieds du type et croquaient dedans à pleines dents. Devant tout le monde. Tout en s'interrogeant mutuellement sur la possibilité qu'ils pouvaient être en train de grignoter de l'ange ou si le type aux cheveux gris disait la vérité. Et visiblement, la discussion allait bon train. Même si Feron ne pouvait répondre qu'en agitant la tête.

- OK, Feron, je te fais confiance. C'est bien de l'humain. Je me souvenais pas que ça avait un tel gout de vieil alcool pourri.
Bon, bah on peut s'en aller alors. A moins que j'oublie un truc...

Alan avait bien fait d'ouvrir son bec à ce sujet, car Helena serait vraiment repartie sans même éponger le sang sur son armure. Quoique, ça allait pas faire de différence...

- Ah nan! Vous allez pas travailler si vous êtes en vacances! Moi je m'en vais de toute façon, mais les vacances, c'est pas fait pour travailler, d'accord?... Feron, c'est quoi les vacances, chuis plus sûre.

<< Feron, t'entends ça? C'est pas un ange? Bah y a qu'un moyen de savoir. >>

La folle et sa wyverne prirent chacun un pied du cadavre et croquaient dedans comme un morceau de viande inconnu, tandis qu'Alan fut à la fois surpris et dégouté. Cette femme était non seulement folle, mais en plus assez dégoutante. (HRP : d'ailleurs, Alan a les cheveux noirs, pas gris!). Finalement, la femme se releva :

<< OK, Feron, je te fais confiance. C'est bien de l'humain. Je me souvenais pas que ça avait un tel gout de vieil alcool pourri.
Bon, bah on peut s'en aller alors. A moins que j'oublie un truc... >>

Et le truc qu'elle a oublié, comme le fit remarquer Alan, était le fait qu'elle a tué un innocent et qu'elle devrait payer pour ça.

<< Ah nan! Vous allez pas travailler si vous êtes en vacances! Moi je m'en vais de toute façon, mais les vacances, c'est pas fait pour travailler, d'accord?... Feron, c'est quoi les vacances, chuis plus sûre. >>

La main d'Alan se retrouva collé à son front dans un claquement sec. Cette fille l'exaspérait. Il avait mal à la tête, il était fatigué, il avait besoin d'un remontant et il était hors de question que cette fille s'en aille. Elle était aussi conne que dangereuse !

<< Vous n'irez nulle part tant que le problème ne sera pas réglé. Vacances ou pas, peu importe ce que c'est, je ne peux pas laisser partir une femme qui vient de tuer un innocent sous mes yeux, enfin ! >>

Mais le problème subsistait : que faire d'elle ?

<< Bon, je vais vous emmener voir les gardes du coin, eux sauront quoi faire de vous. Moi j'en ai ma claque pour aujourd'hui... et il faudra que j'aille voir le chef de la garnison à laquelle vous appartenez quand je reprendrais le boulot. Comment une femme comme vous à fait pour rejoindre l'armée ? >>

Une bien bonne question, aussi bonne que « comment le premier Beorc est arrivé sur Tellius ? ».

- Baaaaaaaaaah... Du peu que j'ai vu avant de tomber, il essayait de vous frapper? Nan? Parce que si oui c'est un crime d'attaquer un soldat par chez nous, donc il était pas si innocent, non? Mal à la tête moi...

Un éclair de génie avait fusé dans la caboche creuse d'Helena. OK, c'était un civil qui s'était pris une frappe ciblée, mais il était vrai que se battre contre un soldat n'était pas vu comme une bonne chose. C'était très gros d'exploiter un trou comme ça dans la logique d'Alan, mais s'il en avait vraiment autant plein les grolles qu'il le prétendait, tout ce qui l'éloignerait d'elle serait une bonne chose. Puis Feron n'allait sûrement pas laisser sa cavalière se faire serrer sans protester, vu comment il alternait du regard entre Alan et le ciel. Une sortie en quatrième vitesse n'était pas à exclure.

- Ah ça, pour rejoindre l'armée, je sais! On m'a laissée à l'entrée d'une caserne avec un sac de pièces et un mot. Je crois que ça disait "Démedrez-vous avec."... Feron, tu sais ce qu'il y avait écrit? Ah nan, t'étais pas là.

<< Baaaaaaaaaah... Du peu que j'ai vu avant de tomber, il essayait de vous frapper? Nan? Parce que si oui c'est un crime d'attaquer un soldat par chez nous, donc il était pas si innocent, non? Mal à la tête moi...
- Oui, il essayait de me frapper, mais c'était pas une raison pour le tuer ! >>

Alan salua l'effort d'Hélèna pour avoir découvert que la victime était pas tout à fait innocente. Restait à lui faire comprendre qu'il fallait pas tuer pour si peu, surtout quand l'agresseur agissait sous l'effet de l'alcool.

<< - Ah ça, pour rejoindre l'armée, je sais! On m'a laissée à l'entrée d'une caserne avec un sac de pièces et un mot. Je crois que ça disait "Démedrez-vous avec."... Feron, tu sais ce qu'il y avait écrit? Ah nan, t'étais pas là.
- Ils pouvaient pas vous employer ailleurs que dans le corps armé ? Je sais pas moi... comme femme de ménage ? Comme cuisinière ? >>

Ca lui aurait semblé plus logique qu'une personne aux capacités intellectuelles si réduites soit loin de toute arme pour la sécurité de tous. A quoi jouait l'armée, bordel ?

<< Bref, ça ne résout pas notre problème : que dois-je faire de vous ? Certes ce type était coupable d'agression sur ma personne, aussi peu importante soit-elle, mais quand même je ne peux pas vous laisser partir comme ça... >>

Alan gardait un œil sur la wyverne qui semblait prête à emporter sa maîtresse avec lui vers les cieux. Ces créatures étaient aussi puissantes qu'intelligentes. S'il tentait d'emmener la femme au poste, elle allait tout faire pour la protéger et Alan se voyait mal affronter un lézard ailé seul... tant pis pour l'arrestation.

<< Bon... voilà ce qu'on va faire : vous allez offrir une tournée général au bar en guise d'amende et on oubliera ça. J'irais malgré tout rédiger un rapport mais je ne dirais pas que c'est vous. C'est la seule exception que je ferais. Si je vous revoit tuer un innocent, accident ou pas, je serais plus sévère ! >>

Alan voyait déjà Samaël lui passer un savon alors qu'Eve se montrera compréhensible. Eux, même s'il leur mentait avec tout ses talents de comédien, ils le sauront. Ils avaient leurs sources d'informations disséminé à travers tout Tellius et, à tous les coups, il y avait un espion parmi la foule...

- Mais s'il était en tort, pourquoi...

Un petit coup de tête de Feron dissuada Helena d'insister. Une si belle occasion de se tirer sans souci ne se représenterait pas. Sauf si on compte "tuer tous les témoins" comme une bonne alternative.

- Bon, euh... Qui c'est qu'à soif?

Visiblement, l'idée de balancer un criminel était moindre comparée à l'idée de se faire offrir une pinte. Presque toute la foule repartit aussitôt vers la plus proche taverne avec Helena devant elle, tandis que Feron restait au milieu de la rue. Curieux, Helena ne lui avait pas rappelé que c'était interdit aux wyvernes dans les tavernes. Faut croire que même avec un cerveau en purée, les infos rentraient de temps en temps. S'allongeant au milieu de la rue, Feron hocha de la tête en direction d'Alan. Une façon de dire "Merci de pas avoir laissé la situation dégénérer." Un meurtrte était jouable, mais s'il avait fallu éponger des océans de sang pour que personne ne se doute de rien...

<< Mais s'il était en tort, pourquoi... >>

Elle s'interrompit en regardant la wyverne qui lui fit un signe pouvant se traduire comme « insiste pas, tu comprendras rien. »

<< Bon, euh... Qui c'est qu'à soif? >>

En guise de réponse, tous les spectateurs planqués se rendirent à la taverne, réjouit à l'idée d'une bibine fraiche ET gratuite surtout. Feron s'installa dans la rue et fit un signe de tête à Alan, comme un remerciement. Celui-ci hocha les épaules, comme pour lui dire « fais attention à ce qu'elle recommence pas, la prochaine fois » puis se rendit à la taverne profiter de la bière qu'elle lui devait.

S'il y avait une personne ravie de la situation plus que quiconque, c'était bien le tavernier comme le montrait son sourire radieux et le tiroir caisse plein à craquer.

La salle était bondée et bruyante, le brouhaha omniprésent et les choppes envahissaient les tables comme une nuée de mouches sur une déjection. Alan prit place à côté d'Hélèna avec sa choppe et l'avala tranquillement. Il en avait bien besoin après tout ce qui s'est passé. Restait plus qu'à ouvrir un sujet de conversation histoire de s'occuper en attendant que la damoiselle reparte empaler des innocents en faisant une chute prodigieuse.

<< Ca fait longtemps que vous êtes soldat ? >>

Le sujet le plus banal qui existe quand on fait connaissance avec quelqu'un, certes, mais tant que ça marche on n'a pas à se plaindre...

» Un p'tit tour dans la taverne~♫ |PV Moneta|

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