Une pluie torrentielle paralysait le village et la région. Le temps était passé en quelques heures d’un radieux soleil à un ciel sombre, emplies de nuages gonflées de pluie. Les éclairs s’y mettaient et crachaient leur foudre. Vraiment un temps à rester à l’intérieur, alors pourquoi tu es dehors ?

Je suis dehors parce que j’ai envie tout simplement. Les gouttes battant sur mon visage, la sensation de liberté, un peu comme si cela me lavait de mon histoire. Le temps de mieux réaliser que j’étais à nouveau seule dans ma tête. La nature dans cet état est particulièrement belle, j’observe les arbres se courber au vent, les feuilles voler et s’écraser, une nature déchaînée, une nature libre.

Tu fais encore référence à tes chaînes n’est-ce pas. Celle à ton bras qui t’a lié pour à jamais à ton esprit désormais dormant. Fort heureusement, tes talents de magicienne n’en ont pas souffert. Mais je m’égare, tu es donc dehors, sous cette pluie à décorner des bœufs, le visage découvert et les tissues de ta robe de shamane se gorgeant d’eau un peu plus chaque seconde. C’est un coup à attraper la crève tu te dis. Ainsi tu prends doucement la direction du village en remettant ta capuche, trainant comme une ombre dans le village. Une figure couverte de la tête au pied par un long manteau noir donc les traits pourpres distinguent ton affiliation à la caserne de Mélior.

D’un regard, tu observes les gens chez eux, se réchauffant tant bien que mal, les cheminées tentant de leur tenir chaud, d’autres se couvrant de couverture, mais la plupart trouvait refuge dans l’auberge du coin avec la meilleure cheminée, et une certainement une bonne pinte pour lutter contre le froid qui y vient. Tu t’en éloignes pour l’instant, la présence de tant d’homme t’intimide et ne te rassure pas. Tes yeux se baladent pour un refuge alors que ton visage restait voilé par l’ombre de ta capuche. Pas d’autres refuges sous la main, partir dans les bois seraient une très mauvaise idée, quitter l’enclos du village de façon générale l’était. Tu te décides, à contre cœur, d’aller à l’auberge, mais une petite peur te tient encore au cœur. Une peur à la fois galvanisante et pétrifiante. Tu ressens enfin une sensation si banale, et tu as le temps et le choix de ressentir et questionner ce dernier. Alors qu’il y a peu, tu n’aurais pas prêter la moindre attention à cette peur tant l’esprit qui te corrompait dévorait tes pensées.

Tu voulais entrer, mais il te manquait ce petit tic pour te décider. La venue de quelqu’un d’autres pour paraître moins seule et vulnérable, pour avoir une personne sur qui se fié au cas où tu ne savais pas. Car après tout, tu étais une femme désormais, pas juste une fille aux rêves et espoirs brisées.

La pluie torrentielle ne t’épargne pas malgré ta cape, commençant doucement à dégouliner sur ton visage et pénétrer tes cheveux, dévorant ta chaleur pour te refroidir. Tu ne pouvais attendre plus longtemps quand tu entendis soudainement des bruits de pas, rapides et précipités. Dans un fracas de boue et d’eau, une silhouette sombre s’écrasa pas très loin d’elle, au début de la rue, avant de supplier de l’aide.

Oh comment cette image te blesse. Tu penses presque apercevoir ton visage sur cette entité que tu ne distingues pas. Une ombre d’assassin rôdait derrière celle sur qui tu te projetais. Tu te demandes si tu ne rêves pas simplement, mais l’absence de voix dans ton esprit te laisse perplexe, cette situation était réelle tu te dis. Maintenant venait la phase de l’action, allais-tu bouger ?

Oui. Si son innocence est à prouver, je ne peux me permettre de regarder une personne mourir sous mes yeux. Une raison qui se veut noble, mais la vérité est que je veux sentir le pouvoir, le pouvoir de faire changer les choses selon ma volonté. Que le monde et le destin se courbent devant moi.

Tu en veux tant à la vie ? Alors tu te rapproches et dépasses la figure à tes pieds, que tu identifies rapidement comme une Laguz. L’ombre armée d’une dague s’arrête et hésite.

« Protège là et tu mets ta vie en péril. »

Tu aimerais ne pas faire couler de sang, alors tu joues la carte de l’intimidation. Respirant longuement pour travailler la puissance de ton sceau, une énergie malfaisante envahit la rue. Soudainement, des personnes se mirent à crier comme si la folie les prenait, l’assassin en tremble. Pendant un instant, la peur avait envahi le cœur de ceux autour de toi.

La volonté de parler monte, mais ta voix féminine jouerait contre l’effet que tu viens de faire. La main sur le tome, tu le sors et le fait flotter en l’air, les pages tournantes sous la pluie, avant de t’arrêter et le prendre en main pour tendre l’autre. Une décharge d’énergie sombre se mêla aux ténèbres ambiantes pour frapper à pleine force l’assassin, le faisant reculer et se tenir la hanche. Ce dernier prit la fuite en courant. Tu soupires de soulagement et laisse un rire de joie te prendre. Te retournant, tu ranges ton tome et tend la main à la Faunus pour l’aider à se relever.

« Vous allez bien ? »

L’assassin sembla ne pas rester plus longtemps bien que son visage l’interloquât longuement. Elle avait vu de nombreux assassins du Black Fang dans sa jeunesse et savait reconnaître un bon. Celui-là était… dangereux pour ne pas dire bon. Restant prudente, elle referma le sceau de son bras pour limiter son pouvoir et calmer la folie qui avait pris les alentours.


Prenant un instant pour regarder l’inconnue en question, elle avait raison sur son origine de Laguz. Toutefois, les vêtements lui étaient d’un type inconnu, elle qui avait appris à juger relativement bien d’un simple coup d’œil. Elle lui rendit des remerciements et un grand sourire qui la surprit, ne s’attendant pas vraiment à ce genre de gentillesse. Généralement sa magie restait vu comme un art incompréhensible, dangereux et à éviter. Rougissant un peu des joues, elle répondit maladroitement.



« C-ce n’était rien… Vraiment. »


Bien que sur que tu mens, tu sais très bien que t’interposer entre un assassin et sa cible est une faute grave si tu cherches la neutralité, mais c’est ce que tu cherches ? Ta magie, ton existence, et l’esprit que tu retiens, tout ne penche pas en direction du chaos après tout ? Tu balayes la pensée alors que la pluie continue de lourdement s’abattre sur ta capuche, désormais elle te colle au visage de façon désagréable, te rappelant la nécessité d’un abri.



« Ne restons pas là. » dit Akamae en prenant la main de Stella pour l’amener un peu de force à l’auberge. Certes, cela servait ses intérêts d’avoir une « garde » pour entrer, mais une Laguz n’était définitivement pas l’escorte la plus adaptée. L’auberge était moins pleine que prévue, beaucoup de gens du voyage semblaient avoir pris refuge auprès de la cheminée et Akamae n’en demandait pas mieux. L’air plus sec aidait à mieux respirer mais la mage noire se refusait à révéler son visage, sa capuche trempée couvrant encore son identité. Mais passé le long silence de l’entrée des deux femmes dans l’auberge, Akamae s’expliqua.


« Je m’appelle Akamae… Une shamane en voyage. »


Sans un mot de plus, elle trouva une simple chaise pour y prendre place, loin des paroles et des discutions des hommes qui l’inquiétaient plus que cela ne le devait. Depuis la disparition des voix dans sa tête, elle peut mieux se concentrer sur les paroles extérieures mais des fois, elle préférait encore celle de son esprit… Restant silencieuse, elle se contenta de frissonner pour se réchauffer de ses vêtements trempés.

Tu caches tant bien que mal tes frissons dû à l’humidité de ta cape, son froid encore mordant contre ta chair pourtant chaude, le sang battant de cette courte altercation. Mais tu persistes, tu refuses de te montrer, visage et corps, tel l’emballage d’une friandise. Le regard des hommes de la taverne sur la Laguz que tu viens de sauver te rendrait encore moins confortable… Le silence s’installe entre toi et elle, puis bientôt dans tout le bar. Pourquoi devaient-ils te regarder maintenant ? Tu dois entamer une conversation, paraître normale, aussi bizarre que cela t’es.

Fort heureusement, la Laguz te mâche le travail, te posant une question qui te permet au moins de répondre sans paraître trop à côté de la plaque. Te tournant doucement vers elle, t’assurant de bien rester cacher du regard de tous, tu réponds d’une voix bien plus douce que celle dans la rue

« Je viens de… Criméa… »

Un demi-mensonge, ne connaissant pas ses réelles origines, si ce n’est qu’elle a été trouvée à Begnion. Malgré toi, cette nouvelle sembla rassurer l’entourage qui reprit un peu mieux leur conversation. Certains regards persistent tu te dis, mais tu tentes tant bien que mal d’en faire abstraction. Alors que tu voulais renchérir, un serveur arriva, proposant comme à son habitude, si tu souhaitais quelque chose. La faim se faisait sentir et tu ne rêvais mieux que d’un plat chaud autour du feu.

« Si vous avez un bouillon de légume chaud, ce serait parfait… Tu veux aussi prendre de quoi manger heu… q-quelle est ton nom ? » Tu bafouilles sur la fin, perdant le peu de confiance que ta phrase laissait transparaître. Il est vrai que tu ne savais rien d’elle, même les vêtements ne te disaient pas grand-chose. Toutefois, cette question était peut-être assez ironique considérant que toi-même, tu te recouvres d’un voile noir pour dissimuler ton identité.

Je ne suis pas vraiment à l’aise dans cet endroit… Je ne veux même pas imaginer ce qui va se passer lorsque je révèlerais mon visage, alors je conserve cette cape qui m’affaiblit plus qu’autre chose. Si je n’ai pas peur de me montrer devant la Laguz, je crains le regard des autres hommes surtout. Il m’a suffi de passer le regard autour de cette salle pour que mon cœur se serre et mes tripes montent.

Ainsi tu te refuses à la lumière, presque t’en éloignant un peu plus pour persister dans les ténèbres où personne ne te voit… pour l’instant.

Bizarrement, tu n’es pas la seule à ressentir ces regards oppressants. Tu espères que ton voile de ténèbres te protège, mais ta partenaire de fortune en revanche, n’est pas aussi bien équipé pour se cacher. Tu attends donc nerveusement ce repas chaud, avec le frisson devenant de plus en plus fort, tu grelottes mais tu serres les dents pour ne pas le montrer. Un peu plus longtemps, attendre au moins d’être dans une chambre tu te murmures.


Je tentais de me réchauffer du regard, fixant bêtement le feu en me disant à quel point il doit être agréable… Jusqu’à sursauter lorsque la Laguz me murmure quelque chose. Apparemment, elle souhaitait se faire servir dans la chambre. La première pensée qui lui vint fut qu’elles n’avaient certainement pas le luxe, mais après avoir jeté un regard autour d’elle, ce n’était pas un luxe mais une nécessité.


« D-d’accord… »


Tu te décides enfin à te lever, t’approchant du serveur pour expliquer la situation, mais ce dernier te coupe dans ta formulation aussi sobre que possible, t’expliquant que le repas serait amené dans ta chambre… La seconde pensée fut que tu allais partager cet endroit avec une Laguz, pas forcément ce qui te rendait le plus à l’aise mais après tout, as-tu le choix ? D’un hochement compréhensif, tu indiques à Stella pour qu’elle t’accompagne alors que tu montes les marches avec une certaine précipitation.


La chambre était banale au possible, mais dès que j’y étais, je m’empressai de me libérer de ma cape noire. Enfin. Délivrance du froid, la chaleur pénétrait enfin ma peau et la réchauffait. Je n’avais que faire que Stella me voit pour ce que j’étais à présent, cicatrice, visage, sceau magique, dague. Peu m’importait, enfin j’avais un début de chaleur qui me parvenait. Mon souffle s’en fait presque plus appuyer tant cette absence m’avait pesé. Soupirant une dernière fois, je pris place sur le lit, une expression de soulagement sur mon visage.


« On sera bien plus tranquille ici… Tant mieux. »


Tu es bien naïve de croire que tes charmes, dont tu voues une aversion relativement prononcée, n’affecterait que les hommes. Ton visage est fin, tes yeux d’un violet proche d’une pierre de cristal, des formes que les abus n’ont pas endommagé, ce n’était même si elles avaient gagné depuis ton régime moins restreint. C’est d’un comique, des femmes tueraient pour ta beauté, et tu n’en veux point, le monde est bien cruel n’est-ce pas ?