Sujet: Comme un compte à rebours, qui sonne, qui sonne. Ven 12 Mai - 19:51
La patrouille revenait finalement à Mélior, après tout ce temps perdu en chevauchée vers Begnion. Certes, le bien-être des populations passait aussi par la présence d'un haut-gradé dans les campagnes, où la justice devait faire son office aussi bien que dans la capitale, pourtant Mysti ne cessait de penser à Sothe, à son sacrifice. Et tandis que les sorciers demeuraient impunis, au lieu de s'entraîner il se trouvait réduit à faire de longs détours.
Conscient de son impatience, Astero força un peu le retour, suivi par les autres chevaux et les soldats satisfaits de rentrer plus tôt que prévu pour souffler. Mysti s'occupa lui-même de sa monture, ainsi que de Fraise qu'il rejoignit un moment dans son pré. Les deux équidés s'entendaient bien et cela lui mettait un peu de baume au cœur dans cette période de troubles.
"Il faut que je me calme..."
Malgré tous ses efforts pour se contrôler, le mage sentait une sourde colère gronder en lui. La déception et l'impuissance de n'avoir rien fait, rien pu faire pour sauver le roi de Daein, tendaient à le rendre nerveux. Il se rendit dans les bureaux de renseignements de l'armée, où sur sa demande on compila les dernières informations sur Famine et sur War. Bien évidemment, on avait perdu trace de l'une comme de l'autre, peu de temps après les altercations auxquelles Mysti avait lui-même participé.
"Pour Peste je pourrais comprendre, sa capacité à masquer sa présence est incroyable, mais les deux autres... Comment peut-on disparaître en laissant une traînée de cadavres derrière soi, et avec une immense wyvern décharnée ? -Désolé général... Nous n'avons rien d'autre à nous mettre sous la dent nous non plus... Famine s'est probablement envolée, au sens propre du terme, et War... eh bien le désert est assez volatile... -Je craignais qu'on me réponde ceci. Continuez à faire de votre mieux."
Il encouragea ses pairs les plus proches d'une tape amicale sur l'épaule, puis quitta les bureaux en direction des aires d'entraînements. La nuit approchait et la plupart quittait les différentes salles mises à disposition des corps d'armées, mais on entendait encore ici et là le fracas d'une lame, le grincement d'un mannequin réduit en charpies par un sort ou le sifflement des flèches parcourir le vide. L'heure ne se prêtait pas à commencer une série d'exercices, aussi le chevalier passa-t-il observer les uns et les autres, comme un lion en cage n'attendant que l'occasion de se défouler. Lassé après une vingtaine de minutes, il rentra au palais, dans ses appartements, ne parvint pas à tenir suffisamment en place pour se dire qu'un bain lui ferait du bien. Il opta donc pour l'entretien de ses armures -d'apparat et de combat-, d'Iridescence, puis recommença à tourner. Son regard tomba alors sur l'étui de l'instrument dont il n'avait plus joué depuis quelques semaines : un violon qui l'accompagnait depuis que sa mère avait tenu à ce qu'il s'initiât à un art de son choix. La musique détendrait peut-être ses nerfs.
Avec des gestes sûrs et précautionneux, il s'empara du violon et l'accorda, puis se hasarda à aller s'installer sur le balcon malgré la fraîcheur des soirées d'hiver. Les rares passants et les gardes entendirent alors une musique lente et apaisante se répandre dans la rue au-dessus, quoique avec une ou deux fausses notes au début, le temps de reprendre l'habitude. Mysti se forçait à rester dans un rythme délassé, à promener son archet sur les cordes à la même vitesse que des flocons tombaient sur le sol. Il réalisa alors qu'il neigeait, mais le feu qui couvait en lui lui permettait de ne pas trop ressentir le froid. Une certaine langueur le calma alors et, même s'il savait qu'il aurait besoin de se dépenser le lendemain, il put enfin aller se reposer après une petite heure de jeu tranquille.
Sujet: Re: Comme un compte à rebours, qui sonne, qui sonne. Ven 2 Juin - 12:31
Ce n'était pas la lune qui baignait les rues de Mélior dans lesquelles il s'avançait, mais plutôt un soleil pâle, blafard même, aux rayons passés sous un filtre gris. Les rues d'ordinaire animées gardaient le silence, le bruit ambiant étouffé comme par de l'ouate. Pas après pas, le chevalier sentit son cœur se serrer. Face à lui se tenaient des figures connues, malheureusement : Griffin et Sothe, ainsi que des soldates et leurs pégases, et d'autres plus vieux encore. Il marchait au milieu d'eux sans s'arrêter, et chacun le regardait avec tristesse. Ô, comme ils auraient voulu vivre plus longtemps, dans le monde en paix qu'il tentait chaque jour de bâtir. Devant le palais, une main sur son épaule l'arrêta. Il ne se retourna pas mais sut instinctivement qu'il s'agissait de Yune. Si elle se trouvait là en personne, c'est qu'une chose terrible l'attendait. Néanmoins il ne s'arrêta pas longtemps, ne pouvait se le permettre.
"Vos morts ne seront pas vaines mes amis."
Apparus soudain autour, des villageois de Criméa, de Daein, de Begnion, des laguz, des Marqués. Ils pleuraient mais rayonnaient en même temps, ces vivants qu'il avait fait serment de protéger. Les poings serrés, Mysti avança, poussa les portes du palais. Ici, ténèbres et corruption suintaient des murs, et la lumière n'entrait que via le faible halo des torches suspendues sur les côtés. Il parcourut le trajet familier jusqu'aux trônes d'Elincia et Geoffrey, mais ce ne fut pas eux qu'il vit. Sortant de l'ombre, il vit les traîtres de War, son sourire hideux plein de défi. Elle occupait la place de sa reine. Il se mit à craindre alors... A son côté, en lieu et place du général principal des armées, le rictus de Peste, son rire arrogant.
"Voilà le cancrelat qui nous divertit. -Le tuerons-nous aujourd'hui ? -Pas encore, pas encore... Il doit d'abord perdre ceux qu'il aime. -Lui, et tous les souverains. Vous devez tout perdre. -Vous perdrez tout."
Tétanisé, livide, il vit des "chiens" s'avancer depuis l'arrière des trônes, leurs corps atrocement détériorés par la maladie. De véritables morts ambulants. War pointa une alcôve du doigt, dans l'ombre. Le général suivit son mouvement et tourna la tête. Soudain un nouveau flambeau s'illumina, et il vit Isaak entre les mâchoires de la wyvern décharnée, Blaze au sol, au bout de la lance sarcophage de Famine, et la sorcière qui se délectait de sa souffrance. Elle retira son arme, la pointe ensanglantée, et la pointa alors vers Mysti.
"Tu seras le prochain !"
Paralysé, le Criméan la vit lever sa lance, la projeter dans sa direction.
"NON !"
Il se redressa violemment, ferma les yeux à cause de la soudaine lumière. En nage, il prit le temps de récupérer son souffle avant de se calmer. Le petit jour filtrait à travers les rideaux de sa chambre, où aucune sorcière ne l'attendait. Par réflexe, il passa les doigts sur la fine ligne qui constituait le dernier souvenir laissé par Famine sur son flanc, puis l'autre à son épaule de la part de Peste.
"Calme-toi mon grand... Cela n'arrivera plus. Tu te battras pour que cela n'arrive plus."
Il demeura encore un moment entre les draps, puis se résolut à aller se raser, faire sa toilette et s'habiller. Toutefois, la tension dans ses muscles ne voulut pas se dissiper. Il revoyait encore ses amis, les uns tombés au combat et si tristes, les autres souffrant par sa faute aux mains des créatures. Tentant de renouveler la thérapie de la veille, il s'empara de son violon et songea qu'il valait mieux laisser son état d'esprit jouer que de réfléchir à un véritable morceau...
Si le début annonçait un relâchement de ses idées noires, il ne tarda pas à s'activer sur ses cordes de manière rapide et tendue. En contrebas les habitants applaudirent sa maîtrise de l'instrument et la vivacité avec laquelle il pinçait les cordes, mais Mysti n'avait nulle joie à les entendre ainsi l'encourager. Il revoyait les images de son cauchemar, ce sinistre futur qu'il devait à tout prix éviter. Réalisant qu'il ne faisait que se rendre plus anxieux encore, il finit par cesser la musique et se rendit à la caserne avec Iridescence. Un moyen bien plus simple pour ne plus penser aux responsabilités immenses qui pesaient sur ses épaules consistait à les combattre, au sens figuré mais un peu aussi au sens propre. Plutôt que de se rendre sur l'aire d'entraînement réservée aux mages, il s'invita dans les salles d'exercice des bretteurs, où le fracas des épées lui rappela qu'il avait des camarades, et que cela faisait un bon moment qu'il n'avait croisé avec eux.
Sujet: Re: Comme un compte à rebours, qui sonne, qui sonne. Jeu 13 Juil - 17:18
Le lieu sentait la sueur des combattants, hommes et femmes en plein exercice. On pouvait voir la majorité à l'épée de bois, répéter les gestes essentiels pour une bonne parade, un coup d'estoc, une percée en taille. Sur des mannequins ou en duel, l'atmosphère était à la pratique de l'art du fer, parfois pour oublier celui du sang. Dans un coin, un groupe plus aguerri, ou du moins plus audacieux, troquait armes de bois contre tranchants réels. Des tabards colorés différenciaient les novices des vétérans, afin de ne pas se risquer à ferrailler contre trop fort ou trop faible sans maîtriser sa force. Lucia, en officier exemplaire, servait de cible à un soldat maladroit. Ce fut vers ce groupe d'épéistes que se dirigea Mysti, Iridescence attirant irrémédiablement quelques regards sur son passage. Le temps d'un échauffement, de jeunes loups en quête de défi s'approchèrent du général. Le plus hardi se détacha de ses compagnons et dégaina une épée fer flambant neuve.
"Le général des mages serait-il trompé de salle, ou vient-il se mesurer à ses compatriotes ? On dit de vous que vous aimez participer à tous les sports indépendamment de votre niveau de compétences, mais que vous excellez à l'épée bien plus que vos semblables érudits ! Un petit duel ?"
La remarque ne tomba pas chez les sourds, entraînant chez les vétérans alentours quelques rires et des sifflements impressionnés par le culot du challenger. Plusieurs duels s'interrompirent dans le seul but d'entendre la réponse du haut gradé. Dans son armure de cuir, Mysti semblait fortement désavantagé par rapport aux habitués des armures lourdes, mais son regard ne s'en fit pas moins mordant. D'un geste d'une exquise lenteur qui laissa frissonner les quelques spectateurs amassés autour, il sortit la lame de verre ensorcelé de son fourreau, la seule idée de penser à autre chose que les sorciers balayant toutes les autres.
"L'intuition est bonne mais la forme déplorable ! Il n'est pas bien difficile "d'exceller" dans un domaine qu'un autre ne pratique absolument pas. Avant d'aller narguer mes hommes, va donc te placer devant un tome et maîtriser la magie qu'il recèle. Si tu y parviens, alors tu pourras plaisanter sur les mages. Mais en attendant puisque tu as l'air de vouloir te battre et dépenser ta jeune énergie, je vais rabattre ton caquet et te montrer de quoi peut être capable un mage qui a déjà manié une lame. En outre, tu es un soldat et je suis un général. Si je gagne, tu auras droit à une corvée pour avoir mis en doute les capacités de ton supérieur. Si je perds, je recommanderai à Geoffrey d'étudier tes aptitudes d'un peu plus près. Après tout, un simple novice contre un haut gradé..."
La provocation fit son petit effet et le bretteur fit aussitôt signe à ses acolytes de s'écarter pour pouvoir se mettre en garde à son aise. Grisé par la promesse de pouvoir glisser son nom dans les petits papiers du roi, il en oublia presque de fermer sa garde lorsque Mysti engagea la première approche. Il mesura le sérieux du mage lorsque celui-ci feinta et manqua de peu de le désarmer dès le deuxième mouvement. Le général restaura une distance d'intimidation entre eux, quelques pas seulement, puis attendit immobile une attaque, là où le bretteur trépignait sur ses deux pieds, guettant la moindre action. Après quelques secondes à se regarder en chiens de faïences, le mage décida de le pousser un peu plus et fit mine de baisser complètement sa garde.
"Alors quoi ? Tu n'essaies pas de gagner des points ? Montre-moi ce que tu sais faire ! -Grr... Vous allez voir !"
La riposte ne se fit guerre attendre, mais cette fois le simple soldat eut à peine comprendre le mouvement de son adversaire, quand il vit son épée sauter de sa main et la lame de verre saillir contre sa joue. Un éclat de métal au sol et des applaudissements sonnèrent la fin du duel, tandis que Mysti relâchait sa victime avec un sourire bienveillant.
"Il va falloir travailler plus mon grand. Allez, qui d'autre ? Venez, chacun de vous, formez une file et nous verrons lequel de nos jeunes peut tenir tête à un général mage !"
Une vague d'enthousiasme se répandit dans la salle comme un éclair. Le cercle des soldats novices s'agrandissait à toute vitesse pendant qu'Iridescence se chargeait de mettre en évidence au moins une faille importante chez son opposant, avant de le congédier du bout du bras. L'entraînement se mua bientôt en tournoi miniature, et des bretteurs plus expérimentés rejoignirent la file. Les niveaux s'équilibrèrent rapidement, et Mysti se mit à perdre une fois, puis deux, puis une fois sur deux, les conditions de victoire variant du cercle tracé au sol à ne pas dépasser, à la suppression temporaire d'un bras ou d'une partie du corps à ne pas viser. Tant qu'il s'agissait de jouer sur la vitesse ou l'agilité, il conservait un relatif avantage, grâce à cette armure légère qui garantissait sa mobilité, mais les épreuves de force pure l'acculaient presque à chaque fois. Malgré tout, il ne demanda aucune pause, exhortant toujours plus ses adversaires à enchaîner les coups, sous le regard circonspect de Lucia qui connaissait trop son ami pour ignorer qu'une raison l'y poussait. Son endurance intimida certains, sa fatigue encouragea les autres. Au bout d'une heure de cet exercice difficile et acharné, tremblant d'épuisement mais refusant de lâcher sa lame ensorcelée, Mysti prit un air beaucoup plus féroce. Une flamme naquit alors dans la lame de verre et il se tourna vers les vétérans en reprenant son souffle.
"Allez ! A vous de prouver ce que peut faire l'élite de l'infanterie de Criméa ! -Mais général vous êtes... -Pas d'excuse ! Venez et battez-vous ! Je suis là pour devenir un meilleur bretteur moi aussi !"
La fine fleur des épéistes Criméans hésita, et ce fut une femme qui brisa les rangs en réponse à l'invitation. Les lames sifflèrent l'une contre l'autre, Iridescence laissant parfois des braises dans son sillage, illuminée de l'intérieur. La victoire de l'experte fut sans appel, nette et rapide, la pointe de son épée ayant entaillé la joue d'un général au sol. Néanmoins, il se releva une fois encore, demanda un nouvel adversaire. A partir de là, accroché à sa garde comme au fil de sa vie, il ne gagna plus un seul duel, plus une seule passe d'armes, pourtant il continua. Déterminé à pousser son corps à ses limites, il n'écoutait même plus les propositions d'eau fraîche, de temps morts, obsédé par la seule idée de se battre contre ces fantômes qui le hantaient.
"Mysti, assez ! Tu te fais du mal pour rien !"
Il ignorait depuis combien de temps Famine, War et Peste avaient remplacé les combattants face à lui, depuis combien de temps les flammes accompagnaient ses mouvements et qui le mettait en déroute, mais cette voix brisa la concentration rigoureuse qu'il s'imposait. Il détourna la tête une fraction de seconde dans sa direction, vit les rangs s'écarter sur le passage du guérisseur alors que son image se troublait.
Iridescence quitta enfin sa paume moite pour se retrouver projetée à plusieurs mètres, tandis que le bretteur responsable de l'exploit dut retenir tous ses muscles au dernier moment et stopper sa lame au-dessus de son corps évanoui. Une ovation précéda l'inquiétude sur les visages compétitifs, et alors Azelian dispersa d'un ton ferme les curieux.
*
La fraîcheur d'un linge mouillé sur son visage et dans son cou ranima peu à peu le Criméan, qui se sentait comme s'il avait bouilli au bain-marie. Le visage de deux bretteurs et de son ami installé à Begnion l'accueillirent avec soulagement, puis Azelian leur fit signe qu'ils pouvaient partir.
"Ruiner ta santé ne fera pas partir tes démons mon ami... Comment tu te sens ? -Mieux... Tout était blanc, et il n'y avait pas une seule voix. C'est bien plus reposant de cette manière. -Reposant... Est-ce que tu t'écoutes ? -Quelle heure est-il ? -Un peu plus de midi. Tu es à l'infirmerie où un repas chaud et plein de vitamines t'attend. Et ce soir, tu as intérêt à passer par les masseurs. Non seulement cela t'évitera de vilaines courbatures, mais je te garantis que tu dormiras bien mieux qu'étendu sur le sol d'une salle d'armes ! Ce n'est bien sûr pas négociable. -Comment négocier avec un médecin ? Et d'ailleurs, qu'est-ce que tu fais là ? -Je suis à Criméa depuis plusieurs jours. Dès que j'ai appris pour le roi Sothe -que son âme repose en paix. Je savais que je n'aurais pas le temps de te rejoindre à Nevassa, alors j'ai entrepris de venir directement à Criméa quand j'ai entendu la nouvelle. Je suis revenu un peu avant toi, et de ce fait voilà quelques jours que je suis en ville. J'en ai profité pour proposer mes services ici et là, et j'allais justement te rendre visite, quand dame Lucia m'a interpelé pour me dire que tu jouais les durs à cuire. Tu as encore effleuré la mort de trop près, hein ?"
Le chevalier détourna le regard le plafond un moment, la gorge nouée. Il ferma les yeux au contact du longe mouillé qui vint lui rafraîchir le front une fois de plus.
"Nous n'avons absolument rien pu faire... Encore l'un d'eux Azelian... Encore un sorcier. Ou du moins si ce n'en était pas un, un maître assassin qui maniait parfaitement les poisons. Il a abattu tous ceux qui ont touché au banquet, puis il s'est attaqué à Micaiah malgré toute la garde et la présence des autres souverains. Sothe a été le seul assez vif pour la protéger, et il l'a payé... -Et tu t'en veux de n'avoir pas pu faire plus ? Qu'est-ce que tu espérais exactement, mourir à la place de Sothe ? Le fait est que même nos plus grands héros doivent faire attention ! Ce n'est pas toi, tout général que tu es, qui as le pouvoir de les arrêter, même si c'est fort malheureux. -C'est pour cela que je dois m'entraîner dur ! Plus dur que n'importe lequel de ces soldats ! Je dois, je veux protéger Elincia et Geoffrey ! Pas pour me sacrifier, mais faire obstacle à ces sorciers coûte que coûte ! Quelqu'un doit les arrêter. Il le faut. -Je comprends ce que tu ressens. J'éprouve... la même fidélité envers toi. Mais... ce que tu as fait tout à l'heure, ce n'était pas un entraînement. -Je le sais. Mes nerfs ont lâché... Je suis désolé de t'inquiéter pour cela. -Au moins tu t'en rends compte, ton cas n'est pas irrécupérable !"
Un sourire complice étira leurs lèvres en même temps, et Azelian fit mine d'ébouriffer la longue crinière de son ami, avant de lui tendre le repas qui tiédissait sur la table de chevet.
Sujet: Re: Comme un compte à rebours, qui sonne, qui sonne. Lun 21 Aoû - 14:04
A force de réprimandes, le Begnionnais finit par obtenir de Mysti qu'il alternât pour sa période d'entraînement des matinées d'exercices à l'épée pendant lesquelles il s'astreindrait à effectuer de longues pauses, et des après-midis dédiées uniquement à la méditation et la magie. De cette façon, il renforcerait tant son corps que sa puissance et sa résistance, sans pousser ses limites au-delà du raisonnable. Azelian n'avait pas mâché ses mots mais il savait le général assez sage pour comprendre qu'il agissait dans son intérêt, et assez honnête pour lui avouer tout écart qu'il pourrait commettre, involontairement ou non.
Ainsi, pour lui tenir compagnie le restant de la journée, le guérisseur avait apporté de quoi lire et s'occuper pendant que le mage restait résolument assis en tailleur, à capter les énergies autour et en lui. Ils se trouvaient dans un espace vert prévu au sein de la caserne pour le repos des soldats, souvent utilisé par les mages de toutes natures au point que les guerriers évitaient d'y élever la voix ou de se donner en spectacle pour ne pas déranger. On y faisait aussi paître les chevaux et les pégases quand on ne les soignait pas dans les écuries ou qu'on ne partait pas en promenade avec.
Un redoux avait fait fondre la neige de la veille, mais le guérisseur jugea tout de même opportun de glisser une cape chaude sur les épaules de Mysti après de longues minutes à le scruter en silence.
"As-tu parlé aux rescapés de Famine ? -AH ! Tu m'as fait peur, je te croyais absorbé dans ton exercice ! -Je suis capable maintenant de communiquer tout en me concentrant sur les flux. -D'accord... Pour te répondre, oui. Il semble que ton intervention dans la salle Liberté ait eu beaucoup d'impact. Ils y sont tous retournés, y compris la cavalière qui n'avait pas voulu quitter sa chambre. Mais le plus surprenant de mon point de vue était le major... Il a... Hum... C'est difficile à décrire. Il s'est mis à peindre, à dessiner. Il ne disait rien de particulier pendant des heures, mais il a mis en couleur de nombreuses productions. Des paysages de neige, des montagnes, parfois d'une manière infantile, avec des hommes-bâtons et des formes simplistes, parfois d'un trait véritablement époustouflant. Quand il en a eu assez, il a décoré toute la salle avec, au point que parfois des soldats venaient simplement pour regarder. Et je l'ai vu plusieurs fois regarder sur les tableaux d'affectation des salles, on dirait qu'il attend quelque chose. -La journée neige... -Pardon ? -Je lui ai proposé d'organiser une journée neige, pendant laquelle la population et l'armée seraient invités à se détendre, une fois que les mages auraient fait pleuvoir la neige. Avec les événements à Daein, je n'ai pas eu le temps de m'en préoccuper. -Je comprends mieux, il est affilié à la glace... Dans ce cas laisse-moi faire. La semaine prochaine, tout sera prêt et avec l'hiver, d'autant plus facile. Concentre-toi sur ton entraînement pendant que tu as du temps libre. Si c'est pour le moral de l'armée et du peuple, je me débrouillerai pour obtenir toutes les autorisations nécessaires. -Vraiment ? -Puisque je te le propose ! Mais en échange, je ne veux pas entendre parler une seule fois d'un général qui aurait trop tiré sur la corde. Tu penses pouvoir faire cela ? -Promis."
Sortant de sa méditation, Mysti adressa un sourire au médecin, réciproquement. Ils rentrèrent se réchauffer à l'intérieur, tandis qu'au-dehors, derrière un buisson enneigé, un officier souriait. Le général n'oubliait donc pas ses promesses, même si elles mettaient parfois du temps à devenir concrètes. Et pouvait-on l'en blâmer, lui qui parcourait Tellius et rencontrait les plus grandes difficultés pour assurer son soutien et celui de Criméa par extension aux autres nations ?
Le soir venu, c'est un Mysti épuisé -et apaisé- qui se présentait après une bonne douche dans le salon de massage. La plupart des hommes qui n'étaient pas de garde vidaient les lieux et le soleil se couchait patiemment mais le général tenait son engagement auprès d'Azelian, quitte à être le dernier arrivé. Dans la pièce baignée aux senteurs d'huiles de tous horizons, deux tables accueillaient les braves de l'armée criméane en continu. L'une d'elle se trouvait déjà occupée par l'officier dont il avait été question dans la journée, savamment manipulé par un soldat à la retraite, aux mains fermes réputées dans toute la caserne. Ce dernier afficha un grand sourire et désigna l'autre table d'un signe de tête, où une jeune femme remplaçait le drap qui garantissait la bonne hygiène.
"Bien le bonsoir général ! J'ai encore entendu parler de vous aujourd'hui. Tous les petits jeunots bretteurs se sont mordus les doigts de vous avoir défié à la légère, les pauvres se sont plaints des fausses rumeurs circulant sur les adeptes de la magie ! Voilà qui devrait leur apprendre à peser les informations qu'ils entendent ! HA HA HA ! Mais je vous en prie, prenez place. -En théorie, ces rumeurs ne sont pas totalement infondées. Nous autres mages ne sommes pas bien aguerris à l'épée ou aux armes blanches, surtout ceux qui viennent du petit peuple. Mais j'aime à rappeler par moments qu'il n'est guère bon de se fier aux idées préconçues. -Privilège de la noblesse ! Vous auriez bien tort de ne pas en profiter cela dit, cela nous fait de l'animation quand on reste enfermés toute la journée à soulager ces bougres, HA HA HA HA !"
Tout en parlant, le chevalier s'était dirigé vers la table libre, une serviette nouée autour des hanches pour cacher ce qui devait l'être, tandis que la jeune femme restait pétrifiée à le regarder. Captant son malaise, l'officier sur la table proche sourit et le masseur claqua des doigts pour la rappeler.
"Allez Kaya, on se réveille ! Le général va pas se masser tout seul ! -O-Oui. Le gé... général... En-Enchantée... -Prends l'huile relaxante pour lui, il en a déjà assez fait sans qu'on l'encourage à ne pas dormir cette nuit."
Elle vira au rouge pivoine et s'exécuta avec raideur, tandis que Mysti allongé interrogeait le professionnel du regard.
"Vous en faites pas, c'est mon apprentie. Elle est jeune et manque d'expérience, mais ses doigts sont exquis. Et c'est pas tous les jours qu'on voit débarquer une des plus hautes autorités de l'armée faut dire. Je vous vois pas assez souvent ces temps-ci messire, je vous soupçonne de prendre de mauvaises habitudes ! Azelian m'a suffisamment réprimandé pour qu'on s'occupe de vous, va falloir que je vous surveille dites. -Laissez-le donc tranquille. Si vous aviez la moindre idée de tout ce qu'il accomplit entre deux passages..."
Le major adressa un regard explicitement reconnaissant, conscient que Mysti avait engagé la conversation plus tôt sur la journée neige en sentant sa présence dans les jardins. Ce petit secret resterait entre eux. La jeune femme se reprit, les entendre simplement bavarder la rassurait, malgré l'importance de son patient. Prête à commencer, elle s'enduisait les mains d'huile et écarta la longue crinière de cheveux châtains, pour mieux découvrir le stigmate qui barrait le côté droit du dos du général.
"Ouaw... cette cicatrice... -Un problème ? -Je... non, désolée... Puis-je masser dessus ? -Elle n'est plus douloureuse du tout si c'est votre question. Vous pouvez y aller franchement. -D'accord... Il paraît... Enfin, j'ai entendu dire... Elle a été causée par de la magie noire... ? C'est vrai ? -Oui. Un mauvais sort qui a ricoché et m'a privé de l'usage courant de mon bras droit plusieurs années. -Mais si on croit ce qu'on a entendu cette après-midi, intervint l'homme rugueux à la table voisine, vous avez fort bien recouvré ! HA HA HA ! Les jeunots ont dû croire que votre rétablissement était un mythe !"
Des doigts très fins se posèrent sur la peau marquée du chevalier. Selon la procédure habituelle, elle commença par de simples caresses pour l'habituer au contact et à la température de sa peau, puis entama méthodiquement le délassement de ses muscles en suivant la colonne vertébrale. Un silence de quelques minutes s'installa, l'atmosphère s'imprégnant de la concentration des deux masseurs et de la somnolence des soldats. Le maître des lieux reprit reprit la parole et détourna la conversation sur mille et un ragots, tantôt à l'adresse du major, tantôt avec son apprentie, afin que Mysti pût profiter sans avoir à raconter encore toute son histoire. Il intervenait par moments, glissait une plaisanterie simple, ce qui permit à la jeune praticienne de ne pas se sentir jugée sur sa maîtrise parfois approximative. Au bout d'un moment, une question fusa, sans réponse. Le major arrivait au bout de sa séance et se levait, son masseur s'essuyait les mains tout en commençant à nettoyer son plan de travail. De concert les deux hommes se tournèrent vers la source du silence, et l'apprentie cessa ses mouvements pour lever les yeux.
"Ah, il a fini par s'endormir... -Je crois que tu n'as plus à avoir peur Kaya : quand un homme s'assoupit sous tes doigts, c'est que tu l'as parfaitement détendu. -Mais je... Ce n'était pas volontaire... Est-ce que je dois le réveiller ? Il va être l'heure de tout éteindre... Qu'est-ce que je fais ? Le règlement dit que... -Laissez-le. Le règlement mentionne qu'un soldat ne doit pas monopoliser la salle, mais il n'y a personne qui viendra derrière lui pour ce soir, et il a grandement besoin de sommeil. Allez-vous priver un général de son repos, quand il revient d'un voyage où on l'a durement éprouvé ? -Non... Vous êtes sûr ? Je ne voudrais pas qu'on nous accuse ensuite de... -J'en prends la responsabilité. Terminez votre massage, laissez-le se reposer, et ne le réveillez que lorsque vous n'aurez plus d'autre choix pour pouvoir fermer. -Ça c'est bien dit major ! HA HA ! Voilà pourquoi j'aime travailler dans cette armée !"
L'intéressé se contenta de hocher la tête, avant de tourner les talons, un petit sourire aux lèvres.
Sujet: Re: Comme un compte à rebours, qui sonne, qui sonne. Jeu 28 Sep - 17:07
"Le périmètre de sécurité ? -La place devant le palais est bien réquisitionnée et les résidents sont prévenus. -Les patrouilles ? -Prévues et régulièrement relevées. -Le banquet de plein air ? Les boissons ? Les villages voisins ont-ils bien reçu l'invitation ? -Ne t'en fais pas, j'ai tout vérifié dix fois. Cette journée ne peut que bien se passer, d'accord ? Nous sommes là pour fêter l'hiver et effacer autant que possible les récent événements. Cela vaut aussi pour toi ! -Excuse-moi... Je m'en voudrais que quelque chose tourne mal maintenant. -Viens ici, je vais te détendre les épaules. Dans une dizaine de minutes, tu feras partie de la fête toi aussi, alors tâche un peu de donner l'exemple et de ne penser qu'à divertir ceux qui seront là d'accord ? -Je sais..."
La nuit retirait doucement son manteau au-dessus de Mélior tandis que la ville fourmillait déjà d'impatience pour le lancement de la journée neige. Le guérisseur avait joué habilement de son influence pour convier toute la capitale aux réjouissances, et faire de ce moment quelque chose de suffisamment exceptionnel au vu des circonstances. Un sourire amusé le gagna et ne voulut plus quitter son visage en sentant les crispations du général sous ses doigts, puis en scrutant l'éclat dans son regard qui promettait l'émerveillement à tous.
Les premières lueurs de l'aube étaient réservées à Elincia et Geoffrey pour une allocution publique, invitant la population à partager ce moment volé au temps. Du début à la fin de la journée, la neige serait reine.
Le signal fut donné, et alors Mysti, à la lueur d'une bougie, murmura la toute première incantation. Face à lui, un autre mage de feu, parfaitement synchronisé, exécutait la même manœuvre. Les flambeaux à leur côté s'allumèrent, instaurant un silence curieux parmi une innombrable foule rassemblée dans les rues et sur la place principale de la ville. Le couple royal entra en scène tandis que les flambeaux s'embrasaient successivement. Réglés comme du papier à musique, les annonces accompagnèrent les flammes, puis le premier rayon de soleil perça à l'horizon.
Des applaudissements s'élevèrent, suite à quoi Mysti donna le signal aux différents mages longue distance placés sur les toits. Une dizaine de lumières glacées s'élevèrent vers le ciel, avant d'exploser en une multitude d'éclats de glace, bientôt refroidis et changés en neige par des traînées de flamme suivant le même parcours. Il avait fallu recourir à des spécialistes des magies associées pour obtenir très exactement le bon dosage de feu et de glace afin de créer une belle neige.
Avant midi, Mélior se retrouva couverte d'un blanc duveteux et léger, dans lequel les enfants s'allongeaient pour dessiner des anges. Des batailles éclataient partout, opposant même les plus hauts gradés de l'armée aux civils ou à leurs hommes, dans une cacophonie de tous les diables. A différents endroits stratégiques, le général et son ami avaient également organisé des ateliers ou des activités pour tout un chacun : chorales, jeux d'adresse, "affrontements" neigeux entre équipes, patinage, sculpture de glace ou de neige, méditations collectives grâce à l'aide des clercs, promenades en poney, cheval voire pégase, danses, et même un jeu d'échecs grandeur nature où les pièces étaient remplacées par des équipes bien en chair et en os. Un tournoi en lice se tiendrait l'après-midi, auquel seuls des chevaliers pouvaient concourir, afin d'offrir un spectacle magnifique.
Il y avait bien des mécontents pour se plaindre du froid, du bruit, de l'insouciance des jeunes âmes, mais un gobelet de vin chaud et de la patience finissaient par en venir à bout. Le banquet du midi y ajouta, offert sur une partie des réserves du palais et avec le soutien de villages alentours dont les habitants s'invitaient de bon cœur. Non, Famine ne vaincrait pas le bonheur de vivre des Criméans, pas plus que le deuil de Daein.
Pour l'occasion, le couple De Méline faisait le déplacement depuis leur duché pour participer aux festivités. Mysti s'abandonna complètement à la bonne humeur générale quand il put enfin serrer sa mère dans ses bras, et recevoir l'accolade de son père descendant de leur diligence. Azelian leur laissa quelques minutes entre eux avant de se joindre au groupe, et lancer un regard malicieux vers son ami.
"Tu as une idée derrière la tête... -Tout juste ! L'un des plateaux d'échecs vient de se libérer et on y cherche des joueurs. Jouons une partie, démontre donc tes talents de stratège ! Je te défie, comme autrefois. -Ma foi... pourquoi pas. -Dans ce cas, je me joindrais bien volontiers à vous. Les pièces sont des beorcs non ?"
Mysti et Azelian se retrouvèrent tous deux rois, avec leur cohorte d'enfants-pions (question de taille pour faciliter la lisibilité du jeu et permettre aux plus jeunes de participer), et leurs alliés de circonstances. La mère de Mysti fut cordialement invitée à occuper le siège de Dame près de son fils, tandis que son père se joignait à l'équipe adverse en tant que Tour. Le match fut ardu, chacun défendant bec et ongles ses troupes sans qu'aucun des deux ne parvînt à prendre l'avantage. Mysti excellait dans l'utilisation des Cavaliers, là où Azelian jouait de ses Fous comme d'un orchestre. Le général se prit tant au jeu qu'il commença à imaginer une bataille réelle, où chaque pièce constituait une unité qu'il fallait ramener en vie. Il ouvrit les hostilités en perçant la muraille défensive de son ami, prenant trois pions d'affilée. Cependant, habitué à jouer depuis des années avec le mage, Azelian ne se laissa pas déposséder sans réagir et renversa la tendance en exterminant Cavalier puis Fou méthodiquement. L'avantage restait à Mysti, mais le comte lui faisait payer les mouvements un peu trop audacieux. Après une bonne heure d'un duel de méninges difficile, la moitié des "pièces" avaient quitté le plateau. Le guérisseur se savait condamné, et devinait que Mysti le savait aussi, pourtant un sourire se dessina sur son visage.
"Bien, nous y sommes presque. Je dois avouer que tu n'as rien perdu à ce jeu... mais il y a maintenant une leçon à tirer de cette partie. -Ah oui ? Celle de ne pas mettre en doute mes Cavaliers ? -Certes, mais réfléchis bien. Réfléchis au sacrifice que tu vas faire pour emporter la victoire. Tour en D3 !"
La "Tour" s'avança -un marchand de tapis qui venait de comprendre qu'il se trouvait dans l'équipe sur le point de perdre. Il ne restait alors que deux coups à jouer : Mysti envoyait sa mère prendre la Tour, avant d'être elle-même terrassée par Azelian. Se faisant, ce dernier plongeait en échec et mat face au dernier Cavalier debout : celui du général. Pourtant, le visage de Mysti se décomposa. Si le guérisseur jouait pour le plaisir, ses derniers mots indiquaient quelque chose de plus profond que beaucoup autour ne prirent que comme une pique. Pour lui, général de toute une armée, chaque pièce comptait, mais celle-là plus encore.
"Tu l'as fait intentionnellement..."
Azelian croisa les bras, un sourire de défi aux lèvres, puis opina en silence. Voyant qu'un silence un peu gêné s'installait, des spectateurs et certaines "pièces" hors jeu encouragèrent le général à mettre fin à la partie tout en éclats. Malgré sa victoire imminente, Mysti venait de prendre un sérieux coup à l'orgueil, l'unique choix possible pour la victoire signifiant qu'il devait sacrifier sa propre mère. Évidemment il ne s'agissait que d'un jeu, mais en situation réelle...
"Que cela ne t'empêche pas de parvenir à ton objectif, Mysti. Cela pouvait arriver à tout moment, et il est préférable que je te permette de remporter la partie plutôt que tu me sauves. -Je préfèrerais échanger ma place plutôt que d'avoir à jamais faire ce choix, Mère... -Non. Criméa, son peuple et sa survie passent avant moi seule. Je suis peut-être une Dame ici, mais je fais moi aussi partie de ce que tu dois protéger. Dans sa globalité. -Elle a raison, Fils, lança le père de Mysti à l'autre bout du plateau. Il y a des combats qui exigent des sacrifices plus grands qu'on ne le voudrait, plus grands qu'on pense pouvoir le supporter. Ce n'est jamais agréable de se retrouver dans une telle position, mais c'est parfois nécessaire. Et maintenant, veux-tu bien épargner le froid à ces pauvres gens qui n'attendent que le dénouement pour aller se resservir du vin chaud ? -Humph... Dame prend Tour en D3 !"
La duchesse releva les pans de sa robe et avança faire face à la Tour, puis lui effleura l'épaule comme "bataille" avant de le voir sortir. Azelian, jouant de la situation, prit la main de la belle femme et la porta à ses lèvres en un baisemain galant.
"Roi prend Dame en D3. Merci de votre soutien Dame Alysande. -Tu es un joueur remarquable, malgré ta défaite. -Échec et mat ! Le roi Azelian ne peut plus se déplacer, et il est menacé par mon Cavalier. Merci à tous pour votre participation."
Une volée d'applaudissements et de rires résonna pendant que les équipes quittaient le plateau. Le guérisseur rejoignit Mysti, conscient d'avoir été plutôt cruel sur ce dernier coup.
"Tu avais raison dans le fond mais... Ah, cela n'a pas d'importance. Il va falloir que je m'entraîne plus durement pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise. -En tout cas, ce fut une partie comme j'en dispute peu ! Aker est encore loin d'avoir ton niveau, je ne m'amuse pas autant contre elle. Ne lui dis rien, mais parfois je fais exprès de perdre pour qu'elle évite de se décourager."
Un sourire étira le visage du mage, agrandi par le gloussement discret de sa douce mère. Le quatuor se dirigea alors vers le banquet de plein air, afin d'avoir le temps d'assister au tournoi de l'après-midi.
Sujet: Re: Comme un compte à rebours, qui sonne, qui sonne. Dim 5 Nov - 14:13
La lice était pleine à craquer, au point que même les rangées de sièges supplémentaires prévues pour l'affluence ne suffisaient pas pour permettre à tout le monde de s'entasser. En derniers recours, on disposa des couvertures sur le sol comme des nappes de pique-nique. Les conversations allaient bon train et on parlait des participants à l'événement avec impatience : leurs noms demeurés secrets pour l'heure, on savait qu'il s'agissait uniquement de chevaliers en titre, des nobles plus ou moins connus, pas forcément intégrés à l'armée.
Quand enfin un héraut joua de sa trompette pour attirer l'attention, le bruit diminua drastiquement et les regards convergèrent vers le centre de l'aire d'affrontement. Il suspendit l'instrument à son côté puis déplia un parchemin qu'il se mit à lire en élevant la voix, présentant les vœux d'amusement de la famille royale, les règles et autres formalités administratives que l'on n'écouta plus que d'une oreille.
Enfin, le premier cavalier se présenta et entama sa marche au pas sur le sol de terre humide de neige. Les enfants s'enthousiasmèrent devant sa lourde armure, sa lance de tournoi et le panache flottant au-dessus de sa tête, son visage casqué ne permettant pas de l'identifier pour le moment. Comme le voulait la tradition, il avança jusque devant une dame dans les tribunes, ôta son casque et lui dédia ses combats. Des applaudissements accueillirent l'initiative, pendant qu'un nouveau cavalier se présentait et suivait le même parcours vers une autre dame. Des murmures circulèrent alors sur la participation du roi lorsqu'on s'aperçut que Geoffrey ne se trouvait pas aux côtés d'Elincia à la tribune d'honneur.
"Azelian, tu nous avais caché que Mysti participait... -Je ne vois pas de quoi vous parlez. -Allons, il organise, il serait déjà là s'il ne faisait pas partie des concurrents. -Le règlement impose que je ne divulgue pas ce que je sais ! -Là ! Il arrive ! Je reconnais Astero et ses cheveux qui dépassent."
La foule retint son souffle en voyant le cheval noir se diriger vers Elincia, son cavalier lui adresser un signe de tête, puis repartir quelques pas plus loin pour stopper devant la famille ducale. Mysti retira alors son heaume et leva sa lance en direction de sa mère. Comme pour les autres, des applaudissements retentirent, mais cette fois l'armée joignit sa voix au public et l'ovation se changea en vacarme assourdissant. Le même phénomène se produisit lorsque, dernier à paraître, Geoffrey alla dédier ses combats à la reine.
Les 16 chevaliers se livrèrent ensuite à un simple tour de parade, pendant que le héraut détaillait la répartition des 8 premiers duels éliminatoires. Ceux ne prenant pas part au premier duel se retirèrent, puis les hostilités purent commencer. En coulisse, les chevaliers entendaient uniquement la liesse du public et certains commentaires plus enthousiastes que de raison des hérauts chargés d'entretenir l'ambiance déjà survoltées.
Le cinquième duel opposait Mysti à un seigneur de petite noblesse, réputé pour posséder plusieurs frégates et un certain nombre de navires de pêche tout le long de la côte. Le petit nombre de ses supporters hurla de tout son souffle pour faire entendre sa voix au milieu de la cohue militaire et civile en faveur du général, ce qui eut le don de faire sourire ce dernier.
Le mage se sentait à l'étroit et grandement alourdi par l'armure intégrale qu'exigeait le tournoi par mesure de sécurité. Il se félicita d'avoir malgré tout conservé Astero plutôt qu'une monture plus forte pour concourir, car l'étalon répondait au moindre de ses mouvements comme il le lui avait appris, et il comptait se servir de cet avantage.
Les deux hommes se positionnèrent, puis le héraut donna le signal. Les chevaux avancèrent d'abord au pas, puis au trot, et enfin accélèrent un grand coup. La lourde lance de Mysti ne rencontra que le vide, proche du flanc de son adversaire, quand celui-ci ripa sur le bouclier accroché à son bras.
*Plus haut et plus à droite...*
Au deuxième essai, la lance de Mysti cassa sur le bouclier adverse, et celui-ci chancela trop pour placer correctement son coup. Le silence guettait la troisième et dernière passe d'armes, qui déciderait en principe du vainqueur. Si l'un des deux se trouvait désarçonné, le combat se poursuivrait au sol avec un avantage pour le cavalier encore en selle. Si aucun n'y parvenait, ils mettraient tous deux pied à terre pour un duel à la régulière. Cette fois, le général demanda d'une impulsion à Astero de galoper tout son soûl tandis qu'il s'accrochait de toutes ses forces à sa selle au lieu de tenir les rênes. Il se recroquevilla sur lui-même de façon à offrir le moins de surface possible à toucher, puis d'un coup de talon ordonna un écart sur la droite au moment de l'impact. L'élan combiné à un angle brusquement plus aigu lui permirent de trouver une faille et de l'enfoncer, tandis qu'il se trouvait à pencher dangereusement en arrière. Le seigneur marin vida les arçons et se retrouva dos au sol, tandis que Mysti se délestait de son bouclier pour réussir à récupérer son équilibre. Il pointa sa lance au bout arrondi sur sa victime pour l'empêcher de se relever et fut déclaré vainqueur.
Huit chevaliers se trouvèrent ainsi éliminés durant la première phase, laissant Geoffrey et trois autres nobles dans le même groupe, tandis que Mysti affrontait un soldat anobli, un petit seigneur, et enfin une vieille connaissance.
Lorsqu'ils se mirent en position, le chevalier en question en s'empara pas tout de suite de la lance qu'on lui présentait. Il porta d'abord les mains à son heaume pour en relever la visière, puis le retirer intégralement, suscitant des encouragements parmi les spectateurs. Le général, répondant à l'invitation, ôta également le sien, soulagé. Il croisa alors le regard vert d'un homme qu'il respectait profondément, à la chevelure d'un brun tirant sur le roux.
"Nos deux concurrents semblent communiquer par signes ! Beugla l'un des hérauts. MAIS ATTENDEZ ! Nous avons une explication ! Il semblerait que Messire De Méline soit en réalité le DISCIPLE, l'ancien ÉCUYER de Messire De Valfleur ! Nous assistons donc à une rencontre entre maître et élève ! Encouragez-les bien fort !"
Le public se mit à taper du pied dans les gradins, si bien qu'on n'entendit plus rien pendant près d'une minute. Pendant ce temps, les deux cavaliers parlaient par signes, un code qu'ils utilisaient fréquemment puisque le sire de Valfleur se trouvait être lieutenant-mage dans l'armée, directement sous les ordres de Mysti. La différence résidait cependant dans le fait que l'homme savait combattre à cheval, là où le jeune duc en faisait un loisir et une passion. Ils étaient tous deux désavantagés par le poids de leur armure, et seule l'inventivité allait permette à l'un ou l'autre de tirer son épingle du jeu.
Sans attendre la fin de la cohue, et après avoir échangé quelques plaisanteries, les deux cavaliers demandèrent leur lancer, puis se mirent en position. Laguerran, tel était son nom, était un habitué du vent, ce qui faisait craindre à Mysti son habileté à augmenter sa vitesse avec son aérodynamisme à cheval. Dès le premier échange, le lieutenant partit favori : il planta sa lance si fort dans le bouclier de Mysti qu'elle cassa, les fixations du bouclier à son bras cédèrent et seul un écart d'Astero vers la gauche le sauva de l'impact. Les règles stipulaient que les concurrents pouvaient demander jusqu'à 3 lances par duel, mais le bouclier perdu restait perdu. Le général se retrouvait donc sans défense.
"Il va falloir prendre un risque... Prêt Astero ?"
L'étalon gratta du sabot avec impatience, prêt à filer comme une flèche. De son côté, Laguerran ôta également son bouclier, par fair-play même si aucune règle ne l'indiquait. Des hourras saluèrent son initiative, tandis qu'un sourire de défi se peignait sur ses traits, et qu'une brise volait dans leurs cheveux.
Ils chargèrent. Le lieutenant semblait adopter une stratégie similaire car sa monture partit au galop elle aussi. Le choc promettait d'être rude. Mysti verrouilla son bras et joua alors de toute sa souplesse pour se coucher complètement sur le dos de son cheval. Sa lance piqua dans la cotte de mailles de Laguerran, mais en retour le chevalier parvint à placer la sienne au niveau de l'épaulière. Le mage de vent se retrouva soulevé vers l'arrière comme un fétu de paille et s'écrasa au sol, là où Mysti glissa largement de sa selle pour se retrouver suspendu dans le vide à sa gauche, avec une violente douleur dans l'épaule. Son gantelet se coinça dans une lanière de la selle, de sorte qu'il ne pouvait plus bouger le poignet, ni tomber complètement, les pieds dans la poussière. Astero continua de courir jusqu'à la fin de la lice, laissant le temps à Laguerran de se relever et de tirer son épée de tournoi.
"Oh ! Stop ! Astero, tout beau ! Calme-toi !"
Le cheval finit par freiner sa course, comprenant qu'il y avait un problème. Le général serrait les dents pour ne pas hurler, soupçonnant son épaule d'être déboîtée et son poignet d'être prêt à rompre. Il tira doucement sur la bride pour amener sa monture près de la barre de bois qui délimitait les deux voies de course et s'en aida de son bras libre pour prendre appuis et se donner du mou. Ainsi libéré, il tomba au sol, suivi par les vociférations des commentateurs. Il vit arriver son ancien maître, lourd et encombré, qui dressa son épée au-dessus de lui. A partir de là, il pouvait reprendre l'avantage car la maîtrise de l'épée était dans son domaine, mais pour cela il fallait qu'il parvînt à se redresser et à désarmer son adversaire.
Au premier coup d'épée, il roula sur le sol, se retrouva sur le ventre et put se mettre à trois pattes, son bras droit trop douloureux pour le soutenir. Laguerran ne lui laissa pas le temps de plus et l'envoya dans la poussière de nouveau, jusqu'à obtenir reddition. Au lieu de quoi, une fois dos contre l'un des murs des tribunes, Mysti eut enfin un appui solide et réussit à se retrouver sur ses deux jambes et à dégainer dans la foulée de la main gauche. Ils ferraillèrent dur, chacun connaissant la technique de l'autre, mais la pratique régulière du mage de feu finit par lui permettre de prendre l'ascendant. La fatigue aidant, trouva une ouverture dans la garde du lieutenant et le désarma aussitôt, puis le poussa à trébucher. Il se retrouva à son tour par terre lorsque d'un revers de jambes Laguerran faucha son équilibre, mais il conserva son épée au poing. Il n'eut plus qu'à la placer sous la gorge de son adversaire et à se hisser de tout le poids de son armure sur son torse pour l'empêcher d'exécuter une nouvelle botte, et gagner.
"Aaah... Bien... joué... Fuff..."
Le duel riche en rebondissements fut l'un des plus appréciés du tournoi, plus encore que le suivant pendant lequel Mysti fut littéralement balayé de sa selle par un paladin de métier, son bras le tiraillant durement, ou la finale entre ce dernier et le roi Geoffrey en personne. L'époux d'Elincia eut un peu de fil à retordre, mais rien qui ne l'empêchât d'emporter brillamment la victoire, et avec elle un peu plus de ferveur aux yeux des Criméans. La cavalerie royale prouvait sa supériorité du même coup, ce qui dépassait les espérances de Mysti pour la journée.
La nuit arriva tôt en ce milieu d'hiver, et avec elle les dernières batailles de boules de neige, de grands sourires et une joie communicative. Revenu à la caserne pour faire un rapide débriefing avec ses troupes, et notamment les mages chargés d'entretenir la neige tout au long de la journée, Mysti se trouva satisfait du moral ambiant. Et aussi une bonne séance de réajustement d'articulation.
"Alors, heureux ? -Ma foi j'ai l'impression que dans l'ensemble c'est une grande réussite. Il faudra prévoir d'en refaire une l'an prochain ! Des nouvelles de Gladwinder en particulier ? -Je crois que cette "thérapie" a fonctionné à merveille. Il rayonne ! Et tous ceux que j'ai croisés, hormis quelques chutes et des blessures prévisibles, n'ont signalé aucun incident notable. Tout le monde a joué le jeu avec succès. -J'en suis fort aise. Ah, et tu es cordialement invité ce soir à partager le repas avec mes parents. -Qu'attendons-nous ?"
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