Sujet: Re: Renouveau [PV : Mysti] Ven 24 Juin - 22:45
Tout alla vite. Si vite qu'aucun des enfants ne comprit ce qu'il se passa, et que les gardes ne surent plus où donner de la tête. Pressentant le danger, Fraise tira de toutes ses forces sur la corde pour ramener l'enfant et son maître sur la rive, mais l'eau la prit de vitesse et elle se cabra pour lutter contre la force du courant. Un instant plus tard, elle tirait le garçonnet à demi-conscient sur le bord, seul.
Face à l'impressionnante vague, le général s'était vu proposer deux options possibles : s'accrocher de toutes ses forces, au risque d'être percuté par un tronc avec son passager et de finir broyé, ou plonger un instant pour esquiver le gros des débris tandis que l'imprudent garçon se ferait tirer en sûreté. Il n'hésita pas, inspira au maximum et s'immergea. Au-dessus son dos, l'ombre imposante d'un arbre passa à une vitesse effrayante et il refaisait surface une seconde plus tard pour reprendre l'air que la boue limitait dans le flot.
Le chevalier ne perdit pas de temps en soulagement inutile, ni à se traiter d'idiot. Le fleuve était toujours en crue, et les villages et les cultures en contrebas paieraient les frais de cette rupture de barrage s'il ne faisait rien.
***Il faudrait creuser un réservoir.***
Sa tendance à l'abnégation le poussa à réfléchir au problème suivant, tout en s'accrochant à une nouvelle branche qui dérivait. Il remarqua alors Akamae qui chevauchait non loin, l'un des soldats et Fraise sur les talons.
"PRÉVENEZ LES VILLAGES !"
Son attention accaparée par les cavaliers, il ne vit pas arriver le choc de la branche contre un rocher débordant légèrement de l'eau. Il heurta avec son radeau de fortune l'obstacle gênant, son souffle coupé l'obligeant à desserrer sa prise. L'instant d'après, il coulait à pic, tentant tant bien que mal de remonter pour inspirer des bouffées d'air salvatrices. L'alezan paniqua et rechigna à obéir à la mage noire. Le soldat se mordit la lèvre et piqua droit devant lui, sachant bien que le général, s'il en réchappait, le tuerait s'il laissait des civils se faire surprendre ou s'il ne portait pas secours à ceux qu'il pouvait. La quatrième membre de l'équipée accourait avec les enfants, le miraculé assis sur sa selle à sa place. Quelques minutes encore et le général sentit que ses forces l'abandonnaient. Il essaya de se hisser une dernière fois sur des débris à la dérive, sa main s'écorcha sur l'écorche humide et il adressa une prière à Yune tout en prenant une dernière inspiration, avant que esprit ne vacillât et qu'il ne perdît ses repères dans la réalité.
Quand son corps reparut bien plus loin, inerte, le soldat craignit le pire mais retint tout commentaire, pas devant les enfants. Fraise s'était stoppée à quelques pas pour laisser les beorcs agir, et il décida d'assister Akamae dans les premiers soins en tenant la tête de Mysti bien droite, gorge dégagée. Il ne pouvait détacher les yeux de cette obscurité terrifiante qui semblait grignoter la jeune femme sous ses yeux, la changeant en quelque chose dont il ne voulait pas connaître la nature. Enfin, le corps inanimé du mage fut parcourut de sursauts, les soulageant tous les deux d'un poids immense, et il recracha eau et boue en quantité avant de retrouver un souffle normal. Akamae se laissa tomber sur le dos pour reprendre contenance, ce qui aida le militaire à faire de même. Retrouvant ses réflexes, il palpa doucement la tête de son supérieur, puis ses membres, afin de trouver d'éventuelles blessures. Après une telle dérive, Mysti avait de la chance de ne porter que des traces de coups et d'entailles moyennes, qu'il se fit un devoir de bander avec du matériel de secours rangé dans sa selle. Par précaution, il le déplaça en douceur un peu plus loin de la rive, demandant au passage aux enfants de le surveiller et Fraise veillant au grain près d'eux.
"Damoiselle... merci de votre aide. Est-ce que... Ces marques étranges sur votre bras... Vous allez bien ?"
Tout allait mieux. Du moins, pour l’instant. Aux paroles du soldat, elle se releva et chercha sa cape pour se rhabiller et camoufler les horreurs de son corps. Elle répondit, non sans fatigue :
« Je vais bien, je… attendez. »
Le noir s’insinua dans sa vision, se déployant comme un parasite, la rendant lentement aveugle. La magie avait arrêté son avancé, mais prenait ses derniers instants pour la priver de lumière. Un prix bien lourd, mais temporaire. Ces deux yeux étaient injectés de noirs, laissant le rouge de son iris particulièrement visible. Elle mit entièrement sa capuche, renforçant son apparence de démone avec deux grosses iris rouges. Elle posa ses mains au sol et s’immobilisa, incapable de voir ou de prendre une action. Les ténèbres étaient désormais partout autour d’elle, la solitude s’insinua alors qu’elle ne pouvait mettre d’image sur les voix, sauf une : la respiration lente et désormais régulière de Mysti.
« Je crains d’avoir perdu la vue… Restez calme, ceci est temporaire, aller aider Mysti pour l’instant, je ne bougerais pas. »
C’était la seule chose à faire, attendre que la corruption se retire lentement pour que la lumière puisse à nouveau l’atteindre. Avec un peu de chance, Mysti n’aura pas l’occasion de la voir comme ça. Elle palpa l’herbe, entendit le son de la rivière encore puissante sous l’effondrement du barrage. Le vent soufflait légèrement sur son visage et le soleil caressait sa peau, mais la lumière ne l’atteignit pas. Elle se recroquevilla sur elle-même, essayant de laisser ses autres sens prendre le dessus pour l’informer du monde extérieur, mais rien n’y faisait. Elle resta seule dans l’ombre, avant qu’elle sente quelque chose s’approcher, lentement, à quatre pattes. C’était le cheval que Mysti lui avait prêter pour la patrouille. Celui-ci approcha lentement son museau près de la figure noire encapuchonnée et le renifla un peu. Akamae ne bougea pas avant de sentir le visage du cheval à côté du sien, essayant de la réconforter. Prise d’un petit sourire, elle monta sa main à l’aveugle vers le cheval pour lui caresser le museau en signe de remerciement. Le cheval resta à côté d’elle pour l’épauler, comme s’il était au courent de sa condition
Elle tenta de se relever en s’appuyant sur le cheval, prenant des appuis lent en se servant du cheval comme point de repère. Une fois debout, elle suivit son compagnon en accompagnant le mouvement du cheval, quelle folie de confier sa vue à un animal, mais dans le cas présent, elle n’avait pas le choix.
« Eh bien, je suis content de pouvoir compter sur toi… Où m’amène tu ? »
Son ouïe répondit à sa question, vers Mysti. Elle espérait qu’il allait mieux.
« Comment vous sentez-vous ? » demanda-t-elle, d’une trahissant de la compassion et de la gentillesse.
Le militaire hésita. Il savait d'expérience que, quand certaines personnes ne voulaient pas qu'on les aide, mieux valait obtempérer et attendre qu'elles se calmassent. Ici pourtant la mage noire semblait en bien piteux état, le contrecoup de ses émotions violentes répercuté jusque sur son visage. Il choisit de faire un compromis en la gardant à l’œil tandis qu'il allait voir le chevalier encore étourdi. Fraise veillait près de lui, reniflant son visage avec tendresse, jusqu'à ce qu'il tournât la tête et l'éloignât de ses naseaux humides.
"Ah... Les enfants... Les villages... -Les enfants vont bien, ils sont là. Ilden est allé aussi vite que possible en avant pour prévenir les villageois. Et vous messire ?"
La tête lui tournait et il voyait comme un voile de couleur devant ses yeux. Poussant sur ses bras, il pivota lourdement sur le ventre pour tousser encore un peu de boue remontée dans sa gorge.
"Compte tenu des circonstances... je vais bien."
Le général, avec l'aide de son subordonné, se releva tout d'abord en position assise et vit une petite frimousse venir à lui, le visage baigné de larmes. C'était le petit garçon qui avait perdu sa peluche et la serrait à présent très fort contre lui. Il vint se coller au mage en se retenant ostensiblement de pleurer, la gorge trop nouée encore pour parler. Derrière se pressait la bande au grand complet, avec parmi eux un autre garçon plus âgé enveloppé dans une des couvertures que Mysti reconnut comme appartenant à l'armée.
"Merci M'sieur. Je le ferai plus, promis. Sans vous j'serai mort. -Si vous n'avez rien, je suis heureux. Retournez dans votre village et expliquez aux adultes ce qu'il s'est passé, c'est important. Faites vite !"
Le plus âgé acquiesça et entraîna les autres dans son sillage, non sans avoir rendu la couverture, et c'est ainsi que les enfants disparurent entre deux arbres.
Dans un timing parfait, ce fut au tour d'Akamae de s'approcher et il s'inquiéta de la voir appuyée sur son cheval, capuche rabattue et baissant les yeux. Un coup d’œil à son soldat lui confirma qu'elle ne se portait pas au mieux de sa forme, mais il respecta son silence.
"Mieux, je vous remercie. -Je vais aller récupérer votre cape, vous allez prendre froid trempé comme vous êtes. -Oui, bonne idée."
Il laissa le couple parler tandis qu'il repartait d'un pas lent vers l'endroit où Mysti avait abandonné ses affaires pour plonger dans la rivière. Le chevalier essora brièvement ses cheveux et s'aida des rennes que Fraise tira pour l'aider à se remettre debout. Il chancela un peu puis se reprit, ses forces revenues petit à petit.
"Vous m'avez l'air en aussi mauvais état que moi... Que s'est-il passé ?"
Pour la guider, il posa sa main sur son épaule, et lentement de l'autre, souleva son menton afin de croiser son regard. L'étonnement pouvait se lire sur son visage et il retint sa respiration par réflexe, mais ne produisit aucun commentaire. Elle lui dirait ce que bon lui semblerait.
Les ténèbres l’entouraient, dévorant la lumière qui devait l’atteindre. Elle pouvait sentir ses créatures des ténèbres la mordiller sur sa peau, mais il y avait aussi la douceur du Soleil, l’odeur de la rivière, de l’herbe, et surtout, une légère aura chaleureuse à ses côtés. Une main arriva sur son épaule et la fit doucement sursauter, incapable de prévoir quoique ce soit. Elle se retint de tout commentaire et ferma les yeux, honteuse de se présenter sous un tel état. Elle sentit l’autre main de Mysti sur son menton, relevant son visage caché par sa capuche, elle ouvrit les yeux, mais ne vit rien du visage du chevalier. Elle le savait présent devant elle, en train de la dévisager probablement, mais rien à faire, les ténèbres s’accrochaient à sa vision. Elle se laissa guider de la main de Mysti, seul contact lui permettant d’évaluer l’extérieur pour se déplacer.
« Disons que le passé et ma magie me tourmentent, sir Mysti. Je crains qu’ils cherchent tous les deux à me consumer dès que l’occasion se présente. Je n’ai juste… pas envie de voir quelqu’un mourir devant moi, c’est bien trop douloureux. »
Elle commença à apercevoir d’un œil, doucement, le fond noir se désépaississait pour laisser une lumière douce dissiper ses doutes et sa solitude. Les marques commencèrent à doucement revenir dans son bras, le noir semblait se vider de son blanc d’œil pour redonner ses yeux toute sa beauté. Un iris baignant dans le blanc de la lumière, l’autre encore en proie au ténèbres. Les contours du visage de Mysti se dessinait lentement devant elle, lui ravissant un petit sourire en coin, discret.
Sa vision était encore très trouble, mais suffisante pour qu’elle se repère et se tienne à nouveau droite. Elle fit un léger signe de tête en remerciement.
« Pourtant ça ne serait ni la première fois, ni la dernière. Promettez moi d’être plus prudent à l’avenir, j’ai eu beaucoup de chance de vous retrouver aussi vite afin de ne pas succomber aux ténèbres, quelques minutes plus tard, un esprit aurait pris mon corps pour vous achever, dans le seul but de me torturer. Aujourd’hui, je suis gagnante, alors profitons un peu. »
Elle sembla indiquer sa confiance et sa tranquillité pour masquer plus facilement sa faiblesse et sa fatigue, mentale comme physique. Elle avait horriblement besoin de repos, mais pour une raison qui lui était inconnue, elle avait encore la force, tant que c’était à côté de cet homme, de marcher, parler, et sourire. Elle demanda :
« Pensez-vous que les villages s’en sortiront indemnes ? »
Le chevalier ne la quittait pas des yeux, observant sur son visage chacun des changements tandis qu'elle parlait en essayant de paraître moins mal en point qu'elle ne l'était réellement. Une certaine fascination le prit tandis qu'il suivait la progression de la magie noire dans son corps, veine par veine, cette sorte de tatouage insolite qui se rétractait comme les crocs d'une bête une fois domptée.
De la main qui avait relevé son menton, il effleura légèrement sa joue en replaçant une mèche rebelle derrière son oreille, et il ne put s'empêcher alors de sourire.
"C'est la première fois que je n'ose rétorquer à une femme qu'elle devrait elle aussi se mettre en danger pour comprendre..."
Il prit l'une de ses mains dans les siennes et se pencha pour y déposer un chaste baiser.
"Madame, vous m'avez sauvé la vie aujourd'hui et je vous en suis redevable. Je sais maintenant que vous n'appartenez plus au Black Fang pour de bon. Il vous aurait été bien facile de me laisser me noyer et d'appuyer sur la thèse de l'accident. Je ferai ce qui est en mon pouvoir pour que le nouveau départ que vous recherchez s'effectue dans les meilleures conditions."
Acquiesçant à ses propos, il lança un regard à Fraise qui vint aussitôt se coucher près d'eux, et attira sa faisant Akamae avec lui.
"Nous allons vérifier cela sur-le-champ. Et pour que nous puissions nous surveiller l'un et l'autre dans cet instant de faiblesse, je vous propose de chevaucher avec moi. Avec votre vue qui peine à revenir, vous risqueriez de tomber à votre tour dans la rivière."
Il monta en selle et guida la mage noire pour qu'elle en fasse autant, sans la forcer, tandis qu'un courant de chaleur l'entourait pour le sécher. Il voyait déjà revenir le soldat avec sa cape, ou plutôt son prétexte, prêt à repartir. Après tout dans cette affaire, d'autres personnes attendaient qu'on leur porte secours. La romance viendrait plus tard.
"Ne traînons pas et méritons ce repos dont nous avons besoin. Quand ces gens seront en sécurité et seulement alors, je me sentirais assez serein pour profiter de votre rencontre. J'espère que cela vous convient."
Elle sentit une main lui effleuré le visage et remettre une mèche correctement, ce qui n’aida pas sa tentative pour se cacher, sa vision redevait plus claire d’un œil du moins, elle pouvait se voir dans le reflet des yeux du chevalier, un œil noir comme la nuit avec une lune rouge sang, l’autre blanc comme les nuages d’un ciel bleu, un soleil sanglant au milieu. Elle détourna doucement le visage, ne sachant pas ce qu’elle ressentait : du réconfort, ou du dégout. Ce fut soudainement sa main qui fut soulever avant de se faire embrasser. Une fois de plus, le contact des lèvres d’un homme la révulsait intérieurement et sa magie noire ne manquerait pas de lui faire comprendre. Mais elle se rappela de la signification de ce geste et esquissa un léger sourire. La confiance du chevalier lui était acquise, et rien ne la rendait plus heureuse. Toute l’énergie négative en elle s’amenuisa pour se transformer en un sentiment de réconfort chaud et agréable.
On pouvait comparer cela à la sensation de rentrer dans un lit chaud en plein hiver. Mysti l’emmena sur le dos de son cheval afin de vérifier les villages, ce qui l’empêcha de trouver le repos.
« D’accord, je vais essayer de vous couvrir du mieux que je peux… Dépêchons nous d’aider ceux qui ont encore besoin de nous. »
Sa voix était très faible, on sentait parfaitement qu’Akamae s’accrochait à un rebord de volonté pour rester éveillé, l’appel de l’inconscience était fort, très fort, mais elle repoussa cette obscurité chaque fois qu’elle venait la chercher. La douce lumière du soleil, le fait d’être derrière Mysti, conférait la force de tenir. Une puissante chaleur émanant du mage amplifia cet effet, mais sembla aussi la rendre plus vulnérable au sommeil. Au lieu de se tenir complètement droite, elle se laissa contre le dos de Mysti, se tenant sur ses flancs pour rester en équilibre. Finissant par succomber légèrement au sommeil, elle posa même sa tête contre le chevalier. Une fois la chaleur dissiper et la plupart de ses vêtements séchées, elle se redressa, légèrement embarrassée, pour se tenir droite.
Les villages en contre-bas eurent le temps de créer des déviations, et les dégâts n’étaient que mineurs, car le volume du courant avait eu le temps de s’harmoniser sans causer trop de dégâts, sans compter le débordement qui permettait aux autres barrages de tenir le coup. Ce fut en réalité le village juste en dessous qui subit le plus gros des dégâts. Les soldats s’attelaient déjà à la tâche de reconstruction avec les habitants. Akamae décida d’aider les médecins et alla aider, malgré son état, les villageois blessés. Il y avait quelques blessures mineures, et une personne qui demandait des soins plus approfondis. Elle le mentionna à Mysti après avoir fait le tour de tous ceux qui avait besoin d’elle.
« J’ai soigner les blessés légers, mais il y a un homme qui a besoin de soins plus approprier, je l’ai laisser entre les mains des soldats qui contactent un vrai médecin. »
Son visage adopta une mine attristée, elle était parfaitement capable de soigner ce pauvre homme, mais sa blessure lui demandait de retirer pas mal de vêtements, et cela pourrait la mettrait dans un piètre état. Aussi, elle s’approcha du chevalier pour lui prendre la main avant de lui remettre la pierre de sang faite plus tôt dans la journée. Une fois ceci fait, elle se recula d’un pas et fit une longue révérence.
« J’espère qu’elle vous accompagnera partout et qu’elle vous portera chance, sir Mysti. »
Les heures qui suivirent se révélèrent assez longues et pénibles : si au loin la rupture de barrage n'avait pas causé de réels dégâts, le premier hameau directement sur son passage se trouvait en partie dévasté. Des potagers et des champs cultivés à proximité s'étaient vus balayés par la force du courant, les clôtures détruites, un troupeau de moutons en fuite et il y avait même une grange qui n'avait pas résisté et dont l'occupant survivait heureusement à son effondrement, non sans quelques blessures sérieuses.
Pendant que la mage noire rejoignait plutôt les secours et les médecins -et Yune sait combien il aurait préféré continuer de chevaucher avec elle-, le chevalier envoyait plusieurs messagers faire part du sinistre aux alentours. Il aida à la consolidation d'un barrage de fortune provisoire, à la récupération de certains habitants coincés dans leurs demeures et à la remise en état des zones les plus éloignées de la rivière qu'on avait pu déjà déblayer.
A la fin de la journée, tous ces efforts couplés au fait qu'il était pratiquement mort renvoyèrent l'image d'un homme éreinté mais volontaire, sous les ordres de qui chacun donnait ses meilleurs efforts. Il rejoignit Akamae et eut la surprise de recevoir sa pierre de sang, que dans l'action il avait complètement oublié. Un sourire barra ses lèvres et il s'inclina à son tour.
"J'espère qu'il en sera de même de vous. Vous m'avez montré aujourd'hui une image fort différente de ce que j'ai l'habitude de connaître au sujet des mages noirs. Si cela vous agrée, je souhaite poursuivre cette découverte en votre compagnie. Il est rare qu'une rencontre me laisse une impression aussi forte en un seul jour. Et pour commencer, je vous propose de rentrer à notre point de départ, de partager un repas ensemble, et de nous reposer de toutes ces émotions. Nous l'avons bien mérité."
Ils laissèrent les choses aux mains des soldats arrivés en renfort, récupérèrent leurs chevaux et s'en retournèrent donc là d'où ils venaient, une petite poignée de gardes les accompagnant le temps de regagner eux aussi leur garnison.
Le sourire du chevalier l’emplissait de bonheur. Pour une fois que quelqu’un acceptait quelque chose venant d’elle, c’était… étrangement gratifiant. La suite des paroles la laissa embarrasser, elle se contenta simplement d’acquiescer, trop fatiguer pour étendre la conversation. Le retour s’effectua dans le calme et la bienveillance, le soleil se couchait et ensanglantait le ciel. Telle une plaie béante à travers les nuages orange, la lumière semblait désespérée, s’agrippant au ciel avant la venue inexorable de la nuit. Il faisait déjà tard, la journée ne fut pas du tout repos, mais elle avait une conclusion satisfaisante.
Les deux mages arrivèrent à nouveau à leurs points de départ, l’auberge, et Akamae accepta avec gratitude le repas. Ils s’installèrent sur une table, éloigné de la plupart des autres clients afin d’avoir un peu d’espace et de temps pour eux. En attendant le repas, Akamae prit le temps de vérifier l’état de son visage. Les veines noires étaient toutes retournées dans son tatouage, lui redonnant une apparence plus agréable qu’auparavant. La douceur du feu de bois, la température juste sèche comme il faut, et la tout avec une odeur de cuisine faite maison étaient bonheur sans nom pour son âme meurtrie.
« Je me demande depuis combien de temps je n’ai pas profiter d’une journée comme celle-ci. Certes, elle fut éreintante, mais quelque chose en est ressorti ! »
Un sourire enfantin se dessinait sur son visage. Oui, cela faisait très longtemps qu’elle ne s’était pas senti aussi bien. Pas seulement par le fait d’avoir une personne qui l’écoute et lui tient compagnie, mais le fait d’avoir rendu service, malgré les regards étranges, était une récompense en soit. Une petite curiosité la piqua.
« Vous me connaissez maintenant, vous avez même eu une vision de mon passé, pourrais-je savoir le vôtre ? Sauf si… cela vous dérange bien sûr… »
Elle n’était pas très confiante, peut-être que cela pouvait paraitre déplacé, mais elle ne savait que peu sur ce chevalier après tout. A part son nom, et le fait qu’il est lié à l’armée. Pas d’origine, pas de nom de famille, mais un cœur gros comme ça, et un tempérament de feu. Un sourire en coin discret s’anima du côté que le chevalier ne pouvait pas voir. Quel étrange personnage en effet. Elle pouvait, à l’aide de ce qu’elle avait appris du Black Fang, déchiffrer tout le passé de cet homme, ces peurs, ces faiblesses, mais elle a rejeté tout ceci depuis bien longtemps, et préférait bien plus l’entendre de ces propres oreilles.
Le trajet de retour se déroula sans embûches, ponctué de quelques haltes pour récupérer des rapports ici ou là. Avec tout cela, impossible que la mage noire ne se doutât pas de son importance au sein de l'armée. Peut-être même que depuis le début elle avait reconnu son titre et nom, et qu'elle faisait semblant de l'ignorer. Dans ce cas il lui était reconnaissant.
Sans manières ils retournèrent à l'auberge et tout en mangeant Mysti écouta Akamae qui se réjouissait de son sort. Un vrai baume au cœur quand la veille il l'avait vue à deux doits de se suicider pour échapper à un agresseur de trop. Elle le questionna alors et il devina que le temps de faire comme si de rien n'était prendrait bientôt fin.
"Je suis certain de ne pas tout savoir de vous. Et c'est une bonne chose à mon sens, il serait trop ennuyeux de cerner totalement une personne en une paire de jours... mais je vous préviens, ne vous attendez pas à mille rebondissements dans mon histoire. C'est somme toute quelque chose de classique pour un militaire oserais-je dire. Je suis né d'une famille noble, réputée pour son attachement à la famille royale. J'ai grandi parmi les érudits et étudié très tôt le maniement des armes et de la magie. Cette dernière m'agrée bien plus, mais je dois être polyvalent. Adolescent, j'ai connu la première guerre entre Criméa et Daein qu'a retenu l'histoire. J'étais encore trop jeune pour suivre le gros de l'armée au front, mais j'ai aidé à la Résistance contre Daein. Je suis retourné à ma vie première avec des images d'horreur dans les yeux, mais heureusement j'avais un ami pour m'épauler, et que j'ai moi aussi tiré des affres du désespoir beorc... Nous avons juré de ne jamais laisser reproduire cela et nous sommes entraînés en conséquence. Lorsque la seconde guerre est arrivée, nous étions aussi prêts que possible et nous avons repris foi et courage en voyant les beorcs et les laguz s'unirent tout d'abord, puis Begnion et Criméa, puis Daien encore, et des représentants de tous les peuples. J'ai... fait partie des soldats épargnés par la puissance d'Ashera -respecté soit son nom. Je me suis rendue jusqu'à la Tour de Lumière et, avec d'autres, j'ai défendu son entrée contre les troupes adverses. Au fond nous voulions d'un monde pur et rempli de paix, tous. Mais pas grâce aux mêmes moyens. Les héros, les rois et les reines sont redescendus pour nous annoncer leur victoire, et je suis donc rentré en compagnie des Criméans. J'ai rapidement gravi les échelons militaires et aujourd'hui je m'efforce de guider l'armée comme on a pu me guider autrefois, vers l'espérance d'un avenir meilleur et réfléchi. Cela satisfait-il votre curiosité, Dame des ombres ?"
Il sourit, joueur, tout en savourant la simplicité et la saveur d'un plat chaud servi dans une taverne, en se souvenant combien ces choses si banales lui avaient manqué, caché dans les forêts de son propre pays pour survivre. La principale menace désormais provenait de la rechute des opposants aux différents régimes dans des préjugés raciaux, religieux ou simplement dictés par la haine, mais aussi dans des êtres comme War, dont on ne connaissait ni la provenance, ni la volonté à long terme. Et surtout, combien y en avait-il ? Était-elle un cas isolé ?
Apparemment, le relâchement du chevalier était des plus contagieux, et Akamae se ressentit beaucoup plus à l’aise. Mysti expliqua longuement son histoire, elle rigola d’abord à la référence que son histoire n’avait pas de rebondissement, c’était ce qu’elle voulait. Sa vie était un véritable bazar, une poterie brisée dont elle avait à peine récupérer les pièces et elle tentait de les remettre en place. Dans le noir. Jusqu’à maintenant on dirait. Une carrière militaire baigné dans la noblesse dirait-on. Akamae savait que rien ne venait sans rien, sans volonté, on obtient rien, une leçon lourde de sens pour elle. En revanche, la description de la guerre lui rappela presque automatiquement les dires de la guerre qu’elle avait entendu. Le Black Fang n’avait pas agi durant celle-ci, mais observait avec attention les mouvements, elle avait beaucoup entendu et retenu, mais cela restait des mots. Avoir la vérité sortant de la bouche de quelqu’un d’autre était toujours un expérience… étrange.
Les dieux, concepts qu’elle ne comprenait pas, la magie noire lui avait toujours permis de voir les liens au-delà des choses. Mais elle avait devant elle quelqu’un qui avait vu en personne une déesse ! Hors de question de mettre son pessimisme en action. Les mages noirs croient en la connaissance, les blancs la foi, et les mages élémentaires s’aident des éléments en entrant en harmonie avec eux, un état d’esprit nécessaire pour atteindre la perfection dans leurs domaines. Elle secoua la tête de surprise, tellement elle était absorbée par l’histoire de Mysti. Elle se ressaisit en rougissant un peu, désolée de s’être laisser emparer à ce point par l’histoire, elle n’avait quasiment pas touché son plat ! Elle apporta un peu de ce bon plat chaud, et le goût rajouta un petit sourire sur son visage. Un plaisir si simple, si élémentaire, mais dont la privation l’avait rendu si profitable. Elle répondit, ne sachant pas réellement que dire après une histoire pareille :
« Bien sûr, je ne mérite pas ce titre voyons… Pourquoi m’avoir aidé ? Pourquoi même un général passe son temps ici ? Je ne suis même pas sûre de mériter votre attention. »
Mauvaise Akamae, tu te dénigres encore, mais qui peut t’en vouloir après ce que tu viens de subir. Elle se reprit.
« Je le sais déjà, après tout, vous restez chevalier… »
Elle continua de manger en silence et réfléchit à une suite de conversation, et décida de prendre le taureau par les cornes, elle aurait aimé éviter le sujet, mais bon.
« Pensez-vous que Criméa pourrait m’accepter ? Je n’ai ni maison, je ne connais pas de famille, je ne connais même pas ma mère, ni son nom, ni son visage… J’ai besoin de construire à nouveau ma vie, si je continue comme cela, ce n’est qu’une question de temps avant que… Enfin, je vais aller me coucher, je pense que nous méritons tous les deux ce repos. Que proposez-vous pour demain ? »
Tandis qu'il contait en peu de mots son humble histoire, Mysti vit passer toute une palette d'émotions sur le visage de la maîtresse du sang. Dans ce florilège de nuances, il aperçut de la curiosité, un intérêt sincère, un peu d'amertume, du scepticisme alors qu'il évoquait les déesses pour finir sur du soulagement alors qu'elle reprenait pieds avec les réalités matérielles. Il tiqua en entendant ses premières questions et la réponse qu'elle y apporta aussitôt en pensant savoir. Le général reposa dans son assiette la cuillère qu'il s'apprêtait à porter à ses lèvres et se limita à un soupir. Elle ne saisissait toujours pas sa personnalité, trop engoncée dans ses préjugés.
"Vous placez les choses dans le mauvais ordre, Akamae. Je ne viens pas ici parce que je suis chevalier. Je suis chevalier parce que je viens ici, et dans d'autres endroits. Comprenez bien que mes titres de noblesse ne font pas de moi une personne étriquée, méprisante et superficielle. Ou tout du moins je l'espère. Cette opinion qu'ont les petites gens vient évidemment de quelque part : il existe en effet beaucoup de nobles qui négligent leurs serviteurs et ceux qui n'appartiennent pas à la même caste, mais leur personnalité est ainsi, et l'était avant même qu'on ne leur donne un titre. Ils ont oublié qu'ils sont nés d'un ventre, comme tout le monde, qu'ils sont mortels, sujet aux maladies et aux blessures, comme tout le monde. Ils se croient au-dessus des autres alors que par bien des aspects ils pourraient être vus comme inférieurs en vérité, trop occupés par leur petite personne. Par moments je voudrais voir comment se débrouilleraient ces nobles si on les abandonnait sans serviteurs dans une forêt inhabitée, ou sur une île déserte."
Une serveuse arriva avec une cruche de vin et un sourire ironique aux lèvres, réagissant probablement aux commentaires du général qui ne cherchait nullement à baisser le ton de sa voix ou à mettre en avant sa différence de rang.
"Si tu étais né paysan, tu ne parlerais pas de la sorte, mon bon seigneur... Un peu de vin pour oublier ? -Sers donc mon invitée si elle le souhaite. Et pour te répondre ma foi, j'ai certes reçu des privilèges qui me permettent de prendre un peu de recul sur ma situation, mais cela ne signifie pas pour autant que je suis d'accord avec la condescendance de "mes pairs" vis-à-vis des gens sans titres et sans terres. -Tu es bien plus intéressant quand tu sors les crocs."
Elle se tourna vers Akamae en tendant sa cruche, puis sourit d'un air de prédatrice, appuyée contre le dos de la chaise du jeune homme au point que leurs dos se touchaient. D'un geste à la fois ferme et doux, Mysti la repoussa et remit une distance respectable entre eux.
"Sincella, tu sais fort bien que je n'aime pas cela. Cesse de rôder près de nous je te prie. -Je ne peux résister aux lions, mon beau sir. Rrrr. Toi, la dame palote et noire à la fois... Tu as intérêt à prendre soin de lui. Il nous en manque des comme ça, alors évite de l'abîmer, d'accord ?"
La serveuse fit demi-tour en ricanant joyeusement. Le Criméan poussa un léger soupir, sans paraître offensé.
"Ne faites pas attention... C'est son travail d'une certaine manière. Demain il faudra vous préparer à repartir. La relève de la garnison arrivera vers midi. Nous irons jusqu'à Melior, et si vous y tenez toujours, je vous montrerai la caserne où vous serez évaluée sur vos compétences, pour déterminer si vous possédez les bases nécessaires à une adhésion dans l'armée. Si vous vous contentez d'être honnête et de ne pas tenter de devancer les consignes qu'on vous donnera, vous devriez y parvenir. Surtout, je vous recommande d'être prudente avec votre maîtrise du sang. Cela intéressera probablement l'officier qui coordonne les mages noirs, mais il vous faudra faire preuve de discipline avant de prendre des initiatives."
Il se leva en s'assurant qu'ils avaient tout deux terminé leur repas, puis déposa quelques pièces afin de payer la totalité ainsi que la nuit d'Akamae. D'un geste il l'invita à monter les escaliers afin de parler plus tranquillement dans sa chambre.
"Comme je l'ai déjà dit, Criméa est une terre de tolérance. Je ne connais pas de meilleur endroit pour démarrer une nouvelle vie, tant que vous faites preuve de franchise et que vous vous donnez les moyens d'évoluer. Alors oui, nous pourrions vous accepter."
Akamae reprit une longue gorgée d’eau pour désaltérer sa gorge sèche, cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas eu une conversation construite et posée avec un individu, encore moi quand celui-ci est si… gentleman et charmant. Mais elle se perdait, elle le savait encore incapable de faire preuve de confiance, c’était trop tôt. Et le chevalier aurait beau justifier, elle avait envie de le croire, de toutes ses forces, c’était juste trop tôt. Elle ne pouvait accepter qu’un être d’une absolue bienveillance pouvait exister. En réalité, elle serait même plutôt rassurée de voir un défaut, un pan d’obscurité dans cette âme de lumière, mais pour l’instant, c’était trop tôt.
C’est alors qu’une serveuse se mit à roder bien trop près à son gout. Si Akamae se retint et fit un simple signe de main pour refuser une nouvelle portion. Les paroles de celle-ci brulait comme le pire des venins, au point où elle se tint le bras de colère. C’était gratuit, tellement gratuit, comment avant. Comme dans son cachot, les paroles, les regards. Tout revint dans une vitesse terrible, laissant ces yeux se perdirent un moment alors qu’elle s’en allait. Immédiatement, la seule pensée qu’elle pouvait formuler était l’envie irrépressible de la poignarder dans le dos. Sa volonté dépassa les barrières fines de son esprit et une aura meurtrière, quasi démoniaque se dégagea de la mage noire. Pourtant, elle ne céda pas. Des images si aguichantes dansaient devant son esprit, elle passant un couteau sous la gorge de la servante, rapprochant son visage du sien pour lui expliquer entre les deux yeux qui elle était, et de quoi elle était capable de faire à cette pauvre cruche. Et en un instant plus tard, elle aurait ouvert la gorge de celle-ci pour répandre une flaque d’hémoglobine sur le sol. Elle pouvait presque déjà sentir le délice de la tuer, si proche du meurtre de son maitre abusif.
Les paroles du chevalier la ramenèrent doucement à la réalité, effaçant sa vision rouge sanglante pour le jaune des yeux de Mysti. Elle lui rendit un sourire de psychopathe, encore enivrée par la dernière vision qu’elle avait vu. Fort heureusement, ces cheveux étaient mal tombé et cachèrent cet horrible vision qu’elle aurait offerte. A la place, elle remit en place ces cheveux et afficha un sourire blessé, trahissant quelque peu la plaie qui s’était rouverte en elle. Se levant, elle emprunta les escaliers tout en remerciant Mysti pour le repas ainsi que la nuit. Dans la chambre, elle parut plus fermée, légèrement secoué par la volonté si vivide et puissante que fut sa volonté de tuer cette servante.
« Je… vous remercie. Je vais laisser la nuit me porter conseil. Puissiez-vous passer une bonne nuit, Mysti. »
Ainsi se clôtura la conversation. Elle aurait tant aimé parler plus, mais pour l’instant, cela devait suffire… Demain sera un nouveau jour. La tête pleine, tout comme son ventre, elle passa pour une fois une nuit agréable. Tant qu’elle n’avait qu’un souhait, que cette nuit soit sans fin. Les rayons du soleil lui offrirent un réveil léger. Une bassine d’eau chaude lui permit de se laver à sa convenance. Et s’habilla à nouveau dans son voile noir. Alors qu’elle descendait doucement les escaliers, elle aperçut Mysti, probablement debout depuis un bon moment. Elle s’approcha doucement et dit d’une voix avec une confiance qui ne lui ressemblait pas.
« J’ai fait mon choix. »
***
Alors que l’astre lumineux se levait lentement, un cheval partait avec une cavalière noire comme la nuit. Fine comme une fleur, mais sombre comme les profondeurs de l’océan. Elle regardait au loin, voyant devant elle un chemin s’étendre. Une chance, un espoir, tant dans ce chemin de terre. Elle lança son cheval, ne regardant pas derrière elle. Son avenir était dans ce soleil, dans cette lumière jaune, proche autant de l’astre que de l’homme qu’elle avait rencontré hier. Leurs chemins étaient peut-être faits pour se rejoindre, qui sait ? L’avenir seul, nous le dira.
Sujet: Re: Renouveau [PV : Mysti] Mar 4 Oct - 23:14
A mesure que la serveuse égrenait ses mots, Mysti sentit comme un froid glacial s'installer autour de la mage noire. Vexée parce qu'il précisait la façon dont il percevait son rang ? Ou peut-être à cause de la serveuse qui se permettait de les interrompre pour lui conseiller de prendre soin de lui ? Ou alors... jalouse ?
Le général tâcha de continuer à parler normalement, comme un guérisseur en pleine hypnose sur son patient, avec l'espoir de brouiller assez ses pensées pour qu'elle se concentrasse uniquement sur lui. Cela sembla fonctionner et ils montèrent tranquillement à l'étage où la jeune femme fit tourner assez court à leur échange. Il s'attarda encore quelques longues secondes, à la dévisager pour s'assurer qu'elle ne commettrait aucune bêtise impulsivement, puis cueillit légèrement sa main afin d'y déposer un baiser, en galant chevalier.
"Je vous rends la politesse. Bonne nuit."
Le lendemain, soumis à ses habitudes militaires, le général se leva tôt et inspecta sa troupe avant même le lever du soleil. La relève de la garnison arriverait à l'aube, ils devaient se tenir prêts avant cela. Quand tous les préparatifs furent accomplis, les soldats s'autorisèrent un repas paisible tous ensemble dans la taverne et un peu de temps libre avant le départ.
Mysti retrouva une Akamae visiblement revigorée et déterminée à s'engager sur le chemin d'une nouvelle vie, avec cette flamme animée dans ses yeux. Puisqu'elle n'emmenait aucun bagage, le général put facilement la prendre derrière lui sur le dos de Fraise, et la troupe quitta le village d'abord au pas, puis souleva un nuage de poussière en engageant un trot régulier.
Parvenus à destination, le soldat fit brièvement visiter la ville à Akamae avant d'aller remettre une Fraise fatiguée aux bons soins des palefreniers. Il lui indiqua les principaux lieux à connaître : marché, palais royal, caserne, et certaines adresses d'apothicaires et de médecins si elle voulait tenter sa chance. Au cours de la promenade, un messager le héla en arguant que le billet ne pouvait pas attendre qu'il reprenne du service.
"C'est une mission exceptionnelle de la plus haute importance, seigneur ! La reine vous convoque en personne. Elle est peut-être de retour."
Le visage du mage se ferma à toute émotion en comprenant la subtile référence à War. Un nouveau fléau s'abattait sur Tellius, et à voir le visage crispé du messager, il menaçait directement Criméa.
"Je suis navrée, Akamae. J'espère vous voir dans nos rangs à mon retour. Ne baissez pas les bras."
Et sur ces derniers mots, il tourna les talons avec résolution vers le château.