NOM : Hawke PRÉNOM : Lars ÂGE : La cinquantaine, il a perdu le compte exact SEXE : Masculin RACE : Beorc CLASSE : Mage (foudre) PAYS D'ORIGINE : Daein (?)
PROLOGUE
Première partie : Rencontrer, c'est s'ouvrir
« Le duc vous recevra dans un instant M.Hawke. Veuillez patienter. »
Autour de Lars se développait une myriade de tentures, de marbreries, de peintures et des statues relatant la gloire passée d'une famille de la haute noblesse, les récits d'héroïques affrontement pour instruire et inspirer les générations futures, mais aussi pour garder une trace et ne jamais, jamais, oublier son histoire. Le hall d'entrée était bien plus grand que la plupart des maisons des modestes paysans de ce monde, avec ce gigantesque escalier qui faisait face à la double porte en bois de chêne par laquelle on atterissait dans cet univers de richesse. Sur la droite une haute arche donnait sur une salle à manger, alors que de l'autre côté se trouvait un salon. Lars s'approcha lentement et osa jeter un œil. Pas un, ni deux, mais trois canapés assez larges pour laisser s'asseoir une famille entière, disposés en carré en face de la cheminée de marbre dans laquelle un homme adulte pouvait se glisser sans problème, autour d'une table basse massive, gravée d'ornements floraux. Sous les meubles était étendu un tapis de plusieurs mètres carrés, empli de broderies fines. Sur l'extrémité gauche de la pièce, contre la totalité du mur, se trouvait une bibliothèque, à côté de deux fauteuils qui servaient aux propriétaires à la lecture. Sur la gauche de la bibliothèque se tenait un long buffet, contenant très certainement une collection de verres et d'alcools parmis les plus raffinés du pays. De l'autre côté de la pièce une baie vitrée donnait sur le jardin, qui tenait d'ailleurs plus du parc que du jardin, ainsi qu'une porte qui semblait découpée à même le verre s'ouvrant sur une terrasse en pierre blanche, et laissant entrer une légère et douce brise de printemps.
Puis il se dirigea vers un second buffet sur lequel trôna une statuette de femme en bois d'ébène, uniquement vêtue d'un large voile, portant dans ses bras une horloge comme si elle tenait son propre enfant.
« N'est-ce pas là une pièce magnifique ? Je l'ai achetée il y a quelques années à un marchant itinérant qui dit l'avoir reçu lors d'un échange avec des nomades du désert, à l'ouest d'ici. Ils racontaient qu'elle venait d'antiques ruines, et qu'elle datait du temps où les héros de la légende combattirent le dieu du chaos, lors du déluge. »
Un peu surpris, Lars se retourna, et fit face à son hôte. Un homme de la trentaine, peut-être un peu plus, les cheveux à peine grisonnant. Il était rasé de près, bien coiffé, et portait une robe légère rougeâtre, orné de quelques motifs autour du col et des manchettes.
« C'était vraisemblablement l'objet préféré de Morgan dans toute cette maison. Elle disait qu'elle voyait en cette sculpture un message de vie, d'espoir. « Il faut chérir son temps sur cette terre comme sa propre progéniture, car rien n'est plus précieux, et rien ne peut rattraper le temps perdu, gâché. Nous ne saurons jamais lorsque nous serons rappelés à la déesse, alors tâchons de profiter de chaque moment qu'elle nous accorde ». Ce sont ces propres mots. C'est intéressant que ce soit ce même objet qui vous ai particulièrement intrigué dans cette pièce.
- Je doute que Morgan et moi ayons jamais partagé quoique ce soit.
- Laissez-moi me présenter : Arthus Du Lac. Le protocole m'oblige à devoir présenter mes titres, mais je suis sûr qu'ils n'ont aucune valeur pour vous.
- Vous supposez bien.
- Aha ha ha… ! Bien...asseyons-nous, voulez-vous ? Je pense que nous avons quelques mots à échanger.
- Je vous remercie d'avoir accepté ma requête Ar...M. ...Seigneur Du Lac.
-Je vous en prie ! Appelez-moi Arthus!
-...Arthus. Cet entretien compte beaucoup pour moi. Je doute que Morgan vous aie beaucoup parlé de moi, mais je tenais beaucoup à elle. Et je regrette sincèrement ce que le sort lui a réservé.
- Ma foi...c'est du passé maintenant. Elle n'aimerait pas que je me morfonde, et que je passe le restant de ma vie en deuil. Elle n'aimerait certainement pas que je vous reçoive non plus, mais j'estime que c'était chose nécessaire. En vérité...Je suis heureux que vous m'ayez retrouvé. Je pense que malgré les moyens dont je dispose par rapport à vous, je n'aurai jamais prit le temps de partir à votre recherche, ou même de mandater quelqu'un pour le faire. Les contacts, l'or, l'influence...rien ne peut remplacer le courage, la force de caractère. Et je crois que, assez stupidement, j'avais peur de notre rencontre, car j'avais peur que cela ne me rappelle trop Morgan, trop le passé. Vous avez remué ciel et terre pour espérer n'avoir ne serait-ce qu'une trace, un simple indice de Morgan, et vous voilà maintenant. Votre courage est admirable Ser Hawke.
-...
-Allons ! Si vous êtes là, c'est que vous avez des questions je suppose?
-Eh bien...Oui. Vous avez raison. Morgan… A-t-elle laissé quelque chose pour moi ? Vous a-t-elle transmis un message? »
Arthus sentait le pli qui se trouvait dans la poche interne de sa robe, près de son coeur. Il se rappelait, assis sur son lit, dix minutes auparavant, relisant pour la enième fois cette lettre qui ne lui était pas destinée. Elle était destinée à l'homme qui se trouvait actuellement devant lui. Mais cette lettre...ces mots...cette écriture...C'étaient ceux de Morgan, sa Morgan... Tout ce qui lui restait d'elle, la seule chose pour laquelle son coeur a été plus fort que sa raison, la seule chose qu'il n'a pas pu se résoudre à jeter, ou vendre. Non...Cette lettre...était sa lettre. Il avait vécu auprès d'elle, il s'était marié à elle, l'avait aimé, lui avait donné des enfants, l'avait couvert de son affection, sa tendresse ! Il s'était ouvert à elle ! Elle le connaissait mieux que quiconque en ce monde, et il la connaissait mieux que quiconque ! Rien n'aurait dû les séparer ! Cet homme ! Ce...barbare ! Sauvage ! Il ne l'a pas connu, il ne l'a pas aimé, elle ne l'a pas aimé ! Il n'a aucun droit sur ces mots ! Aucun droit !
Soudainement, il se rendit compte que son coeur battait la chamade, et qu'il commençait à transpirer. Il se rendit aussi compte que son visage avait les traits tirés, qu'il s'était inconsciemment contracté. Il essaya alors de se détendre un peu.
«… Ma foi… je suis désolé… mais non. A vrai dire, elle ne m'a quasiment jamais parlé de vous, en près de 15 ans de mariage.
-C'est… certainement mieux ainsi. Je pense que je n'aurai pas pu tenir le choc. Je sais très bien comment elle me considérait, comment elle m'a considéré durant toute sa vie, et intérieurement, inconsciemment, je me voilais la face. J'espérais qu'elle change, qu'elle réussisse à me pardonner, j'espérais que nous pourrions renouer ensemble, mais je savais que c'était chose impossible. Quoiqu'elle aie pu me laisser, cela m'aurait troublé bien plus que je ne l'aurai voulu, et bien plus que je ne puisse le concevoir.
-Vous savez, je ne vous connais pas. Le peu de chose que j'ai entendu ne m'a pas aidé à me faire une image claire de vous. Je ne sais pas qui vous êtes, d'où vous venez, ni ce que vous avez traversé avant d'en arriver là. Mais vous avez ce regard. Je ne suis ni guerrier ni aventurier, mais j'ai croisé de nombreux soldats dans ma vie, des généraux parfois, des vétérans. J'ai croisé des grands prisonniers de guerre, des mercenaires, des barbares. Et si une chose devait ressortir, parmi tous ces hommes, tous ces profils différents, c'est le regard dur et profond. Le regard de celui qui ne peut plus être impressionné, de celui qui a vu, qui a connu. Et vous avez ce regard. Je tiens en grand respect ce regard. Car il témoigne en quelque sorte de votre passé. Je reste persuadé que la vie n'a pas été tendre avec vous, malgré ça vous voilà, vous êtes prêt à faire face à votre passé. J'aurai aimé qu'elle vous connaisse tel que vous êtes aujourd'hui, elle aurai sûrement changé d'avis à votre égard.
-On ne peut pas demander à une plante verte de subitement se déterrer et se mettre à courir. Morgan...était Morgan. Je crois qu'elle n'aurait jamais changé. Peu importent les regrets, les remords, peu importent l'amour et l'envie de changer les choses, le passé est immuable. C'est comme ça. Nous devons apprendre à vivre avec nos vieux démons...
-Sont-ils nombreux vos démons, M.Hawke?
-Vous n'avez pas idée… J'ai eu une vie d'aventure, Arthus, une vie bien remplie. J'ai parcouru les terres à la conquête du monde. Au sommet de ma jeunesse, j'aurai pu déplacer des montagnes, soulever des royaumes, mener des peuples, guerroyer sans fin. En ce temps-là j'ai passé ma vie sur les routes ou sur le pont d'un bateau, allant d'un village à un autre, d'un port à un autre, prenant ce qui ne m'appartenait pas. En résumé, j'étais jeune. Mais j'avais des devoirs. Une femme, une enfant, une famille qui avait besoin de moi. J'étais parti pour de bonnes raisons. Mais je ne suis pas revenu suffisamment tôt, et pour de mauvaises raisons. Je ne sais pas ce que j'étais parti chercher sur les routes, mais je sais maintenant que c'était quelque chose dont je n'avais à l'époque pas besoin. Mais ça évidemment, on ne s'en rend jamais compte. Des esprits fins diront que je tentais tant bien que mal de combler par une vie de bohème la place que ma famille occupait en temps normal, mais qui s'était retrouvé vidé lorsque je suis parti. Peut-être auraient-ils raison. Peut-être.
-Vous...prendrez bien un rafraîchissement M.Hawke?
- Je dirais pas non à une bière.
-Ah ! Un homme simple avec des goûts simples ! Cela fait plaisir à voir ! Nestor ? Venez ici je vous en prie.
Un vieil homme, droit, sec, le visage neutre, apparu quelques instants plus tard dans le salon. Il portait une simple tunique marron, centrée, attachée à la taille par un ruban noir et une boucle d'argent, ainsi qu'un pantalon, lui aussi sombre, ajusté, vraisemblablement fait d'un velours léger. Ses chaussures noires étaient parfaitement lustrées. Sa tête était couverte d'une sorte de chapeau mou, un béret, noir, qui cachait en partie ses cheveux gris et courts, parfaitement bien coiffés. Des lunettes faites en ce qui semblait être de l'argent trônaient sur son nez, qui était assorti d'une fine moustache blanche, taillée, remontant légèrement en boucle sur les extrémités.
« Monseigneur m'a appelé?
-Oui Nestor. Apporte-nous une pinte de la meilleure bière que nous avons à la cave, ainsi qu'une bouteille du vin qu'il nous a été servi au dîner d'hier. Il était tout simplement fabuleux!
-Bien Monseigneur. »
A peine le valet fut sorti de la pièce, qu'un oiseau se cogna contre la baie vitrée du salon. Lars et Arthus, surpris, se retournèrent subitement. C'était un grand oiseau, un quelconque rapace nocturne. Après s'être relevé, l'animal reprit son envol en direction de la forêt.
« C'est étonnant de voir un tel animal en plein jour ! Ils sont d'habitude réputés pour vivre exclusivement la nuit.
-Peut-être que quelqu'un ou quelque chose l'a tiré de son nid, contre son gré. Ce n'est pas rare de voir les animaux perturbés quand l'environnement lui-même est perturbé. Notamment quand on coupe du bois en grande quantité dans la même région par exemple. Les animaux s'affolent, fuient, et on peut assister à des scène étonnantes.
-Eh bien ! Vous venez de m'apprendre quelque chose!
-On est obligé d'apprendre et de constamment s'adapter quand on vit sur les routes. Sinon, c'est la fin.
-Je veux bien vous croire sur parole. Dites-moi… Oserai-je vous demander de me conter l'une de vos aventures?
-Je… préférerai pas… Désolé. Il est des choses qu'un Homme peut raconter, et d'autres qu'il doit garder pour son coeur. Malheureusement pour moi, la seconde partie regroupe la quasi-totalité de ma vie.
-Je comprends. Je n'insisterai pas. »
Un silence s'installa entre eux. Lars se replongea malgré lui dans ses souvenirs, alors qu'Arthus se mit à se triturer l'esprit. Il se demanda s'il devait le faire, s'il allait le faire, s'il en aurait le courage. Mais surtout si c'était une bonne idée, le bon choix à faire. Pam… sa petite Pam… C'était bien sa fille, mais il n'était pas réellement son père. Son coeur de romantique lui disait de la laisser l'accompagner, de lui donner la liberté qu'elle a toujours voulu, dont elle a rêvé, de lui laisser apprendre la vie à la dure mais… Lars Hawke. Un nom. Bien des rumeurs. Le rapport que lui avaient livré les espions qu'il avait engagé faisaient état de bien de choses, bien d'histoires le concernant. Et toutes pas honorables. Certes il ne connaissait pas cet homme, et c'est bien là le problème, mais si le quart des choses qu'il avait lues à son sujet sont vraies, alors ce n'était pas un homme recommandable. Mais… Mais ! Pam ! Pam… Et cet homme… Ils sont liés, c'est certain. Pas seulement par le sang, mais aussi par leur destinée. Il n'était pas un oracle, ni un sage, mais il sentait que ces deux êtres avaient bien plus de choses en commun qu'il n'en n'aurait jamais avec elle. C'était peut-être un guerrier barbare, un malpropre, un rustre. Peut-être qu'il a été bandit, mercenaire, pirate, soldat, prisonnier. Peut-être qu'il a volé, détruit, tué, violé. Mais et si c'était la personne qu'il lui fallait… L'Histoire, la poésie, et la littérature lui avaient apprit que, parfois, il ne fallait se fier aux apparences. Mais ce cas-là était particulier. Et bien plus important que tout le reste ! Mais… et si pour une fois, il ne faisait pas « ce qui était préférable », mais ce qu'il jugeait bon ? Il a le droit de se tromper… Non ! Il est là question de la vie d'un être humain, d'une enfant ! Il ne peut justement pas se tromper ! Il ne se le pardonnerait jamais ! Mais ne pas la laisser partir avec cet homme peut aussi se révéler être le mauvais choix. Il ne peut décemment pas la confier à n'importe quel homme sur cette terre. Même le plus grand des instructeurs, des maîtres d'armes, même le héros le plus renommé de Tellius ne saurait lui apporter ce que Lars peut. Malgré le danger, malgré le doute, malgré les zones d'ombre sur sa vie, il reste et restera à jamais sa seule… famille.
Le silence ne fut brisé que par Nestor qui apporta sur un plateau d'argent comme sa boucle une bouteille de vin ainsi qu'un verre à pied et une magnifique choppe faite en cuivre, qui débordait d'une mousse épaisse.
« Merci Nestor.
-Monseigneur. »
Il s'inclina avant de repartir, le plateau sous le bras. Lars goutta la bière et dû admettre qu'elle était délicieuse.
« M.Hawke… permettez-moi de vous soumettre une requête.
-Eh bien… allez-y.
- Elle se prénomme Pam. Morgan m'avait fait jurer de vous en cacher l'existence si jamais d'aventure nos chemins se croiseraient, mais j'estime maintenant que c'est mon devoir de le faire. Pam… J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Elle a perdu sa mère alors qu'elle était très jeune. Depuis, je ne me suis que trop mal occupé d'elle. Sans cesse entrain de travailler, le nez dans les traités et les papiers officiels, je ne lui ai pas donné l'amour et l'attention qu'elle aurait dû recevoir. Nestor était là pour l'instruire en histoire, en géographie, en mathématiques, en écriture, en lecture, en philosophie, dans les bonnes manières, l'étiquette, et bien d'autres choses encore. Bien que je ne remettre pas en cause la qualité de la formation dispensée par Nestor, je pense que… ce n'est pas ce qu'il lui faut.
-Attendez, je ne vous suis pas…
-Depuis toute petite déjà elle aimait se traîner dans la terre, grimper aux arbres et parler aux animaux. Elle n'avait de cesse de nous demander de partir en voyage, de déménager. Mais j'ai été dur avec elle, je lui ai refusé, car au début je voulais qu'elle hérite de mon domaine, de mes titres, qu'elle entre dans la cour, qu'elle aie une vie satisfaisante, loin du besoin. Mais ce n'est pas ce qu'il lui faut. Ce qu'il lui faut, et cela me coûte de l'avouer, sauf votre respect, c'est vous. Elle a besoin d'un homme comme vous. Et plus précisément, elle a besoin de vous. Je pourrais trouver des aventuriers, des mercenaires, des vétérans de guerre, des maîtres d'armes à la pelleté pour l'instruire et l'emmener découvrir le monde, mais elle n'apprendrait pas autant qu'à vos côtés. Car à vos côtés, elle apprendrait de vous. Elle apprendrait votre histoire, vos aventures, votre vie… elle apprendrait son histoire. Cette histoire, son sang, qui me sera à jamais inaccessible. D'une part parce que Morgan est maintenant partie, mais aussi parce qu'elle même ne pourrait lui apprendre ce que vous savez, car vous êtes certainement la seule personne en vie aujourd'hui à porter cet héritage. Pour vous c'est peut-être un fardeau, mais pour moi c'est une bénédiction. Je veux que vous aidiez Pam, apprenez-lui la vie comme elle est en dehors de ce domaine et de la noblesse, apprenez-lui d'où vous venez, d'où vient sa famille, apprenez-lui ce que sa mère n'a pas pu lui apprendre, et ce qu'elle a le droit d'apprendre.
-Vous voulez dire que Pam est...
-Votre petite fille. »
Deuxième partie : J'espère que t'aimes la boue
Lars n'en croyait pas ses yeux. La jeune fille qui se tenait là, en face de lui, à côté de son père, était le portrait craché de sa mère à son âge. Elle est un peu plus vieille que sa mère que lorsqu'il a dû...quitter Éloïse et Morgan, mais la ressemblance était frappante. Les quelques tâches de rousseur héritées de sa grand-mère, les cheveux noirs jais comme les siens, et ceux de sa mère, un nez qui partait légèrement en trompette, des pommettes saillantes, un menton fin et pointu, des lèvres bien rouges, des yeux d'un vert émeraude semblable à un poison qu'on aurait irrémédiablement envie de goûter, et une peau blanche de satin. S'il avait croisé cette jeune fille au détour d'une rue, sans la connaître, il aurait cru avoir aperçu Morgan, et cela l'aurait hanté pendant des jours, des semaines, se demandant sans cesse si c'était une illusion, s'il était dans le passé, si elle était revenue, si…, si…
Elle était calmement assise, les cheveux laissés au naturel, habillée d'une robe simple, dans les teintes orangées, avec un ruban rouge autour de la taille, un vêtement léger, pour les beaux jours. Elle ne cessait de sourire, pour une raison inconnue, laissant vagabonder son regard à travers la pièce, se posant tour à tour sur chacun des objets, des meubles présents, avec cette innocence et cette candeur caractéristique des enfants, comme si elle découvrait cette pièce pour la première fois, qu'elle s'imaginait l'histoire secrète de ces lieux, les recoins cachés, les trésors enfouis.
« Mais… Ce ruban… C'est ta mère qui te l'a donné n'est-ce pas?
-Oui ! Vous l'avez déjà vu?
-Eh bien… Oui. C'est même moi qui lui avait offert. À elle et à son frère. Ils portaient constamment le même ruban. Ta mère aimait le mettre autour de la taille, comme tu le fais toi aussi. C'est elle qui a dû te montrer comment l'attacher comme ça. C'est ta grand-mère qui lui avait montré quand elle était jeune. « Un nœud qui avait une signification particulière pour ma famille, mon clan, dans les anciens temps. Aujourd'hui, ce nœud est probablement l'un des seuls vestiges qu'il nous reste de cette époque. Alors on se le transmet de générations en générations ». C'est ce qu'elle m'avait dit alors que je l'avais questionné sur ce nœud. Et son frère, il aimait l'attacher en bandeau sur le front, l'utiliser en ceinture ou autour du bras. Mais tous deux le portaient à longueur de temps.
-Mère a… un frère ? J'ai un oncle?
-Morgan ne vous a jamais raconté?
-Si, elle a évoqué le sujet quelques fois, mais elle attendait que les enfants soient suffisamment grands pour leur expliquer. Le sort en a décidé autrement...
-Excusez-moi… « Les » enfants?
-Oui. Pam est notre première fille, mais nous avons eu un second enfant, un fils. Piter. Mais il est né malade, et il n'a pas tenu longtemps. C'est ce qui a en quelques sortes achevé Morgan. Suite à son décès, elle est tombée en dépression, puis elle a contracté quelque mal inconnu, mais ravageur. Elle est morte quelques semaines plus tard.
-Père! Vous n'avez pas répondu ! J'ai un oncle?
-Non...ma fille. Ton… « oncle »… Ethan, est mort alors qu'il était jeune. Mais ceci n'est pas mon histoire, c'est à ton grand-père de te raconter ces événements.
-Une autre fois peut-être, si tu m'en veux pas. Aujourd'hui je ne me sens pas réellement capable de te raconter ce genre d'histoires.
-Ooooh...
-Allons allons ! Discutons de choses plus réjouissantes ! Alors ! M.Hawke ! Que pensez-vous de ma proposition?
-Vous voulez que j'emmène Pam… avec moi?
-De quoi s'agit-il père ?
-Ma chérie… je souhaite une autre vie que la mienne pour toi. Et puis je sais que tu as toujours voulu parcourir le monde. Tu es une aventurière, tu as besoin de marcher, de courir, de découvrir, de voir, de sentir, de ressentir, d'être au contact des choses.
-C'est vrai ? Vous m'autoriseriez à partir?
-Si tel est ton souhait et que tu me promets que tu fera attention à toi, oui.
-Génial!
-Attendez, je n'ai pas mon mot à dire?
-Ma foi… si ! Évidemment ! Que pensez-vous de tout ça?
-Ce que j'en pense ? Je pense que c'est une folie. Vous devez être auprès de votre fille, vous devez l'écouter, vous devez lui donner de l'affection, de l'amour. Vous devez être là pour son éducation, vous devez être là pour la voir grandir, et grandir avec elle. Moi ? Je ne sais même pas où je vais aller en sortant de chez vous. Je n'ai ni domicile, ni but, ni même le moindre sou. Je ne vous connais pas, et vous ne me connaissez pas. Vous confierez votre fille à un inconnu?
-Je ne la confie pas à un inconnu, mais à son grand-père.
-Pam. Tu te rends compte de ce qui t'attends ? On va devoir marcher sous la pluie, dans la boue, parfois chasser pour manger, et devoir jeûner pendant plusieurs jours si on ne trouve rien. On va devoir faire affaire à des bandits, des animaux sauvages. On va dormir par terre, sur de la mousse quand on aura de la chance. Là dehors, ce n'est pas la belle vie, c'est la misère. Pour une belle rencontre, pour une personne intéressante qu'on rencontrera, qui nous aidera et qui éclairera notre journée, on en rencontrera vingt, trente, cinquante qui sont dangereuses, sauvages, mal-intentionnées, alcoolisées, prêtes à tout pour avoir un simple sou, un morceau de pain. Et je ne te parle pas de ce que certains auront en tête en te voyant!
-Allons allons, M.Hawke, vous allez lui faire peur !
-Lui faire peur ?! Lui faire p »
Lars se leva subitement de son canapé, prêt à exploser. Il se retint au dernier moment, serra les poings et les dents, se calma légèrement.
« Vous ne semblez pas comprendre le danger, la réalité qu'il y a dehors. Les contes ne parlent pas de tout ça. Les récits héroïques ne disent rien sur la difficulté quotidienne de vivre. La vie… la survie ! n'est pas naturelle. Quand on a une maison, un foyer, les moyens d'avoir un grand confort, tout compris, alors on peut se permettre de rêver d'aventure, de vie de bohème. Quand on a le dos cassé à cause d'avoir passé sa vie à dormir par terre ou dans des chambres d'hôtel miteuses, à ne jamais manger à sa faim, alors on ne peut pas se permettre de rêver d'un foyer chaud, avec une famille aimante et à manger ! Car ça saperai le peu de moral qu'on pourrait avoir, ça ferait voler en éclat toute notre volonté, et ça nous ferait douter sur l'utilité de tout ça, d'une telle existence. Avez-vous déjà douté de l'existence, M. Du Lac ? De votre propre existence dans son entièreté ? Mais aussi de l'existence même ? De la vanité de toute chose en ce monde, passée et à venir ? Je ne pense pas, non. Alors posez-vous les bonnes questions. Que voulez-vous, M. Du Lac ? Que voulez-vous pour votre fille?
-Dites ! Moi aussi je peux monter sur mes grands chevaux ! J'ai 13 ans ! Je ne suis plus une petite fille ! Et je vais vous dire, « grand-père », je n'ai pas peur de tout ça ! Je n'ai peur de rien au monde ! J'ai un rêve ! Un grand rêve ! Que j'accomplirai, quoiqu'il en coûte ! Qui êtes-vous pour briser les rêves des gens ? Qui êtes-vous pour décider à la place des autres ? Savez-vous mieux que moi ce dont j'ai envie ? »
Lars se prit une claque en pleine face. Car cette jeune fille, qui venait de se lever, cette Pam, elle ne ressemblait pas seulement à sa mère, enfant, mais à lui aussi. En la voyant ainsi crier, il se revoyait, à son âge, plein d'énergie, la tête pleine de rêves, d'envie, d'idées. À cet âge-là, rien n'aurait pu l'arrêter. Et d'ailleurs, rien ne l'a arrêté. Jamais. Il été borné, n'en faisait qu'à sa tête malgré les avis et conseils des autres. Il pensait avoir raison, et allait jusqu'au bout de ses idées. Morgan, malgré elle, ressemblait plus à son père qu'elle ne l'aurait voulu, elle ne s'en n'est jamais rendu compte, et la réaction de cette jeune fille présente devant lui en témoigne.
Soudain, toutes ses ardeurs se calmèrent, et de la tendresse naquît en son cœur. Il ne pouvait en vouloir à Pam. Il ne pouvait être en colère. Car indirectement, c'était lui qui a fait de Pam ce qu'elle était. Un sourire discret s'étira péniblement à la vue de cette jeune fille qui lui tenait tête, toute sa détermination se lisant sur son visage.
« C'est réellement ce que tu veux?
-Oui!
-Je suppose tu as raison, jeune fille. Je ne suis personne pour décider à ta place. Si tu veux venir avec moi, alors viens. Mais je te préviens, la vie ne sera pas simple, elle ne sera pas facile. Moi non-plus, je ne serai pas facile à vivre. J'exigerai le meilleur de toi, j'exigerai que tu pousses tes limites, que tu te donnes à fond. Je ne fais pas dans le caritatif, je ne vais pas t'accompagner dans chacun de tes pas. Dès que tu aura passé le seuil de cette porte, tu deviendra une adulte, libre de tes choix et de tes actions. Je ne serai pas responsable de toi, toi seule le sera. Je ne te force pas à me suivre, alors si tu le fais sois consciente de ce que ça implique. Ça implique de ne pas pleurnicher, de ne pas se plaindre, de prendre sur soi et de souffrir en silence. Ça implique de faire passer la survie avant tout, d'être capable de faire des choses pas très honorables. Ça implique d'apprendre, de s'adapter, constamment. Et surtout... »
Lars s'accroupit pour se mettre à sa hauteur, et la regarda droit dans les yeux, le visage dur.
« ...ça implique d'être capable de se débrouiller seule. Je serai là pour te montrer, t'enseigner, t'apprendre, mais je ne serai pas là pour te protéger. Si un danger se pointe, tu sera seule responsable de toi-même, à toi de faire en sorte de te cacher, de fuir, de te défendre. Sache-le. »
Arthus fut soudainement décontenancé parce qu'il venait d'entendre, mais pas sa fille. Et en la voyant, il su qu'elle s'en sortirai. Et malgré ce que Lars venait de dire, il savait au fond de son cœur, qu'il serait là pour sa petite fille. C'est la seule famille qu'il lui reste, c'est évident qu'il la protégera. Il voulait juste lui faire peur, la préparer mentalement à ce qu'elle allait suivre dans les prochaines années.
« Allons-y. Je te donne cinq minutes pour te préparer. Ne prend que le strict nécessaire.
-Comment ? Maintenant ? Ne restez-vous pas pour
-Non. Le temps est un luxe qu'on n'aura pas souvent. Qu'elle s'habitue maintenant à se préparer rapidement et à lever le camp. »
A peine ces mots prononcés, Pam courra dans sa chambre, se changea et prit dans une sacoche les quelques objets dont elle pensait qu'elle aurait besoin.
« Pour la tenue, on repassera. Les robes prennent de la place, se déchirent facilement, empêchent les mouvements rapides, et surtout ne protègent pas des coups. Montre-moi ton sac. »
Sans attendre de réaction ou de réponse il le lui arracha des mains et déversa son contenu par terre dans l'entrée.
« Des sous-vêtements ? Inutile. Une poupée ? Inutile. C'est quoi ça… des crayons ? Inutile. Du papier ? Inutile. Tu n'aura pas le temps d'écrire, crois-moi. Et quand tu aura enfin le temps, tu ara oublié ce que tu voulais dire au départ, et à qui. Du matériel à couture ? On garde, c'est pas con. Une dague ? Bonne idée, mais ce que tu as là sert bien plus à la décoration qu'au combat, elle risque de casser au premier combat. Ça ferait mieux de rester là. Bon, du coup on a… de quoi rafistoler les vêtements. Super. Tiens, vu que ton sac est presque vide tu va prendre cette corde avec toi, et ce briquet. Enveloppe-le bien dans du linge, faut pas qu'il prenne l'eau ! Bon, on va dire qu'on pourra pas être plus prêt que ça. C'est parti. Arthus, merci de l'accueil, à la prochaine. »
Lars ouvrit la porte et sortit de la maison. Il traversa le jardin et attendit Pam au niveau de la clôture. Quelques instants plus tard, elle le rejoignit en sautillant, toute souriante.
« Bienvenu dans l'âge adulte, gamine. Et enlève-moi ce sourire de ta bouille, ça va rien arranger. »
Troisième partie : Viens, et ouvre grand tes oreilles
« Alors ? Qu'est-ce que t'as à dire contre ça grand-père?
- Ça va, la ramène pas. T'as eu un lapin. C'est bien. Mais c'est peu.
-En fait t'es jamais content c'est ça?
-Ce n'est pas parce que je ne sautille pas partout, que je ne rigole pas, ou que je n'arbore pas de sourire victorieux que je ne suis pas content. Ta manière de faire ou de penser est loin d'être la seule, et n'est certainement pas la « bonne », alors ne te base pas là-dessus pour juger autrui.
-...
-Écoute… Oui, je suis content, car on va pouvoir manger un peu de viande fraîche pour une fois. Et on en aura pour demain aussi. Mais j'ai appris qu'il fallait profiter, pas se réjouir. Profite de cette chair, soulage ton corps et ton âme, le repas de ce soir ressemblera à un festin comparé aux autres jours. Alors profite de ce festin, régale-toi, et que ce bref moment reste gravé dans ta mémoire, qu'il soit un moteur pour ta survie, une motivation pour te lever le matin. Il faut qu'en entamant ta journée tu aies l'ambition de manger du lapin le soir. Il faut que tu aies de l'ambition, Pam, car l'ambition te fera avancer alors que tout semble t'inciter à arrêter. Mais attention Pam, n'oublie jamais la réalité, ne la perd pas de vue. Aies l'ambition, mais n'oublie jamais l'échec. Sois consciente qu'aussi bon le repas de ce soir puisse être, demain est un autre jour et tout sera à recommencer à zéro. Le jeu de la survie, la chasse, la marche, le danger. Pour un animal que tu attrapera, il y en a dix, ou vingt que tu ratera. Pour un village que tu atteindra et une nuit que tu passera à l'auberge, il y a dix jours de marche. N'oublie jamais l'échec, n'oublie jamais l'effort, n'oublie jamais les ratés. D'une part parce que ce sont eux qui vont constituer ton quotidien, alors autant t'habituer. D'autre part parce que ça te fera apprécier la valeur de la réussite. D'où tu viens tout est facile, tout est rapide, tu manges à ta faim matin midi et soir, tu n'as qu'à aller au marché pour acheter de nouveaux vêtements. Si tu souhaites un animal de compagnie, ton père demande aux bonnes personnes et le lendemain il se prélasse dans ton salon. La réussite a la valeur de l'effort qu'on fournit pour l'obtenir, les choses ont la valeur de l'effort et du temps nécessaire pour l'obtenir. C'est simple. Alors n'oublie jamais l'échec. Accepte-le, apprend de lui, et utilise-le pour nourrir ta motivation. Si la réussite est l'objectif d'une quête, l'échec en est le moteur.
-...
-Allez. Retournons au camp. »
Lars prit le lapin à pleine main et se mit à marcher au milieu des arbres. Pam passa son arc autour de son épaule et suivi son grand-père, sans dire mot, plongée dans ses pensées. Son grand-père, elle l'admirait. Il savait faire des tas de choses, il en connaissait un tas d'autres. Il était sage, son grand-père. Mais il était pas comme les vieux sages des contes et des histoires. Il était pas paisible, il était pas serein et calme, il observait pas le monde du haut de sa montagne ou du fond de sa forêt. Non, son grand-père, il se battait. Il se battait pour vivre, se battait pour manger. Il se battait avec elle, des fois. Mais il est pas méchant, non, il veut bien faire. Il veut l'aider, il veut lui apprendre. C'est elle qui est trop lente, trop faible, trop… nulle. Il lui avait bien dit, avant de partir, qu'il ne serait pas tendre. Mais elle ne s'était rendu compte que depuis quelques temps que son grand-père était en fait la plus dure épreuve qu'elle aurait à faire face durant ce voyage. Car elle ne pourrait pas le chasser, elle ne pourrait pas le combattre. Un bon repas ou une nuit de sommeil n'y changerai rien. Elle sera là, et lui aussi. Quand on fait face à un obstacle, on veut instinctivement le contourner, ou le combattre. Mais l'accepter ? L'intégrer dans sa vie ? Ce n'était pas naturel. Pas pour elle. Le danger n'était pas ce monde, le danger venait d'elle. Un homme comme son grand-père peut vivre dans de telles conditions. Mais en l'état, pas elle. Pas encore. Elle doit grandir, elle doit s'améliorer, et elle doit surtout écouter ce que dit grand-père. Mais il y a tant à apprendre, tant à connaître, tant à se rappeler, tant, tant…
« Pam ! Ne traîne pas !
-J'arrive grand-père ! »
Elle se mit à courir à travers les fougères. C'est décidé, elle deviendrai une grande aventurière ! Avant, c'était la découverte du monde, l'excitation. Mais maintenant elle sait, maintenant elle a comprit, elle a entraperçu le chemin qu'il y aurait à parcourir, et elle peut se préparer. Elle y arrivera, elle en est sûre!
« Qu'est-ce que c'est que ce sourire?
-Rien grand-père ! Je me suis juste rendu compte que… J'aime bien être avec toi ! J'aime t'écouter, et j'aime voyager!
-Ah bon ? Et tu viens de réaliser ça à l'instant?
-Oui ! Et je me suis fixé un but dans la vie!
-Tiens donc ? Et c'est quoi exactement?
-Explorer la terre entière ! Faire une carte précise du monde entier ! Découvrir tout ce qu'il y a à découvrir !
-Et bien ! Rien que ça ! Tu ne manques pas d'ambition ! Et tu va y arriver toute seule?
-Non ! Je pourrais jamais faire ça toute seule ! C'est pour ça que tu va m'aider!
-Oh tu sais, je veux pas te décevoir, mais quand tu sera en âge de parcourir le monde par tes propres moyens, moi je serai en âge de rentrer chez moi, par mes propres moyens si j'ai de la chance. Je doute que je puisse t'accompagner dans cette quête-là.
-C'est pas grave ! Avec tout ce que tu m'apprends et tu me montres, c'est un peu comme si tu sera toujours avec moi ! Maintenant quand je chasserai, je penserai tout le temps à toi ! »
Lars s'arrêta un instant dans le dépeçage du gibier, surpris par ce que Pam venait de dire, puis il repris sa tâche, un sourire aux lèvres. L'innocence des enfants mène parfois à une clairvoyance troublante. C'est vrai qu'au fond… elle n'avait pas tort. Le savoir est un héritage comme un autre. En tout cas, c'est le seul qu'il ait encore à transmettre, étant donné qu'il ne possède plus rien à part les quelques affaires qu'il traîne avec lui sur les routes depuis de nombreuses années.
Il « découpa » des morceaux de viande avant de les introduire dans le bouillon qui chauffait, qui ressemblait d'ailleurs plus à de l'eau chaud avec une simple patate et une carotte qu'un véritable bouillon, ou même une soupe. Puis il mit un couvercle et s'adossa contre l'arbre, pour se reposer un peu.
« Dis grand-père...
-Hmmmmoui…?
-Je pense à quelque chose depuis qu'on est parti de la maison…
-Dis moi gamine.
-Mon oncle… je veux dire… le frère de ma mère… tu peux me raconter?
-Qu'est-ce que tu veux que je te raconte exactement?
-Bah… je sais pas… qui c'était ? Et puis, mère, elle était comment, jeune?
-Quitte à te raconter l'histoire, c'est pas mieux de commencer par le début?
PSEUDO : Thomas, Arthen, Nae COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM ? Ma propre personne m'en a informé QUELQUE CHOSE À CORRIGER ? Je ne me prononcerai pas sur la question EXPÉRIENCE DU ROLE-PLAY : Thomas, Arthen, Nae TU AS DÉJÀ JOUÉ À FIRE EMBLEM ? SI OUI, LEQUEL/LESQUELS ? Path of Radiance, Radiant Dawn, Sacred Stones et Rekka no Ken
Dernière édition par Lars Hawke le Lun 29 Aoû - 14:03, édité 5 fois
Sujet: Re: Lars Hawke [Terminé] Jeu 21 Juil - 18:49
CHAPITRE 1: NEVASSA
Première partie : Environ 60 ans plus tôt
Je suis né à Nevassa, la capitale de Daein. Aujourd'hui, avec le recul, ça te surprend sûrement. Peut-être que ça ne te plaît pas trop non plus, parce que l'histoire t'as appris que c'est de là qu'a commencé la première des deux grandes guerres de Tellius, il y a quelques années de ça. Il ne faut pas tout croire, ce n'est pas la nation qui a été belliqueuse et horrible, seulement ses dirigeants, en particulier Ashnard. C'était sincèrement une belle époque. Pas de gros souci à l'horizon, la vie tranquille comme une grande partie de la population.
Mon père tenait une forge, dans laquelle je travaillais de temps à autres pour l'aider et le soulager un peu de son travail, ma mère, grâce aux revenus de la forge, n'avait pas besoin de travailler, alors elle s'occupait de nous et de la maison. Et j'avais un frère, Firost, plus jeune de 4 ans. Au début tout allait pour le mieux, nous vivions dans notre maison familiale, sans encombre particulière. Elle se trouvait au sein d'un quartier rempli de marchands et d'artisans, comme mon père. Et comme toutes nos familles se connaissaient depuis plusieurs générations, le troc fonctionnait bien plus que le réel commerce. On avait tout ce dont on avait besoin : à manger, à boire, de quoi nous habiller, équiper nos maisons, les outils… S'il y avait quelque chose dont tu pouvais avoir besoin, alors tu pouvais trouver un artisan dans cette rue pour te le faire. On avait même une petite chapelle, dans laquelle avec mon frère et d'autres enfants du quartier on allait tous les matins, en guise d'école. Le prêtre n'était pas un professeur, mais il savait lire, écrire, compter, il connaissait l'histoire et la géographie, et c'est simplement ce qu'il nous apprenait, à côté de l'enseignement religieux qu'il ne dispensait pour le coup qu'aux volontaires. Au début on y allait avec Firost, curieux de voir ce que c'était. Mais après quelques séances ça nous a ennuyé, et on a préféré parcourir les rues et découvrir la ville pendant ce temps. Ce n'était pas le luxe, ce n'était pas parfait, mais c'était chez nous, on s'y sentait bien. A ce moment-là, on n'avait aucune raison pour vouloir que ça change. Mais avec le temps, tu l'apprendra, tout change.
Au début, mon père nous faisait travailler à la forge en tant qu'assistants, mon frère et moi, pour nous initier à son art, nous montrer comment il travaillait, partager sa passion et transmettre une sorte d'héritage. Jusque là rien de bien compliqué, c'est la même chose avec tous les parents. Mais peu à peu ça s'est transformé en véritable apprentissage. Il avait pour volonté de nous former, durement, pour qu'on puisse reprendre l'affaire une fois qu'il ne serait plus capable de la faire tourner correctement. Et dans cet apprentissage, il était exigeant. Cette transformation s'est déroulée sur plusieurs années, petit à petit, presque de manière vicieuse, pour nous habituer à cette nouvelle vie. De quelques heures par semaines passées à la forge, on est passé à quelques heures par jours, puis toutes nos après-midi, jusqu'à ce que même nos matinées à la chapelle s'en retrouvent diminuées.
On était des enfants qui écoutaient notre père, on croyait en lui, on faisait ce qu'il disait parce qu'on l'aimait, et que c'était la chose naturelle à faire, mais on ne s'est pas rendu compte.
Mon frère avec le temps a appris à prendre ça comme une sorte de jeu. Plus jeune, mais aussi plus faible que moi au même âge, il avait du mal à travailler correctement, et notre père perdait de plus en plus vite patience avec lui. Je me démenais comme pas possible pour combler ses attentes, donc il était fier de moi, ou au moins satisfait, mais c'était pas le cas de Firost. Il souffrait sans cesse de la comparaison avec moi. Mais il ne m'en voulait pas. Ni à mon père d'ailleurs. Il était… simplement content de passer du temps avec nous, de faire une activité en famille, même si elle était dure, et qu'il finissait la journée tremblotant de fatigue. Il s'est couché sans dîner le soir un nombre incalculable de fois. Ce qui n'a forcément pas amélioré son état de santé. C'était un cercle vicieux.
J'approchais des 13 ans, et avec la maturité grandissante je commençais à me rendre compte de certaines choses, de certaines situations, notamment concernant mon frère. Ce n'est plus à prouver, c'est l'âge où on commence à avoir une certaine maturité intellectuelle, on commence à réfléchir sur des choses importantes, sur la famille, sur soi-même, sur l'avenir. On cherche parfois le sens profond des choses, leur but. On se demande si c'est normal, ou pas, ce qu'on devrait faire, être, ou devenir. C'est une période où l'adulte naissant dans chaque adolescent rentre en conflit avec la génération qui l'a élevé. C'est ainsi, c'est normal. Mais ajoute à tout ça une haine grandissante, des abus au sein de la famille, des engueulades à n'en plus finir, des punitions au bord de la torture.
Oui, j'ai commencé à considérer mon père d'une manière différente. Plus le temps avançait, et plus mon affection, mon amour se dissipait, et laissait de la place à de la haine, de la rancœur, du dégoût. Et en fin de compte je ne voyais en cet homme que la source de tous nos soucis, tous nos maux, et plus notre père. Mais pas Firost. Oh non. Il était joyeux, comme à son habitude, débordant d'une énergie qui ne semblait venir de nulle part. Ne te fais jamais d'illusions Pam, les enfants ressentent les choses autour d'eux, comme une éponge. Ils ne comprennent pas forcément, ils ne sauront pas mettre de mots là-dessus, mais ils ressentent. Instinctivement ils s'adaptent. Et je pense que c'est ce que Firost faisait. Il ressentait les conflits, il ressentait la tension, il ressentait la mauvaise ambiance constante chez nous, mais il n'a jamais su d'où elle venait, quelle en était la cause. Alors il a donné du sien pour essayer d'améliorer les choses, il a essayé de transmettre sa joie, son énergie, pour cacher et oublier le reste, ce qui n'allait pas.
Puis, un beau jour, notre père a reçu une commande de l'armée. Près d'une centaine d'épées, à livrer en une semaine. C'étaient des modèles simples, tout en fer, sans décoration, qui ne nécessitait aucune intention particulière. Alors ils nous a chargé du travail, pour qu'il aie un peu de temps libre pour travailler sur des nouveaux plans de confections. Au début, c'était difficile, il fallait qu'on se fasse la main, qu'on trouve notre rythme de travail optimal. Une fois trouvé, on avait organisé un véritable travail à la chaîne avec Firost. Il s'occupait de tenir la lame blanchie par le feu, et je la frappais au marteau. Puis il la mettait dans l'eau, et la posait dans le tonneau à côté. Pendant ce temps, je prenais la lame suivante, j'en mettais une nouvelle dans le foyer, je faisais couler du métal dans le moule, et je mettais un nouveau lingot à fondre. Vu qu'il était encore jeune, mon frère n'avais pas le droit de s'approcher de trop près du feu et du métal en fusion.
On était en plein travail, au milieu de l'après-midi, quand mon père m'appela dans son bureau. Il avait besoin d'aide pour enfiler un nouveau plastron lourd qu'il venait de réaliser. Il fit quelques pas, bougea les bras, la tête, dans plusieurs directions, nota quelques trucs sur un bout de papier, et me fit l'enlever. Puis me congédia. Je suis revenu dans l'atelier, et j'ai vécu ce que je crois aujourd'hui encore être les plus longues secondes de toute ma vie.
J'ai vu Firost avec dans les mains la pince pour transporter les seau en terre pour transporter le métal en fusion. Il voulait faire une épée tout seul. Mais je l'ai vu trébucher, et mon sang n'a fait qu'un tour. En un instant je m'étais élancé à travers la pièce à toute vitesse pour le rejoindre et espérer faire quelque chose pour empêcher l'inévitable de se produire. Mais je le savais, c'était inévitable. Il trébucha, tomba à la renverse, avec le pot en terre sur la poitrine. La lave argentée lui coula dessus, et tout ne dura alors que quelques secondes. J'ai vu mon frère, par terre, le regard empli d'une peur intense, d'une terreur que je ne souhaite pas à mon pire ennemi, me fixant comme pour me supplier de l'aider. Mais je ne pouvais rien pour lui. Je ne pouvais rien faire d'autre que de le regarder souffrir, pleurer, hurler à la mort, tendre ses bras vers moi, ne pas comprendre pourquoi je ne faisais rien pour lui, pourquoi il souffrait, pourquoi ça ne s'arrêtait pas, pourquoi, pourquoi… Le métal en fusion lui consuma le torse en quelques secondes, en y creusant un énorme trou jusqu'au sol. Ça sentait la mort, la chair brûlée, la viande beaucoup trop grillée. Évidemment mon père, alerté par tout ce vacarme, rappliqua en quatrième vitesse. Mais alors qu'il me demanda ce qu'il se passait, il n'eut pour seule réponse que mon poing en plein visage. Puis je me suis enfui de la maison.
J'ai couru, comme jamais je n'avais couru auparavant. Les larmes inondaient mes yeux et m'empechaient de voir correctement devant moi. Bousculant tout le monde, trébuchant, tombant, roulant, me relevant, j'ai couru, j'ai continué mon chemin. On a voulu m'aider, m'arrêter, me ramener chez moi, mais c'était le dernier endroit au monde où j'avais envie d'aller. Car c'était là où vivait mon père, là où mon frère était mort, là où mon impuissance a détruit ma vie, là où tout s'est arrêté, là où plus jamais je ne retournerai. C'était la faute de mon père. Il nous avait forcé à travailler comme des esclaves. Il n'écoutait pas nos plaintes, il n'écoutait pas notre mère, il nous laissait à peine nous reposer, il ne faisait que nous engueuler, nous dire qu'on ne travaillait pas assez bien, pas assez vite, qu'il nous vendrait comme serviteurs, que ça lui serait plus rentable. Peu importent quelles avaient été ses intentions initiales, peu importe l'amour qu'il nous portait ou non, c'était de sa faute, tout était de sa faute. Firost était mort par sa faute, et jamais je ne pourrai lui pardonner.
J'ai traversé la ville sans savoir où j'allais. J'avais erré quelques heures, des les ruelles sombres, me faufilant des les foules. Je ne savais pas ce que je faisais, c'était une sorte d'instinct qui avait prit le dessus. Puis j'ai vu les grandes portes, et je suis sorti dans le village extérieur. Je n'étais jamais sorti avant, mon père nous disait que c'était dangereux. Mais c'était magnifique. On avait une vue dégagée sur les montagnes de Daein, sur les vastes plaines entourant la capitale, sur les nombreux champs, sur les humbles huttes habitées par les paysans, les éleveurs, les modestes gens. J'ai un peu marché dans les rues de terre et de sable, entre les maisons en bois, entre les clôtures, j'ai vu, et j'ai réalisé. Ici, les gens étaient plus pauvres que nous. Ici, ils n'ont pas forcément à manger tous les jours. Ici, les enfants ne reçoivent aucune éducation, et aident leurs parents dans les champs toute la journée, quand ils ne s'occupent pas de la maison ou des jeunes frères et sœurs. Brutalement, la réalité m'a frappé, et a mit en perspective mes malheurs. Malgré ma peine immense, malgré la pire journée de ma vie, j'ai réussi à comprendre qu'en fin de compte, jusque là, je n'avais pas vécu dans la pire des situations. J'avais eu un toit solide, une situation stable car bien que mon père ne soit qu'un enfoiré, il avait un bon travail et gagnait de quoi nous faire manger à notre faim tous les jours, et nous acheter des habits quand les nôtres se faisaient vieux. Ca n'excusait pas ce qu'il nous avait fait subir, et je le tenais toujours responsable de la mort de Firost. Mais de voir ces gens qui s'en sortaient encore moins bien que moi, ça m'a renvoyé à la gueule mon égoïsme et ma frustration, un peu mal placée par moments.
« … Grand-père ? Ça va?
-… Oui. Ne t'en fais pas. Mangeons, c'est prêt. »
Deuxième partie : L'idylle d'une vie
« Bonjour ! Je crois pas t'avoir déjà vu par ici, t'es un étranger ? »
Je me suis retourné et j'ai vu cette jeune fille rousse un peu sale, les cheveux poussiéreux, les vêtements tâchés, les mains noires de terre et les souliers boueux. Mais elle était magnifique. Peut-être c'était à cause des circonstances particulièrement horribles, mais cette fille m'apparu d'une beauté sans limite, elle rayonnait. Il y avait devant moi comme un morceau de pur rêve, matérialisé. Autant dire que dans ma tête, et dans mon coeur, c'était un sacré bordel. Tout se mélangeait dans tous les sens, j'arrivais plus à réfléchir, ni à ressentir correctement, et je suis sûr que je devais avoir une sale gueule sur le moment.
« Alors ? T'es étranger ? Me dit pas que tu sais pas parler !
-Euh...si je...sais parler.
-Et alors ? Tu viens d'où?
-De...heu...la ville.
-Ca alors ! Tu viens de la ville ! La vraie ville là-bas, derrière les remparts?
-O...oui...
-C'est super ! J'ai toujours rêvé d'y aller ! Ma maman me dit que c'est dangereux et refuse de m'y laisser y aller. J'ai entendu que y'a des gens avec pleins de vêtements de pleins de couleurs différentes ! Et que certains femmes ont des longues robes toutes propres, qui brillent comme un énorme feu et qui tournoient dans les airs quand elles dansent ! Tu as vu tout ça?
- Je...non...je suis pas noble, c'est...les nobles qui s'habillent comme...ça… je crois.
-Oh c'est dommage, j'aurai
-Éloïse ! Tu va arrêter de déranger ce jeune garçon ?! Aller, rentre à la maison, va t'occuper du ménage !
-D'accord maman...
-Bonjour mon garçon ! Comment tu t'appelles?
-Lars madame.
-Très bien Lars. Tu viens vraiment de la cité?
-Oui madame.
-Et tu as de la famille là-bas ? Tu veux que je te raccompagne?
-Non madame ! Jamais ! Je retournerai jamais là-bas ! Plutôt me faire dévorer dans les bois par des loups plutôt que de retourner là-bas!
-Allons allons, je voulais pas te faire peur, excuse-moi. Je ne te forcerai pas à y retourner. Tu as quelque part où aller?
-Non Madame, je suis parti ce matin, je sais pas où je vais, je voulais juste partir de chez moi.
-Très bien Lars. Écoute, si tu veux tu peux rester à la maison, avec Éloïse et moi si tu veux. On n'est pas riche, mais on peut s'occuper de toi un moment, avant que ça aille mieux.
-Je...Oui...Merci.
-Aller, rentre mon garçon. Tout va bien aller. »
Tu remarquera comme la vie peut des fois êtres paradoxale. C'est ce jour-là, où j'ai perdu mon frère adoré, où j'ai abandonné ma famille, où j'ai fuis ma maison, où j'ai tout quitté, qui fut le pire de ma vie, c'est ce jour précis où j'ai fais la connaissance de ce qui deviendra plus tard la femme de ma vie, ta grand-mère.
Les années suivantes devinrent les plus belles de ma vie, du pur bonheur. Pas de responsabilité autre que ma nouvelle famille, plus de problème, plus de pression, l'innocence de la jeunesse pour moi, et la naissance d'un amour avec Éloïse pour m'emporter au-delà des cieux. Je suis finalement resté avec elle et sa mère, faisant à terme presque partie de leur famille. J'ai appris qu'Éloïse avait un père, un marchand, tué par des bandits. Elles ont alors déménagé pour venir s'installer à Nevassa et commencer une nouvelle vie. Sa mère travaillait chez un noble en ville en tant que servante, pendant qu'elle s'occupait de la maison et de leur petit potager qui leur apportait un peu en nourriture.
Tu sais petite… Tu as dû lire à de nombreuses reprises des livres ou des poèmes sur l'amour, tu as dû regarder les peintures des plus grands artistes de l'histoire, tu as dû entendre un peu partout, régulièrement, que l'amour est la plus belle chose qui soit, la plus puissante. Tu peux lire tout ce qu'il y a à lire sur le sujet, comprendre tout ce qu'il y a à comprendre, tu ne le saura jamais réellement tant que tu ne l'aura pas connu, l'amour. Comme la faim. Si tu as toujours eu à manger dans ton assiette, tu ne peux pas imaginer ce qu'est que d'avoir faim, de n'avoir rien mangé depuis des jours et des jours, d’avoir ce vide qui creuse ton estomac, qui accapare toute tes pensées, de se sentir faible, tremblotant, incertain, fatigué.
L'amour… te transporte. Il te change, mais change aussi le monde. Tout devient flou à part l'objet de tes désirs et de ta tendresse. Aucun mot, aucune expression, aucune musique ne saurait exprimer ce que l'on ressent lorsqu'on est amoureux. Car chaque amour est unique, un mélange entre un parfum de peau qu'on se plaît à sentir sans limite, la couleur des yeux dans lesquels ton âme tremble et se voit à l'envers, une mèche de cheveux que tu gardes près de ton coeur comme le fil qui te retient à la vie, mais aussi un coeur qui bat, une volonté d'être ensemble. Aimer, c'est sentir aimé, se sentir accepté par autrui, appartenir enfin à quelque chose de réel, de concret, de terriblement puissant. L'amour rend aveugle, c'est vrai, mais il rend fort. « Nous contre le reste du monde », c'est le message que semblent crier ces deux cœurs qui battent à l'unisson le rythme d'une nouvelle existence, formée par la fusion de deux êtres auparavant disjoints, inconnus, et maintenant inséparables.
« Dis donc grand-père ! Je ne t'aurai jamais cru si romantique!
-Arrête de faire la maligne et fais plutôt attention où tu marches, tu risques de provoquer un éboulement de terrain. On verra comment tu sera quand tu tombera amoureuse, « madame ». »
Ce qui n'était qu'un simple flirt, une petite idylle, s'est rapidement transformé en cet amour qui transcende tout dans ce monde. Au début, on cachait notre relation à sa mère. On ne savait pas comment réagir, on ne savait pas comment elle le prendrait. On n'était pas de la même famille, on n'a pas été élevés ensemble, mais on vivait sous le même toit, on formait une sorte de famille, tous les trois. On avait un peu peur de sa réaction, on avait peur que ça se termine sans prévenir, que je sois obligé de partir de la maison. Mais nul doute qu'elle l'aie su bien avant qu'on le lui avoue, et je suis sûr qu'elle s'en était aperçu avant même qu'on s'en rende compte nous même. Puis quand on lui a expliqué la situation, elle nous a dit qu'elle était sincèrement heureuse pour nous. Nous étions les deux personnes les plus chères à ses yeux, alors que nous nous soyons trouvé l'un l'autre, dans un coup de foudre, un amour presque parfait, cela la comblait.
On a grandi tous ensemble, dans le bonheur le plus total. Rapidement, j'ai commencé à travailler à droite, à gauche, comme garçon à tout faire, pour rapporter un peu d'argent en plus. C'était un petit paradis, que j'assimile souvent à ma petite enfance dans les rues de Nevassa. Une innocence, un bonheur simple avec les gens qu'on aime. Rien de plus, rien de compliqué.
Puis, à nos dix-neuf ans, on a décidé de nous marier. On n'avait pas beaucoup de moyens, alors on a fait ça au milieu des champs, derrière notre petite maison. On avait convié les voisins, et j'avais demandé au prêtre qui m'avait instruit quand j'étais jeune d'officer, il l'a fait avec plaisir, et gratuitement.
Une cérémonie simple, champêtre, comme notre vie à l'époque, comme nous. Mais la joie a été de courte durée. A peine quelques jours plus tard, la mère d'Éloïse a fait une mauvaise chute a son travail, elle s'est gravement blessée, perdant l'usage des jambes à vie. On a alors puisé dans les économies pour faire appel à un soigneur pour qu'il l'examine.
« Bon, je vais être franc avec vous. Votre mère ne se porte pas bien. Du tout. Sa chute n'a été en fait qu'un déclencheur pour tout le reste si vous voulez. Elle a accumulé stress, fatigue pendant ces dernières années, il semblerait aussi qu'elle ait récemment attrapé une sorte de maladie qui l'a grandement affaiblie. C'est en grande partie, je pense, ce qui l'a fait chuter. Votre mère… est faible. Très faible. Elle vit probablement ces dernières heures. J'ai cru comprendre que vous vous êtes mariés très récemment. Tous mes vœux de bonheur. J'ai l'intuition que c'est ce qui la maintenait en vie. Elle ne voulait peut-être pas entacher votre bonheur à tous les deux, ou tout simplement assister à votre mariage, je ne sais pas, mais maintenant, plus rien ne l'empêche de partir. Mon garçon, elle vous attend… Passez une… bonne soirée. »
C'est en tremblant, les yeux humides, le coeur battant la chamade, que j'ai poussé la porte de sa chambre. Elle était allongée dans son lit, le teint blême, blanc, les yeux injectés de sang, des cernes sur la moitié des joues. Elle était à peine capable de bouger, mais elle a souri quand je suis entré.
« Lars… viens… viens…
-Je suis là, Aurore.
-Ma fille… Éloïse… Je te la confie… prends-en soin…
-Non ne dites pas ça, vous allez vous en sortir ! On va s'occuper d'Éloïse tous les deux hein ? On est une famille tous les trois ! C'est fait pour ça la famille ! Je
-Chuuut… je le sens… il me reste peu de temps… S'il te plaît… je te la confie… Aime-la… donne-lui… tout ton coeur… toute ta vie… C'est une brave petite… jamais elle ne te fera de mal… jamais elle ne te posera de souci… jamais… Alors occupe-toi d'elle… chérie-la… fais son bonheur… donne-lui des enfants… construisez… une famille. Aide-la à… construire une vie… ensemble… tous les deux… Vous êtes une famille maintenant, je n'ai plus… ma place… à vos côtés. Je dois vous laisser… pour que vous preniez votre envol… tous les deux… soyez heureux…
-… J'en fait la promesse Aurore. La promesse...
-Merci… »
Je me suis levé, je suis sorti et j'ai dit à ta grand-mère qu'elle pouvait aller à son chevet. J'ai fermé la porte derrière elle et j'ai attendu, assis sur une chaise. Je ne sais pas combien de temps ça a duré, mais il est certain qu'Éloïse a accompagné sa mère dans ses derniers instants sur cette terre. Je n'ai jamais su ce qu'elle lui avait dit. Je ne lui ai jamais demandé, elle ne me l'a jamais dit. Il y a des choses que l'on doit garder pour soi. Ce n'est pas secret, mais c'est personnel.
Pam. Respecte les derniers mots d'un défunt. Respecte-les. Car malgré tous tes efforts, malgré ton envie de te rappeler des bons moments, de son visage enjoué, du bonheur que vous avez partagé, ce sont bel et bien ces mots qui te hanteront toute ta vie. Ce sont eux qui reviendront dans tes rêves, ce sont eux qui te reviendront en mémoire dans les moment difficiles, ce sont eux qui viendront te faire douter de tes choix, de tes actions, de leurs conséquences. Tu te demandera alors si tu as bien fait, si tu as respecté les dernières volonté de cet être qui avant de mourir t'as confié une part de lui-même. Alors ne prend jamais ces mots à la légère. Jamais.
Sujet: Re: Lars Hawke [Terminé] Jeu 21 Juil - 19:06
CHAPITRE 2: SIENNE
Première partie : Se lamenter ne sert à rien
Peu après le décès de la mère d'Éloïse, on est parti à Sienne, pour y mener une nouvelle vie, y fonder notre famille. Ce qu'on savait pas, c'est qu'Aurore avait avec le temps économisé de l'argent qu'elle comptait nous donner suite à notre mariage, mais le sort a fait qu'on en a… hérité. Alors on a vendu les quelques possessions qu'on avait à Nevassa, et on a déménagé.
On savait que Begnion était le plus grand empire de tout le continent, et on avait entendu des rumeurs, des histoires de rues, quelques contes de voyageurs, décrire la beauté de Sienne, sa splendeur, sa grandeur. Mais il y a savoir, et il y a connaître. Si tu as lu des livres d'histoires, vu des peintures, alors tu sais. Mais ton corps, lui, n'a expérimenté ces sensations. Et lorsqu'on arrive pour la première fois à Sienne, on se sent… tout petit.
Avant même d'avoir passé les portes de la cité, en arrivant par la route, après une longue, très longue traversée de la forêt de Serenes, on s'aperçoit de l'étendue de la ville. Bien plus grande que Nevassa, bien plus grande que tout ce que j'avais vu auparavant. Elle s'étendait à perte de vue. Immense, blanche, rayonnante. Puis j'ai remarqué, même de loin, la tour de la déesse qui siège à son centre et semble vouloir pourfendre les cieux, un escalier qu'il serait possible d'emprunter pour aller rencontrer Ashera en personne. Tout était absolument sublime, bien loin des montagnes grises et des murailles noires de Nevassa. Nevassa était impressionnante, Sienne imposait le respect.
En franchissant les portes on était comme des paysans qui entraient pour la première fois dans le palace d'un grand seigneur. On était émerveillé par tout ce qu'on voyait, on en comprenait à peine la moitié, et on se disait qu'une vie entière ne suffirait pas à tout voir, à tout découvrir, à tout visiter. On traînait avec nous une petite carriole avec l'essentiel de nos fournitures, en plus de deux sac à dos remplis à ras bord. Globalement, c'était des vêtements et des affaires de familles, des souvenirs des ancêtres d'Éloïse.
On a passé quelques semaines dans une auberge, avant qu'on puisse emménager dans notre propre maison. C'était la capitale de tout l'empire, alors forcément il y avait un afflux constant de voyageurs venus chercher une nouvelle vie derrière les grandes murailles blanches. Mais on a bel et bien fini par avoir notre maison. Moins grande que celle qu'on avait à Nevassa avec Éloïse, un peu vieille et mal en point par endroits, mais elle était suffisante. Et même si on a dû la payer le prix fort, il nous restait quelques économies. On pouvait envisager d'améliorer l'endroit, d'en faire notre foyer à nous, et à terme d'y élever des enfants.
L'aventure peut prendre bien des formes, petite, il faut que tu soies capable de la reconnaître pour pouvoir pleinement en profiter, ou sinon tu n'aura que le regret et le manque lorsqu'elle se sera terminée, car il sera trop tard pour toi. Et quoiqu'on puisse en dire, quoique tes poètes ont pu en dire, l'aventure ne se trouve pas uniquement sur les routes, dans les grottes sombres, ou sur un champ de bataille. L'aventure c'est d'abord un état d'esprit, un cheminement, une nouveauté. Chaque chapitre de ta vie peut être vécu comme une aventure. Alors, tu te rendra compte que ça en dupliquera les sensations, et tu te sentira vivante comme jamais, réelle, présente, en harmonie avec ton environnement, capable de faire, capable de créer. Car l'aventure inspire et révèle le meilleur de nous même, nous fait rêver et nous pousse à nous dépasser.
Sienne… ça a été l'aventure de ma vie. La plus grande, la plus importante, la plus personnelle aussi. J'étais jeune, amoureux, des rêves pleins la tête et de la motivation pleins les mains, je me sentais capable de tout. J'allais bouffer cette ville. On allait bouffer cette ville, avec Éloïse. On s'en sortirai mieux que les autres, les malheurs et les soucis ricocheraient sur nous comme une flèche sur un bouclier. On allait enfin vivre.
Deuxième partie : Une livre de pure bonheur
Quelques mois après avoir emménagé à Sienne, j'avais trouvé un emploi dans une forge de la ville, en tant qu'assistant. Même si la forge m'évoquait et m'évoque toujours de mauvais souvenirs, c'est bien la seule chose que je savais à l'époque correctement faire. Quand à ta grand-mère, elle avait trouvé un poste de vendeuse dans une épicerie familiale à quelques pas de notre maison. On avait rencontré ces gens le jour où on a emménagé, ils nous avaient aidé et on a rapidement fait connaissance. Quelques temps plus tard, leur fils, qui les aidaient alors dans leur boutique, s'est engagé dans l'armée. Ils sont venu nous voir directement pour nous proposer un petit poste rémunéré. Je travaillais déjà à la forge, alors c'est Éloïse qui les a rejoint. A nous deux on ne vivait pas dans le luxe, mais en faisant attention on avait réussi à nous créer un petit confort. Alors c'est tout naturellement que l'idée de faire un enfant nous est venue.
On faisait des économies, en attendant la venue du petit, on s'occupait d’aménager le foyer, je lui ai même construit son petit lit, dans sa chambre. Les propriétaires de la boutique où travaillait Éloïse nous on même donné des affaires de leurs enfants quand ils étaient jeunes. On avait tout ce qu'il fallait, on était prêt, le bonheur allait frapper à la porte.
Je me souviens encore du jour de l'accouchement comme si c’était hier. Ta grand-mère était allongée dans notre lit, il y avait un médecin ainsi qu’un prêtre guérisseur pour l’aider et l’accompagner, et aussi pour accueillir le petit quand il allait naître. Je trouve qu’il y a une certaine poésie au fait que notre venue au monde se passe dans les cris et la douleur, ceux de la mère qui souffre et qui enfin voit le fruit de mois de fardeau, mais aussi ceux du bébé qui pour la première fois respire du monde. Une vie apparaît, presque de nulle part. Moi ? J’y suis pas pour grand-chose. Nous les hommes on est là pour la partie marrante, mais après c’est la femme qui fait le reste du boulot. Et honnêtement, je sais pas si j’en serai capable. Mais Éloïse… fut la plus merveilleuse des femmes et des mères à ce moment là. J’ai essayé d’être à ses côtés, j’ai essayé de l’aider, de la soutenir, mais elle a fait tout le travail, et comme une pro.
« Tenez-bon madame, il y en a un second ! »
À cet instant précis nos regards se sont croisés avec ta grand-mère, et ça a changé la donne. On s’y attendait évidemment pas, mais on n’a pas paniqué, on n’a pas eu peur. Sans même échanger un seul mot on avait comprit la même chose : c’était destiné à être de la sorte, nous n’y pouvions rien. Alors on a accepté ça comme un défi, on s’est dit qu’une aventure encore plus grande nous attendait. Tous les quatre, Éloïse, Morgan, Ethan et moi.
Troisième partie : S'engager dans une nouvelle voie
Mais tu dois faire attention, Sara, car le bonheur ne dure jamais qu’un temps, alors tâche d’en profiter tant qu’il est là, car on ne sait jamais ce que peut nous réserver l’avenir. On en a profité tant qu’on a pu, on a vu Morgan grandir et s’épanouir comme une enfant. Nous étions une famille heureuse. On était pas riche, mais ça nous rapprochait autour de valeurs simples, l’essentiel et rien d’autre. Jusqu’à ce qu’Éloïse perde son travail. Nos voisins sont tous les deux décédés, l’un rapidement après l’autre, de maladie. L’épicerie a été rachetée, et ta grand-mère virée. De mon côté j’avais reçu une promotion à la forge, mais mon seul salaire ne nous suffisait pas à vivre convenablement, alors j’ai fait ce qui est certainement le premier d’une suite de très mauvais choix, que je regrette aujourd’hui.
« Comment ?! Mais tu peux pas faire ça!
-Écoute Éloïse, s’il-te-plaît...
-Tu va donc nous abandonner, Morgan et moi?
-Je vous abandonne pas, je reviendrai ! Je vous le promet!
-Et dans combien de temps ? Un an ?
-Le contrat est de deux ans minimum. Après ces deux ans, je suis libre de rentrer à la maison.
-Mais...Comment on va faire pour vivre ? Pour manger?
-Eh bien… justement. Tiens. Je me suis arrangé avec mon nouvel employeur. Il a été compréhensif et a accepté de me donner une avance sur mon salaire. Vous aurez de quoi vivre plusieurs mois avec ça, facilement, le temps que tu puisses trouver un autre emploi.
-Mais tu sera pas payé?!
-Du coup… pas avant sept mois. Au minimum. Ça va dépendre de mes performances.
-Et la petite ? Tu as pensé à la petite ? Tu veux la priver de son père ? Elle a besoin de toi!
-Écoute, Morgan est une fille forte, je suis sûr qu’elle comprendra, et puis...
-Mais tu comprends pas espèce d’imbécile ?! J’ai besoin de toi ! »
La vie est pleine de choix. Basiquement, tu ne fais que ça. Ce sont tes choix qui te font avancer, dans une direction ou dans une autre. Mais tu ne dois en aucun cas rester passive face aux événements. Choisis, sois maître de ton destin, ainsi tu n’aura aucun regret. Mais tu te rendra vite compte que certains choix sont durs, très durs à prendre. Même si c’est la meilleure chose à faire. Ton cœur et tes émotions viendront sans cesse te faire douter, te tenter de tout arrêter et de faire marche arrière. Et quand tu aura atteint mon âge, et que tu te replongera dans tes souvenirs, certains moments seront beaucoup plus marqués que les autres, beaucoup plus importants et clairs dans ton esprit. Pour ma part, c’est cet instant précis qui compte le plus pour moi. Cet instant quand ma femme me tenait dans ses bras, en sanglots, me suppliant de rester, me suppliant de ne pas franchir la porte, m’implorant de ne pas partir et de ne pas les laisser seules, de ne pas la laisser seule.
Si j’avais décidé de rester, qui sait ce qu’il se serait passé ensuite ? Qui sait ce qu’il serait advenu de nous, de moi, de mes regrets ? Qui sait où tu serai ? Il est impossible de prédire ces choses-là, on ne peut que supposer, rêver. Mais il est sûr que tout ce qui a suivi dans ma vie aurait été différent. Sans aucun doute possible.
Il est plus facile de se remettre de sa propre blessure que de se remettre des blessures de la personne qu’on aime plus que tout au monde. Ta grand-mère était réellement mon âme sœur. Notre histoire, mais aussi les circonstances de notre rencontre, tout, absolument tout me pousse à croire que c’est la femme qui me correspondait parfaitement. Et quand tu vois ta propre perfection de tes yeux, l’objet de tes rêves, ta réalité toute entière souffrir, pleurer et s’écrouler, tu t’effondres intérieurement. Mais tu dois être fort, tu dois la rassurer. Alors tu la serres dans tes bras, tu essayes de la calmer, tu lui promets que tu reviendra très vite, tu lui dis que vous serez bientôt riches, tu lui dis que la vie ne sera plus la même, qu’elle sera enfin belle et sans aucun souci. Tu lui dis que t’es désolé et que c’est la meilleure chose à faire, tu lui dis que tout ira bien, puis tu l’embrasses pour ne plus jamais oublier le goût des lèvres de ton amour tout entier, et enfin tu lui tournes le dos, ramasses ton sac et passe la porte. Pour ne plus jamais la revoir.
Lars ralenti le pas puis, peu à peu, s’arrêta. Il observa le soleil couchant au loin, et se retourna subitement vers sa petite-fille pour la prendre par les épaules.
« Écoute-moi, Sara. Tu es grande maintenant, tu es apte à comprendre la vie et à apprendre par toi-même, tu peux faire des choix et assumer les conséquences. Alors je voudrais que tu entendes ceci : ne poursuis pas la richesse.
-Grand-père ? Qu’est-ce que tu
-Écoute-moi bien ! Ne poursuis pas la richesse, ne cherche pas à obtenir plus de choses que tu n’en n’a réellement besoin. Ce qui importe c’est ce que tu ressens, ce que tu vis, les gens qui t’entourent et qui comptent pour. Profite de leur présence, profite de ton existence mais ne cherche pas à poursuivre un but inutile, à acquérir l’illusion du bonheur ! Le bonheur se trouve dans le cœur des hommes, Sara. Tu m’as bien compris ? Dans le cœur des hommes ! L’amour, l’amitié, la famille, le partage, toutes ces choses constituent le bonheur. Pas l’argent ! Pas les propriétés ! Ces choses sont futiles, elles se remplacent, ce ne sont que des outils ! Mais les gens… on ne remplace pas les gens, ce ne sont pas des outils. Il faut vivre, expérimenter, et avoir des souvenirs pour tes vieux jours. »
Sujet: Re: Lars Hawke [Terminé] Mar 26 Juil - 23:22
CHAPITRE 3: SUR LES ROUTES
Première partie : Une totale réussite?
« Tu te souviens grand-père quand tu me parlais de ta jeunesse?
-Ouais.
-Ça fait longtemps que tu m’a plus raconté d’histoire!
-Tu penses pas être un peu trop vieille pour que je te raconte des histoires ? Ça va bientôt être à toi de m’en raconter pour pas que je perde la boule!
-Dis pas ça ! N’importe quoi ! C’est juste que, la dernière fois...
-Je t’écoute?
-Bah je sais pas. T’étais devenu silencieux, et depuis tu as refusé de me parler de tout ça.
-Je… c’est vrai. Je suis désolé. Mais tu dois comprendre que me replonger dans mes souvenirs comme ça, c’est pas toujours agréable. Et pour le coup, comme je te l’avais dit à l’époque, c’est une période de ma vie qui me coûte à raconter. Je suppose que ça m’a mis dans une sorte de mutisme.
-Je comprends. Désolé, je ne voulais pas...
-Pas quoi ? Me rappeler de mauvais souvenirs ? Sara… Ma petite Sara… Les souvenirs sont là, bien ancrés profondément dans mon cœur. Rien ne pourra y changer quelque chose, je n’oublierai jamais. Jamais. Ce n’est pas de ta faute. Rien de tout ça n’est de ta faute, mais bien de la mienne. Ce sont mes choix qui ont fait que ses souvenirs sont mauvais… Allez viens, installe-toi près de moi, je vais reprendre là où je m’en étais arrêté. J’ai promis de te raconter tout ce que je sais, et je n’ai qu’une parole. »
Deux ans. Je suis resté deux années dans ce groupe de mercenaires. En tant que tel, on faisait le boulot pour lequel on était payé. Et malheureusement, les gens qui avaient les moyens n’étaient pas forcément ceux avec les meilleurs intentions. On servait le plus souvent d’armée privée utilisée dans des conflits entre nobles qui ne savaient pas quoi faire de leur temps. Mais on se gardait d’accepter certaines missions, car même si on était payé pour faire un job, il fallait pas que le job ne soit contradictoire avec un sens moral basique. Enfin, le sens moral de l’époque. J’avoue avoir pris part à de l’esclavagisme Laguz pendant un temps, et c’est l’une des choses dont je suis le moins fier aujourd’hui.
Toujours est-il que ce groupe avait une certaine réputation, et que le travail ne manquait jamais. Mais suite à une mission en particulier, notre renommée a explosé, et la mienne avec. On devait récupérer la fille d’un noble pris en otage par des bandits, qui réclamaient une rançon. Cas classique. La stratégie dans ce genre de situation est d’envoyer un groupe de commando pour éliminer un à un les kidnappeurs et ainsi espérer récupérer l’otage sain et sauf. Mais j’avais eu l’idée d’une stratégie très élaborée, en plusieurs temps, et nécessitant des moyens plus conséquents. Le principe était, via de nombreuses diversions, d’éparpiller le groupe de bandits, de se faufiler jusqu’à la cible, l’emmener dans un endroit en sécurité, et faire appel à la garde pour s’occuper du groupe de bandit. On avait du préparer la mission pendant des jours et des jours, surveiller, les allers et venues, prendre en compte le ravitaillement, les stocks d’armes et de nourriture, absolument tout ! Mais le résultat a été fantastique : aucune victime à déplorer, des deux côtés, les soldats de Criméa ont pu capturer tous les criminels et les traîner devant la justice. Le noble nous a grassement récompensé, et des rumeurs disaient que le roi en personne avait eu vent de notre coup d’éclat. Suite à ça j’ai en quelques sortes reçu une promotion chez les mercenaires, et la fête qui a suivi a été l’une des plus folles de ma vie.
On avait établi un énorme banquet et fait venir des danseuses et musiciens grâce à l’argent de la mission, pour festoyer toute la nuit durant. C’est alors que le chef s’est mis sur la table et a commencé à parler. Nale Tobes. Un brave homme, plein de compassion et de sympathie. Mais juste. Il savait quand accorder des libertés, et quand sévir. Un homme qui a beaucoup fait pour moi, et que j’aimerai sincèrement recroiser un de ces quatre. Il était toujours accompagné de son second, Anto Leroy. Un homme un peu maigrichon, sorte de bouffon qui aimait amuser le groupe lors des moments de détente. Si Nale était le réel chef, Anto était en quelques sortes notre défenseur, et n’hésitait pas à faire valoir notre intérêt devant Nale s’il jugeait qu’il se montrait trop dur avec nous.
« Fermez-la bande de bons à rien ! Ce soir !… Ce soir on fait la fête ! Ce soir on boit, on mange, et on se rince l’oeil ! Mais surtout, ce soir,
on fait honneur à not’ gars du jour, de le semaine, DU MOIS ! LARS, HAWKE ! Allez mon gars, lève-toi ! Mesdemoiselles, ce jeune homme est l’homme de la soirée, assurez-vous
qu’il la passe en bonne compagnie ! Lars, tu nous a tous étonné avec cette mission, et moi le premier. Certains diront qu’on a mis trop de temps pour le même résultat, mais moi je leur répond qu’ils sont frustrés car ils n’ont pu
trancher aucune tête ! Mais vous inquiétez pas les gars, y’aura d’autres missions, d’autres têtes à couper ! »
C’était… c’était une sacrée soirée. J’espère ne pas l’oublier de sitôt. Le lendemain, le chef Tobes est venu me voir et m’a pris à part.
« Bon gamin, t’as fait un joli coup, c’est vrai. Et je vais pas m’en attribuer le mérite, ni te saper le moral. Bien au contraire. Mais j’aimerai te mettre en garde : tu va gagner en responsabilité pendant les missions, t’as prouvé de quoi t’étais capable et j’ai besoin de plus de gars comme toi. Alors me fait pas défaut, me fais pas regretter mon choix. Et surtout, surtout, que le pouvoir ou la renommée ne te monte pas à la tête. D’abord parce que t’es pas devenu impératrice de Begnion. Ensuite, parce que c’est le début de la fin si tu perds le sens des réalités. De plus, maintenant que t’as un peu fait parler de toi dans le pays, certains viendront te chercher des noises, et verront d’un mauvais œil ton existence. Moins y’a de bons soldats, plus y’a de criminels. Alors reste attentif, ouvre l’oeil. »
Je respectais trop cet homme pour ne pas prendre au sérieux ses paroles. Et je sais pas si ça a porté ses fruits, ou si simplement personne n’avait rien tenté contre moi, mais le résultat est là : je suis vivant, et entier.
Puis, éventuellement, mon contrat s’est terminé, et malgré leur envie que je reste dans leurs rangs, j’ai quitté le groupe pour de bon et me suis dirigé vers Begnion pour retrouver ma femme et ma fille, leur ramener l’argent promis et enfin vivre la vie que je voulais. Mais tout ne s’est pas réellement passé comme prévu…
Quand je suis arrivé à Sienne, je suis retourné à la demeure familiale, mais la maison était vide. Vidée de tout. Il était impossible de savoir que quiconque ai jamais vécu dans cette maison. Elle était vieille, en partie détruite, poussiéreuse. J’ai alors fait le tour du quartier, mais je ne reconnaissais personne, et personne ne me reconnaissait. C’était le bon quartier, l’exacte maison où j’ai vécu, mais le nom de Hawke semblait inconnu de tout le monde. Personne n’aurait vécu dans cette maison depuis des décennies.
Deuxième partie : Où?
« Mais enfin grand-père, c’est pas possible de disparaître comme ça ! Tu t’es forcément trompé quelque part!
-C’est ce que je pensais aussi. Pendant des semaines je me suis cru fou, j’ai cherché dans toute la ville, demandé à consulter les registres officiels. Mon nom, ni celui de ta grand-mère, n’apparaissait nulle part... »
C’était pas possible. Ce n’était juste pas possible. Impossible. Vraiment. Je ne savais que faire ou quoi penser. J’étais tombé des nues, je me retrouvais au fond d’un gouffre infini, sans lumière, sans espoir, sans rien. J’étais perdu. Est-ce qu’on était entrain de me jouer un tour ? Était-ce une illusion magique très puissante ? Étais-je fou ? Je ne pouvais être fou, j’avais le portrait d’Éloïse et de Morgan constamment sur moi ! Ou alors j’avais inventé ces deux personnes ? C’était insensé. Et à ce moment la seule chose qui avait un quelconque sens pour moi était de rentrer à Nevassa, et espérer les retrouver là-bas dans notre ancienne maison. Peut-être n’avait-on jamais déménagé ? C’était possible. Plus probable en tout cas que leur totale disparition.
Alors je me suis mis en route vers Daein, le pays qui compte bien plus dans ma vie que je ne voudrais l’admettre. Sur le chemin, j’ai demandé à chaque voyageur que je croisais, chaque mendiant, chaque marchant itinérant, chaque soldat, à chaque taverne, chaque village, si ces deux femmes leur était familières, si par chance il les avait croisé, d’une manière ou d’une autre. En vain. Pendant des jours, des semaines entières, mais rien. J’ai tourné en rond, je suis allé à Nevassa, mais notre ancienne maison était occupée. La description des deux femmes ne parlait à personne. Absolument personne. Nulle part, dans aucun quartier.
Alors j’ai continué mon chemin, et j’ai cherché dans tout le pays. Toujours aucun signe de vie. Je suis allé à Crimea, mais rien de ce côté-là non plus. Je suis allé dans tout endroit où il y avait un quelconque signe de vie. Mais Éloïse et Morgan avaient tout bonnement disparu. Alors j’ai atterri dans une auberge d’une petite ville portuaire de Crimea, et j’y suis resté pendant plusieurs semaines, broyant du noir. Pour la deuxième fois de mon existence, ma vie venait de complètement s’effondrer autour de moi. Et encore une fois, c’était de ma faute, mais je n’ai rien pu faire pour l’empêcher.
Troisième partie : L’île au trésor
« Tiens, Quin, je t’ai déjà raconté quand j’ai rejoint un navire pirate?
-T’as été un pirate grand-père ? C’est fabuleux!
-Fabuleux je sais pas, mais c’est sûr que c’était une sacré aventure ! »
Je logeais dans cette auberge depuis plusieurs semaines déjà. J’avais commencé à me faire une petite vie tranquille dans cette ville de Crimea, j’avais rencontré quelques personnes sympathiques, je travaillais comme homme à tout faire histoire d’avoir un peu de revenu, même si l’argent gagné avec les mercenaires me permettait de vivre très confortablement.
Toujours est-il qu’un beau jour, je vois un grand navire aux voiles noires amarré au port. Les nouvelles vont vite, et les rumeurs parlent déjà d’un équipage pirate faisant une halte avant de repartir prendre la mer. Je devais prendre une décision rapidement, car il se pourrait qu’ils repartiraient dès le lendemain : profiter de l’occasion et me joindre à eux pour l’aventure, ou rester dans ma petite vie monotone à l’auberge ?
Sans perdre de temps j’ai demandé où l’équipage se trouvait, et en moins de cinq minutes je me tenais à quelques mètres d’eux, dans une taverne, où ils avaient apparemment décidé de boire toutes les réserves d’alcool. Je suis allé voir celui qui me semblait être le capitaine.
« Bonjour, excusez-moi, je
-Salut jeune homme ! Qu’est-ce que tu m’veux ? Tu vois pas que j’suis entrain d’boire avec les gars?
-Si évidemment, excusez-moi, mais je voulais savoir si vous recrutiez… »
D’un coup les pirates se sont tus, et le capitaine m’a regardé avec des grands yeux, un sourire jusqu’aux oreilles. Puis ils se sont mis à rire, aux éclats. Alors j’ai posé mon sac par terre, et en ai sorti deux énormes bourses pleines d’or : mes économies.
« Tenez, je vous paierai si vous m’acceptez. Vous ne comprenez pas, mais faire partie d’un équipage est l’un de mes rêves, depuis que je suis gamin. »
Dès que j’ai posé les sacs d’or sur la table, les rires se sont lentement effacés de leurs visage, pour ne laisser place qu’à la stupéfaction. Le capitaine prit un sac et l’ouvrit en grand, pour en verse son contenu sur la table. Puis il souri, et leva la tête vers moi.
« C’est marrant qu’tu dises ça, gamin, parce que tu sais comment s’appelle mon navire?
-… non?
- Le Rêve. »
Et il se remit à rire. Il me donna une bonne tape sur l’épaule et m’invita à passer la journée avec le reste de l’équipage. On allait partir le lendemain matin, il me dit d’aller préparer mes affaires. Mais à part les vêtements que je portais, et l’or que je venais de lui donner, j’avais aucune affaire avec moi. C’était vite vu.
Il m’a dit s’appeler Len Morto, et me présenta à son contre-maître, Torr Quale. Il m’expliqua alors comme fonctionnait un équipage sur un navire : le capitaine donne des ordres, le contre-maître se charge de transmettre et de faire appliquer, et l’équipage applique. Il ne fallait en aucun cas remettre en question un ordre du capitaine. Ce n’était pas qu’une question d’autorité, mais bien parce que le capitaine est le garant du bon fonctionnement de son navire. C’est le sien, il sait comment il fonctionne et ce qu’il faut faire, et comment il faut le faire. Le capitaine est un marin d’une grande expérience, alors il faut l’écouter. Si l’équipage n’en fait qu’à sa tête, plus rien ne marche.
Le lendemain, avant de partir, le capitaine convia l’équipage sur le pont.
« Bon bande de gros sacs, vous avez bien dormi ? Vous avez fini tous les tonneaux j’espère?
-AYE!
-Bien, parce que vous allez en revoir de sitôt!
-Et aujourd’hui j’aimerai vous présenter not’ nouveau v’nu!
-Lars ! N’oubliez pas d’l’accueillir comme il se doit,
- et faites lui découvrir la vie sur not’ navire!
-AYE ! HAHAHAHAHAHA
-Bon les raclures,
- au boulot, et plus vite que ça ! »
La veille on m’avait expliqué les tâches les plus simples à faire, au départ, à l’arrivé, et en combat. Le reste du temps j’étais là pour récurer le pont. Au début c’était chiant, et particulièrement éreintant, mais la découverte de la vie de corsaire et du grand large en valait largement la peine.
Quatrième partie : Le large c’est bien beau mais...
C’était pas ma première bataille, mais bordel c’était la plus mouvementée. Pour la première fois depuis que j’étais monté sur le navire, on n’avait pas l’avantage. On était même clairement en désavantage. Le capitaine et son contre-maître hurlaient des ordres toutes les cinq secondes, les canons explosaient dans tous les sens. En face, c’était la marine royale de Crimea. On s’était peut-être frotté à trop gros. Mais le butin de ces convois était juste formidable.
Seulement voilà : notre mât principal avait été détruit, une partie du pont avait explosé, et la moitié de l’équipage était soit morte, soit immobilisée. Je te passe les détails, mais tu peux facilement t’imaginer les dégâts qu’une boule en fonte de trente centimètres de diamètre lancée par une explosion de poudre à canon fait en traversant le corps humain. En tant que mousse inexpérimenté, j’avais bien de la chance d’être encore en vie. J’armais un canon et allumais la mèche avant de me boucher les oreilles. Je savais pas réellement viser, mais je pouvais toujours faire quelques dégâts. Les autres survivants faisaient relativement la même chose, mais avec plus de réussite.
C’était un bordel monstre, mais étrangement, l’équipage était encore soudé, et arrivait à mener des attaques intelligentes et ciblées, sur les ordres du capitaine. Mais soudainement, il se fait décapiter sec par un boulet de canon. Et l’instant d’après notre navire s’effondre, avant de couler rejoindre les abysses. Je réussi à m’accrocher à un bout de bois flottant et fais le mort pendant que le navire ennemi inspecte les débris. Quand il se décide enfin de partir, je me relève et cherche des survivants. J’hurle, essaye de me déplacer de bout de bois en bout de bois. Quand je vois un peu plus loin, une sorte de radeau de fortune avec quelques gars dessus. Je m’élance alors à sa poursuite en essayant de me faire entendre. L’un se retourne soudainement, averti les autres de ma présence, et essayent de se déplacer vers moi. Après bien dix minutes de nage dans les courants marins, je réussi enfin à me hisser sur leur embarcation.
«Et ainsi sombre La Revanche, avec son capitaine, dans un dernier combat contre les lois, tel un vrai pirate. Puisse-tu trouver la gloire éternelle dans les abysses, mon vieil ami...
- Eh mais c’est le p’tit Lars! L’enfoiré s’en est sorti!
-Il a bien d’la chance… C’est pas le cas de tout le monde.
-On est les… seuls… survivants?
-J’crois bien mon gars. J’ai vu le capitaine se faire tuer de mes propres yeux. Et à peine dix secondes plus tard, ils nous coulaient. Enfoirés de fils de pute!
-Et maintenant on fait quoi… capitaine?
-Nan mon pote, m’appelle pas comme ça ! J’suis pas capitaine, et encore moins de ce radeau à la con!
-Ouais, t’as raison…
-Mais ce qu’on fait… j’en sais foutrement rien. Pour l’instant, à part dériver, on n’a rien à faire. Attendre, et prier pour qu’on touche terre vivant. »
Au bout d’un moment, entre la fatigue, le soleil qui te crame, le manque d’eau, on perd le compte, mais je dirai qu’on est bien resté deux semaines sur ce foutu bout de bois, porté par le courant. On a finalement touché terre, et on était tous vivants. Enfin, tous les quatre. On était sur les côtes de Crimea, on s’est dépêché de rejoindre la route et de marcher dans une direction, espérant tomber sur un village. Mais c’était trop m’en demander, et je me souviens juste être tombé dans les pommes après à peine cinq minutes de marche. Je me suis réveillé près de deux jours plus tard, dans une auberge. Les pirates m’avaient abandonné à mon sort pour poursuivre leur route. Je pouvais pas vraiment leur en vouloir, dans ces situations difficiles c’est la survie qui prime. Tu résiste pas, tant pis pour moi. J’avais eu de la chance qu’on me trouve en vie.
Je suis resté quelques jours histoire de reprendre des forces, j’ai payé l’aubergiste en main d’œuvre (principalement plonge et ménage), et je suis parti en direction de Daein. Après toutes ces aventures, je sentais qu’il fallait que je rentre chez moi.
Sujet: Re: Lars Hawke [Terminé] Dim 28 Aoû - 22:44
CHAPITRE 4: RETOUR À NEVASSA
Première partie : L’armée de Daein a besoin de toi !
Nevassa. Encore une fois, j’y étais retourné. Et quelque chose me disait que c’était pas la dernière fois. Cette ville m’avait appelé, ce pays m’avait attiré dans ses filets. Je sentais qu’il fallait que j’y sois, je sentais que la suite de mon histoire s’y trouvait.
J’avais trouvé un emploi dans une petite épicerie. Les propriétaires du commerce, en échange de mon travail, me laissaient dormir dans le grenier de la boutique. C’était mieux que rien, et je leur en était infiniment reconnaissant. Sans ce genre de services rendus je ne serais sûrement plus de ce monde. Ou en bien pire état.
Peu à peu, je reconstruisais ma vie. J’économisais un peu d’argent, jour après jour, je rencontrais d’autres personnes, je redécouvrais cette ville que j’avais quitté des années auparavant, et me surprenait parfois à profiter des plaisirs simples de la vie : un morceau de viande, du fromage, de la bière, et surtout de la bonne compagnie.
Mais rapidement, l’ambiance en ville s’est alourdie. Un nouveau roi venait de monter sur le trône, Ashnard, le fils du précédent régent, et déjà de nombreuses rumeurs ont circulé à son sujet. On voyait de plus en plus de patrouilles en ville, la sécurité était renforcée, il était devenu plus dur d’entrer en ville, et on assistait régulièrement à des rafles, littéralement : les soldats débarquaient dans des maisons, cassaient tout et y sortaient en apportant avec eux n’importe quel homme capable de tenir une arme. Puis, éventuellement, ce fut mon tour.
Je me souviens que je travaillais en boutique ce jour-là, j’étais d’ailleurs seul. Pas un client de la journée. Les soldats sont alors rentrés.
« Lars Hawke?
-Comment vous connaissez mon nom ? Qu’est-ce que vous me voulez ?
-Par application du décret n°1568-B, sur ordre direct de Son Altesse Ashnard, roi légitime de Daein et souverain de son peuple, vous êtes à partir de maintenant conscrit, et donc un membre à part entière de l’armée de Daein. En tant que tel, vous êtes dorénavant placé sous les ordres du lieutenant de division Ulfric. Veuillez nous suivre ou vous serez déclaré déserteur et par la suite condamné à mort. »
Je n’y croyais pas mes oreilles. J’aurai voulu protester, mais on m’a pas laissé le temps, deux gardes m’ont pris par les épaules et m’ont conduit dehors pour me faire monter dans une charrette, où d’autres hommes comme moi, complètement apeurés, s’y trouvaient. Au moment de partir, j’ai aperçu au bout de la rue un homme essayer de se défendre avec une épée. Un archer l’a abattu sèchement d’une flèche dans les deux yeux. Ils ne rigolaient donc pas.
On nous a emmené jusqu’à la caserne principale, et on a été débarqué plus ou moins comme du bétail. On nous a séparé en plusieurs files, au bout de chaque se trouvait une table, avec un officier et un parchemin.
« Nom, prénom, âge.
-Hawke, Lars, 36 ans.
-Expérience en combat?
-Deux ans en tant que mercenaire, une année en tant que pi… corsaire.
-Compétences particulières?
-Je… sais forger.
-Prends ce papier, et va dans la file du milieu. »
Je n’avais strictement aucune idée de ce qu’ils allaient nous faire faire. Après les tables se trouvaient trois autres files, toutes menant à une porte différente. D’un rapide regard autour de moi j’ai pu apercevoir les hommes qui, comme moi, ont été traîné de force ici. La plupart était des fermiers, des marchands, des gens qui n’avaient jamais tenu une arme, et qui avaient peur de ne se prendre ne serait-ce qu’un coup de poing. La terreur se lisait sur leur visage, le désespoir au fond de leurs yeux.
Puis c’était à mon tour de passer la porte de ma file. Je suis entré dans une large salle avec un autre officier, assis à un bureau, et deux autres soldats qui s’occupaient de l’équipement entreposé ici, suffisamment de quoi équiper de la tête aux pieds un régiment entier. Je me suis approché du bureau, et lui ai donné mon bout de parchemin.
« Hm-m… Hm… Bien. Tu as donc déjà combattu?
-Un peu.
-Tu as reçu une formation?
-Non j’ai appris sur le tas.
-Tu sais donc te battre avec une hache?
-Oui mais…
-Bien. As-tu l’habitude d’avoir une armure lourde ou plutôt légère?
-Et bien, je crois n’avoir jamais porté d’armure, ou utilisé de bouclier. Quand j’étais mercenaire j’avais réussi à m’offrir un pourpoint en cuir clouté, mais j’ai dû m’en séparer après le naufrage.
-Oh on a vécu la vie d’aventurier hm ? Bien, passe par là, on va t’offrir ton équipement de base. »
Les deux autres soldats m’ont enfilé un veston en cuir, des gants et des bottes, des coudières et des genouillères de piètre qualité. Puis ils m’ont mis une hache dans les mains et m’ont fait avancer dans la pièce suivante. Il y avait d’autres hommes, comme moi, avec de l’équipement de base. Un officier apparu alors d’une porte sur la gauche. Sur la droite il y avait un long couloir, et au fond une grille, qui semblait donner sur du sable.
« Bien, y’en a suffisamment pour la vague suivante. Vous êtes ici sur ordre du roi Ashnard, pour rejoindre son armée. C’est un honneur qui vous ai fait, alors profitez-en. Si vous êtes là, c’est que vous avez tous, d’une manière ou d’une autre, une expérience au combat. De même que ceux qui ont reçu une formation martiale, le roi voit en vous un certain potentiel, et vous serez amenés à occuper des postes à responsabilité dans l’armée du roi. Vous pouvez même prétendre au poste de général, car le roi accorde beaucoup d’importance à la puissance individuelle. Mais ceci dépendra de votre réussite, de vos compétences. Vous allez subir une épreuve. Vous tous, ici présents, allez devoir vous affronter. Dans un combat à mort, chacun pour soi. Il y a trois issues possibles : soit vous faites partie des quatre derniers survivants, dans ce cas vous aurez prouvé votre valeur, soit vous abandonnez le combat, et serez relégués au statut de simple soldat, personnellement je les appelle la « chair à canon », soit vous mourrez, et recevrez tous les honneurs dû à un soldat de Daein périssant dans l’exercice de ses fonctions. Je vous prie d’avancer sur votre gauche et d’accéder à l’arène. N’oubliez pas, le roi en personne vous observe. »
On a traversé le couloir, sans dire un mot, puis on est entré dans l’arène. Certains soldats était entrain de la nettoyer du sable entaché de sang, et on pouvait voir les marques de nombreux cadavres tirés vers une seconde porte, de l’autre côté. Les gradins étaient à moitié remplis, et de ce que je pouvais apercevoir, ça semblait être majoritairement des soldats. Puis il y avait la tribune principale, surplombant toute l’arène, bien en face de notre porte d’entrée. Je ne voyais pas clairement le roi, mais il y avait un grand homme au long manteau rouge qui y était assis, cela ne faisait aucun doute que c’était bien lui.
Puis la grille s’est refermée derrière nous, et à peine quelques secondes plus tard un cor a résonné dans l’arène, et le public s’est mis à hurler, à rigoler, à nous encourager. On a échangé quelques regards, mais rapidement certains d’entre nous ont commencé à attaquer. Dès les premiers morts, une grande partie des conscrits ont jeté les armes et se sont mis à terre, tremblant de peur. Mais il y avait quelques guerriers, clairement expérimentés, sûrement des bandits de longue date, qui ne considéraient pas l’abandon comme une option et ont commencé à exécuter ceux qui se rendaient. J’ai remarqué qu’un homme se mettait à courir vers moi, alors j’ai empoigné ma hache, ai attendu le bon moment pour faire ma roulade sur le côté afin d’esquiver son coup vertical, puis lui ai planté ma hache dans le dos.
Cela me semblait particulièrement facile, or c’était un mouvement qui demandait une bonne coordination, le genre qu’on a en s’entraînant. Avec un maître d’armes. Mais j’avais effectué l’enchaînement sans problème. Je me sentais étrange, comme pas moi-même. Comme si mon corps était soudainement investi d’une nouvelle puissance, une puissance qui ne demandait qu’à être extraite de mon corps, qu’à s’exprimer à travers le combat.
Avec la même facilité j’ai terrassé les autres combattants qui se jetaient sur moi, alors qu’ils semblaient bien plus doués que moi. Je n’attaquais personne, je ne voulais tuer personne ! Mais dès que l’un d’entre eux se tenait trop près de moi, alors d’un mouvement fluide et rapide, je l’exécutais. D’un seul coup, propre. Je ne comprenais rien à ce qui se passait, autant autour de moi que dans mon propre corps.
Puis le combat s’est terminé, car nous n’étions plus que quatre. Alors la foule nous as acclamé, le roi nous as applaudit, des soldats nous ont invité à franchir la grille sous la tribune royale alors que d’autres venaient pour faire la sale besogne : ramasser les cadavres, renouveler le sable.
J’ai atterri dans une énième pièce où un officier nous demanda nos noms. Puis on nous fit avancer dans un autre couloir qui débouchait sur une vaste pièce où se trouvaient déjà pas mal de gars comme moi, des conscrits qui avaient eu la chance, ou les capacités, de survivre. On a attendu pas mal de temps, pendant que d’autres hommes arrivaient de l’arène, toujours quatre par quatre. C’était donc ici que les « vainqueurs » étaient réunis.
Puis, lorsqu’ils fermèrent finalement les portes derrière nous, ce qui semblait être un haut gradé de l’armée apparu par une porte dérobée.
« Messieurs, d’abord, félicitations ! Vous avez vaincu aujourd’hui, vous avez prouvé votre valeur à Son Altesse, et il apprécié le spectacle que vous lui avez offert. C’est un grand honneur qu’il vous fait, sachez-le. Vous faites donc partis des potentiels les plus prometteurs de cette armée. Vous n’avez jamais été formé au combat, mais vous avez appris sur le tas, à la dure, en prenant plus de coups qu’en en donnant, et le roi aime ça, car d’après lui cela vous confère une certaine rage guerrière, une envie de survivre, une forme instinctive de combat, une forme imprévisible. Mais là ne s’arrête pas votre périple. Vous allez recevoir en quelques sortes un « entraînement éclair », visant à faire de vous des super-soldats. Vous avez mérité une bonne nuit de repos, on va vous montrer vos baraquements, vous recevrez les prochaines instructions demain. »
Je ne le savais pas encore mais j’allais connaître la pire période de toute ma vie.
Deuxième partie : Retirer libre arbitre avant de poursuivre
Pendant des semaines et des semaines, l’armée de Daein nous as torturé. Physiquement, mais aussi mentalement. Ils nous poussaient à bout, testaient constamment nos limites. Ils voulaient voir quand est-ce que nous allions craquer. Mais surtout, avec quelle puissance. Ils ont utilisé de la magie noire sur nous, des sortilèges probablement interdits, des rituels démoniaques ou que sais-je encore. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est décoction infect qu’ils nous faisaient boire tous les jours n’était pas faite pour faire du bien.
Je ne sais pas si à ce moment la chance m’a souri, ou l’inverse, mais j’ai tenu bon. Je suis devenu fou, j’ai perdu le contrôle de moi-même, tout repère, j’étais tel un animal enchaîné prêt à bondir sur n’importe qui, mais je ne suis pas mort. Sort que beaucoup d’autres ont malheureusement subi.
A la fin, nous n’étions plus qu’une dizaine, sur plus d’une centaine au départ. Une centaine, à avoir survécu à l’épreuve de l’arène. C’était du recrutement qui faisait plus de morts que de nouveaux soldats.
Durant cette période, je n’étais devenu plus que l’ombre de moi-même, un pantin aux mains du roi Ashnard. Je ne pensais plus, ne réfléchissait plus, ne prenait plus aucune décision. Je me contentais d’exécuter, de faire ce qu’on me demandait de faire. La plupart du temps, c’était me battre. Les autres étaient comme moi : des brutes épaisses.
« Messieurs, vous êtes l’exemple même de la vision d’Ashnard, de son génie. On va pris bandits, paysans, et vous êtes maintenant des machines à tuer, de fiers soldats de Daein. Vous allez commander des hommes, des sections entières pendant les batailles à venir, vous allez rapporter des victoires décisives à votre roi, et faire avancer son projet, pour la gloire de votre nation. Ce qui vous attend, fera votre renommée ! »
Puis l’officier est venu me voir personnellement, et m’a emmené à travers des pièces et des couloirs, de plus en plus larges, et de mieux en mieux décorés. Puis j’ai enfin atterri dans la salle du trône, en face du roi Ashnard en personne. Pour une raison qui m’était inconnu, j’étais honoré, et fou de joie. C’était comme si je rencontrais l’homme le plus important de ma vie. À ses côtés se tenait un imposant chevalier en armure noire.
« Sire, voici l’homme que vous avez demandé.
-Ainsi donc voilà Lars Hawke.
-Oui, Votre Altesse.
-Tu étais mercenaire, c’est bien ça?
-Oui, Votre Altesse. J’étais forgeron, puis je suis devenu mercenaire, et enfin pirate.
-C’est un parcours intéressant… Sais-tu pourquoi je t’ai convié ici, Lars?
-Non, Votre Altesse.
-Parce que tu vas servir un projet spécial, très spécial. À part les hommes qui sont ici, personne n’est au courant de ce projet. Pas même mes plus fidèles conseillers.
-C’est un honneur Votre Altesse.
-J’apprécie. Mais tu dois savoir que c’est la plus haute importance. Comme personne n’est au courant, personne ne pourra t’aider. Personne ne saura qui tu es, rien ne te reliera à Daein. Avec les hommes qui t’accompagneront, tu sera seul. Comprends-tu?
-Oui, Votre Altesse.
-Tu dois te rendre au temple de Palmeni, et me ramener un objet très spécial, un médaillon en bronze. C’est aussi simple que ça, aller au temple, trouver l’objet, et me le ramener, comprends-tu?
-Oui, Votre Altesse.
-Très bien, tu peux disposer. »
Troisième partie : Service secret
C’était simple n’est-ce pas ? Aller chercher un médaillon. En théorie oui. Sauf que comme tu dois t’en douter, ça ne l’était pas. C’était une mission suicide. Je n’étais pas prêt pour ça. Et les hommes qui m’accompagnaient non plus.
Le temple de Palmeni se trouve à Crimea, non loin de la capitale. Nous étions cinq. Uniquement cinq. Après tout, un temple est rempli de prêtres et de bonnes sœurs. Aucune raison de trouver grande résistance là-bas. Il fallait être discret, donc j’ai pris le minimum d’homme possible.
On avait voyagé sans encombre, rencontré aucun soldat, aucune personne suspecte. On évitait les grandes villes, et s’il fallait qu’on s’arrête à l’auberge, on arrivait tard le soir pour repartir tôt le matin. Puis on est finalement arrivé au temple.
C’était le soir, la nuit était déjà tombée. On a escaladé le mur d’enceinte sans faire de bruit. L’un de mes hommes a réussi à crocheter l’une des portes arrières. On s’est infiltré dans le bâtiment, longé des couloirs dans l’ombre, puis on est arrivé jusqu’à une grande salle, avec en son centre un piédestal, où était posé un médaillon. Tu dois te dire que c’est débile, mais je n’étais pas en état de faire usage de ma raison à ce moment-là. J’ai vu le médaillon, j’ai vu l’objectif de ma mission, et pas l’évident traquenard derrière.
À peine avais-je mis la main sur le médaillon que je me suis endormi. D’un coup. Sec. Peut-être qu’endormi n’est pas le mot, je devrais plutôt dire « évanoui », « assommé ». J’avais disparu dans les limbes, les profondeurs de mon âme. Et j’y suis resté un bon bout de temps.
Combien de temps exactement, je ne savais pas. Étrangement, c’est comme si je continuais à vivre, dans un noir complet et total, doucement, passivement, sans pouvoir bouger, faire, dire, ou même penser. Seconde après seconde le temps s’écoulait. Très lentement.
Lorsque je me suis réveillé, j’étais allongé sur une sorte de lit, dans une chambre en pierre. Il y avait ce qui ressemblait à un prêtre à mes côtés.
« Bonsoir, M.Hawke.
-Quoi ? Qu’est-ce que
-Calmez-vous, vous avez besoin de repos.
-Où suis-je? Que s’est-il passé ? Qui êtes vous?
-Vous êtes au temple de Palmeni, le même où vous vous êtes infiltrés, il y a quelques semaines de ça.
-Vous voulez dire qu’il s’est écoulé plusieurs semaines?
-Deux mois pour être précis. Environ deux mois.
-Qu’est-ce que...
-De quoi vous souvenez-vous?
-Je suis Lars Hawke… Daein… Ashnard… La mission, le médaillon… Tout ça semble si flou…
-Ça l’est car vous avez subi de nombreuses altérations. Daein vous a torturé, et ensorcelé avec un savoir infâme. Vous, comme beaucoup d’autres.
-Pourquoi…
-Vous êtes encore en vie ? Disons que vous nous avons piégé, pour vous sauver.
-… qui?
-Une amie en commun.
-Une… une amie ?! Qui est-ce?!
-Malheureusement, elle nous a fait promettre de ne rien révéler de son identité. Toujours est-il que nous savions que vous alliez venir ici, pour le médaillon. Nous avons placé un leurre, et l’avons protégé d’une magie ancienne. Dès que vous l’avez touché, vous avez sombré dans un profond coma. Nous avons laissé vos hommes s’échapper. Ainsi Daein vous croit mort. Vous êtes un homme libre dorénavant.
-… merci?
-Vous nous remercierez en tant voulu.
-Mais attendez...ça ne fait aucun sens…
-Il y a beaucoup de choses en ce monde qui ne font pas de sens, Lars, et pourtant elles arrivent. Elles arrivent... »
Je suis resté plusieurs jours avec les prêtres, le temps de me rétablir, puis je suis parti à Nevassa. Suite à la guerre du roi Ashnard, Crimea était une région devenue dangereuse. Je m’étais dit que revenir à Daein, déserté par les armées et le roi, serait une bonne idée.
« Tu sais Jane, c’est l’un des mystères que je n’ai jamais pu élucider : qui m’avait aidé ce jour-là,et pourquoi.
-Après tout ce temps, tu n’as toujours pas compris?
-À quoi tu… joues… gamine…?
-Allons, Lars, mon chéri, mon amour, tu n’as quand même pas oublié ? Tu ne m’as pas oublié?
-Mais… mais c’est impossible ! Qu’est-ce encore que ça ? Un sortilège ? Un démon ! DÉGAGE DE LÀ!
-Grand-père ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu me fais peur là arrête... »
Lars s’était redressé d’un coup, et avait reculé de quelques pas, suant à grosses gouttes, les yeux rivés sur la jeune fille, sur Jane, le corps tendu, une main levée vers elle comme pour l’empêcher de s’approcher, comme pour se défendre.
Sujet: Re: Lars Hawke [Terminé] Dim 28 Aoû - 22:55
CHAPITRE 5: L’APRÈS GUERRE
Première partie : C’est ici que tout recommence
J’étais donc retourné à Nevassa. Peu de temps après, le héros Ike mit fin à la guerre, et nos deux nations durent se reconstruire. La guerre a au moins cela de bon : une fois finie, on entre rapidement dans une période de croissance phénoménale. Il y avait toujours à faire, quelque part, de la main d’œuvre était sans cesse demandée, les accords commerciaux devaient se signer à nouveau, les routes commerciales se retracer, on avait besoin de toutes les ressources disponibles. C’est triste à dire, mais la guerre donne un bon coup de fouet.
J’avais pu retrouver une maison, et je m’étais porté volontaire pour la reconstruction d’une partie de la muraille qui avait été détruite. On nous donnait chaque jour de quoi manger, en plus d’un maigre salaire. C’était mieux que rien, et suffisant pour se relancer.
À cause de l’horreur qu’on avait tous vécus, la bonne ambiance était de mise, on était prompts à oublier cette triste période, à nous entraider, à nous ouvrir, à partager. Paradoxalement, c’étaient des jours heureux, insouciants. Le pire était passé, alors on n’avais plus à y penser.
Deuxième partie : Toujours plus
Mais comme tu le sais, le pire n’était pas forcément passé. Par pour Daein, en tout cas. Suite à la guerre d’Ashnard, Daein fut placé sous la régence de l’empire de Begnion. Au début c’était principalement pour contrôler le pays, l’aider à se relever, et sur la durée instaurer un gouvernement durable. Mais c’est vite devenu une tyrannie. Le « Saint Empire » contrôlait absolument tout le territoire, et occupait toutes les fonctions, de l’armée jusqu’au gouvernement, en passant par toutes les instances administratives, ou judiciaires. Nous étions annexé.
Alors au début on a fermé notre gueule. Ils nous avaient aidé au début, et ils étaient bien plus nombreux que nous, on ne pouvait rien faire. Mais peu à peu l’ambiance s’est tendue, et on était au bord du conflit ouvert dès qu’une patrouille de Begnion passait dans les rues de NOTRE capitale.
Ensuite… j’ai pas vraiment compris tout ce qui s’est passé. Il y a eu cette « Chevelure d’Argent », avec sa Brigade de l’Aube, qui tentaient de combattre l’empire. Mais rapidement, on n’a plus eu de nouvelles d’eux. Certains disaient qu’ils étaient morts, d’autres capturés, mais il semblait qu’ils se soient enfuis. Puis ils sont revenus, quelques semaines plus tard, avec une petite armée, et d’après les rumeurs quelques grandes figures de l’ancienne guerre, notamment le général Tauroneo, ou même Pelleas le fils caché d’Ashnard. Mon avis était que ce n’était pas forcément la personne la plus à même de régner, vu son ascendance, mais mieux valait quelqu’un de chez nous, que Begnion. Quand je les ai vu revenir, avec tant de soutien et de force, je me suis dit qu’il fallait que je me joigne à eux. Moi aussi je me battrais pour mon pays, pour ma liberté. Je ne suis pas fier de tout ce que Daein a accompli, mais ça restait ma nation, là où je suis né, et où j’ai grandi.
Ils ont marché sur la ville, on défait l’armée impériale et renvoyé les sénateurs chez eux.
Troisième partie : Voilà le résultat
Mais la Chevelure d’Argent ne s’est pas arrêté là. Pour une raison que j’ignore totalement, Daein s’est engagé dans une guerre contre une alliance des Laguz et de Crimea, aux côtés de Begnion. Personne ne comprenait réellement. Mais on écoutait la « libératrice », car elle venait du peuple comme nous, nous avait aidé, et avait libéré notre pays. Elle ne pouvait être fondamentalement mauvaise. Alors je me suis engagé dans cette nouvelle armée, et j’ai marché aux côtés de ses soldats.
Jusqu’au jour où, lors d’une escarmouche, mon régiment s’est fait prendre par surprise, et j’ai été fait prisonnier. Je considère avoir eu de la chance de m’en être sorti, même si j’ai dû croupir plusieurs mois dans un cachot par la suite. Je n’ai appris le dénouement, et les réels enjeux, de la guerre qu’à ma sortie, bien après qu’elle se soit terminée. La déesse, le déluge, tout ça est écrit dans les livres d’histoire maintenant.
Tu connais la suite, j’ai décidé de retrouver ta mère et ta grand-mère. J’ai remué ciel et terre pour trouver la moindre piste, j’ai appris leur décès, et peu de temps après ton père m’a contacté. Et nous voilà.
Première partie : Et l’instant d’après, elle a dix-neuf ans
« Et bien voilà, Jane, voilà mon histoire. Tout ce que je suis, et tout ce que je peux te raconter. Je suis désolé de pas avoir pu t’en apprendre plus sur ta mère, ou tes origines.
-Mais enfin grand-père, tu rigoles ?! Je connaissais rien de la famille de maman, et j’apprends que mon propre grand-père est un aventurier, mercenaire, pirate, et deux fois vétéran de guerre !
-C’est pas aussi bien que ce qu’il y paraît, le plus souvent c’est de la boue, du sang…
-Je suis fière de toi, grand-père, grâce à ton histoire, grâce à cet héritage, je suis fier de ma famille. J’ai vécu toute ma vie dans le manoir de mon père, jamais je n’aurais pu imaginer que je vienne de… si loin.
-Je ne peux m’arrêter de me sentir coupable pour ce qui est arrivé à ta grand-mère et ta mère. Si j’avais été là depuis le début, si j’avais fait les bons choix, j’aurai pu les aider, les accompagner, et t’aurais eu une meilleure vie...
-Ma mère est décédée jeune, et mon père n’a jamais vraiment rempli son rôle. C’est un fait. Je ne peux rien y faire. Alors autant apprendre à vivre avec ! Ça ne sert à rien d’imaginer une vie hypothétique, il faut vivre celle que l’on a pleinement!
-Je suppose que tu as raison...
-...Grand-père ? Pourquoi tu t’arrêtes?
-Alors ? Ne me dis pas que tu as oublié ces arbres!
-Mais… qu’est-ce que… On est à Begnion?!
-On est plus précisément chez toi, Jane.
-Quoi ? C’est pas… possible… Tu veux dire que cette route…
-Mène à ta maison.
-Cela fait tellement longtemps… mais pourquoi?
-Je t’ai dit ce que j’avais à te dire, je t’ai montré ce que j’avais à te montrer, je t’ai enseigné ce que j’avais à t’enseigner. Tu es une adulte maintenant, indépendante. C’est maintenant que la vie commence, maintenant que tu vas prendre des choix.
-Non ! Je ne veux pas te quitter! Grand-père?!
-Ne t’en fais pas, on se reverra bien assez tôt ! Je ne peux pas être constamment derrière toi pour t’aider et te montrer, il va falloir que tu subisses les épreuves de la vie, il va falloir que tu tombes, que tu échoues, et que tu t’en sortes, par toi-même. Et puis sans rien avoir à te raconter de plus, je vais vite devenir ennuyant. Sans parler que tu es une femme maintenant, tu va peut-être vouloir rencontrer un jeune homme, et fonder une famille?
-Je sais pas… peut-être… ? Je n’y ai jamais pensé…
-Allez, rentre chez toi maintenant, repose-toi, tu en aura besoin. Et à partir de maintenant, fais ce qu’il te plaira, la vie est vaste, pars l’explorer à ta manière.
-Et si mon souhait et de marcher à tes côtés?
-Et bien je refuse ! Et si tu insistes je te briserai une jambe pour t’empêcher de me suivre, et te laisserai chez ton père. Ne rigole pas, tu sais que j’en suis capable.
-Oh ça oui, ne t’en fais pas… C’est donc ici qu’on se sépare?
-C’est ici qu’on se sépare, en effet. Allons, ne pleure pas qu’une chose se termine, mais sois plutôt contente qu’elle ait existé. »
Lars prit sa petite-fille dans ses bras, une dernière fois, avant de la laisse partir vers son avenir. Puis, quand elle reprit la route vers son ancienne maison, le vieil homme tourna les talons, et continua son chemin, vers une destination inconnue. Là où le vent l’emportera.
Première partie : Mais surtout, n’oublie pas qui tu es
« Il semblerait qu’il soit l’heure… Pam… »
À peine Lars ouvrit la porte qu’il fut émerveillé par spectacle qui s’offrait à lui. Sa petite-fille était devenue une belle et charmante jeune femme. Elle était pour l’occasion vêtue d’une courte robe rousse comme les feuilles d’automne, les cheveux coiffés en une natte sophistiquée qui lui retombait sur le côté gauche. Le ruban rouge de sa mère était attaché à la taille, avec dans le dos le simple nœud familial, héritage direct de sa grand-mère.
« Tu es… magnifique.
-Je n’y suis pas pour grand-chose, on s’est bien occupé de moi.
-Tu as gardé le ruban de ta mère...
-Jamais je ne le jetterai. Regarde, j’ai aussi le bracelet de mon père!
-Et la couleur de cette robe ressemble
-aux cheveux de grand-mère. Je sais. Tu l’a suffisamment répété pour que je m’en souvienne.
-On dirait que tu portes toute la famille avec toi… c’est… beau.
-Presque toute. Je n’ai pas pu trouver un seul objet t’appartenant.
-Oh je suis désolé mais tu sais que je suis pas un homme de possession.
-Je sais, oui. C’est pour ça que je voudrais que tu m’accompagnes à l’autel.
-Comment ? Mais c’est à ton père de
-Nous avons eu la même idée Lars, et je trouve que ça serait parfait.
-Non, je ne peux pas, c’est votre fille, c’est votre rôle…
-Vraiment, j’insiste. Je pense que c’est un choix qui s’impose. Vous avez été bien plus un père que je n’aurai jamais pu l’être. Vous l’avez accompagné et vous lui avez montré ce que vous saviez, alors que je me contentais d’engager d’autres personnes pour faire ce travail, pendant que je m’occupais d’affaires officielles.
-Justement, rattrapez le temps perdu! Vous ne
-Grand-père, s’il te plaît, j’ai envie que ça soit toi. Nous savons qu’après le mariage tu repartira, en solitaire, et qu’il sera impossible de te trouver. Laisse-moi profiter de cet instant avec toi.
-Elle a raison Lars. Faites ça pour elle. »
Alors les servantes, ainsi qu’Arthus, quittèrent la pièce pour aller s’installer. Lars regarda autour de lui. C’était la maison de son enfance, sa seconde enfance. Là où il avait vécu avec Éloïse, et Aurore. Là où il était tombé amoureux, là où il s’était marié, près de quarante ans plus tôt. Voici que l’histoire se répète, mais cette fois c’était au tour de sa petite-fille. Elle avait, à son tour, trouvé l’amour de sa vie, et avait décidé de s’unir à lui. Maintenant commençait pour elle la plus belle et plus longue des aventures.
Lars la prit par le bras, poussa la porte et l’emmena dehors. Une légère brise soufflait dans cette fin de journée d’été. Le soleil était rougeoyant, et projetait sur le ciel des couleurs nostalgiques, mais aussi d’espérance. L’excitation du nouveau et de l’appel de la découverte, mêlé à la tristesse amère de laisser derrière soi une partie de son histoire, de tourner la page, de quitter quelque chose que l’on a aimé, chéri, pour ne plus jamais le retrouver.
Quelques musiciens étaient placés à côté de l’arche, exactement au même endroit où Lars s’était marié, plus jeune, où se tenait maintenant le futur mari de Pam, sa future vie. Des bancs étaient placés, de part et d’autres d’une allée centrale, et s’y trouvaient amis et famille.
Un pas après l’autre, Lars l’accompagna jusqu’à l’autel. Son cœur était empli de fierté, de joie, de bonheur, mais aussi d’inquiétudes, de peur, de doutes. C’était un moment important pour la seule fille qu’il ai jamais vu grandir, et ce qui se rapproche le plus d’une famille. Il ne savait comment gérer la situation, comment se sentir, comment ressentir, comment agir.
Un pas après l’autre, délicatement, au son de la musique qui se développait et enveloppait la scène, Lars faisait avancer Pam.
Un pas après l’autre, il l’emmenait jusqu’à l’arche, cette porte ouverte sur son mari et sa prochaine vie.
Un pas après l’autre, il la conduisait à son futur.
Jusqu’à être finalement à côté de l’homme qui partage son cœur. Alors il l’embrassa tendrement sur le front, lui glissa quelques mots à l’oreille, et se retourna.
Mais lorsqu’il se retourna, le vent soufflait tel une tempête, le ciel était gris, l’air froid. Les gens avaient soudainement disparu, il ne restait autour de lui qu’un décor vide, sans vie. Il regarda derrière lui pour voir sa petit-fille, mais ne vit à la place qu’une énorme armure métallique, faite pour un quelconque géant de plus de deux mètres. De nombreuses ceintures et drapeaux déchirés étaient attachés de toutes parts. Le casque possédait des cornes et y était dessiné une moustache. Dès que l’armure se mit à parler, les ouvertures faites pour les yeux et la bouche de celui qui devrait revêtir l’armure s’animèrent.
« Bouh. »
Un large sourira déforma le visage métallique, et Lars tomba à la renverse, alors qu’il essayait de reculer de quelques pas.
« Alors, ça s’est bien passé?
-Mais… qu’est-ce que…?
-Bienvenu, l’ami, dans ton monde. Un monde froid, de solitude. Regarde autour de toi, ceci est ta vie.
-Je ne comprends… pas… Où est Pam ? Où est-elle ? Qu’as-tu fait d’elle, monstre?
-Pam ? Oh tu veux parler de Sara?
-Sara?
-Ou Quin ? Jane peut-être? »
Le pouls de Lars s’accéléra drastiquement. Il ne comprenait rien à ce qui se passait autour de lui, c’était pire qu’un cauchemar, ça ne pouvait pas être réel, les mots que prononçaient cette armure démoniaque n’avaient aucun sens, et pourtant ils semblaient produire sur lui un effet instantané. Il se sentait mal, avait envie de vomir, d’expulser un quelconque vice hors de son corps, hors de son âme. Il commençait à trembler, gigoter, ne plus pouvoir se contrôler. Mais cela continuait.
« Tous ces noms… ils te parlent, mais tu ne sais pas pourquoi, n’est-ce pas ? Laisse-moi te poser une question : te souviens-tu comment tu es arrivé ici?
-Comment ça comment je… eh bien… en marchant… à partir de la maison…?
-Mais non espèce d’idiot ! Avant cela ! Avant la maison ! Te souviens-tu de quelque chose?
-Mais… je… non… Non?
-Te souviens-tu de quoique ce soit qui ce soit passé entre le moment où tu as laissé partir ta « petite-fille », et aujourd’hui?
-Mais comment savez-vous
-Comment je sais ? Et bien si tu arrives à répondre à ma question, je répondrais à la tienne.
-Non… Je ne me souviens pas… C’est comme si…
-Comme si tu étais tombé en plein milieu d’un souvenir, juste comme ça ? Comme si tu te réveillais subitement, et que tu prenais conscience de ce qui se trouve autour de toi ? Comme si tu vivais une scène, une histoire écrite à l’avance?
Lars se releva d'un coup. Il sentait son cœur tambouriner, il avait chaud, il transpirait à grosses gouttes. Et l'instant d'après il tomba à la renverse, incapable de rester assis. Puis il se rendit compte qu'il ne voyait rien. Absolument rien, le noir total. Il essaya d'ouvrir ses paupières mais elles ne semblaient pas répondre. Il commençait à légèrement angoisser, quand il aperçu un peu de lumière. Il avait du mal à ouvrir les yeux, alors il s'y prit petit à petit. C'est comme s'il avait oublié comment ses propres muscles fonctionnaient. Il arrivait à peine bouger un doigt, à ouvrir les yeux. D'abord une faible lueur orangée, puis quelques scintillements tout autour de lui, sur fond noir… ou vert. Il peina à se relever légèrement et se maintenir sur ses coudes pour pouvoir mieux observer son environnement. Il faisait nuit, ou alors il était à l'abri de la lumière du soleil. Il se rendit compte qu'il était allongé sur une sorte de pierre carré, un lit en pierre ou… un autel ? Et est-ce que c'était… une grotte ? Les murs semblaient humides, mouillés, et une seule torche éclairait un tunnel étroit qui menait à un escalier, qui était certainement l'entrée de la… crypte où il se trouvait. Des bruits de pas se faisaient entendre, et un homme d'un âge certain, vêtu d'une large robe, qui devait être à l'origine blanche mais qui a été salie avec le temps, apparu des escaliers.
« Monseigneur ? Vous êtes réveillé?
-Ré… réveillé ? Comment ça?
-Vous devriez vous calmer, ser, vous… c'est compliqué. Vous venez de… passer les dernières années dans ce qu'on pourrait appeler un… coma. »
Sa respiration s’accéléra subitement, sa vision devint floue à cause des larmes qui montaient. Vidé du peu de forces qu'ils lui restaient, il se recoucha, et se mit à pleurer, haletant. Sa vie venait d'être renversée, retournée, piétinée par une armée entière, plus rien n'avait de sens, lui-même n'avait plus aucun sens. D'un coup d'un seul, il se senti écrasé, écrasé par les événements, écrasé par l'existence même, écrasé par la puissance de la réalité. Toutes ses conceptions, toute sa vie s'était distordue, comprimée et dilatée en l'espace d'une seconde à peine. C'était logique, sensé, normal. Il ne comprenait pas plus, mais maintenant, il savait. Comme lorsqu'on se réveille d'un long rêve, on ne se rend compte du rêve qu'une fois qu'il est terminé. Tout ce qu'on a « vécu », « ressenti », « vu », tout cela disparaît et se dissipe comme un simple nuage de fumée. Et dans la mémoire, dans le cœur, ne restent plus que les minces sensations. Plus de souvenir, plus de nom, plus de mot, plus rien. Juste la trace qu'il a laissé en nous traversant, cet arrière-goût de déception et d'amertume après avoir laissé s'évaporer la douce illusion pour revenir à la dure réalité.
Puis, doucement, sans s'en rendre compte, Lars se rendormi. Une nuit sans rêve, sans cauchemar, sans tourment, une nuit de pur repos, réparatrice. Il se réveilla le lendemain, en fin d'après-midi, dans une chambre, sur un lit cette fois. La lueur orangée du coucher de soleil sur les montagnes éclairait tout l'intérieur de la pièce, lui conférant un certain air de mélancolie, de triste nostalgie, mais bizarrement bienveillante. Après un moment, Lars s'étira, et se leva. Il resta un moment accoudé à la fenêtre pour observer le paysage. Il reconnu les montagnes de Begnion au loin, qui délimitaient le vaste saint empire. C'était probablement la frontière avec Daein. Puis, plus sur la droite, il aperçu une gigantesque forêt, verdoyante, luxuriante, sublime. Serenes. Mais dans ses souvenirs, elle était morte, brûlée, le fameux accident qui décima les hérons.
Ses souvenirs ? Il se souvenait à peine de son propre prénom, mais il connaissait l'histoire de Begnion, et sa géographie ? Cette réflexion le perturba un peu, mais la faim coupa le cours de ses pensées, et il sorti en quête de nourriture.
C'était une bâtisse simple, relativement anguleuse, faite en pierre, sans décoration aucune. Des portes en bois, des murs vides. Ça s'apparentait certainement à une sorte de fort. Après avoir déambulé de longues minutes il arriva dans ce qui ressemblait à une salle à manger, où 5 hommes vêtus de robes grises, sales, partageaient un dîner. Il reconnu la personne qu'il avait vu à son… réveil, la veille.
« Vous revoilà ! Venez vous poser calmement dans la cuisine, vous devez manger au plus vite, vous êtes sûrement à bout de force.
-Je… oui… merci. »
Le vieil homme l'assit à une table en bois et il offrit tout ce qui se trouvait dans le garde manger. A la simple vue de toute cette nourriture, son appétit sembla se décupler, et il trouva dans ses muscles la vitalité nécessaire pour tout avaler.
Puis, l'homme en robe l'accompagna dans la cour intérieur, qui abritait un jardin, et se mit à lui expliquer la situation.
« Monseigneur, vous rappelez-vous de votre prénom?
-Lars Hawke.
-Vous souvenez-vous où vous êtes né?
-Oui à Da… non, attendez… je ne suis plus sûr… J'ai l'impression que tous mes souvenirs ont été remplacés par cette sorte de… rêve… et que tout a été balayé à mon réveil.
-De quoi est-ce que vous vous rappelez ? Ce dont vous êtes sûr?
-Je m'appelle Lars Hawke, ma femme s'appelle Éloïse, et ensemble nous avons eu deux enfants… non… une enfant… Morgan. Le reste… semble n'avoir jamais existé.
-Je suis désolé, nous avons réellement fait ce que nous avons pu pour vous aider.
-Comment ça ? Je suis où ? Il s'est passé quoi?
-Vous vous trouvez dans un temple, un très vieux temple, censé être secret et particulièrement difficile à trouver, du genre qu’on ne tombe pas dessus par hasard.
-Ce temple… comment s’appelle-t-il ?
-Le temple de Melinda, du nom de la prêtresse qui l’a fondé. »
En entendant ce nom, Lars eut subitement un haut le cœur, il résonnait dans son esprit, comme s'il rebondissait contre les parois de sa mémoire vide, mais titillant des zones sensibles, éveillant quelques instants de sa vie passée. Le temple de Melinda. Il se souvient…
« Le temple… Je devais m’y rendre pour… je ne sais plus. Mais je sais que je devais venir ici. J’en suis certain.
-Vous avez retrouvé la mémoire?
-Non… je crois pas… Mais quand vous avez prononcé le nom de Melinda, une image subite m'est revenue. Je me suis revu marcher à travers une forêt dense, et enfin arriver devant un temple en pierre, recouvert par de la mousse et à moitié enseveli sous d’épaisses racines.
-C’est bien notre temple. Mais malheureusement nous n’en savons pas plus que vous. Nous sommes des prêtres, reclus afin d’étudier des arts anciens dans le plus grand secret. Nous ne recevons que très rarement de la visite, nous avons tout ce qu’il nous faut pour vivre ici. Quand nous vous avons aperçu, nous avons d’abord cru à un espion, à quelqu’un de malintentionné. Puis vous vous êtes évanoui, juste devant la porte du temple. Et vous ne vous êtes réveillé qu'hier, près de… huit ans plus tard. »
Second choc. Huit ans plus tard. Huit ans… Lars en eut le souffle coupé et se senti défaillir. Pour éviter de tomber de nouveau à la renverse, il s'adossa à un pilier en pierre et glissa jusqu'à s'asseoir à même le sol. La main sur le cœur battant la chamade, il tentait de reprendre sa respiration, complètement saccadée. Huit ans ? Quel âge ça lui faisait ? 45 ans ? 50 ans ? Il n'avait aucune putain d'idée. Il n'avait plus d'idée sur rien. Il se sentit alors faible, et misérable, incapable de quoique ce soit. S'il ne se souvenait plus de qui il était, alors il n'était plus réellement lui même. Ce coma… huit ans… tant de choses ont pu se passer, tant de choses dont il ne sait absolument rien. Éloïse, Morgan. Où étaient-elles ? Qu'étaient-elles devenues ? Sont-elles même encore vivantes ? Son… rêve… lui a montré un monde qu'elles avaient quitté, toutes les deux. Il lui avait montré un monde où il avait dû faire des choix, des choix qui ont eut des conséquences dramatiques sur sa vie et sur celle de son entourage. Il lui avait montré un monde où à cause de vouloir vivre la grande vie, il n'avait fini par ne plus la vivre complètement. De tout ça, qu'est-ce qui était vrai ? Faux ? Peut-il racheter ses erreurs ? Peut-il faire en sorte que ce qu'il a « vu » ne se produise pas ?
« Vous… quel est votre nom?
-Frère Toff. Pendant votre séjour ici, nous nous assurerons que vous recouvrerez votre santé, en plus de vous informer sur les événements de ce monde durant les dernières années. Mais ce n'est ni par charité, ni par bonté, ni même par gaieté de coeur que nous faisons cela, c'est notre devoir. Le clergé est là pour servir les faibles, les opprimés et les démunis. Nous ne pouvions rester insensible à votre état, mais sachez que pour l'instant, aucun frère ici présent ne vous apprécie particulièrement. Je dois vous rappeler que vous avez pénétré dans un lieu sacré et tenu secret. Nous ne pouvons être sûrs de vos intentions, ni des raisons qui vous ont poussé à venir jusqu’ici. Nous ne pouvons non plus croire sur parole cette histoire d’amnésie. Alors, nous vous aiderons tant que possible, mais dès que nous considérerons que vous êtes guéri, ou suffisamment apte, alors vous devrez quitter ces lieux. Avez-vous compris?
- Je… oui…
-Bien. Venez avez moi. »
Frère Toff l'emmena à travers plusieurs portes, dans un dédale de couloirs, jusqu'à une porte massive en métal. Il sorti un trousseau de clés de sa manche et en introduisit une dans la serrure. Le mécanisme s'actionna lourdement et péniblement. Le moine peina un peu à tirer la porte à lui, mais parvint à l'ouvrir complètement. Il intima Lars d'entrer avec lui, puis alluma quelques torches à l'intérieur de cette pièce sans fenêtre. Il y avait, entreposé dans cette pièce qui semblait plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur, une myriade d'objets de valeur, d'armes, et d'armures.
« Au cours de notre histoire, nous avons du combattre à de maintes reprises. Mais grâce à l'enseignement de Melinda, nous pouvons défendre ce lieu sacré du monde extérieur.
-Attendez… qui est cette Melinda dont vous parlez depuis tout à l’heure ?
-Nous avons prêté serment d'une vie libérée de toute possession matérielle, ces objets nous sont d'aucune utilité. Les vendre ne servirait à rien, à part attiser la convoitise, car nous vivons ici en parfaite autarcie, grâce à nos culture et notre labeur quotidien. Alors nous entreposons ces objets ici, pour l'éternité. Sachez que de tous ceux qui ont pénétré ces lieux sans autorisations, emplis d'intentions malveillantes, vous êtes le seul à être encore vivant. Mais cela est dû à des conditions exceptionnelles… Venez, j'aimerai vous montrer quelque chose. »
Le moine l'emmena à travers la pièce jusqu'à un mannequin sur lequel était posé une armure complète qui semblait extrêmement bien travaillée. Elle était composée en premier lieu d'une tunique intégrale en cuir épais, ainsi que de gants et de bottes robustes, et en second lieu de diverses plaques de métal qui semblaient cloutées et attachées par des sangles à la tunique, afin de fournir un rapport optimal entre le poids, la liberté de mouvement du porteur, et la protection. Une sorte de fourrure servait de parure sur les épaules et autour de la nuque, ainsi qu'un espèce de voile en tissu léger mais résistant qui descendait à partir de la ceinture jusqu'au début de la botte, sur tout le côté droit, recouvrant ainsi partiellement la jambe, devant comme derrière. Il y avait aussi un casque, intégral, possédant une visière fine en forme de T, ainsi que plusieurs ouvertures verticales permettant au porteur de respirer aisément, ressemblant à des dents.
« Que pensez-vous de ce matériel?
- Il est… exceptionnel… et étrangement si familier…
-Eh bien, pour la familiarité, ça s'explique par le fait que c'est l'équipement que vous portiez lorsque vous avez pénétré le temple.
-Vous voulez dire que… je portais cette armure?
-En effet. Je n’ai de ma vie jamais vu ou ait eu vent de l’existence d’une telle armure. Ce doit être un travail d’exception, le chef d’œuvre d’un maître forgeron. Mais il faudrait que vous jetiez un œil à ceci plutôt… »
Le moine prit le casque et le retourna de manière à pouvoir voir à l'intérieur. Une sorte de doublure était appliqué à plusieurs endroits, il semblait particulièrement agréable à porter. Mais frère Toff souleva légèrement la doublure en tissu/cuir sur l'arrière du casque qui laissa apparaître une petite griffe d'artisan.
« Hawke…
-Cela vous rappelle-t-il quelque chose?
-Je ne… crois pas, non. Dans mon… rêve… mon père était forgeron, mais moi aussi je finis par le devenir, des années plus tard. Impossible de savoir si c'est mon père ou moi-même qui a forgé cette armure. Mais cet équipement pourra sans doute m'aider à en savoir plus sur moi. Je vous remercie de me l'avoir
-Je ne vous l'ai pas donné, juste montré. Comme je l’ai dit, nous n'avons aucune garanti du bien fondé de vos motivations, nous ne savons rien sur vous.
-Mais ça m'appartient!
-Cela vous appartenait. Vous avez violé ce temple, alors vous devrez vous plier à nos règles. Si cela vous déplaît, alors vous êtes libre de partir, nous ne vous retenons pas ici.»
C'est avec une amère déception que Lars acquiesça sans dire mot, se retourna et s'en alla dans sa chambre.
Il ne pouvait en vouloir à frère Toff, ou aux autres moines. Ils sont prudents, ils font ce qui leur paraît juste, comme chacun. Difficile de croire un homme qui se dit amnésique. On ne peut prouver la perte de mémoire, en revanche on peut la feindre. Seuls deux phares arrivent à guider sa mémoire : Éloïse et Morgan. Sa femme, et sa fille. C'est tout ce dont il se souvenait. Ça, et rien d'autre. Pas d'amis, pas d'autre famille, aucune connaissance. Pas de village natal, pas de profession, pas de voyage, aucune maison. Rien d'autre que deux prénoms. Éloïse et Morgan. Tout le reste était flou, irréel, faux. S'il voulait retrouver la mémoire, il devrait retrouver ces deux personnes. Mais deux prénoms, sans nom de famille, sans ville, sans rien d'autre, dans tout le continent, comment les retrouver ? Par où commencer ? Comment rechercher? Il avait quelques pistes, en commençant par cette armure que le frère lui avait montré. Une armure imposante, travail de maître, qui portait son nom. Elle était donc liée à son passé, directement à lui, ou à un membre de sa famille. Et puis il y avait ce temple, dans lequel il se trouvait. Il était venu ici, semblait-il de son propre gré. Donc à ce lieu sacré aussi il serait lié. Mais il ne se souvenait de rien, même en parcourant les couloirs de pierre, et aucun prêtre de cet ordre, certainement séculaire, ne le connaissait. Ni lui, ni son prénom, ni quoique ce soit.
Cette armure... il lui fallait cette armure. C'était le seul vrai indice. En portant cette armure, il porterait un peu de son passé, et ceux qui savent quoique ce soit le remarqueraient plus facilement. Ça pouvait être un danger pour lui, s'il ne s'était pas fait que des amis par exemple. Mais impossible de savoir. Et même des ennemis pourraient le renseigner sur son histoire. Mais frère Toff ne voulait pas coopérer. Et il était inutile de lui demander une nouvelle fois s'il peut la récupérer, il semble être catégorique. Et s'il insiste trop, il prend le risque de se faire expulser du temple. Mais il ne pouvait pas partir sans! C'était sa seule chance!
Lars commença à s’énerver, à respirer lourdement, bruyamment. Il senti la colère monter en lui. Ces prêtres... ils ne comprenaient pas! Il venait de se réveiller d'un coma de huit ans, avait vu toute sa vie littéralement disparaître, et lui interdisent de repartir avec la seule chose qui pour l'instant constitue une réelle piste! C'était insensé! S'il fallait, il allait voler cette armure, et s'enfuir avec! Que faire sinon?
D'un coup, l'homme se calma, et reprit ses esprits. Qu'est-ce qu'il venait de se passer? Pourquoi avait-il perdu son sang-froid, aussi rapidement? Sans réelle raison apparente en plus! C'était contrariant, mais pas de quoi exploser non plus. Si? Il ne savait plus.
Il était réellement perdu, mais une chose était sûre: s'il partait sur de mauvaises bases, ça allait compliquer la suite. Qui sait ce qu'il était avant, comment il l'était? Peut-être qu'Éloïse l'a quitté pour cette raison? Peut-être que sa perte de mémoire est aussi liée à son comportement, il se serait attiré des ennuis et on l'aurait fait payé? Mais... il fallait faire des choix. Des vrais choix. Il avait déjà assez perdu de temps comme ça: huit ans. Sans parler de la vie qu'il a rêvé, puis perdu. Huit ans durant lesquels le monde a tourné sans lui. Il devait reprendre sa place dans ce monde qu'il avait quitté, il devait reprendre sa vie en main, sa destinée. Même si... il devait faire des choix.
Le lendemain, il descendit de sa chambre, et trouva les prêtres dans un jardin intérieur, entrain de récolter quelques légumes.
"Frère Toff, mes... frères, je vais partir, j'ai besoin de savoir qui je suis, je ne peux plus rester ici plus longtemps.
-Êtes-vous sûr? Vous vous êtes réveillé il y a à peine deux jours, vous n'êtes peut-être pas totalement guérit.
-C'est un risque à prendre, j'ai déjà perdu huit ans, je ne perdrai pas un jour de plus.
-Eh bien, si vous avez pris votre décision, nous n'avons
-Et je vais vous demander aussi de me donner mon armure."
À ces mots, la totalité des prêtres s’arrêtèrent dans leur labeur pour fixer Lars.
"C'est impossible, Hawke, je vous l'ai déjà dit.
-Ce n'était pas une question, frère, mais un ordre. Donnez-moi ce qui m'appartient.
-Comment osez-vous me parler sur ce ton? Nous vous avons sauvé, et maintenu en vie, nous vous offrons l'hospitalité, et vous nous insultez?
-Vous ne comprenez pas la nécessité que je récupère ce qui est mien.
-Vous ne pouvez pas récupérer cette armure, c'est impossible.
-Elle m'appartient! C'est une piste pour découvrir mon passé!
-Vous êtes dangereux, Lars Hawke! Vous n'imaginez pas à quel point! Et avec cette armure, vous allez mettre en danger de nombreuses personnes, y compris des innocents! Y compris votre f..."
Toff s'arrêta juste avant d'avoir terminé sa phrase, sous les regards sombres de ses confrères. Pour Lars, ce fut comme un choc. Ils savaient quelque chose? Ils savaient mais ne voulaient rien lui dire?!
"De quoi? Finissez votre phrase! Qu'est-ce que vous savez sur moi?"
Lars bondit sur le prêtre, le saisit par le col et le secoua de toutes ses forces, s'énervant, criant de plus belle. Mais frère Toff demeurait silencieux. Dans un élan de colère, Lars le jeta violemment au sol, et un éclair sorti de sa main pour aller exploser un mur de l'enceinte. Surpris, regardant sa main avec incompréhension et effroi, il s'arrêta subitement d'hurler, de bouger. Frère Toff se releva, stoïque, et regarda l'homme en face de lui, sans la moindre expression sur son visage.
"Tenez, prenez les clefs, allez récupérer votre armure. Nous ne pouvons rien vous dire, et pour notre sécurité ainsi que celle du temple, nous ne pouvons vous garder plus longtemps parmi nous. Fassiez-vous bonne route."
Sans un mot, Lars arracha les clefs de la main du prêtre, retourna dans la chambre forte, et enfila l'armure. Il eut la sensation de revêtir comme une seconde peau, sans laquelle il était nu, ce qui lui manquait pour être entier.
Deuxième partie : … ou une nouvelle histoire ?
L'établissement était blindé en cet heure de pointe. Le soleil se trouvait légèrement au-dessus de l'horizon, vêtu d'un ciel aux teintes orangées et d'un océan rouge lointain, appelant les marins, les mélancoliques, les poètes et les amoureux à s'approprier cet instant hors du temps.
Lorsque Lars poussa la porte il vit des serveuses légèrement vêtues portant des plateaux supportant des dizaines de pintes de bière, ondulant entre les tables pour servir et prendre les commandes, à moitié dansant comme dans un gigantesque et majestueux bal de séduction. Mais rapidement la cadence ralenti, les voix se mirent au bémol et les regards convergeaient vers l'entrée, où se trouvait cet homme costaud, recouvert d'une étrange armure qui ne ressemblait à aucun modèle connu. Entre de légers cliquetis métalliques et des pas lourds contre le plancher qui résonnaient dans cette salle qui semblait maintenant vide, il s'approcha du comptoir, retira son casque et le posa dessus tel une masse, ce qui dévoila aux yeux de tous une longue chevelure poivre et sel, ainsi qu'au gérant de l'établissement un visage dur, sombre, vieux, mais pourtant particulièrement déterminé, une flamme dansant au plus profond de son regard.
Voyant que ce n'était pas là un quelconque danger, la vie reprit son cours dans la salle, et les serveuses leur ballet.
« Qu'est-ce que j'peux donc bien faire pour toi, l'ami?
-Donne-moi une pinte de bière. »
Le tavernier sorti une choppe en bois, la remplit d’une mousse dorée et la donna à Lars, qui posa deux pièces d’or sur le comptoir en échange. Il en bu une gorgée, puis reposa son verre, tout en jetant un œil discret autour de lui. Il aperçu l’homme qu’il devait rencontrer, à quelques mètres sur sa droite. Quelques instants après, cet homme s’approcha, et s’assit lui aussi au comptoir, à côté de lui.
« Deux-mille.
-Le prix convenu était de cinq-cents. Te fous pas de ma gueule.
-Ouais, mais depuis on m’a dit à quel point tu voulais ces informations, alors j’ai décidé d’augmenter le prix. Tu sais comment c’est, il faut faire vivre la famille et »
Lars posa sèchement sa choppe sur le bar, de la main gauche saisit son contact par le col, et de la droite lui décocha un magistral coup de poing qui le fit tomber de son tabouret. Il s’approcha de lui, à terre.
« Que dis-tu de ça : tu me dis ce que je veux savoir, et je te laisse la vie sauve?
-À Mélior ! Certains auraient vu des femmes correspondant à ta description, à Mélior!
-Quand?
-Il y a deux mois de ça. Mais ce n’est pas tout!
-Qu’est-ce qu’il y a?
-Elles étaient en présence d’un homme. Et ils semblaient très proches tous les trois. »
En remerciement, Lars assomma l’espion, et s’en alla sans dire mot, ramassant son casque en longeant le comptoir. Après bientôt un an de traque, c’était la première fois qu’il avait une piste qui semblait sérieuse. Mélior, deux mois plus tôt… Il était en retard, il ne devait pas perdre de temps. En revanche, concernant le reste, le temple de Melinda, sa… « magie », le mystère restait entier.
Eh bien, re-bienvenue sur le forum ! Ce fut long, très long, très très long, avec une typo qui m'a tué les yeux (s'il te plaît, change de typo la prochaine fois xD), mais c'est fini ! Commençons donc notre correction :
Style : 2/2.5 J'aime énormément ta plume, je te l'ai toujours dit. Ton personnage est du coup super intéressant à lire, super intéressant à suivre. Mais là c'était beaucoup trop long ^^' Il y a toujours un truc, l'histoire se tient, le fil continue, mais c'est trop long, ton style s'essouffle. C'est dommage. x)
Langue : 1.5/2.5 Sur la taille de ton texte, que des petites fautes apparaissent, pas trop grave. Mais quand ce sont des fautes vraiment trop simples, trop bêtes, elles piquent quand même. Puis la concordance des temps, ton perso "parle" donc c'est moins violent, mais des fois.. ça pique. x)
Crédibilité : 2/2 Rien à redire, tout se tient. Les explications balancent tout, ça suit.
Originalité : 2/2 Venant de toi, un perso original, c'est limite basique. Rien à redire, du coup !
Physique : 0.5/2 On a la couleur des cheveux, l'armure, on a l'idée qu'il soit bien baraqué. On ne sait rien de sa taille, rien de ses yeux, rien de sa prestance.. Donc même si on se fait une idée d'un homme poivre et sel avec une grosse armure et des gros poings, bah... Ca manque, quoi. Je mets un timide 0.5 parce que tu as pris le temps de décrire plein d'autres choses, mais pas ça, alors que c'est primordial.
Mental : 1/2 Bein pareil, on se fait une "idée" mais c'est toujours trop vague, trop "peu". On sent qu'il est obsédé par sa famille, qu'il ferait tout pour elle, qu'en gros c'est la priorité. Qu'il est pas très patient aussi. M'enfin ça manque quand même quoi xD L'idée de faire une histoire qui regroupe tout, c'est bien, mais là.. C'est un peu passé à la trappe.
Histoire : 6/7 C'est l'histoire la plus complète que j'aie pu voir. On voit tout ce qui est important, on sait tout, y a des plot twist, c'est intéressant malgré la longueur, bref, c'est VRAIMENT une réussite. PAR CONTRE. Un détail me chiffonne : Éthan. Tu dis au début qu'il meurt ou autre, mais tu n'expliques pas ce que ça a donné lors de la naissance, la façon dont l'a vécu la maman? Et toi? Même si c'est un peu moins important vu que tu en parles au début, j'ai pensé qu'un rappel aurait pu être bienvenu.
On arrive donc à une note finale de 15/20, ce qui est pas trop mal finalement ! o/ Je te valide donc Beorc Mage (Foudre) Classe I niveau 15 ! Pense à faire ta FT ! Amuse-toi bien avec ce nouveau perso. ♪