Qu'attendait-il de tout ça ? Trouver une nouvelle voie, ou simplement oublier la précédente ? Devant le fait accompli, il était si impuissant... Lui qui s'était toujours battu de lui-même, il avait alors perdu de vue ses objectifs : se battre pour les autres. Devant l'infini égoïsme de la vie, sa vraie nature ne pouvait lui mentir, il essayait de devenir fort pour tenter de combler un tant soit peu sa faiblesse sans limites. Il détestait ce qu'il était devenu, une personne tout juste bonne à être haï par les autres, même ceux à qui il tenait par-dessus tout. Il ne pouvait rien face à cela, et au final ses efforts ont mené à sa propre destruction, de même que celles de ceux qu'il chérissait. Pourquoi cela devait-il en être ainsi ? Ce monde était suffisamment parsemé d'injustices, il n'avait pas non plus à subir celle de sa propre existence. La vie se résumait-elle finalement à chercher sa propre mort ?

Le lancier souriait aux mots de son adversaire, mais plus un air narquois non, les traits creusés de son visage exprimait un désir tout à fait ambigü, il souriait face à la mort. Peut-être que cet Alan pourrait faire tomber le jugement divin, comme il l'annonçait. Un impur, ce terme le désignait parfaitement, il n'était qu'un enfant renié de la Déesse, son existence était un fardeau, sa vie une faute pour tous. Il avait crû, avec l'ignorance de la jeunesse, qu'il pourrait surmonter cette ère avec sa propre force, mais le destin en avait voulu autrement. Son sourire se désagrégeait au son d'un sanglot, tandis qu'une fine et unique larme coulait le long de sa joue, tandis qu'Alan se jettait sur lui.

Il était desespéré, perdu, ne sachant plus quoi faire, et se disait dans un sens qu'il aurait été mieux de ne plus bouger, ne pas résister à cet appel du coeur. Mais au final si l'esprit était perdu, troublé, son corps se mit à réagir à sa place, un réflexe acquis suite à de longs entraînements contre sa destinée. Une traînée de poussière gicla vers ses yeux, mais son bras droit, libre, vint se placer devant pour intercepter les débris de sol. La manoeuvre offensive de l'épéiste était bien jaugée, car soit il l'aveuglait temporairement, soit il l'incapacitait d'un bras suite à ce réflexe, pouvant alors frapper de toutes ses forces avec l'Alondite, vers le torse du condamné. Parer dans ces conditions était impossible pour le lancier, esquiver était trop tard à cause de la mauvaise estimation de la vitesse d'Alan, et prendre le coup directement était hors de question. Le seul réflexe possible était d'éviter le coup en sautant, cependant la lame fendait l'air à hauteur de torse, théoriquement impossible sans élan. Mais depuis qu'il avait commencé à toiser le pseudo-héros, il avait inconsciemment commencé à accumuler un peu de son pouvoir, et sa fusion avec l'Inferno pouvait rendre faisable la prouesse. L'énergie lui traversa l'intégralité du corps jusqu'à la pointe des pieds, avant de se manifester à ce niveau. Une explosion décente se forma sous chacune des semelles de l'hallebardier, lui procurant une détente suffisante pour passer par-dessus la charge de l'épéiste en un flip. Il ratterrit derrière son adversaire, reprenant sa posture.

" Pas mauvais, mais pas suffisant non plus, eh. "

" Je vais te tuer, Alan ! "

Les larmes coulaient de plus en plus, sans réussir à obstruer la vision du lancier. Ce dernier chargea simplement vers le bretteur, cherchant à le faire reculer à coups d'estoc rapides jusqu'à l'acculer dans un coin. Son visage exprimait un mélange de tristesse et de hargne. Il ne savait vraiment pu ce qu'il pouvait faire, maintenant. Le même comportement destructeur qui l'avait poussé à commettre ses méfaits dans différents villages, cette même rage incommensurable envers lui-même qu'il n'arrivait pas à étancher.

" Viens ! Finis-en avec moi ! Fais cesser cette pathétique mascarade ! "

Bizarrement il n'y avait pas que la vitesse qui avait changé en cet homme, mais bien au-delà de ce qu'il pouvait imaginé. Après tout depuis le temps, Geist ne devait pas être le seul à s'améliorer, mais c'était d'autant plus troublant que son adversaire du moment semblait être recouvert de légères flammes bleutées qui n'étaient clairement pas naturelles. Serait-ce donc les 'saintes flammes' comme il s'était targué de dire juste avant ? Intéressante constatation, peut-être qu'effectivement il pouvait purifier quelque chose avec ça. Ainsi ce petit prétentieux pensait pouvoir concourrir avec l'Inferno, amusant. Au final Geist oubliait presque sa volonté de mourir, ou plutôt d'être tué, et son instinct de guerrier se réveillait petit à petit, la furie des flammes ne demandait qu'à réduire en cendres ce qui s'opposait à lui en ce moment même. Une raison de vivre en quelque sorte, bien que minime et temporaire...

Son analyse du moment aurait pu lui être fatale, car il n'aperçut que bien tard la chute de cette poutre insignifiante qu'il évita sans trop de difficultés. Cependant cette action lui fit perdre de vue sa proie, qui souhaitait peut-être le condamner dans les flammes de la battisse en ruines. Un rictus moqueur se dessinait sur le visage du lancier, ne doutant aucunement de sa résistance à cet élément, et il avancait lentement mais sûrement par delà les décombres.

" Alors tu veux jouer à cache-cache, gamin ?! Ce n'est pas très malin de ta part, je sais que tu cherches à gagner du temps avant que des renforts arrivent, mais c'est vain ! Je te laisse deux minutes pour sortir de ta cachette et revenir ici, sinon je m'en irait sans autre forme de procès...! Alors soit un homme et bats-toi ! "

Il retournait au fur et à mesure sur la place centrale de ce qui restait du village, en proie aux flammes. À vrai dire attendre ne l'aurait pas dérangé, cela aurait été même contraignant pour cet Alan de rester caché dans un endroit en train de se détruire par les flammes, s'il n'y avait pas eu cette histoire de renforts potentiels. Il attendait calmement, admirant le spectacle de maisons tombant en ruines comme c'était arrivé à sa vie. La fatalité de toute existence, vouée à la destruction.

" Allez, plus qu'une minute, mon cher ! "

Le cours du temps s'était figé dans ce mélodrame grandeur nature, joué par les acteurs du destin même. Toute représentation avait son côté manichéen, et Geist représentait sans nul doute possible le rôle du méchant, la personne détestée par l'assistance et qui se devait de périr par les mains du preux chevalier face à lui. La vie était réellement ironique, cette scène aurait pu être jouée à l'exacte opposée, il y a encore peu de temps : les rôles étaient désormais inversés. Après tout, la tournure d'une existence quelconque pouvait basculer aisément, portée par la brise changeante et houleuse du destin. Il était devenu impossible de vivre une telle vie, de ce fait il ne lui restait guère d'options, et semblait se contenter de survivre comme il pouvait, rejettant avec sa seule force ce que le monde pouvait lui envoyer pour le nuire.

L'épéiste ressurgit sur le flan du lancier, telle une autre tournure de sa vie qu'on lui balançait au visage sans aucune forme de procès. Devait-il l'accepter ? Son sort était le suivant, sa longue route ne lui avait servi qu'à pouvoir se rendre compte de l'inutilité de ce qu'il était, massacrant une par une ses convictions les plus ancrées comme ses désirs les plus profonds. Son esprit était désormais anéanti, il ne restait plus maintenant qu'à se débarasser de cette coquille vide, ce pantin désarticulé et vide de sens.

" Eh eh, alors c'est comme cela que ça se profile, hein...? "

Cet homme avait sûrement lui aussi une existence singulière, l'ayant amenée à souffrir moultes périples et à vivre de nombreux tournants décisifs ayant amenés à ce qu'il était aujourd'hui. Lui aussi se battait pour lui-même, luttant contre le sort qui incombe à chacun, et pourtant... Geist en était conscient, la vie d'autrui se devait de ressembler à la sienne, malgré toutes les différences amenant à l'individualisme, le chemin emprunté n'était en vérité guère différent, dans le fond. Alors pourquoi...? Il ne le savait pas. Pourquoi est-ce que le destin semblait-il subitement bien plus cruel envers lui que pour les autres ? Cet homme lui était semblable, cependant, cette existence... Il ne pouvait la tolérer. Un homme se battant pour protéger ce qu'il avait, qu'y avait-il de plus grotesque aux yeux de celui qui n'avait plus rien ? Il n'avait plus vraiment rien à se soucier, son combat était fini, et il avait perdu face à lui-même, telle était la cruelle vérité. Sa vie ne signifiait plus rien, il ne faisait qu'essayer d'oublier sa souffrance en en infligeant à autrui, sans grande distinction humaine, pour le moment.

L'épée fendit l'air pour en libérer une flamme bleutée dans le but de blesser le lancier, ou bien dans l'absolu à le forcer à s'en défendre, probablement au détriment de l'attaque quasi-simultanée avec le tranchant de sa lame. C'était un tant soit peu ironique, il avait vécu pour et par les flammes, il s'en était imprégné de son essence désormais, dans ce cas... Que pouvait-il en craindre ? Et puis, ce n'était pas comme s'il attachait encore une quelconque importance à sa vie, à son corps qui bougeait presque naturellement, comme cherchant à fuir, à retarder l'inévitable. Il fixa attentivement l'épée d'Alan, il n'avait que faire du reste, briser son équilibre et son semblant de défense reviendrait à venir définitivement à bout de lui, une simple brulure était peu cher payer pour cette simili-satisfaction.

Une attaque légèrement sautée, petit naïf qu'il était. Dans le cas où il devait amoindrir au maximum les dégâts de ce feu bleuté, c'était sans doute une bonne stratégie de vitesse, mais si on venait à ignorer ce détail, le fait qu'on ne pouvait pas vraiment esquiver dans cette position, et de surcroit en prenant en compte la différence d'allonge des deux armes, le résultat ne faisait plus aucun doute : cet homme trop téméraire allait se retrouver tout simplement embroché comme un poulet déplumé n'attendant plus que sa cuisson imminente. Ah, douce ironie, il cherchait la mort, mais il ne faisait au contraire que de la donner autour de lui désormais. Mais il n'en avait plus vraiment conscience, pour lui tout ce qui se dressera devant lui devra être détruit, annihilé, afin de ne plus avoir à souffrir des réalités de ce monde. Et qu'importe ce que Tellius pouvait lui envoyer pour cela, au final il ne restera plus que des cendres... Un sourir d'un sadisme incroyable se dessina sur son visage creusé, qu'allait-il faire de lui après ça ? Le laisser agoniser dans les flammes ? Lui découper un à un ses membres, cautériser les plaies et le laisser vivre, sauvé de l'incendie par des renforts quelconques ? Ou tout simplement lui ôter la vie par le fil de sa lance ? Il ne pouvait se décider sur le coup, et était impatient que la seconde suivante arrive, témoignant de la future agonie de l'épéiste.

Démence aveuglante afin d'oublier ses peines, jusqu'à mésestimer la réalité du moment. Finalement et comme convenu, ilse mit en position de contre-charge, pointe de l'Inferno en avant, montant légèrement, prête à accueillir le petit lapin en fin de chasse. La flamme bleutée allait certainement le toucher une seconde avant, mais ce n'était rien de plus que du feu. Par le passé, il avait déjà utilisé l'Inferno dans le but d'absorber cet élément, dussé soit-il lançé contre lui, et depuis l'incident avec cette satanée secte, son lien avec elle s'était renforcé de sorte à partager ses propriétés dans son ensemble. De ce fait, même Geist par son corps pouvait matérialiser du Feu, comme il l'avait démontré avec son saut précédent, lors de la première attaque d'Alan. La résistance au feu était un bonus non négligeable également, mais le plus important était cette capacité de pouvoir se nourrir des flammes lancées vers lui. Dommage petit, cette manoeuvre était absolument inadéquate, car non seulement elle était inefficace, mais en plus cela permettra de renforcer temporairement la magie de l'Inferno. Tout ce qu'il venait de faire était d'approvisionner son ennemi en énergie, rien de plus. Et bien, adieu, donc...

Geist se laissa toucher par ce feu sacré, qui tourbillonna légèrement sur son torse sans pour autant le brûler, avant de se faire aspirer par le corps entier du pyromane. Erreur d'appréciation, et désormais Alan ne pouvait plus que voir face à lui une pointe rougeoyante, annonciatrice de sa défaite. Un bond de trop, sans doute... Son corps tentait de réagir, il essayait de se mouvoir, changer la direction de son arme pour dévier au maximum ce pieux dirigée vers son coeur, son corps. Il avait espéré que l'attaque d'Alondite ait un effet dans la garde de Geist, le fasse flancher pour que son attaque passe, mais il n'en était rien. Il pouvait sentir sa chair se faire déchirer sur son flanc, ces cellules chauffer au contact du fer enchanté de cette arme, son sang commencer à jaillir de la plaie. Sa balance se faisait incertaine, ses jambes furent presque incertaines de pouvoir le réceptionner proprement, suite à sa tentative d'esquive en plein milieu d'un saut abrupt. Il allait tomber, et giser au sol à la merci de son ennemi, sans doute la fin.

Le corps du mercenaire heurta le sol, non loin de celui de son ennemi du moment, qui ne bougeait plus pour l'instant. Savourait-il sa victoire en silence, laissant de même sa victime le temps de regretter ses gestes et prier la Déesse ? Alan ne s'e nsoucia que peu, il devait faire l'inventaire rapide de sa propre situation s'il voulait conserver une chance de survie malgré tout. Il était un guerrier entraîné, son expérience prévalait sur ses jugements quand il s'agissait d'un combat. Et pourtant, cela restait étrange : le coup porté par le lancier dément ne lui avait au final occasionné des dégats bien moindres que ce àquoi il s'attendait. Il pouvait bouger, réagir même, ce n'était pas encore fini. Pourtant la posture de son ennemi était calculée, c'était anormal, c'était comme si finalement, le coup porté par Alondite avait fait mouche. Mais à quel niveau ? Geist ne portait aucune trace de blessure ou de brulure apparente liée à cette attaque, qu'il avait visiblement absorbé...

L'Inferno était une arme bien étrange. Elle était loin d'égaler la qualité des lames les plus célèbres de Tellius, Ragnell et Alondite, et ne pouvait même pas y être comparée. Sa puissance était moindre, bien qu'elle surpassait tout de même n'importe quelle autre arme de base. Si les épées sacrées avaient été enchantées par la Déesse elle-même, l'Inferno était quand à elle une simple produit de manufacture humain, bien qu'elle avait demandé une forge parfaite et de puissants sortilèges thaumaturgiques liés au Feu primordial. Mais au final, une fabrication humaine ne pouvait rivaliser avec une entité divine. Dans tous les cas, il avait été bien présomptueux d'avoir pensé être capable d'absorber les flammes sacrées d'Alondite, même avec la symbiose entre Geist et son arme. Les flammes étaient bien souvent le fruit du Chaos, apportant misère et destruction, tandis que la Déesse n'était qu'Ordre. La comparaison était définitivement impossible, et le lancier infernal pouvait ressentir l'amertume de son erreur dès la première seconde de sa tentative d'absorption. Son corps avait réagi le premier, lâchant suffisamment son étreinte sur son arme matérialisée que sa trajectoire passa de perfection à travail d'amateur, bien qu'il ait pu blesser son ennemi,ce n'était en rien comparable à ses prévisions. Et de toute façon, ce qui pouvait arriver actuellement, il ne pouvait en avoir conscience, sa vue étant infiniment vide. Intérieurement, il ne voyait plus que le blanc infini, comme s'il regardait une lumière qui n'aveuglait pas.

Son corps se mit à trembler, convulser légèrement, sans pour autant lâcher son arme, bien trop liée à son âme. Geist tentait de se relever, mais une douleur l'envahissait de toute part : c'était comme si on venait d'injecter un puissant poison dans son âme, lui faisant subir une souffrance physique bien au-delà de ce qu'on pouvait imaginer. L'Ordre d'Alondite, d'Ashera avait fait irruption en lui, chamboulant son esprit, violentant tout son être. Un long râle de douleur fut poussé, et extérieurement les veines du corps de Geist s'étaient mises à gonfler jusqu'à en devenir saillantes, et parcourues d'une lueur bleutée par-delà son sang. Le cri de souffrance du lancier perdura pendant un instant, avant de disparaître totalement, laissant l'homme s'effondrer à nouveau sur lui-même, complètement éreinté. Cependant sa consicence restait, son âme bouillait mais son corps avait été meurtri, haletant. À ces côtés, un bretteur quelconque tentant de se remettre de ses blessures... Ah oui, c'était vrai, il devait le tuer, il s'e nsouvenait désormais. Mais... Le pouvait-il encore ?

¤¤¤¤¤

¤¤¤¤¤

Le corps convulsant de Geist semblait se calmer progressivement, et lui-même pouvait sentir le trouble magique en lui se dissiper petit à petit, et l'étrange entité s'étant manifester dans son inconscient chaotique disparaissait dans une chaleur agréable mais déclinante. Le soupçon d'Ordre divin avait réagi au Chaos dans son être avec véhémence, mais semblait arrêter ses actions suite au regain de calme intérieur du Beorc, bizarrement. Le côté divin s'en alla discrètement, laissant derrière son passage les maigres flammes ayant servi à l'amener jusqu'ici. La douleur partait, son corps s'en remettait même grâce à l'assimilation du Feu fourni, malgré tout, comme si la Déesse souhaitait réparer les dégats occasionnés par son action, son influence. Son esprit ne se consummait plus, et à l'extérieur ses veines dégonflaient et la très légère aura bleutée s'évapora dans l'air. Son souffle reprit un rythme basique, voire serein. Et enfin, il pouvait reprendre conscience des alentours, le monde extérieur. Sa vision immédiate était une vue rasante sur une partie de ce qui restait d'un village, paisible avant son passage. Les flammes détruisaient ce qui pouvait rester en ce lieu, réduisant en cendres corps et bâtiments. Au final il ne l'avait pas vraiment voulu, mais il admirait la scène dans son entier, cessant de ne pas assumer ses gestes. Un poids sur son poignet gauche lui fit reprendre conscience de la situation, et la menace de l'épéiste le surplombant. Il n'était plus en danger intérieurement, mais désormais cette survie se passait sur un autre plan. Malgré son absence précédente, sa mémoire se rappelait des dires de cet homme après l'avoir immobilisé de la sorte. Il eut un sourire en coin.

" Eh gamin, tu me laisses le choix de mourir par la main d'un autre meurtrier pas plus innocent que moi, ou par des types capables de massacrer des populations entières pour montrer la supériorité de leur stupide race ? Tu parles d'une ironie... "

Il lui avait demandé ses motivations à son comportement, soit... Cet Alan n'était pas conscient que cette fois-ci, le temps jouait en sa défaveur, et son écrasante supériorité de la position allait flancher devant son hésitation à en finir et le temps qu'il lui laissait pour contre-attaquer. Lentement mais sûrement, le Feu intérieur de l'Inferno se chargeait, tandis que Geist gagnait un peu de temps en parlant bêtement.

" Trop de 'pourquoi' alors que t'es peut-être pas en mesure de comprendre, tu sais... J'me souviens maintenant, notre dernière rencontre, bien que c'était aussi la première mais bon. T'avais lamentablement piaillé ton amour envers cette femme là, Kwendal 'me semble... On a un point commun à ce niveau, on a aimé une Laguz, Dragonne de surcroît. Donc tu pourrais comprendre un iota ce que ça te ferait si ça t'arrivait... "

C'était une sensation étrange, plus il voulait augmenter l'intensité des flammes de son arme en son intérieur, et plus il pouvait constater une différence notable. Il n'y avait pas que la magie de l'Inferno, se mêlait à celle-ci les flammes restantes absorbées tout à l'heure, cette minuscule présence divine dans son corps mortel. Avec ce mélange il pouvait croître son pouvoir plus haut que d'habitude, même s'il se doutait du caractère temporaire de la chose. Une compensation pour lui avoir fait subir cette souffrance ? Pas vraiment, cette douleur l'avait réveillé au moins, mais avait retourné la face du combat en cours. Donc ce n'était pas tellement injuste qu'il puisse s'en servir pour s'échapper de l'emprise de l'épéiste, si ?

" Dis-moi Alan ! Comment tu réagirais en découvrant que les personnes que tu aimes par dessus tout sont mortes par ta faute, hein ?! Tu peux pas admettre qu'en perdant ta raison de vivre tu puisses péter un plomb, non ?! Alors !?! "

Bizarrement le sens de la discussion allait à son avantage, et avec ses suppositions il pourrait ne serait-ce que stimuler son imagination et sa haine, parfait. La réaction ne se fit pas attendre, et malgré le mauvais angle de vue de l'hallebardier, il pouvait voir un rictus de colère sur le visage de son adversaire, et sentir la grande épée contre son cou plus fortement. Cette provocation lui aurait coûté une estafillade quelconque, mais le moment était propice à l'action. Dans la théorie où même sou la colère il ne voulait toujours pas le tuer, le seul mouvement possible serait de reculer sa lame et non pas l'enfoncer pour l'achever. De plus Alan n'était pas encore pleinement conscient des capacités du pyromane, concentrant son attention vers l'Inferno matérialisée dans sa main. Cette attention qu'il perdait légèrement sous cette pulsion mauvaise, mais que Geist s'amusa à raviver en faisant naître une flamme au niveau de la pointe de son arme. C'était purement esthétique, au fond tous les deux savaient le côté inoffensif de l'action, mais le mental du bretteur ne put l'empêcher de reculer légèrement sous la surprise, et l'attention perdue pour la lance élémentaire venait d'être retrouvée, sûrement avec excès. Ce n'était que pendant l'espace d'une ou deux secondes, mais Alan regardait cette flamme ridicule, pensant encore que seule l'Inferno en était capable. Erreur normale, mais dans ce laps de temps, la paume de l'autre main de Geist était tournée vers son ennemi du moment, profitant de la perte de concentration pour relâcher le restant de ses flammes accumulées sur lui.

Les réflexes d'Alan n'étaient plus à démontrer, et même devant l'improbabilité de la situation que sa conscience n'aurait jamais pu imaginer possible, son corps seul avait réagi face à cette attaque à bout portant, protégeant le visage d'un bras tout en partant un peu en arrière pour minimiser les dégâts qui, même sans avoir bougé, aurait envoyé paître l'épéiste sous la violence du coup. Une fois son poignet dégagé et la menace partie, Geist se releva rapidement, Inferno toujours en main, passant l'autre au niveau de sa gorge saignant légèrement. Une flamme parcourut son index, brûlant sa chair et stoppant ce saignement quelconque. Son regard perçait face à lui, en direction du bretteur qui avait réussi à ne pas se retrouver à terre, et désormais à presque cinq mètres de lui.

" Tu vois très cher, si même de simples paroles comme ça peuvent te fair eperdre ton avantage en combat, je n'ose même pas imaginer ce qu'il se passerait si cela devait arriver vraiment, en fait. "

Il continuait à faire des suppositions sur la mort de cette Kwendal, mais tant pis ce type voulait comprendre pourquoi Geist avait sombré, un exemple parlait mieux que tous les discours du continent. Il avait perdu trop de temps. Cette introspection lui avait fait perdre de précieuses minutes, sa démonstration orale également. Sans doute que ces pseudo-renforts n'allaient pas tarder, mais l'issue du combat semblait presque évidente. Geist s'en était remis pas trop mal, tandis qu'Alan avait été blessé lors de l'assaut précédent son mal interne, et venait tout juste d'encaisser les flammes d'Inferno. Bien qu'elles étaient moins puissantes sans passer par la lance, catalyseur magique, ce n'était pas non plus sans conséquence. Finalement Alan venait de perdre sa seule chance de victoire, quasiment.

" Je me souviens aussi que tu avais dit que je n'étais pas un guerrier honorable, la dernière fois. Mais quand je vois qu'un type recherché pour divers meurtres de nobles travaille maintenant pour le compte des autorités simplement pour de l'argent, ça me rend malade. Tu te demandais pourquoi j'avais changé, sans te rendre compte de tes propres différences comparé à la dernière fois... "

Il continuait de parler, perdant du temps, trop confiant de la situation. Cependant à trop croire être gagnant, on finissait par perdre bien souvent, la situation précédente l'avait prouvé. Mais il ne perdrait pas, en aucun cas, ce n'était pas un but. Il avait tué sa soeur, avait assisté à la mort de son aîmée, et personne d'autre que lui ne serait en mesure de les regretter. Egoïstement il ne voulait pas vivre pour lui, mais simplement pour conserver encore un peu leur souvenir, tant bien même il ne pourra jamais honorer ces morts. Le regret était devenu un moteur bien plus puissant que son dégoût ou sa haine. Survivre, c'était tout ce qui comptait.

Il ne voulait laisser à son adversaire aucune possibilité de victoire, pas même dans ses espoirs. Lui faire comprendre que dans le cas actuel la peur était sa seule façon de survivre, même s'il ne voulait plus le tuer. Il était le maître de son existence, pas de celle des autres. Seuls ceux ayant perdu la 'maîtrise' de leur être était voué à mourir par la main d'autrui, et selon ses standards ce n'était pas le cas pour eux deux. Démoraliser Alan pour lui faire abandonner toute raison de le battre, c'était la meilleure solution.

" Enfin je dois quand même te remercier pour ton truc de la Déesse, là. Ca m'a permis de faire le point, et aussi ça va me permettre de te latter la tronche joyeusement. Après tout, ce n'était que des flammes... "

En général, après avoir fusionné avec Inferno, l'essence de Geist avait un lien avec le Feu, et il pouvait consommer son propre Feu intérieur pour se rendre plus fort. Mais ici le Feu qu'il comptait brûler à ce but n'était pas sien, il n'aura même pas à souffrir de dégâts après coup. Mais ce dont il ignorait, c'était que l'essence divine restant dans cette réserve allait pendant un laps de temps très court le faire entrer dans la sphère du Divin.

Geist se mit en garde, prêt à charger, lui qui s'était avant tout contenté de se défendre face aux attaques de l'épéiste. Il puisa dans ce Feu, et une aura bleue le recouvrit, perceptible par tous et soulevant un léger vent aux alentours, dont il était l'origine. Il n'en revenait pas lui-même, mais devait tout de même contenir cette puissance sans pareille pour ne pas pulvériser Alan par inadvertance. Il prit un léger élan en faisant tournoyer Inferno dans ses mains, avant de partir sur une longue estoc à une vitesse bien supérieure à la normale.

... Pas de réponse... pourtant le lancier continuait de respirer... de façon saccadée, certes... peut être était-il dans les vapes ou un truc du genre ? Alan ne bougeait pas, tous ses sens en alertes. Les coups fourrés n'étaient pas rares, donc forcément...

Puis ça se produisit. Plus de convulsion, plus de veines saillant, plus de flammes bleues... Geist était « sauvé ». Alan renforça sa prise sur sa lame et attendit. En tout cas, sa réplique montrait qu'il était encore conscient quand Alan parlait.

<< Eh gamin, tu me laisses le choix de mourir par la main d'un autre meurtrier pas plus innocent que moi, ou par des types capables de massacrer des populations entières pour montrer la supériorité de leur stupide race ? Tu parles d'une ironie...
- Je ne connais personne en ce monde qui puisse clamer être innocent et capable de prendre une vie sans se rendre coupable, tu m'excuseras. >>

<< Trop de 'pourquoi' alors que t'es peut-être pas en mesure de comprendre, tu sais... J'me souviens maintenant, notre dernière rencontre, bien que c'était aussi la première mais bon. T'avais lamentablement piaillé ton amour envers cette femme là, Kwendal 'me semble... On a un point commun à ce niveau, on a aimé une Laguz, Dragonne de surcroît. Donc tu pourrais comprendre un iota ce que ça te ferait si ça t'arrivait... >>

Alan fit la sourde oreille. Ce mec voulait jouer le « pauvre type incompris et que personne comprendra jamais », mais ça ne répondait pas aux questions d'Alan en tout cas. Ca n'avait que peu d'importance dans le fond, mais quand même il devra fournir une réponse tôt ou tard, soit à lui, soit aux autorités...

<< Dis-moi Alan ! Comment tu réagirais en découvrant que les personnes que tu aimes par dessus tout sont mortes par ta faute, hein ?! Tu peux pas admettre qu'en perdant ta raison de vivre tu puisses péter un plomb, non ?! Alors !?! >>

Il a visé juste, il a touché la corde sensible. Malgré les efforts d'Alan pour contenir sa colère, il ne pouvait empêcher un feu ardent de brûler en lui et son bras s'avança légèrement, entaillant le cou du lancier. Ce mec, il allait vraiment lui faire sa fête ! Menacer de tuer Kwendal, de faire du mal à ses enfants, de briser sa vie...

La pointe de la lance s'embrasa et Alan ne put retenir son attention qui se porta vers elle, bien qu'il savait que ces flammes n'étaient qu'esthétiques. Puis ce fut tout le corps de Geist qui s'embrasa. Alan fit un bond en arrière dès les premières chaleurs en se protégeant le visage. Alors ça, il ne s'y attendait pas. Même le corps du pyromane pouvait dégager des flammes. Geist fit brûler son doigt et cautérisa la plaie à son cou.

<< Tu vois très cher, si même de simples paroles comme ça peuvent te fair eperdre ton avantage en combat, je n'ose même pas imaginer ce qu'il se passerait si cela devait arriver vraiment, en fait. >>

Alan tentait de conserver son calme. Si Kwendal mourrait, lui même ne savait pas ce qu'il ferait. Il tuerait probablement les assassins qui lui ont ôté la vie, ou bien les traquerait sans relâche, même s'il devait emmener ses enfants avec lui pour ça. Et après ? Bonne question.

<< Je me souviens aussi que tu avais dit que je n'étais pas un guerrier honorable, la dernière fois. Mais quand je vois qu'un type recherché pour divers meurtres de nobles travaille maintenant pour le compte des autorités simplement pour de l'argent, ça me rend malade. Tu te demandais pourquoi j'avais changé, sans te rendre compte de tes propres différences comparé à la dernière fois... >>

Qu'en savait-il, celui-là ? Il ignorait tout de toutes façons

<< Enfin je dois quand même te remercier pour ton truc de la Déesse, là. Ca m'a permis de faire le point, et aussi ça va me permettre de te latter la tronche joyeusement. Après tout, ce n'était que des flammes... >>

Geist se mit en garde et des flammes bleues recouvrirent son corps, faisant réagir Alan qui ressentit une sensation sacrée trop familière. Il n'avait projeté que peu de flammes lors de son assaut, mais elle contenaient donc autant de puissance ? Ni une ni deux, l'épéiste se mit en garde.

Geist était beaucoup plus rapide et Alan eut bien du mal à éviter son estoc. Il rivalisait presque avec lui en terme de vitesse.

*Merde !*

Alan jouait surtout sur la défensive et la parade. Si c'étaient ses flammes qui donnaient autant de force à Geist, il n'avait qu'à attendre que la dernière étincelle sacrée s'envole. En tout cas, il ne devait pas compter sur la puissance d'Alondite pour se battre, cette fois... et la plaie qu'il avait sur le côté le dérangeait pas mal. Tout en évitant et parant, Alan répliquait aux paroles du pyromane.

<< C'est vrai. Si Kwendal meurt, je vais péter les plombs et traquer son assassin jusqu'au bout du monde s'il le faut, mais je vais pas faire de mal à des innocents pour autant. J'ai une dernière raison de vivre. >>

Pour le peu que cette raison de vivre survive également, sinon il aurait fini comme Geist, sans doute...

<< Et tu te trompes sur un point, je ne bosse pas pour les autorités. L'argent pour ta capture est le résultat d'une récompense offerte par des citadins qui ont déposé une annonce, ils n'ont aucun lien avec une quelconque milice ou l'armée. Je te capture, je te livre, je prend le fric et je nourris ma famille, c'est aussi simple que ça. >>

Alan repoussa aussi fort qu'il le pouvait le lancier et embrasa son corps, cautérisant sa plaie au passage. Ca s’arrêta la, les flammes s'estompèrent. Il ne voulait pas donner plus de puissance à Geist. Maintenant, c'était Alan qui jouait la montre, une fois encore. Une fois que Geist n'aura plus de carburant sacré, il devra le tuer... en un coup...

Il ne devait pas lui laisser une chance de survie face aux lames tempêtes...

L'hallebardier avait tout de même du mal à imposer son rythme, aussi puissante soit cette influence divine en lui. En fait il pensait que brûler ces flammes qui n'étaient pas siennes ne le gênerait pas, mais en vérité c'était son propre corps qui accusait le coup. Un tel déploiement de force userait rapidement ses muscles et le forcerait à un repos soudain... À vrai dire pas la situation adéquate face à un futur sous-nombre. Il ne pouvait apparemment pas supporter autant d'énergie d'un coup, mais il fut lui-même surpris sur le fait qu'elle puisse être plus maléable que prévu. Bien qu'elle soit éphémère, il pouvait arrêter de puiser dans cette ressource un court instant sans en perdre énormément. Cependant il lui faudrait bien plus de maîtrise d'un pouvoir qui ne lui appartenait pas, chose impossible, pour arriver probablement à un résultat dépassant l'entendement : s'il pouvait relâcher suscintement cette force l'espace d'un coup à porter, il n'aurait pas à en consommer beaucoup pour une prouesse hors du commun. Mais l'heure n'était pas vraiment à une telle réflexion, s'il venait à mourir cela serait extraordinairement vain. Il relâcha temporairement son emprise sur la présence sacrée en lui, les flammes bleues disparaissant d'un coup.

" 'Tain c'était plus court que prévu finalement... "

Grossier mensonge qu'il avait prononcer doucement à lui-même, bien qu'il ait fait en sorte que tout soit audible pour Alan. Lui faire croire au retour de sa faiblesse, et en profiter au bon moment pour en finir. Maintenant qu'il avait un peu de temps, il souhaitait répondre quand même à son interlocuteur, ce ne serait pas drôle sinon.

" Une raison, une raison, on a tous une raison, t'es loin d'être unique tu sais... Et ça te semble simple, comme ça, un type tue des gens et toi, ça ne représente qu'un petit boulot. Au final tu dis le contraire, mais ton éthique laisse à désirer. "

Il lâcha un sourire en faisant un grand cercle avec son arme, avant de la remettre droite devant lui. Plus qu'aucune autre arme, l'amplitude d'une lance était subtile. C'était loin d'une vulgaire hâche ou une épée démesurée comme celle d'en face, ou un geste large guidait son utilisateur par le poids de son outil, misant davantage sur la force brute que la précision. Et pourtant il est commun de dire qu'une lance recquiert deux fois plus de force musculaire à manier qu'une épée. Cette force est nécessaire effectivement, là où pour les autres la puissance repose dans la lourdeur de l'instrument, une arme d'hast demande de la force pour la précision de ses coups du à sa longueur. Chaque aspect d'un vrai combattant était exploité, et la force servait de chef d'orchestre à la vitesse et la précision, considérablement plus basses sans une constitution robuste. L'arme du guerrier, percant au lieu de broyer, dominant toute autre arme grâce à sa portée. Il ne comptait pas sous-estimer son adversaire, mais restait pleinement confiant envers ses capacités. Et il voulait maintenir la pression sur l'épéiste, sa posture se voulait à la fois défensive et menacante : il pouvait attaquer à tout moment, sans relâcher sa défense.

" Sincèrement, voir passer un type de 'tueur reconnu' à 'homme au foyer' montre bien ta véritable raison. Pourquoi tuais-tu avant ? Par vengeance ? Pensant que détruire des pourris aiderait ce monde, quitte à te prendre la réaction des autres par la suite ? Jouer les héros solitaires, pour ensuite se reconvertir en simple égoïste voulant finir sa vie tranquillement ? Bonne blague ! "

Finalement il chargea, bêtement tout en profitant de son allonge et des blessures de son adversaire le gênant dans ses mouvements. Un des points faibles d'une lance réside justement dans cette portée, possédant une zone morte où son efficacité chutait drastiquement. C'était le côté à faire disparaitre avant tout dans les entraînements, et la répartition du poids de l'arme pouvait permettre ceci avec un bon niveau. Cela impliquait évidemment de se défendre avec le corps même de la lance, mais c'était suffisant. Une épée normale est légère, suffisamment pour rester maniable à courte portée, mais l'Alondite ne respectait pas cette norme, et tant bien même cet homme s'était entraîné avec, ce n'était sûrement pas le modèle de prédilection pour ses expériences passées. Quelques années de pratique avec cette arme insolite ne pouvaient rivaliser avec ses douze longues années de fidélité, et la semi-maîtrise de cette épée broyeuse couplée à sa taille et son poids n'étaient pas à l'avantage du bretteur à faible distance. De front, la force centrifuge était inefficace, le fait était évident, laisser Alan attaquer en premier pouvait l'aider à développer un avantage de cette masse. Mais sur cette offensive, ce n'était pas aussi évident, loin de là. Un coup d'estoc, la lourde épée pouvait difficilement dévier le coup, aussi fut-elle accompagnée d'une esquive. Mais Geist ménageait la rigidité de ses propres bras, de sorte à ce que leur souplesse amortisse le coup donné par l'Alondite pour la dévier. Cette manoeuvre bête et méchante permit aux pas du lancier de ne souffrir d'aucune baisse de rythme, et sans surprise il arriva face à face avec le manieur de sabre, un peu surpris. Le sourire carnassier du possesseur de l'Inferno rasait le visage d'Alan, le dépassant tandis que le reste de son corps était proche, trop proche au point d'asséner un coup de genou dans le ventre d'Alan, qui recula sans céder cependant. Il était polyvalent avec sa lance, mais il pouvait également combattre par d'autres moyens. La distance était à nouveau de mise, mais dans l'opération l'un avait souffert, pas l'autre.

" Et ce qui me débecte le plus, c'est qu'avec ce ton, tu supposerais que j'ai plus de raison ? Ah ! "

Il fit apparaître une flamme bien visible sur la pointe de son arme, prête à tout. Même si dorénavant tout son corps en était capable, le rendant encore plus dangereux par les multiples aspects et possibilités de cette maîtrise. Cependant il relâcha un peu sa tension, comme contrarié.

" Même si sur le coup je l'avais perdu, mais dis-moi... Vu que j'ai ommis un détail sur la mort de cette personne, je vais devoir la reposer, cette question. "

Un sourire malicieux, plutôt retord quand il devait se souvenir de ce triste passé, tout ça pour répondre à la question d'un type qui ne voulait aucunement le comprendre... Tant pis.

" Tu pourchasseras son assassin, tu as dis ? Mais que penserais-tu en te rendant compte que c'est toi qui l'as tué ?! Toi ! De tes propres mains, avec l'arme à laquelle tu t'identifies ! Dans ce cas-là qui est coupable ?! Toi ! Eux ! Tout le monde ! Toute cette putain de vie se noie dans la culpabilité ! "

Il haussait le ton tout en attaquant farouchement d'une charge courte, profitant de son allonge pour attaquer le flanc droit avec la lame lattérale de la pointe. Il pouvait s'emporter, c'était une facette de sa stratégie, mais devait faire attention de ne pas perdre la raison et toute son attention. Fixer son arme, aussi lourde soit-elle, ne pas manquer cet instant où l'épéiste va jouer sa carte maîtresse : ce qu'il avait appelé la dernière fois les 'Lames Tempêtes'. Une technique de sabre impressionnante de vitesse, et couplée à la puissance intrinsèque de son arme divine, pourrait effectivement venir à bout de lui. Il connaissait la technique à double tranchant pour son utilisateur, l'ayant déjà vu une fois, mais à sa première rencontre Alan n'était pas vraiment seul et avait pu compter sur le soutien alentours pour s'en sortir. Une fois encore le bretteur pourrait se fier aux renforts une fois que nous soyons tous les deux à terre, pour comme il le disait 'prendre le fric et pouf'. Vision étriquée de la réalité, Geist lui aussi avait espéré aider ce monde dans la guerre qui se profilait, jamais il ne voudrait sombrer dans cette facilité affligeante. Il avait le monde à dos, avec seul un souvenir à protéger, l'avenir il s'en moquait bien du moment où il pouvait vivre avec cette réminiscence de sa soeur. Les rôles n'étaient pas vraiment inversés comme se plaisait à dire son ennemi du moment, car la situation finale était ironiquement la même. Contrer cette technique était le succès de cette rencontre, et tant bien même il était extrêmement difficile de suivre le mouvement de la lame une fois en cours, Geist devait absolument garder l'Alondite dans son champ de vision pour ne pas manquer le tout début de cette attaque. Et à ce moment-là il relâcherait entièrement le Feu sacré restant en lui. La Déesse lui avait offert une chance de survivre au final, il ne comptait pas la gâcher, il ne comptait pas non plus tuer Alan grâce à ça... Terrasser pour vivre, tout simplement. Le lancier de l'Enfer tentait d'enchaîner des coups, mimant la colère, dans le seul but de faire céder l'envoyé du châtiment divin à cette ultime solution... Et la déjouer.

Alan avait de plus en plus de mal à maintenir un rythme de semi-domination. Il esquivait comme il pouvait, mais ne parvenait jamais à contre-attaquer. C'était Geist qui menait la danse dans le fond. Mais il devait tenir, jusqu'au bout... jusqu'à ce qu'il puisse placer le coup de grâce.

<< 'Tain c'était plus court que prévu finalement... >>

Les flammes disparurent enfin et Geist revint à son stade précédent d'homme affaibli, mais pas neutralisé. Enfin ! C'était pas trop tôt ! Alan pouvait souffler un peu.

<< Une raison, une raison, on a tous une raison, t'es loin d'être unique tu sais... Et ça te semble simple, comme ça, un type tue des gens et toi, ça ne représente qu'un petit boulot. Au final tu dis le contraire, mais ton éthique laisse à désirer.
- J'ai pas dit que j'étais unique. Et pense ce que tu veux de moi, tant que je mène ma vie et que je protège ma famille du besoin et du danger, le reste a peu d'importance. >>

Le pyromane fit quelques cercles de sa lance puis se remit en posture.

<< Sincèrement, voir passer un type de 'tueur reconnu' à 'homme au foyer' montre bien ta véritable raison. Pourquoi tuais-tu avant ? Par vengeance ? Pensant que détruire des pourris aiderait ce monde, quitte à te prendre la réaction des autres par la suite ? Jouer les héros solitaires, pour ensuite se reconvertir en simple égoïste voulant finir sa vie tranquillement ? Bonne blague ! >>

Avant qu'Alan n'aie pu répliquer, Geist passa à l'assaut, plaçant une estoc. Alan dut placer une esquive sur le côté, Alondite étant trop lourde pour lui afin de tenter une déviation. Nouvelle attaque, Alan décidé cette fois de donner un coup d'Alondite pour parer l'assaut, mais Geist encaissa sans reculer. Geist souriait, le sourire carnassier de l'homme confiant qui avait une idée derrière la tête... et le voilà, le coup bas : un coup de genou dans le ventre. Alan recula, mais sans se courber ni même se tenir le ventre. Il restait droit et encaissait. Ce n'était pas étonnant : Geist avait déjà prouvé qu'il savait se battre sans arme dans leur précédent affrontement, il avait donc plus ou moins eu le temps de contracter son ventre pour encaisser.

<< Et ce qui me débecte le plus, c'est qu'avec ce ton, tu supposerais que j'ai plus de raison ? Ah ! >>

Il fit apparaître une flamme sur la pointe de l'Inferno. Alan se demanda pourquoi il ne fit pas plutôt brûler tout son corps.

<< Même si sur le coup je l'avais perdu, mais dis-moi... Vu que j'ai ommis un détail sur la mort de cette personne, je vais devoir la reposer, cette question. >>

Nouveau sourire du lancier. Qu'est ce qu'il avait encore derrière la tête ?

<< Tu pourchasseras son assassin, tu as dis ? Mais que penserais-tu en te rendant compte que c'est toi qui l'as tué ?! Toi ! De tes propres mains, avec l'arme à laquelle tu t'identifies ! Dans ce cas-là qui est coupable ?! Toi ! Eux ! Tout le monde ! Toute cette putain de vie se noie dans la culpabilité ! >>

Nouvel assaut de Geist qui attaquait sur le flanc, nouveaux mouvements de parade et d'esquive d'Alan. Le bretteur sentait la colère ronger les entrailles du lancier. Il était définitivement perdu... et le père de famille savait qu'un homme en colère était totalement imprévisible. Lancer les lames tempêtes sans réfléchir mûrement sera une mauvaise idée, surtout que sa « botte secrète » était connue de son adversaire. Il fallait gagner du temps. La lance lui frôla la blessure fraîchement cautérisée, ce qui fit grimacer le bretteur mais lui offrit une occasion. D'un coup de hanche, il dégagea la lance puis donna un coup de poing dans le visage du lancier afin de le faire tituber un moment, le temps pour lui de prendre ses distances et de répondre.

<< Tu voulais savoir comment je réagirais si je me rendais compte que c'était moi qui avait tué Kwendal ? C'est très simple... >>

Il pointa Alondite vers sa propre gorge, la lame s'enfonçant très légèrement dans la chair sans faire perler le sang.

<< Je tiens beaucoup trop à elle pour lui ôter la vie et si je le faisais, je ne mériterais pas de vivre. Tu as raison, l'innocence n'est pas de ce monde, aucun être sur terre ne peut se vanter de n'avoir jamais commis de pêché, mais ce n'est pas une raison pour semer la mort parmi nos frères de pénitence impunément. Tu as tué des milliers de gens sans autre raison que la folie destructrice. Je vais te calmer, de mes propres mains ! Et encore une chose : avant de rencontrer Kwendal, je n'avais aucune raison de vivre donc je me fichais bien de crever, sauf que je m'étais résolu à entraîner le plus de monde possible avec moi ! Le plus de personnes parmi celles qui ont détruit ma vie ! La vengeance guidait mes pas, c'est vrai ! Mais moi, contrairement à toi, j'ai tiré une croix sur le passé ! >>

Il rangea Alondite pour ne plus compter que sur Artamon, puis se lança à l'attaque. Il fallait frapper vite et bien, ne pas laisser le temps à Geist de placer de riposte. L'avantage avec les lances, c'est qu'elles étaient lourdes, donc esquiver sans parer était compliqué et en plaçant soigneusement ses coups, Alan pouvait ouvrir des brèches. Inferno coupait Geist en deux parties pouvant être prises pour cible. Il n'avait qu'à frapper les deux côté, l'un après l'autre, le plus vite possible jusqu'à l'atteindre, le reste sera alors plus facile à faire.

Les questions que Geist avaient posées étaient révélatrices. Alan n'était pas psychanalyste, mais pas con non plus au point de ne pas avoir compris que Geist avait tué quelqu'un qui lui était cher et, ne pouvant admettre sa culpabilité, a rejeté la faute sur les autres, le peuple. Pauvre être faible, incapable d'admettre ses pêchés ni d'en assumer les conséquences...

Ca ne suffisait pas. Attaquer vite n'empêchait pas Geist de parer chaque assaut. Alan avait beau forcer le rythme, il ne parvenait pas à faire chanceler le pyromane qui n'y mettait pas toute sa force, visiblement.

<< Alors tu le prends comme ça ?! Qu'il en soit ainsi ! >>

Soudainement, le lancier prit une plus profonde impulsion qui brisa soudainement l'assaut du bretteur. Alan tituba. Il aurait pu s'en remettre bien vite pour repartir à l'assaut, sauf que Geist avait projeté au passage une boule de feu par sa paume, prolongeant la durée de restabilisation du tueur de nobles. La lance décrivit un dangereux arc de cercle devant lui, dissuadant le bretteur de repartir à l'assaut.

<< Finalement ça ne me sert à rien de t'expliquer, pour te voir sortir des belles phrases dont tu seras incapable de tenir devant la réalité des choses ! Je n'ai pas envie de perdre face à un couard brandissant une Lame Divine pour de l'argent là il s'en sortirait mieux avec une bêche et un râteau dans un potager, et pas sur un champ de bataille ! >>

Une bêche et un râteau. Si seulement... la flamme sur la pointe de la lance grandissait seconde après seconde.

<< J'ai juste cherché la Mort dans tout ça, mais même en ayant reconsidéré la chose désormais, jamais je ne serais battu par quelqu'un comme toi ! Et si tu t'obstines à vouloir continuer à me combattre pour remplir une bourse et même si ça me déplaît, apprête-toi à mettre cette vie que tu estimes tant en jeu ! >>

Sa vie était déjà mise en jeu, au cas où il ne l'aurait pas remarqué. Quand on entre sur le champ de bataille, la vie est alignée face à une autre et seuls les plus couards reprenaient leu mise, incapable de supporter la pression de ce vaste jeu qu'est la guerre. Alan n'était pas comme ça. Geist ne voulait plus mourir ? Grand bien lui fasse ! Mais il aurait été préférable qu'il se foute en l'air directement plutôt que de tuer des gens qui ne lui avaient rien fait !

<< J'approuve pas ce changement mais ça ne me regarde pas, mais si pour ton minable salaire tu mets en péril ta vie en acceptant de faire souffrir cette femme, ta famille dans ces conditions, viens à moi ! Je te tuerais alors, si tu choisis malgré tout la voie du Combattant au détriment de ta nouvelle vie, tes espérances, des personnes pour qui tu comptes ! Tente donc de m'arrêter et prouve-moi que tous tes dires étaient du flanc, que tu ne tiens si peu à cette vie pour quelques pièces !... Et tu crèveras comme un chien. >>

Décidément, il n'a rien compris au cas d'Alan...

<< Réveille-toi un peu, en quoi risquer ta vie pour de l'or te permet de prétendre protéger ta famille, hein ? T'as fait une croix sur le passé, dans ce cas pose ton arme à terre et je m'en irais, Alan le Combattant est mort, résigne-toi à vouloir vivre et assume ton choix. Soit à leurs côtés pour les protéger et les rendre heureux si c'est ce que tu veux vraiment. Enlève toute idée de m'attaquer de ton esprit, et tant bien même tu ne m'auras pas livré après ça, tu auras quand même réussi à calmer cette frénésie qui m'habitait... La seule différence réside entre pouvoir être payé ou non pour ça, et vivre ou mourir pour ça.
- Ca te va bien de dire ça, à toi qui a refusé de laisser le passé derrière lui. >>

Alondite brillait au fourreau, laissant de légères flammes bleutée s'échapper. Le bretteur laissait une distance qu'il espérait suffisante pour qu'elles ne se fassent pas happer par Geist.

<< Crois moi, je ne demande que ça, de fixer mes épées au dessus de la cheminée et passer mon temps dans les champs à récolter 2 patates pour une femme et deux marmots, mais t'as oublié un détail important : je suis « Alan, le tueur de nobles », celui qui par sa simple existence menace le bien-être du monde entier. J'ai ma trogne sur des avis de recherche et l'armée au cul. Si je passe mon temps à découvert dans un champ, non seulement j'aurais bossé pour rien mais ma vie sera une fois encore en jeu. Sur un champ de bataille ou un champ de récolte, c'est du pareil au même. Je dois travailler dans l'ombre pour gagner ma vie, pour le moment et me faire oublier, c'est tout. Qui plus est, je devrais m'installer dans un village pour travailler au champ, et ma femme a des oreilles écailleuse et mes enfants une marque sur le corps. Ca ne passera pas longtemps inaperçu ! On se cache et c'est tout. Je dois me rabaisser à être un chien pour leur bonheur. Mais qu'est ce que ça change pour les autres ? J'ai toujours été un chien à leurs yeux, une créature qui agit dans l'ombre soit pour leur bien, soit pour leur mal. >>

Les flammes s'amplifiaient, recouvrant petit à petit le corps du bretteur dont l'âme s'embrasait.

<< Tu crois que cette vie me plait ? Tu crois que j'aime ça, être sans cesse en danger où que je sois ? A risquer ma vie pour quelques pièces ? C'est sur, gagner une telle somme et permettre à ma famille de vivre, c'est alléchant, mais à chaque fois que je rentre avec une entaille au visage, je peux voir tout le désespoir de Kwendal qui ne pouvait qu'attendre mon retour en priant comme une fanatique qu'il ne m'arrive pas malheur. Il n'y a qu'auprès d'elle que je me sente bien et réellement en vie. Et pour qu'elle soit heureuse, je dois la faire souffrir. Tout ce que je peux faire c'est serrer les fesses et prier pour que le monde nous oublie afin d'avoir une vie normale, sauf que ça n'arrivera jamais. >>

Il était définitivement lassé de ce petit jeu avec le pyromane et l'endroit était devenu beaucoup trop dangereux. Finalement, le bretteur rengaina sa lame et les flammes se dissipèrent.

<< Fiche le camp et que je ne te revoie plus. La prochaine fois que tu feras cramer un quelconque innocent, je te tuerais, vite et bien. >>

Il quitta la grand place en se dirigeant vers l'entrée du village. Quelques maisons s’effondraient sur elles-même, leurs fondations trop consumées par les flammes. 15 000 pour avoir sauvé le village. Il n'allait pas tenir plus d'un mois avec ça, mais le temps qu'il trouve un autre travail, ça ira...