Rhaylr accueillit avec curiosité tout d'abord la potion que lui offrit l'archère, ses capacités cérébrales déjà douteuses sévèrement mis à mal après un tel passage à tabac, mais obéit de bonne grâce quand elle lui dit de la boire. Affaibli et secoué, mais pas grièvement blessé, sa forme de tigre lui ayant offert lors de la bagarre la résistance suffisante pour ne pas finir raide après un tabassage pareil, la potion fit rapidement effet et effaça quelques bleus, en atténua d'autres et lui rendit des forces...et des neurones.
Le Laguz poussa sur ses bras encore douloureux pour se relever, la tête lui tournant encore un peu quand il réalisa une activité importante quelque part par-là, dans la fumée. Les instructions de la Beorc étaient déjà sortis de son esprit, mais lorsque l'un des groupes de ses congénères commencèrent à s'enfuir et l'autre à s'embraser, son instinct primal le poussa à aider ses frères de poil. Aucun Laguz n'aime le feu. Pour eux, il s'agit d'un ennemi, d'une menace qui peut dévorer leur territoire, leur famille, et tout ce qui leur est cher. Il ne pouvait pas abandonner les siens à un sort aussi funeste, s'élançant sous sa forme humaine vers ce cauchemar brûlant qui hante tous les rêves des sous-humains, il n'arriva pourtant pas à se jeter parmi eux pour tenter un acte désespéré.
Il s'arrêta devant ses pauvres compagnons, bien qu'inconnus, qui hurlaient leur supplice, leur peau se cloquant sous les terribles flammes, les fourrures s'embrasant à jamais, laissant si par miracle ils en réchappaient, des portions de chairs dévastées à vie. Et pourtant il ne pouvait rien faire, qu'importe sa bonne volonté de les secourir, sa vaillance aléatoire, Rhaylr ne pouvait pas approcher du feu. Rien ne servait de mourir avec eux, cela lui brisait le cœur de le penser, mais il ne pouvait rien pour eux...il n'était pas un mage apte à souffler les flammes, ou de leur jeter un torrent d'eau, et il était inutile d'essayer d'étouffer un brasier pareil.
Ses veines se mirent à gonfler de frustration, de colère envers le feu mortel, envers lui-même incapable de sauver les siens. Dans un rugissement de dégoût, il retrouva sa forme la plus naturelle, et aussi la plus effrayée par les barbecues, un Laguz s'écroula devant lui dans un hurlement d'agonie, sa peau dévorée au-delà du seuil tolérable, et fut pris de quelques spasmes, preuves d'un dernier sursaut de vie, qui fit bondir le tigre de coté, instinctivement intimidé par l'approche dee l'Ennemi. Un bras à la peau calcinée se tendit vers lui, le geste le fit fuir encore plus loin, paniqué et désespéré, se retrouvant lentement encerclé par les flammes ou les Humains désirant lui régler son compte, il se retrouva près du chaudron qui initia cet infâmie, ainsi que des premiers maillons de la chaîne qui condamnait ses pauvres frères à subir ce tourment.

Pris d'un subite témérité, il laissa de coté sa peur ancestrale et se jeta sur l'acier et déchaina sur lui sa rage furieuse, portant de violents coups de griffes qui auraient enfoncé une armure, tentant de briser le fer à grands coups de crocs. Le métal protesta au début, résista, mais la force bestiale du massif Tigre commença à avoir raison de sa résilience, et morsure après morsure, le fauve croquant férocement la chaine et tirant dessus de ses puissantes mâchoires, les premiers maillons cèdent enfin, l'arrêt soudain de l'opposition de l'entrave fit tomber Rhaylr à la renverse, qui tomba un peu dans l'huile et commença à brûler à son tour.
Une terreur démesurée le gagna, il prit les pattes à son cou et fila comme un éclair en feulant sa douleur, s'agitant, se roulant par terre, tentant désespérément d'éteindre le feu qui commençait à le gagner. Il en retrouva sa forme humaine, les bandits n'osant pour la plupart ne serait-ce que s'approcher. Ils avaient appris à connaitre, un tant soit peu, l'étrange Laguz au caractère variable, et parfois avaient apprécié ces capacités non négligeable une fois transformé, ou tout simplement le fait de découvrir sans cesse une nouvelle personne... Ils ne tenaient pas à le tuer, pas si facilement du moins, pas tout de suite, mais de le voir courir ainsi en hurlant comme un dément avait quelque chose d'intimidant qui les incita à reculer.
Redevenu humain, Rhay s'agitait dans tous les sens, son manteau l'aidant à atténuer les flammes, les étouffant lentement, mais pas assez vite, la douleur et la panique lui faisant perdre tout contrôle.

Trébuchant, il tomba à terre alors que les prisonniers survivants tentaient de s'enfuir, pour ceux qui le pouvaient encore, le tigre s'agita, frappa les flammes qui tentaient encore de le dévorer, les écrasant sous son large manteau, et lentement les étouffa les unes après les autres, cessant de s'agiter, pour perdre connaissance. A bout, son esprit le lâcha et il sombra dans le coma, les Beorcs commençant à tenter de rattraper les Laguz immolés, leur chef criant quelques ordres pour qu'on ramasse l'archère et le tigre, il avait à discuter avec eux. Quant aux esclaves...ses hommes savaient ce qui les attendait s'ils ne les ramenaient pas.

Un choc à l'arrière du crâne dérangea les songes étranges de Rhaylr, ses doigts se serrèrent légèrement alors qu'il commença à battre un peu des paupières lors du deuxième impact. Ses yeux s'ouvrirent et le monde dansa devant ses pupilles alors qu'il sortait de son coma. Ses oreilles sifflaient, son sang cognait dans ses tempes en même temps qu'une conversation avait lieu dans son dos, découvrant en même temps que ses poings étaient entravés.
Il ne discerna que quelques bribes de mots, vagues sons, ne reconnaissant de toute la conversation que les coups que la femme derrière lui devait se prendre. La chaise bascula soudain et ils s'écrasèrent par terre tandis que l'interrogatoire continuait sur la pauvre Beorc. Quelque chose s'activa contre ses liens, le Laguz en conclut peu après qu'elle tentait, qui qu'elle soit, de le libérer. Peu importe ce qui avait pu se passer, qui était cet homme qui la martelait impitoyablement, et qui lui-même était et pourquoi se retrouvait-il attaché avec cette femme, elle comptait visiblement sur lui. Sans doute était-il son dernier espoir, peu importe dans quel but...

Sa mémoire ne pouvait l'aider en aucun cas, la seule chose lui revenant en tête étant l'étrange rêve qu'il faisait avec de se faire réveiller et dans lequel il entendait des cris et voyait des gens, des proches, des amis ou même une famille peut-être se tordre dans un océan de flammes. Un mot siffla à ses oreilles quand un autre homme vint parler à leur bourreau. Laguz...ce nom lui était étrangement familier, il avait ressenti l'envie de se retourner à son évocation...était-ce le sien ? Impossible...le nouvel interlocuteur avait parlé de "chopper quelques laguz"...quelque chose en lui lui disait qu'il était lié à ces "Laguz". Et apparemment, ces pauvres gens n'étaient pas traités comme des rois.
Qui que soit la fille derrière lui, elle n'était pas avec ceux qui chassaient ses présumés frères. C'était suffisant. Celui qui semblait commander, ou du moins pour l'instant, s'en alla superviser la "chasse" et laissa trois hommes derrière lui pour surveiller les deux prisonniers. La Beorc était parvenue à couper ses liens, peu importe la raison de leur présence ici, et le but des actes de sa camarade d'infortune, il était temps pour lui d'agir.

Il roula vivement sur le ventre et poussa sur ses bras pour se remettre sur pieds. Une partie de son corps le lançait, une portion de sa peau avait été brûlée. Rhay grimaça à la douleur et s'élança en serrant les dents sur le geôlier le plus proche, il aurait tout le temps de geindre après être sorti d'ici. L'homme grommela un juron et lui balança son poing au visage, portant son autre main à sa hanche pour essayer d'en tirer son arme. D'une acrobatie, le laguz esquiva et se posa en équilibre inversé sur un bras et enfonça son pied dans le visage de son adversaire et retomba sur ses pieds avant d'envoyer son genou dans l'estomac du malheureux plaqué contre le mur.
Le tigre écarquilla les yeux et se laissa tomber à terre, évitant de justesse la lame qui claqua contre la pierre et l'amputa de quelques cheveux. Il bondit sur le coté, à quatre pattes, pour laisser l'épée entailler le sol plutôt que son crâne un peu trop vide, puis se jeta comme un fauve sur l'inconnu et le cogna contre le mur, le saisissant par le col avant de lui asséner un violent coup de tête, puis un deuxième, et enfin de lui saisir le visage pour l'enfoncer contre le roc et se tourner vers le dernier "survivant" qui manqua de peu de l'estoquer. Un réflexe salutaire l'ayant fais reculer à l'instant où la pique entamait sa chair, le gratifiant d'une blessure légère au lieu d'un coup fatal.
Une seconde coupe manqua lui couper un bras, un tour rapide sur lui-même ramena le membre visé contre lui avant que la lame ne le sectionne, et le tigre bloqua la troisième attaque en s'avançant et tendit la main pour l'empêcher de délivrer son coup. En revanche il ne vit pas le crochet qui trouva sa mâchoire et l'envoya à terre.

Le Laguz retrouva ses esprits alors que son adversaire le dominait de toute sa taille et brandissait son épée, prêt à porter le coup de grâce. L'arme tomba lorsque l'homme poussa un cri étouffé en se pliant quand Rhaylr tenta d'expédier les bijoux de famille de son ennemi en orbite d'un grand coup de pied. Le tigre se redressa pour saisir le Beorc par l'épaule et l'attirer à lui, le faisant pivoter pour le tirer sur le dos et emprisonner son cou entre ses bras et l'étouffa rapidement dans sa prise de fer, les mâchoires serrées sous la douleur que lui infligeait son avant-bras meurtri sur lequel il faisait pression pour étrangler son adversaire qui ne tarda pas à rendre les armes.
Le dernier neutralisé, il le repoussa sur le coté et se releva, chancelant un peu à cause du coup qu'il s'était pris, et s'assura rapidement que les deux autres geôliers ne viendraient plus tenter de l'assassiner. Au moment de partir, il s'arrêta au seuil de la sortie, et se retourna. Le laguz regarda la femme étendue par terre et hésita un instant. Un étrange dégoût, une curieuse haine souleva son cœur battant quand il la regarda. Elle était une de ces...Beorcs. Le mot lui vint comme un juron dans l'esprit.

Il se tint la tête, une féroce migraine naissant dans son esprit tourmenté. Quelque part dans les brumes de sa mémoire, des images défilèrent, des méandres de souvenirs s'alignant après des heures, des années de silence. Il vit des époques entières en quelques instants. Des centaines de ces frères souffraient, enchaînés, battus à mort, exécutés comme du bétail. Des milliers d'Humains, le terme lui donna envie de cracher, regardant ses chers compagnons de sang mourir à cause de leurs lois obscènes. Le tigre regarda l'archère au tapis, elle avait beau l'avoir détaché, qui lui dit qu'elle n'est pas comme tous les autres ? Qu'elle l'a libéré pour qu'il sauve sa misérable existence en retour ?
Quelques autres images dansèrent dans son esprit alors qu'il s'approchait, les yeux plein de rage, de la jeune femme. Il ferma les paupières. Des siècles entiers de soumission forcée, de torture, d'humiliation...tout ça pour leur plaisir égoïste. Rhaylr se mordit la lèvre lorsqu'il vit les "nobles" exposer comme des bibelots sa famille... Peu importe qu'il n'ait jamais connu, et ne rencontrerait jamais ses êtres du passé. Il ne tolérerait pas que quiconque bafoue l'honneur des Laguz !

Il s'accroupit auprès de la jeune femme, la tira par les cheveux et fixa ses yeux. Dommage...elle était incapable de parler, ou même de se défendre. Il aurait aimé lui arracher des aveux, puis venger un peu plus encore les siens... Ô combien il aurait aimé pouvoir offrir ses cris d'agonie en la mémoire de ces ancêtres. Ce n'était qu'une misérable humaine...elle ne méritait pas même de continuer à vivre.
Rhaylr lâcha rageusement sa chevelure, bien qu'il rêvait de vengeance...il était hors de question qu'il s'abaisse au niveau e ces misérables en tuant une blessée dont il ne serait même pas capable de déterminer l'état de conscience. S'il doit la tuer, ça sera honorablement, au mieux de sa forme. Elle ne mérite pas cet honneur, mais il est un Laguz, et les Laguz ne sont pas des lâches. Avec répugnance, il chargea la jeune femme sur son dos et se mit en route, elle n'était pas bien lourde...surtout pour un tigre, il devait sortir d'ici, regagner les terres "sauvages" où naissaient, vivaient, et devaient mourir les siens. Il devait sortir cette fille, pour savoir ce qui s'était passé, qui elle était. Le fauve laissa parler son instinct pour se diriger, l'espérait-il, d'une façon ou d'une autre vers la sortie.
Il était temps qu'il retrouve un air libre.