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 La destinée de l'Ange Noir [Transition]

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Jaffar
JaffarBeorc


Messages : 86
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Localisation : Tu ne le sais pas mais je suis tout près de toi...
Autre Indication : Ze true dark evil assassin classe qui parle pas !
Groupe : Beorcs

Feuille de personnage
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La destinée de l'Ange Noir [Transition] Empty
MessageSujet: La destinée de l'Ange Noir [Transition]   La destinée de l'Ange Noir [Transition] I_icon_minitimeMar 29 Avr - 0:16

Une faible lueur éclaircit les ténèbres révélant le visage défiguré du bourreau en train de stériliser son arme.
- J’ai des instructions très précises voyez-vous seigneur pourpre ? La douleur et le résultat doivent être là mais ni la maladie ni mon art ne doivent vous emporter. Vous serez surement encore d’une quelconque aide à quelqu’un après ça gni hi hiii !!!

Avait-il été éveillé ou inconscient durant tout ce temps ? Tout se mêlait dans son esprit, seuls restaient la douleur, permanente même dans ses songes. Plus subtil était le déplacement du bourreau sur les dalles trempées de sang, le raclement de ses instruments sur la table, son ricanement sinistre quand il s’approchait juste avant d’inciser la chair. Tout se perdait ensuite dans un cri qu’il n’avait plus la force de pousser. Le Croc Pourpre avait été formé pour résister à la torture. Kleigh, lui, avait été formé pour le briser.

***

Il se réveilla en sursaut. Il voulut hurler mais ses oreilles ne lui renvoyèrent qu’un sifflement atrophié tandis que sa gorge le brûlait comme si on la déchirait de l’intérieur. Il revoyait encore la pointe ardente, minuscule et rougeoyante que l’atrocité avait glissée sous son menton. Lorsque celle-ci avait disparue de son champ de vision, il avait eu mal. Son bras tira légèrement sur les muscles de son torse et la douleur le foudroya toute entière le laissant retomber sur le matelas, pantelant et paralysé par la souffrance.

Il était à nouveau dans le noir mais de la lumière filtrait cette fois. Sa vision était trop mauvaise pour qu’il puisse clairement distinguer le plafond mais l’intensité de la luminosité ambiante lui indiqua qu’il devait s’agir de la clarté lunaire. Il avait trop chaud. Une sorte de poids comprimait sa poitrine et entravait ses mouvements. Il était allongé sur le dos. Sa sueur commençait à refroidir et il se sentit grelotter malgré la chaleur ambiante. Chaque frisson provoquait une nouvelle onde de douleur. Assez... Il se rendait. Mourir était toujours mieux que ça.

Au prix d’un effort presque surhumain il parvint à bouger son bras et se rendit compte que le poids qui l’opprimait était celui des couvertures dans lesquelles il était enroulé. Il était dans un lit. On l’avait sorti de son cachot... On ne le torturerait peut-être plus... Le soulagement fut si intense qu’il sentit une larme perler de son œil toujours valide. La goutte roula lentement sur son visage. La chair à vif ne lui fit pas perdre une seule seconde de son voyage avant qu’elle ne tombe et s’écrase sur les draps. De l’eau... Il avait si soif. Sa gorge était en feu. Il esquissa un second mouvement du bras, plus fort malgré la douleur.

Une tête se releva sur sa droite. Une onde de frayeur le parcourut. Il ne l’avait pas vue... La personne devait s’être assoupie sur le matelas. Mais qui...

- Jaffar ? Mon amour tu es réveillé ?

La tignasse verte de Nino se dressa dans son champ de vision. Ses traits étaient crispés et tendus, comme si elle n’avait pas dormi depuis des jours. Ses grands yeux au regard si joyeux étaient ternis par l’inquiétude et un sentiment mêlé de frayeur et de joie frappa Jaffar. Etait-elle sauve ? L’avait-on emprisonnée elle aussi ? La frayeur laissait peu à peu place à une rage destructrice mais son corps refusa de lui prêter la force nécessaire. Si le moindre mal lui avait été fait... Si l’empoisonneur s’attaquait à elle...
- Ne bouge pas ! Ne bouge surtout pas s’il-te-plait. Si tes blessures se rouvrent je ne sais même pas s’ils seront capables de les soigner.

L’inquiétude dans sa voix le força à l’immobilité totale à l’exception de son visage qu’il laissa retomber sur le côté afin de pouvoir la voir. Elle rejeta la cape de voyage qu’elle utilisait comme couverture et quitta son siège pour s’agenouiller à son côté. Des larmes brouillèrent son regard lorsqu’elle posa sa main si fine tout près de ses lèvres, sans oser le toucher de peur de lui faire plus de mal.
- J’étais si inquiète. Quand ils t’ont amenés ici j’ai cru... Et tu ne te réveillais pas.

Il aurait voulu se lever. La prendre dans ses bras et la rassurer. Lui dire que ce n’était rien, qu’il était l’immortel ange noir. A cet instant il aurait broyé le cœur de glace du Maître entre ses mains s’il l’avait pu. Mais tout ce qu’il parvint à produire fut un pitoyable râle sifflant. Elle posa un doigt à la douce chaleur sur sa bouche et parvint à sourire.
- Ne parle-pas. Ne t’épuises pas s’il-te-plait. Je suis là. Je reste avec toi.

Il se sentit sombrer vers l’inconscience alors qu’elle osait enfin poser sa main sur le côté de son visage. A peine une caresse, mais la douce chaleur qu’elle diffusait lui procura un sentiment de réconfort sans pareil.
- Dors mon amour. Tu es en sécurité. Je veille sur toi.

Malgré la tendresse et la douceur de sa voix, il savait que cela était faux.

***

Le soleil perça entre les lattes du petit appartement sous les combles dans lequel Nino et lui vivaient désormais, lui achevant sa convalescence et elle veillant sur lui. Comme au premier jour. Quittant le lit où la jeune magicienne dormait encore, il se dirigea d’un pas encore mal assuré vers le petit miroir qu’un brin de coquetterie féminine avait placé là. Son reflet lui sembla dévasté, brisé comme à chaque fois.

Il passa un pouce très léger sur les cicatrices de son visage, autour de son œil borgne. Elles lui semblaient plus laides chaque jour. Kleigh s’était amusé à les rouvrir, les remodeler à sa façon, en ajouter d’autres afin de servir son art cruel et sanguinaire. Son doigt suivit le contour de la plus longue : du cuir chevelu jusqu’au menton. Le reste de son visage avait globalement été épargné. Le Black Fang aurait surement encore besoin de l’œil, des oreilles et du nez du Croc Pourpre. Le bourreau ne s’était attardé là que parce que l’œil était inutilisable. Et malgré la laideur de son travail, ce n’était certainement pas le pire.

Cherchant à bomber le torse malgré les tiraillements douloureux, le regard du Croc Pourpre tomba sur sa peau halée et massacrée. Sa musculature avait largement fondue durant sa convalescence ce qui ne faisait qu’empirer le résultat. Les premiers jours il avait été effaré devant sa propre maigreur et, bien que ses côtes saillantes ne commencent enfin à s’estomper au regard, il parvenait encore à douter de retrouver un jour la carrure qu’il avait autrefois. Tout effort physique trop important lui était pour l’instant interdit sous peine de réveiller l’horreur qui trônait en plein milieu de son corps meurtri. La marque du Black Fang, ce tatouage qu’il arborait à une époque si fièrement sur l’épaule, ornait désormais la quasi-totalité de son torse, gravé à même la chair par la lame du bourreau. Les chairs massacrées avaient été travaillées afin de ne se refermer qu’avec la plus grande difficulté, laissant inévitablement des cicatrices indélébiles même par un bâton de soin. L’horrible œuvre d’art se poursuivait jusqu’au début du bassin. Des prolongements stylisés glissaient sur les épaules puis ondulaient jusqu’aux coudes, ajoutant leur pointe de macabre au spectacle. Mais le pire était certainement les deux fines pointes du tatouage remontant vers le cou. La brûlure était supportable à présent mais toujours là. Deux lignes presque indissociable s’étiraient le long de la gorge, presque jusqu’au menton avant de contourner le cou et de s’éteindre dans la nuque. Avec une précision machiavélique, le bourreau en chef du Fang lui avait sectionné les cordes vocales. L’atrocité de la mutilation résidait essentiellement dans le fait que les outils infernaux n’avaient rien touchés d’autre que leur cible, ce qui avait permis aux guérisseurs s’occupant de lui de réparer tant bien que mal les dégâts commis. Le bourreau n’avait pas pu procéder seul, une quelconque magie avait dû être à l’œuvre. Parler lui avait d’abord été impossible puis, progressivement et presque miraculeusement, l’assassin avait été capable d’émettre des sons, puis de former des mots complets. Actuellement Jaffar parvenait à faire de courtes phrases. En si peu de temps, cela tenait apparemment du miracle selon les guérisseurs du Fang mais ils prédisaient toujours plusieurs mois, voire parfois plusieurs années avant que le Croc Pourpre ne puisse récupérer toutes ses facultés vocales. Cela ne l’attristait pas outre mesure, il n’avait jamais été un grand causant.

D’un geste malhabile, le Croc Pourpre s’empara du linge désormais sec reposant sur le rebord d’une bassine que Nino avait rempli la veille. A cet étage du bâtiment il leur était impossible de faire du feu et la jeune magicienne refusait catégoriquement tout contact avec les propriétaires de la pension dans laquelle ils logeaient, prétextant leur potentielle appartenance au Black Fang. Jaffar ne pouvait lui en vouloir tant son propre désir d’éviter tout contact avec l’organisation pour l’instant était important. Mais un peu d’eau chaude ne lui aurait pas fait de mal pour une fois… Trempant le linge dans l’eau fraiche, le Croc Pourpre entreprit de se laver, grognant parfois lorsque ses mouvements étiraient un peu trop ses chairs blessées. En plus des nombreuses pommades que les guérisseurs lui avaient prescrits venaient la recommandation d’observer une hygiène des plus rigoureuses car « il serait dommage qu’une petite infection vous emporte après avoir survécu à pareil traitement ! »… Tocards.

Un geste un peu vif déclencha une onde de souffrance dans tout son avant-bras et le linge lui échappa, retombant dans la bassine dans une large éclaboussure. Le Croc Pourpre crispa les poings de fureur tandis qu’un tonnerre de juron éclatait dans son esprit. Il tendait à nouveau la main vers le linge quand des doigts beaucoup plus fins que les siens saisirent le tissu trempé pour l’essorer consciencieusement.

- Je vais le faire.

Relevant lentement les yeux, le tueur tomba dans celui tendre et encore embrumé de sommeil de celle qu’il aimait. Elle était à peine vêtue d’une nuisette des plus simples mais la lumière matinale l’habillait de reflets étincelants où dansaient des paillettes dorées, jouant avec ses cheveux verts encore emmêlés par la nuit. Ils avaient légèrement poussés depuis leur dernière rencontre et tombaient actuellement sur les épaules nues de la magicienne avec nonchalance. Il s’assit lentement sur le sol tandis qu’elle terminait d’essorer le linge. Elle lui sourit et appliqua d’un geste ferme mais doux le tissu mouillé sur le côté ravagé de son visage. Il ne tiqua pas. Ces dernières semaines avec Nino, bien qu’accompagnées de souffrance avaient développées chez lui des sentiments qu’il ne se croyait jusque-là pas capable de ressentir. Il savait qu’il aimait Nino auparavant, il savait qu’elle aurait été là s’il avait eu besoin d’elle tout comme il aurait été là si elle avait eu des ennuis. Mais la patience et la douceur dont elle faisait preuve, l’amour qu’elle lui prodiguait alors qu’il avait été brisé, presque incapable de bouger pendant des jours… La notion même d’aimer avait dès lors été bouleversée dans l’esprit de Jaffar.
- Ne me regarde pas comme ça. Je sais bien que tu préfèrerais le faire tout seul mais tu n’es pas en état.
- … Merci.

Personne ne lui ferait de mal. Jamais. Au péril de sa propre vie s’il le fallait. Mais ni le Maître, ni le Black Fang, ni Kleigh le bourreau ne la mettrait en danger. Il y veillerait.
-… Je t’aime.

Sa voix lui sembla aussi rêche et cassante que le croassement d’un corbeau, incapable de véhiculer ce qu’il ressentait. Ce n’était pas la première fois qu’il le lui disait mais il ne put s’empêcher de se sentir ridicule. Il n’avait jamais été doué avec les mots. Elle s’arrêta quelques instants, le temps de lui sourire de nouveau, avant de doucement déposer un long baiser sur ses lèvres. Elle savait à quel point chaque mot lui coutait en effort aussi n’en demandait-elle pas plus. Ils n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, pour se soutenir, pour s’aimer. De plus, avec sa vigueur revenant, le Croc Pourpre avait fini par imaginer bien d’autres moyens de faire comprendre à sa compagne ce qu’il éprouvait ou ce qu’il voulait lui dire. Des moments rien qu’à eux dans ce petit appartement sous les toits. Elle se glissa dans son dos et entreprit de laver les endroits qu’il ne pouvait atteindre tout seul. Quelques instants s’écoulèrent pendant qu’il savourait le contact de l’eau fraiche sur sa peau.
- J’ai réfléchi à ce dont tu m’as parlé…

Il haussa un sourcil invisible à ses yeux alors qu’elle frottait délicatement le creux de ses omoplates. Il n’avait utilisé des mots que très rarement cette dernière semaine. Ne pas parler lui semblait jusque-là le meilleur moyen de guérir. Deux jours auparavant cependant, le Croc Pourpre avait pris sa décision et l’avait exposée à sa bien-aimée, lentement et avec difficultés, mais avec une ferveur renouvelée. Le mettre par écrit aurait été plus simple, Nino et lui avaient profités de cette longue période passée ensemble pour combler les lacunes de l’assassin quant aux lettres, mais le sujet était trop important pour qu’il se contente de le gribouiller et de le raturer sur un bout de parchemin. De plus l’effort de concentration que lui demandait cet exercice était parfaitement disproportionné par rapport aux résultats obtenus et le Croc Pourpre aurait certainement jeté sa plume au bout de quelques minutes passées à tenter de s’expliquer. Le linge s’immobilisa dans son dos alors qu’il entendait la jeune magicienne prendre une profonde respiration.
- J’ai toujours su que cela arriverait au fond de moi. Je sais ce que cela va impliquer… Pour moi, pour toi… Pour nous…

Elle avait prononcé la dernière phrase un peu plus bas et le Croc Pourpre cru un instant qu’il ne l’avait pas convaincue. La perspective de réaliser ce projet tout seul l’effraya d’un seul coup mais Nino reprit la parole.
- J’y ai toujours été prête je crois. Enfin toujours… Depuis la chute de Reed en tout cas ça c’est sûr. Pour tout te dire je pense même être heureuse que tu me l’ai enfin proposé.

Il l’entendit ramper sur ses genoux pour le contourner et il se retrouva brusquement nez à nez avec elle tandis qu’elle appliquait le tissu avec toute la délicatesse du monde sur son nouveau tatouage. Elle avait pris un air pensif que Jaffar ne lui connaissait que trop bien. Elle releva les yeux vers lui et il sut qu’elle le suivrait.
- Mais toi Jaffar ? Es-tu réellement prêt ? Quitter le Black Fang c’est franchir une ligne de non-retour. Es-tu réellement prêt à tirer un trait sur quelque chose d’aussi important dans ta vie ?
- Oui.

Elle parut presque surprise qu’il ait répondu aussi rapidement. Malgré les horreurs qu’affichaient maintenant son corps, l’assassin et elle avaient toujours su à quoi s’attendre en cas d’échec. Leurs vies n’avaient jusque-là tenues qu’au bon vouloir de leurs supérieurs et elles auraient pu être bien moins longues s’ils n’avaient pas été extrêmement doués. Que Jaffar soit encore en vie après les divers échecs de ses missions avec Yue tenait d’ailleurs presque du miracle et tenter le sort en fuyant l’organisation n’était certes pas la plus sage des décisions dans leur situation. Mais sa décision était prise désormais et il ne reviendrait pas dessus. Subir la dernière épreuve du Maître avait été plus qu’un rappel à l’ordre, il avait s’agit d’une véritable révélation. Le Black Fang était très puissant, bien moins que le précédent mais il ne lui faudrait pas longtemps avant de retrouver sa grandeur d’antan. Pour preuve, l’avancée de sa corruption elle était au plus haut point et le comportement du Maître n’était qu’un indice parmi tant d’autres. Les mots qu’il avait si fièrement lancés à l’archère albinos l’avaient dès lors tourmenté. Nino rapprocha son visage du sien, un fin sourire aux lèvres avant de demander.
- Sur de chez sur ? Ils enverront certainement des tueurs sans merci à nos trousses. Toi comme moi en savons beaucoup trop.
- Oui.

Yue lui avait un jour demandé ce qu’il comptait faire si sa famille se corrompait à nouveau, ce qu’il ferait si ses cibles étaient injustement choisies. La question était mal posée. Il voulait protéger Nino, lui éviter qu’elle ne souffre comme lui avait souffert. Et dans cet unique but, il tuerait quiconque s’opposerait à lui !
- Il est même possible que l’on ait à tuer ton vieux ronchon de Maître.

Son air malicieux couplé à la soif de vengeance qui habitait son regard lui arrachèrent un irrésistible sourire. Plutôt que de répondre oui une troisième fois, il se contenta de lui voler un baiser. Que le Maître vienne, qu’il essaye de terminer ce qu’il avait commencé. Dans quelques temps il serait guéri et disparaîtrait définitivement avec la jeune magicienne. Jaffar connaissait les mécanismes les plus sombres de l’organisation et le génie de Nino leur éviterait les embuscades qu’il n’avait pu prévoir. Et si par malheur l’empoisonneur venait à les retrouver… Alors il regretterait de ne pas avoir tué son cher louveteau quand il en avait l’occasion. Mais en aucun cas il ne poserait la main sur elle.

La matinée s’acheva dans le babillage joyeux et insouciant de Nino. Le temps qu’elle se lave et se change à son tour, Jaffar était parvenu à s’habiller presque sans problèmes. S’ensuivit un petit déjeuner des plus copieux que l’appétit dantesque du convalescent eut tôt fait de mettre à mal. Ils en étaient à la fin de la vaisselle lorsque l’on toqua à la porte. Trois coups net et précis qui firent s’échanger des regards interrogatifs chez les deux amoureux. Nino comme lui évitaient tout contact avec le monde extérieur, profitant du temps qu’on leur accordait ensemble, et Jaffar ne recevait comme visite que les guérisseurs que le Fang lui envoyait. Et leur prochain passage n’était pas prévu avant un certain temps.

- J’arrive !

Le ton était enjoué mais le regard qu’elle lui lança était des plus méfiants. Ses propres instincts avaient repris le dessus et d’un geste souple, il s’empara d’une de ses dagues qui prenait la poussière sur le meuble depuis quelques temps. Le contact du manche en cuir au fond de sa paume eut tôt fait de réveiller tous ses réflexes. D’un pas à peine perturbé par la douleur, l’assassin se glissa contre le mur juste à côté de la porte. Le visiteur serait incapable de le voir à moins de rentrer dans la pièce, et à ce moment son identité aurait déjà déterminé le sort que le couple lui réservait. Nino s’empara d’un de ses nombreux tomes magiques, l’ouvrit à une page où manquait déjà plusieurs pages et en arracha une supplémentaire d’un geste sec. Elle plia consciencieusement le parchemin magique en quatre et le plaça au creux de sa paume. En une fraction de seconde elle serait en mesure de calciner l’intrus… Et probablement tous les potentiels compagnons qu’il amenait avec lui en plus de l’immeuble et du quartier alentour. Intérieurement le Croc Pourpre adressa une prière à la Déesse pour que le visiteur soit pacifique.

La magicienne trottina jusqu’à la porte et posa la main sur le loquet. Un dernier regard au Croc Pourpre dont la lame était levée et prête à frapper et elle déverrouilla la porte avant de l’entrouvrir, passant à peine un regard méfiant à travers l’interstice.

- C’est pour quoi ?
- Pour qui serait plus approprié.

Une onde glacée parcourut l’échine du tueur et il ne put empêcher un violent frisson de le secouer. Serrant les dents contre la douleur, il tenta de glisser un regard par-dessus la tête de sa compagne mais sans succès. La voix de la visiteuse, car c’était clairement une femme, était chaude et basse, incitant à la confiance, mais quelque chose clochait. Il y avait une note en arrière-plan, sinistre et acérée comme une lame, qui rappelait beaucoup trop au Croc Pourpre l’insensibilité dont faisait preuve des assassins confirmés comme le Maître. Mais autant la voix du Maître laissait parfois transparaître la cruauté ou l’excitation du meurtre approchant, autant ce ton neutre à lui seul suffisait à déclencher toutes les alarmes dans l’esprit de l’assassin. Ses phalanges blanchirent alors qu’il serrait sa lame dans son poings plus fort que jamais.
- Je souhaiterai parler avec le Croc Pourpre.

Il vit Nino se tendre imperceptiblement mais il doutait un seul instant que quelqu’un ne la connaissant pas aussi bien ait pu le remarquer. Pour son interlocutrice elle affichait surement toujours ce grand sourire chaleureux qui promettait une incinération express à quiconque la contrarierait.
- A quel sujet je vous prie ?

La paume de sa main tenant le parchemin se mit à luire faiblement tandis qu’elle accumulait progressivement l’énergie nécessaire à son attaque. Le Croc Pourpre sentit une goutte de sueur couler le long de sa nuque sous l’effet de la tension régnant dans la pièce. Qui que soit cette personne, elle avait le don de les faire paniquer.
- Je crains que cela ne soit confidentiel.
- Alors peut-être feriez-vous mieux d’attendre qu’il soit en état de vous entendre.

Elle n’essaya même pas de cacher le venin de ses paroles avant de tenter de refermer la porte. Une botte noire se glissa juste à temps dans l’entrebâillement tandis qu’une main fine et gantée de métal appuyait fermement sur la porte, repoussant lentement Nino. Et ce fut le déclic dans l’esprit de l’assassin. La lueur dans la main de la magicienne étincelait désormais au vu et su de tous, motivée par la peur et l’agressivité de leur invitée. Mais cette tension, cette voix… Si Nino passait à l’attaque alors ils étaient perdus !

Lâchant immédiatement sa dague, Jaffar s’empara de la main étincelante de la jeune femme avant de placer son propre corps entre son aimée et la nouvelle venue. Les flammes magiques lui léchèrent brièvement le poignet avant de disparaître sous la surprise de leur utilisatrice. De sa main libre, le Croc Pourpre ouvrit délibérément la porte, prenant garde de masquer Nino autant que faire se pouvait. Son regard vide de toute expression se posa sur leur invitée. Elle était à peine plus grande que lui mais l’armure d’un noir étincelant qu’elle arborait sous sa cape de voyage la rendait impressionnante, terrifiante. Elle n’avait pas pris son heaume et de sa capuche rabaissée s’échappait une ondoyante crinière rousse. A son côté pendait une lame d’excellente facture et sagement scellée dans son fourreau selon les lois de la ville mais le Croc Pourpre savait que ce n’était qu’un leurre. Jamais le chef suprême du Black Fang ne se baladerait volontairement accoutrée de la sorte et avec une arme inutilisable en évidence. Il ne l’avait vue qu’une seule fois lorsque Kratos lui avait permis de rejoindre à nouveau le Fang mais jamais il n’oublierait la terrifiante impression de puissance qu’elle véhiculait. D’un geste bref de la tête il la salua avant de s’incliner autant que ses blessures le lui permettaient. Il ne pouvait se permettre d’éveiller le moindre soupçon chez elle. Pas maintenant.

Lilith ôta lentement sa main de la porte avant de retirer sa capuche, libérant sa chevelure qu’elle recoiffa d’un geste bref de la main. Ses yeux violets surnaturels plongèrent dans le noir banal de son assassin avant qu’elle n’esquisse un sourire de ses lèvres fines.

- Heureuse de voir que tu vas bien, Jaffar.

Son prénom ricocha dans les airs, porteur d’une menace sourde et silencieuse.
- J’ai à te parler. Puis-je ?

D’un bref geste du menton elle indiqua l’intérieur de l’appartement faisant hésiter son sous-fifre. Cet endroit où il avait passé tant de temps avec Nino… Leur seul sanctuaire depuis bien longtemps allait être profané par l’incarnation même du mal dont Jaffar souhaitait protéger la jeune magicienne. Mais refuser pouvait entraîner des conséquences irréparables. Il ne pouvait lui montrer qu’il doutait ou qu’il ne voulait pas la recevoir. D’un bref acquiescement, le Croc Pourpre s’écarta entraînant derrière lui une Nino éberluée par la tournure prise par les évènements. D’un pas rendu lourd par son armure, Lilith pénétra dans la pièce et referma tranquillement la porte derrière elle. Elle les dévisagea tous deux avant d’afficher un sourire innocent.
- Eh bien, que de tension ! Ma présence vous contrarie-t-elle à ce point ?

Son regard passa de l’assassin composé à la jeune magicienne toujours sur le qui-vive.
- Ah mais je manque à tous mes devoirs. C’est vrai que c’est la première fois que nous nous rencontrons. J’entends tellement parler de vous Nino qu’il me semble déjà vous connaître par cœur.

Un bref instant, le Croc Pourpre regretta d’avoir laissé tomber la seule arme qu’il possédait tant les dernières paroles de la chevalière rousse semblaient menaçante. Mais déjà celle-ci le contournait sans trop lui laisser le choix pour prendre la main délicate de Nino dans son gantelet froid et dur.
- Enchantée de te rencontrer ma chère. Mes amis m’appellent Lilith. Le nom ne sembla rien évoquer chez la jeune magicienne qui se contenta d’un sourire froid et tendu au mot « ami ». Pour les autres… Je suis la Dame Noire.

La surprise dans les yeux de la jeune femme aurait presque pu être comique si elle ne venait pas de se rendre compte de la situation dans laquelle la présence de cette femme en cet instant les mettait en danger.
- Je… C’est un honneur. Ja… Le Croc Pourpre ne m’avait jamais parlé de…
- De moi ? C’est normal je l’ai menacé de mort à plusieurs reprises s’il divulguait mon identité à des personnes non autorisées. Elle sourit. Cela vaut pour vous aussi naturellement.
- Oui… Oui bien sûr.
- Mais cessons là ces civilités. Jetez-moi donc ce sortilège que vous tenez en main, vous pourriez blesser quelqu’un, et venez donc vous asseoir… Nous avons à parler.

Elle lâcha aussitôt la main de la jeune magicienne et s’empara sans attendre de la chaise la plus proche. Le Croc Pourpre était éberlué, comme tétanisé. La situation échappait à tout contrôle. Le Black fang était-il déjà au courant de leurs projets ? Mais si tel était le cas, pourquoi la dirigeante même de l’organisation s’était-elle déplacée en personne ? Le code du Fang aurait simplement voulu qu’elle envoie des tueurs à leurs trousses. Cela, il aurait pu faire avec mais dans son état il était tout bonnement incapable de battre la Dame Noire ! Une peur sourde formait une boule au creux de son estomac.
- Voulez-vous du thé ?

La question sembla surprendre la Dame aussi bien que l’assassin. Nino se tenait devant elle, un air insouciant de jeune femme fermement plaqué sur le visage.
- Il n’est pas forcément excellent, mais c’est tout ce que nous avons ici. Nous n’avons pas beaucoup l’occasion de sortir. Ou peut-être préfèreriez-vous un peu d’eau ?
- Le thé fera parfaitement l’affaire. Il est vrai que le temps est relativement frais ce matin.
- Oh ne m’en parlez pas. C’est à peine si ces combles parviennent à nous maintenir au chaud durant la nuit.
- Vous m’en voyez navrée.Elle déposa un regard de félin sur l’assassin totalement immobile. Jaffar, tu devrais avoir honte de laisser une aussi charmante créature mourir ainsi de froid.

La main de Nino lui effleura l’épaule alors qu’elle s’activait pour préparer son thé. Elle décocha un regard espiègle à la Dame Noire, semblant ignorer l’accentuation volontaire des mots évoquant son possible décès.
- Oh ne vous inquiétez pas Madame. Le Croc Pourpre sait parfaitement comment maintenir la température de ces lieux à un niveau tout à fait acceptable.
- Je suis ravie de l’apprendre.

Et d’un seul coup, l’assassin se sentit devenir l’objet d’une toute autre sorte de tension… Cette discussion imprévue prenait une tournure très inconfortable ! Aussi se permit-il de s’asseoir sur la seule chaise restante, la faisant racler au maximum sur le sol afin d’empêcher toute reprise de la discussion. Il devait cependant reconnaître l’efficacité de sa dulcinée. En quelques mots elle avait repris un semblant de contrôle de la situation. La tension qui animait les deux femmes s’était maintenant allégée. Elle régnait toujours dans la pièce cependant mais chacun des participants s’était débrouillé pour masquer ses intentions, meurtrières ou non. D’un claquement de doigt, Nino fit apparaître une flammèche qu’elle utilisa pour faire chauffer un peu d’eau. Elle échangeait par moment des banalités avec leur hôte, évitant volontairement le sujet de sa présence. Jaffar l’entendait s’activer dans son dos mais ne se retourna pas une seule fois. Pas plus qu’il ne se proposa d’aider à la préparation du thé. La Dame Noire avait clairement précisé qu’elle était là pour lui. Lui présenter son dos en l’instant présent pouvait être sa dernière erreur. De plus, et pendant tout le temps que dura son entretien avec Nino, les yeux surnaturels de la dirigeante du Black Fang ne le quittèrent pas du regard. Son visage exprimait la malice, l’expérience et un peu la cruauté par instant… Mais son regard captivant, bien que brillant, ne renvoyait aucun sentiment.

Lorsque le thé fut prêt, Nino apporta les tasses et les déposa tranquillement devant eux comme s’ils n’étaient que trois bons amis se retrouvant pour partager un moment. La Dame entama aussitôt sa boisson, complimentant la jeune magicienne sur l’arôme qui s’en dégageait tandis que cette dernière ripostait prétextant qu’on trouvait un tel parfum dans n’importe quelle échoppe de la ville. Le rire cristallin des deux commères sonnait plus vrai que nature. Il en était d’autant plus effrayant.

- Mais je parle, je parle et je vous empêche de nous informer de la raison de votre visite.

Elle croisa négligemment les jambes sur son petit tabouret en sirotant sa tasse d’un air innocent. D’un geste affectueux, elle déposa sa main sur celle de son compagnon avant de préciser.
- Vous devrez excuser le Croc pourpre pour son mutisme. Il n’était déjà pas très causant mais je crains que le traitement que vous lui avez infligé ne l’ai momentanément privé de ses capacités à communiquer.
- Ah Kleigh a toujours été un artiste d’une redoutable efficacité.

La colère de la magicienne résonnait pitoyablement contre la légèreté de la Dame Noire. Le Croc Pourpre n’était qu’un outil qu’elle pouvait se permettre d’abîmer si l’envie lui en prenait. Jaffar ne put s’empêcher de penser qu’elle se disait certainement la même chose sur Nino aussi se pencha-t-il légèrement en avant.
- Vous vouliez… Me voir.

La Dame se permit de terminer sa tasse avant de la poser délicatement sur la table, ignorant ostensiblement le grincement rauque émanant de la gorge de son sbire. Elle croisa les doigts sous son menton et posa son regard sur le couple qui lui faisait face.
- Te parler plus exactement. De sujets qui ne peuvent pas être entendus de toutes les oreilles, ce pourquoi je suis venue en personne. Elle se tourna vers Nino en souriant. Cela vous concerne aussi ma chère, vous êtes donc autorisée à rester.

L’assassin sentit la tension qui habitait sa compagne. Heureusement Nino su se contenir face à la provocation, y répondant même par un sourire neutre. Lilith fit une pause dans sa narration avant de lâcher dans un soupir.
- Pour tout te dire j’ai besoin de ton aide.

Elle fit une pause comme si elle attendait une réponse mais rien ne vint. Nino bouillonnait, Jaffar attendait.
- J’aurais souhaité m’adresser à quelqu’un d’autre crois-le bien. Après tout ce qui s’est passé, même l’un de mes précieux Fang aurait mérité un peu de repos. Mais du fait justement de ta position dans l’organisation, et surtout de tes relations au sein de celle-ci, tu es le seul à pouvoir faire ce que je vais te demander.

Le silence s’installa de nouveau mais il fut de plus courte durée. Il n’y avait que trois personnes desquelles le Croc pourpre pouvait se considérer comme proche dans l’organisation. La première était la jeune magicienne ayant levée un sourcil au terme « relations » employé par la Dame Noire. La seconde était l’Ombre du Fang, le fidèle et dévoué bras droit de Lilith. De par ce statut il y avait d’ailleurs fort à parier que la Dame Noire était en mesure de régler par elle-même tout conflit potentiel. Ne restait qu’un individu suffisamment présent dans la vie du Fang pour l’avoir marqué définitivement. Les mots qu’il prononça lui écorchèrent la gorge à la manière d’une lame.
- Le Maître.

Lilith hocha la tête d’un air grave avant de reprendre la parole.
- Je te pense suffisamment proche de lui pour avoir remarqué à quel point sa soif de pouvoir est en train de ronger tout ce pour quoi le Black Fang s’est battu. La corruption et le meurtre font partie intégrante du quotidien de notre organisation, mais nous les utilisons dans un but bien plus noble. Purifier ce monde des esprits malveillants, de ces hommes pourris jusqu’à la moelle qui abusent de leur pouvoir. Rétablir la justice voilà ce pourquoi le Black Fang existe. Mais lorsque le mal que nous éradiquons se glisse dans nos propres rangs, nous devenons vulnérables.

Elle fit une pause dans son discours enflammé pour reprendre son souffle. Son armure cliquetait au rythme de ses paroles et ses yeux brillaient d’une lueur nouvelle. Lorsqu’elle reprit la parole, son ton était plus calme.
– Cela fait quelques mois que je surveille de près l’empoisonneur. Le Maître a servi l’organisation à la perfection pendant des années. Chacune des missions qu’il a supervisées ou qu’il a exécutées en personne se sont déroulées sans le moindre accrochage. Ses rapports sont toujours d’une incroyable précision et son aide nous a été extrêmement précieuse pour rebâtir l’organisation. Cependant…

A ce stade de son discours elle marqua une hésitation. Ses deux subordonnés patientèrent le temps qu’elle rassemble ses pensées.
- … En creusant un peu je me suis rendu compte que tout n’était pas aussi impeccable que ce que je pensais. Cette efficacité n’est en réalité qu’une façade pour masquer quelque chose de plus important. Mais contrairement à d’autres membres du Fang, le vieil escroc n’a pas agi uniquement dans le but de s’enrichir ou de gagner un peu d’influence, ce que je pourrai comprendre. Nombres d’opérations qu’il a menées l’ont été dans le plus grand secret. Les agents du Fang qu’il utilisait ont tous disparus une fois leur tâche accomplie. Il ne conserve aucune note sur le sujet et il m’a fallu user de beaucoup de temps et de moyens pour en apprendre un peu plus. Mais ça en valait la peine.

Elle s’arrêta et se redressa sur son siège. Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle inclinait la tête vers le petit couple.
- L’empoisonneur a trouvé le moyen parfait de monter son propre réseau et ses propres opérations. Un outil qu’il a pris le temps de façonner durant des années. Un être dépourvu de sentiments qui ne répond qu’à lui et qui exécute ses ordres sans la moindre hésitation et sans les discuter.

Les phalanges du Croc Pourpre blanchirent alors que ses poings se crispaient. Il ne pouvait détacher le regard de la guerrière qui lui assénait son raisonnement mot après mot. Toutes ces missions qu’il avait menées… Toutes ces vies qu’il avait prises parce qu’on le lui avait ordonné. Lilith s’appuya sur le fond de son siège. Elle souriait mais l’expression de son regard déclencha un frisson glacial dans le dos de l’assassin.
- Mais je suppose que tu commences à voir où je veux en venir.
- …

Que dire ? Comment réfuter des accusations qu’il savait vrai ? Des faits avérés pour lesquels la maîtresse du Black Fang avait des preuves irréfutables ? Pendant des années il n’avait été qu’un outil stupide entre les mains du Maître. Il aurait dû partir plus tôt, quitter l’influence de ce manipulateur tordu tant qu’il en avait encore eu l’occasion. Un coup d’œil furtif lui confirma que ses lames étaient définitivement hors d’atteinte. Même avec une épée scellée, la Dame Noire pouvait l’abattre comme un chien.
- Que voulez-vous ?

Le ton de sa compagne était froid mais pour la première fois, il y décela la tension qui l’habitait. Son raisonnement avait dû aboutir aux mêmes conclusions que le sien. La Dame Noire les observa un instant puis ne put empêcher un bref éclat de rire de franchir ses lèvres.
- Quelle dureté. Si je ne vous savais pas aussi prudent je jurerai que vous êtes tous les deux sur le point de me sauter à la gorge.

Elle calma son hilarité naissante puis repris, presque adoucie.
- Ne vous en faites pas. Si j’avais voulu votre mort, je n’aurais probablement même pas pris la peine de vous informer des raisons de ma présence. Un instant elle prit l’air songeur. J’avoue y avoir réfléchi lorsque je me suis rendue compte de ce qui se passait. Pour tout te dire, ton dernier retour de mission aurait pu être bien pire que ce qui t’es réellement arrivé. Eliminer l’instrument m’aurait permis de ralentir voire de stopper les plans du vieux renard cependant cela n’aurait été que temporaire. Non, il me faut une solution définitive.

Son ton presque léger se durcit lorsque son regard retomba sur le Croc Pourpre.
- Voilà pourquoi j’ai besoin de ton aide Jaffar. Voilà pourquoi je suis ici aujourd’hui. Je souhaite retourner l’instrument contre son utilisateur. Je souhaite t’utiliser à mon tour pour mettre définitivement le Maître hors-jeu. Ses plans sont une menace pour l’organisation que je dirige ainsi que pour la vie de nombreux innocents. Le simple fait que je sois toujours incapable de comprendre où il souhaite vraiment en venir rend la situation d’autant plus urgente. Il doit être arrêté et ton aide dans cette opération me serait des plus précieuses.

Le silence qui suivit fut uniquement perturbé par le rythme saccadé des ongles de Nino contre le bois de la table.
- Vous ne manquez pas de culot.

Son ton était neutre mais elle renversa son siège dans sa fureur lorsqu’elle se leva. Son poing frêle s’écrasa avec force sur la table tandis qu’elle plantait son regard gris dans celui de la Dame.
- Vous débarquez comme ça sous NOTRE toit. Non contente d’avoir définitivement mutilé mon compagnon vous nous menacez tous deux de mort avant de nous jeter à la figure cette histoire de complot. Pire encore vous lui demandez de retourner se jeter dans les griffes de l’homme qui lui a infligé ces blessures et tout ça au nom de quoi ? De sa dévotion ? De votre rang dans une organisation que vous ne maîtrisez même plus ? De votre sourire de catin peut-être !!!

Elle avait fini par lui hurler dessus, rouge de rage et le souffle court, le poing toujours fermement crispé sur le bois de la table. Le Croc Pourpre s’était levé lui aussi et avait posé une main se voulant apaisante sur l’épaule de la jeune femme. Elle se contenta simplement de l’ignorer, fusillant la femme en armure du regard. Lilith sembla encaisser la remontrance sans broncher. Les deux femmes se dévisagèrent en chien de faïence un moment avant que Lilith ne rompe le silence.
- Je ne suis pas venue ici pour vous supplier. Pas plus que pour vous menacer. Je suis venue vous proposer une chance de rétablir ce pour quoi vous vous êtes battus tout ce temps. J’ai effectivement songé à vous éliminer. Mais cela n’aurait été une solution que dans le cas où il s’avérait être l’outil sans âme du Maître. Or Votre cher et tendre se trouve être très différent de l’idée que je m’en étais faite et cela s’est confirmé avec les récents évènements l’ayant conduit à ces blessures. Vous y êtes d’ailleurs certainement pour beaucoup Nino.

Surprise par ce retour de flamme, la jeune magicienne resta bouche bée, incapable de savoir si Lilith la félicitait pour son influence sur le Croc Pourpre ou si elle l’accusait de l’état dans lequel il se trouvait.
- Vous…
- De plus, ce n’est pas un ordre que je vous donne, c’est un service que je vous demande. Et le marché qui en découlera pourrait s’avérer bien plus profitable pour vous deux que tout ce que vous auriez pu prévoir pour la suite des évènements… Quoi que ce soit.

Nino ne répondit pas. Il était vrai que leur futur sans l’organisation semblait bien incertain. Et cet entretien n’avait fait que renforcer la menace que représentait l’empoisonneur aux yeux du Croc Pourpre. Sa propre sécurité lui importait peu dans l’état actuel des choses mais il ne pouvait le laisser s’en prendre à sa compagne. Poussant son avantage, Lilith poursuivit :
- Enfin, même si votre collaboration nous serait d’une aide plus qu’appréciable, ce n’est pas à vous, Nino, que j’ai posé la question mais bien au Croc pourpre… Et je suis sure qu’en plus des détails que je viens de vous fournir, ses propres connaissances lui permettent de comprendre où se trouvent vos intérêt.

Le poing de Nino s’était décrispé et elle appuyait désormais une partie de son dos contre le torse de l’assassin. Elle sembla tétanisée un instant puis se retourna lentement, braquant son visage d’ange vers le Croc Pourpre. Sa combativité s’était comme envolée laissant place au désarroi… Sans doute car elle savait déjà ce qui allait se passer :
- Jaffar…

Il faillit céder face à cet appel. Envoyer tout balader sans plus réfléchir. Lilith constituait un obstacle formidable mais en profitant de l’effet de surprise il pouvait atteindre le tiroir où se trouvaient ses fumigènes. La diversion leur permettrait de prendre suffisamment d’avance pour fuir. En partant dans l’heure ils pouvaient mettre suffisamment de distance entre eux et l’organisation maudite. C’était la porte vers leur liberté… Mais également vers une vie de fugitif. Toujours bouger sans jamais être en sécurité. Traqués par les autorités mais également par leurs anciens alliés. La paix relative dans laquelle ils vivaient actuellement ne serait plus. Il plongea son regard dans celui de la jeune magicienne puis se redressa et contempla la Dame Noire. Ses mots tombèrent comme une sentence dans le silence de la petite pièce.
- J’accepte.

Lilith n’eut aucune réaction mais l’air trahi de Nino lui brisa le cœur. Elle se redressa et le doubla sans le voir. Ses talons claquèrent sur le sol de bois alors qu’elle s’emparait de sa cape. La porte de leur appartement claqua et Jaffar se retrouve seul face à la femme en armure. En apparence, le Croc Pourpre était aussi immobile qu’une statue mais son esprit fulminait. Il aurait dû bondir à la suite de la jeune magicienne. Lui qui voulait tant la protéger était le premier à la blesser. Une boule lui tordait les entrailles.
- Elle comprendra ton raisonnement Jaffar. Elle sait que tu as fait le bon choix mais ses sentiments l’ont débordée. Que lui avais-tu promis ? De quitter le Black Fang ? De partir sur les routes avec elle pour vivre honnêtement et simplement ?

Il ne répondit pas mais le feu de ses entrailles ne fit que s’accentuer. Une colère sourde menaçait de le déborder : envers Lilith, envers le Maître et cette organisation qui s’acharnait à le briser, mais surtout envers lui-même. La Dame Noire laissa échapper un soupir ironique :
- Mon pauvre Croc Pourpre. Un conseil pour l’avenir, ne fais jamais de promesses que tu ne saurais tenir à une femme amoureuse.

Elle repoussa son siège et se leva avant de sortir des replis de sa cape un épais grimoire à la couverture noire. Sa simple apparition suffit à mettre l’assassin mal à l’aise. La magie n’était pas son domaine et il regrettait d’autant plus l’absence de Nino. Posant l’ouvrage sur la table, la Dame l’ouvrit et entreprit de le feuilleter rapidement.
- Bien ! A nos affaires.

Les pages étaient couvertes d’une écriture tordue et illisible pour l’assassin. Il doutait d’ailleurs être capable de jamais comprendre ce que signifiaient les étranges caractères même s’il avait su mieux lire. Posant son doigt sur l’une des formules, Lilith entreprit de défaire les agrafes qui maintenaient l’un de ses gantelets tout en faisant le tour de la table.
- Comme ton choix a quelque peu vexée ta petite moitié, il va nous falloir remédier à ton problème vocal. Je te préviens, ça risque de faire un peu mal.

Le gantelet s’écrasa sur la table tandis que Lilith récupérait son grimoire de sa main toujours couverte. Tout en s’approchant du Croc pourpre, elle se mordit le pouce jusqu’au sang avant d’étaler la goutte ainsi obtenue en travers de la gorge du Beorc. Le contact de la main glacée de la jeune femme lui arracha un frisson.
- Ne bouge surtout pas. La magie noire est efficace mais son pouvoir est souvent à double tranchant.

Puis elle ferma les yeux, son pouce blessé toujours posé sur la gorge du Croc Pourpre, avant de commencer à psalmodier. Sa voix claire prit soudain une intonation d’outre-tombe, sa crinière enflammée agitée d’un vent imperceptible. Au début Jaffar ne sentit rien. Puis une pointe brûlante de douleur lui perça le cou. D’abord locale, la brûlure se répandit rapidement le long de ses cicatrices avant d’irradier à travers tout le cou. Le sang battait à ses temps alors qu’une griffe invisible raclait l’intérieur de sa gorge. Il voulut se dégager mais quelque chose l’immobilisait fermement. Des étincelles dansèrent devant ses yeux alors qu’une poigne de fer bloquait sa respiration. Puis tout s’arrêta.

La douleur disparut aussi vite qu’elle était apparue, laissant le Croc Pourpre pantelant et épuisé. Lilith retira sa main et jeta un coup d’œil critique à la tâche de sang séchée qui ornait toujours le cou de l’assassin.

- A priori il n’y a aucun changement physique… Mais ça devrait être bon essaye de parler pour voir ?
- Que m’avez-vous fait ?

Le regard de la Dame Noire s’adoucit tandis qu’elle s’autorisait un sourire rassurant en observant l’air éberlué de son sous-fifre. Sa voix était revenue et il avait prononcé ces derniers mots sans ressentir la moindre souffrance.
- Je t’ai redonné le moyen de communiquer avec nous. Bien sur la tonalité n’est plus exactement la même mais c’est toujours mieux que rien.

Elle avait raison comme put rapidement le constater l’assassin. Sa voix avait quelque peu changée. Elle sonnait plus froide qu’avant, plus grave également, moins humaine… Bien que le retour de sa fonction vocale soit un soulagement il ne put s’empêcher de penser que la magie noire venait de réussir là où les meilleurs guérisseurs du Fang avaient échoués.
- Vous avez parlé de double tranchant. Une simple goutte de sang est-elle vraiment tout ce qu’un tel prodige demande en paiement ?
- Plus ou moins… Toi et moi sommes désormais liés mon cher Croc Pourpre par une sorte de voie à double sens. Si nous nous trouvons à proximité, il nous sera impossible d’ignorer la présence de l’autre. Si toi ou moi décédons, nous le ressentirons également. Il existe d’autres façons d’exploiter ce lien, même par un néophyte en magie comme toi. J’essaierai de te les enseigner quand je le pourrai.

Il n’en croyait pas ses oreilles. Elle l’avait piégée. Sans aucune subtilité, sans même le masquer. En créant cette espèce de lien, elle qui était maître magicienne venait de lui couper toute indépendance. Il venait d’entrer officiellement au service de la Dame Noire sans espoir de pouvoir en sortir. Elle s’interrompit dans sa tirade en observant son air courroucé :
- Pour répondre à ta question silencieuse, je pourrai exploiter ce lien de bien plus de façons que tu ne pourrais l’imaginer. Cependant, si nous devons travailler ensemble, il est dans mon intérêt que tu me fasses confiance. Te retourner contre moi et reproduire l’erreur de ton Maître serait le plus sur chemin vers la perte de l’organisation. Vois-tu, je t’ai beaucoup observé Croc Pourpre. De tous les assassins que j’ai pu côtoyer tu représentes certainement le plus fidèle d’entre eux, et en cela il est facile de t’exploiter.

Elle fit une pause, laissant un regard empli de malice dériver sur son tueur.
- Cependant, de tous ces assassins, tu es également celui qui possède le plus de principes. L’amitié et l’amour te sont des concepts connus, pas au même sens que le commun des mortels l’entend mais à un niveau bien plus subtil cependant que la plupart des tueurs sans merci que toi et moi côtoyons. Notre alliance sera donnant donnant ou je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper que je me réveillerai un jour au doux son de ta lame se glissant entre mes côtes.

Son regard se posa sans détour dans celui du Croc Pourpre. Son ton sonnait vrai mais Jaffar savait qu’un magicien doué pouvait altérer la perception de son entourage. Le regard de la Dame lui renvoyait cependant une image toute à fait différente. Comme lui elle se battait pour ses propres principes, et pour cela, elle était prête à se mettre dans une posture vulnérable en acceptant l’assassin dans son cercle intime, donnant ainsi une chance à ses ennemis de l’atteindre. Il n’avait jusque-là aucune raison de lui faire confiance mais également aucune de se méfier de ses propos actuels. Répondant à son regard, le Croc Pourpre croisa les bras. Sa voix résonna, déformée par le sortilège.
- Je pense qu’il est temps de poser mes propres conditions à cette alliance.

La Dame haussa un sourcil avant de s’appuyer au fond de son siège.
- Cela me semble légitime. Si cela me permet d’obtenir ta confiance alors je suis prête à me plier à certaines contraintes.

Le Croc Pourpre prit le temps de formuler ses requêtes dans son esprit avant de les énoncer, marquant chacune d’entre elle en levant un doigt supplémentaire.
- Premièrement, à partir de cet instant, Nino est sous votre protection. Que quiconque essaye de lui faire du mal en mon absence et votre colère devra s’abattre sur eux.
- Accordé.
- Deuxièmement, en aucun cas elle ne devra être impliquée dans vos plans.
- Si tu veux mon avis Jaffar, ta petite magicienne s’impliquera d’elle-même bien avant a fin de nos opérations… A supposer que vous soyez toujours ensemble naturellement…
- Votre rôle sera de l’en empêcher, quelles que soient les circonstances. Réfléchissez-y bien car je ne vous laisse pas le choix.
- Très bien, très bien ! Accordé puisque tu y tiens tant mais permet moi au moins de te mettre en garde : tous mes pouvoirs n’empêcheront pas une jeune fille amoureuse de voler au secours de son bel assassin ténébreux.

Le regard foudroyant du Croc Pourpre se heurta à un mur d’hilarité contenue. Jaffar leva un troisième doigt sans se laisser décontenancer.
- Troisièmement. J’obéirai à vos ordres, je vous aiderai à abattre le Maître et à restaurer la puissance du Black Fang, mais en aucun cas ces opérations ne devront nuire à Yue et à son entourage. Vous serez également en charge de sa protection.

Les yeux de Lilith s’illuminèrent et le Croc Pourpre eut la désagréable impression d’avoir fait exactement ce qu’elle attendait de lui.
- Eh bien ! Je m’attendais à quelque chose de cet acabit mais j’ignorais que ta petite sauvageonne t’avait fait autant d’effet. Ton cœur si froid d’assassin est bien plus chaleureux qu’il n’y parait mon cher Croc Pourpre, et c’est pour cela que je t’ai choisi.
- Dites-le.

La Dame Noire sursauta un instant, surprise par la véhémence de la requête. Le regard du Croc pourpre la fusillait sur place et elle sut en cet instant qu’elle avait bien choisi. Cet homme la suivrait là où elle irait aussi longtemps qu’elle respecterait les termes de leur contrat. Son sourire ravi conclut leur entretien.
- Accordé Jaffar, mon cher ange noir. Y-a-t-il autre chose ?

Il n’y avait rien d’autre et elle le savait. Le Croc Pourpre était sien...
- Dernièrement.

Le tueur roux ne put s’empêcher d’éprouver une satisfaction malsaine en constatant que la Dame ignorait ce qu’il allait lui demander. La piéger ainsi alors qu’elle pensait si bien le connaître le réjouit plus qu’il n’aurait bien voulu se l’avouer mais la pensée de sa dernière requête le rembrunit suffisamment rapidement pour qu’il n’en laisse rien paraître. Sa voix désormais surnaturelle prit des accents inhumains alors que les mots franchissaient ses lèvres.
- Je veux Kleigh.

Les sourcils de la Dame se froncèrent alors qu’elle laissait planer un regard inquisiteur sur le Croc Pourpre.
- Moi qui songeait n’avoir en face de moi qu’un homme de bien… J’oubliais à qui j’avais réellement affaire.

Elle reprit contenance sous le regard imperturbable du tueur. Au-delà du plaisir cruel que lui procurerait sa propre vengeance, faire disparaître l’un des hommes de confiance du Maître assurerait à Jaffar qu’aucun des êtres auquel il tenait n’aurait à passer entre ses griffes. Son regard dériva un instant sur la porte que Nino avait claquée derrière elle en partant. Non… Quoi que cela lui coûte, il s’assurerait que Kleigh ne puisse plus jamais pratiquer son art.
- Accordé. Ton aide me sera bien plus précieuse que celle de cet horrible bonhomme quoi qu’il en soit. Donne-moi un lieu et une heure et je m’assurerai que ton bourreau s’y trouve, seul.

Le Croc Pourpre la dévisagea quelques instants avant de se pencher légèrement en avant. La peau de son dos s’étira douloureusement mais il n’en laissa rien paraître. Une lueur sanguinaire brillait dans son regard.
- En ce cas, vous pouvez compter sur moi.
- Parfait, il nous faut d’abord établir quelques petites choses. Premièrement il faut que tu saches que ta jeune amie albinos sera plus difficile à protéger que tu ne le pense. Qu’il s’agisse du Fang ou des ennuis qu’elle est capable de s’attirer d’elle-même.
- Yue sait se battre, elle n’a pas besoin de quelqu’un pour la protéger d’un combat.
- Je partage ton avis. Cependant il est possible que vos derniers exploits à tous les deux aient provoqués la colère de l’empoisonneur. Réfléchis Jaffar, s’il peut se permettre de mutiler son outil le plus précieux, qu’en sera-t-il de la peste qui a ruiné son dernier plan ?

Jaffar réfléchit quelques secondes avant de reprendre la parole.
- Il est en train de monter une armée.
- …
- Lors de mon dernier rapport il y avait ces hommes. Je ne les avais jamais vus dans l’organisation auparavant et ils portaient un uniforme différent de celui du Fang…
- Une armure de cuir ? Avec une teinte rouge sombre, un peu comme du sang que l’on aurait laissé sécher ?
- Oui. Ils lui sont fidèles. En un sens ils ressemblent à ce que j’étais…
- Hmm… J’avais obtenus quelques informations à ce sujet mais rien de très précis. La situation est plus pressante que je ne l’imaginais. Je doute que le Maître se monte réellement une armée au sens où on l’entend, avec des milliers d’hommes. Cependant, il se prépare certainement une force de frappe conséquente, suffisamment conséquente pour renverser les autres Trinités si l’occasion se présentait…

Le sourire carnassier du Croc Pourpre interrompit la Dame dans son discours.
- En ce cas, il a encore fort à faire. Deux d’entre eux ont à peine réussis à m’essouffler alors que je rentrais de mission.
- Mais qu’en sera-t-il de vingt ? Ou de trente ? Contrairement à moi tu n’es pas encore capable d’annihiler autant d’adversaires en un claquement de doigts.
- … Alors… Pour Yue ?
- Mes pouvoirs me permettront de la surveiller de loin. Elle est pour le moment en Hatary, hors de danger, mais j’infiltrerai peut-être quelqu’un dans son entourage. Elle s’empressa de rajouter. Quelqu’un de confiance rassure-toi. Tout le Fang n’est pas soumis au Maître.

Jaffar se détendit perceptiblement alors que la Dame Noir poursuivait.
- Dans le cas de Nino, je pense que sa protection sera sainement assurée tant que tu seras là. Lors de tes déplacements cependant, mes hommes la surveilleront également, discrètement ou non selon ton choix. Quant à toi, il est temps de parler de ce que tu auras à faire.
- …
- Ce trafic d’esclaves que tu as découvert… Je veux que tu le fasses tomber.
- Pourquoi ?
- Un trafiquant d’esclave se contente rarement de ne transporter que des créatures vivantes. Armes, drogues… Toute la cargaison y passe. Et si le Maître a ignoré un tel réseau sans même m’en informer, alors c’est que ce marché lui est profitable. De plus, la protégée de ta petite sauvageonne risque fort de se mêler des affaires de l’empoisonneur après votre dernière rencontre. En éliminant ces hommes, tu assures également la survie de ton amie. Une pierre, deux coups.

Elle s’était levée et remettait ses affaires en place. L’épée scellée regagna sa taille alors que le Croc Pourpre la raccompagnait vers la sortie.
- Est-ce tout ?
- Pour le moment oui. Repose-toi et sois sûr de pouvoir te déplacer sans encombre avant de te mettre en chasse. Nous devons être discrets et agir avec patience Jaffar. L’échec nous est interdit. Je reviendrai vous voir afin de t’aider dans la compréhension de notre lien et pour accélérer ton apprentissage des lettres. Un assassin qui ne sait pas lire m’est inutile.

Elle remit son capuchon en place et s’avança vers la sortie. Au moment de franchir la porte, une pensée sembla la frapper et elle se retourna avant de lancer.
- Une dernière chose. Si tu comptais attendre ici le retour de ta dulcinée pour t’expliquer, oublie. Compte tenu du caractère de la demoiselle et des circonstances, une démarche un peu plus… Personnelle pourrait t’aider.

Elle lui lança un bref clin d’œil avant de disparaître dans le couloir.
- Simple intuition féminine.
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