Deux lames au clair de lune [Pv Mr Greenpeace]

Quand s'entrechoquent deux lames
au clair de Lune...

" Ne soyez pas arrogant. Le cercle parfait de la lune ne dure qu'une nuit. "

Elle soupira.
L'astre diurne commençait déjà à décliner à l'horizon, peignant ainsi les quelques nuages présents dans le ciel de ses superbes dégradés de couleurs. La voute céleste s'était en ce moment même parée d'orange, de rouge et de violet. Ces tons qui s'alliaient à merveille et qui ne cessaient de surprendre les spectateurs par son envoutante et éblouissante beauté. Et pour agrémenter le tout, une légère brise printanière, rendait ce spectacle mouvant.
C'était donc un de ces couchers de soleil.. Un tableau si banal mais qui ne perdait pourtant en rien de sa splendeur pour le commun des mortels qui daigne prendre le temps de le contempler un tant soi peu. Eh oui, ce festival de couleurs dans le ciel de Tellius était et resterait, de toute évidence, un véritable régal pour les yeux...

Mais la jeune fille, aux cheveux tout aussi rouges que le soleil couchant, était loin -très loin même- de soucier de tout aspect artistique ou poétique que pouvait avoir la scène qui s'offrait à elle. La raison de son soupir n'était alors absolument pas dû à la joie de pouvoir contempler un véritable chef d'œuvre de Tellius.. Non, et au risque de décevoir les âmes poètes et amoureuses de la nature, autant dire que les variations de teintes d'un stupide nuage ne l'intéressaient guère plus que l'art de fabriquer un tapis...

Lain poussa donc un soupir qui en disait déjà bien long, lorsqu'elle descendit d'un geste souple du charriot qui l'avait emmenée jusqu'à un petit village de Begnion. Elle s'était proposée, quelques jours auparavant, d'escorter un petit convoi de marchandises jusqu'à Criméa, pensant faire ainsi l'affaire du siècle...
Sauf que, malheureusement pour elle, il y avait eu un changement de programme. Adieu Criméa, et bienvenue à la nation tant détestée ! Et pour couronner le tout -comme si tout cela ne suffisait pas-, le marchand pour qui elle travaillait était un véritable rapiat qui ne la paierait qu'une fois arrivés à destination, c'est à dire Sienne. Une énième petite tentative de négoce avait encore mal tourné aujourd'hui, et la bretteuse s'était donc une fois de plus, retrouvée bredouille. Le reste du trajet s'était fait dans le calme, d'un ennui affreusement mortel pour la jeune fille. Tant et si bien, qu'elle se demandait si elle ne ferait pas mieux de les faire faux bond et se trouver un autre travail...
Et tandis qu'elle regardait d'un air maussade ses compagnons de route qui aidaient déjà à décharger les marchandises pour la nuit, elle sortit sa bourse pour voir ce qu'il lui restait.
La bretteuse se demanda si cela suffirait à ce dont elle rêvait depuis des nuits : un lit, un bon bain ainsi qu'un bon diner digne de ce nom... au lieu de se payer une chambre avec tout ceux-là et une journée affligeante supplémentaire.
Mais au vu des quelques pièces maigrelettes qui resplendissaient de toute leur crasse au creux de sa main, Lain se dit que, finalement, une nouvelle nuit et journée de voyage avec tout ce p'tit monde n'étaient peut-être pas aussi déplaisantes que ça.

Que voulez vous? On ne fait pas toujours ce que l'on veut, même lorsqu'on aspire à être la meilleure bretteuse de Tellius...
Et il fallait le dire, cela était quand même bien mieux payé que les quelques représentations de rues qu'elle avait données. Seulement voilà, niveau monotonie, elle était servie. Et ce, à son plus grand regret.
La jeune fille sortit donc de ses pensées et se mit à les aider dans le déchargement de caisses remplies de bric-brac et de fioles en pagaille. Si elle devait en passer par là pour pouvoir vivre de sa passion, et bien, elle le ferait.

Mais il sembla que la monotonie ne serait pas de mise ce soir là…

Lain venait à peine de terminer de manger le morceau qu’elle avait si durement gagné après le déchargement, qu’elle fût elle aussi prise dans la soudaine agitation qui régnait dans le village.
Sortant en trombe de l’auberge où ils étaient installés, elle en perçut directement la cause : un petit groupe de laguzs qui avaient décidé d’attendre la tombée de la nuit pour attaquer un village sans défense, sans la moindre alerte ni motif valable… Un scénario qu’elle avait déjà subi il y maintenant des années de cela, et qu’elle n’allait certainement pas laisser recommencer de si tôt. Ses yeux aussi gris et aussi durs que l’acier étincelaient de rage à ces douloureux souvenirs. Comme un poignard glacé au fond de ses entrailles, les images de la nuit qui avait à tout jamais changé sa vie lui étaient soudainement revenues en tête.
La seule vue de ces êtres dont elle détestait jusqu’à leur existence même avait suffi. La bretteuse courrait déjà à leur rencontre, l’épée dégainée et avide de leur ôter la vie.

______Oui, elle n’était plus la petite fille d’autrefois qui n’avait rien pu faire à part rester impuissante lors de la destruction de son village.

- Merci et à bientôt!

Sans laisser le temps au marchand de lui grommeler une réponse, le bretteur fit demi-tour, son sac sur l'épaule. Une légère brise vint caresser son visage alors qu'il farfouillait dans son récent achat pour en sortir une pomme parfaitement mure et d'y mordre à pleine dents. Les derniers rayons de soleil disparaissaient déjà à l'horizon dans un splendide balai de couleurs illuminant le ciel de mille et une merveilles. Rien à redire, cette soirée s'annonçait des plus calmes et des plus tranquilles. Savourant la chair tendre du fruit, le bretteur laissa son regard traîner sur les murs et les toits alentours avant qu'une deuxième brise ne vienne le faire frémir, l'obligeant à resserrer les pans de son vêtement. L'auberge n'était pas très loin mais il avait hâte d'être attablé devant un bon repas bien chaud.

Il marcha pendant deux ou trois minutes supplémentaires avant d'entendre des bruits de pas précipités. Déboulant d'une artère, trois hommes visiblement paniqués manquèrent de le bousculer avant de détaler et de disparaître au coin de la rue. Le trognon en bouche, le bretteur observa la scène d'un air hébété avant d'entendre la rumeur qui résonnait quelques rues plus loin. Lâchant un soupir, il jeta ce qui restait du fruit avant de s'engager dans la dite artère. Tant pis pour la soirée tranquille. Il lui fallut encore une bonne minute pour rejoindre le lieu de l'activité. Plusieurs hommes, armés de fourches ou d'épées, repoussaient férocement un groupe de félins ayant visiblement tenté une attaque furtive... Très discret en effet. Toujours était-il que quelques pauvres paysans et leurs miliciens avaient bien du mal à retenir de féroces tigres visiblement suffisamment entrainés au combat pour les massacrer.

Laissant tomber son sac, le bretteur dégaina Katti et s'élança au combat. Le premier à tomber sous ses coups fut un chat grisâtre qui commit l'erreur de ne pas le voir arriver. Le bretteur lui enfonça Katti dans la cuisse avant de lui décocher un magistral coup de pied qui l'envoya valdinguer contre le mur. Sans plus s'en préoccuper, le Beorc fit face à un tigre qui le renversa sous son poids. Écrasé sous la masse de la bête, le bretteur tint suffisamment longtemps face aux crocs du bestiau pour voir une fourche transpercer le crâne de son agresseur. Éclaboussé de sang, de résidus d'os et de cervelle, il contempla presque avec regret le regard maintenant vide du grand fauve. Repoussant l'animal, il se releva et adressa un signe de remerciement au paysan qui l'avait aidé, visiblement fier de lui. Le Laguz n'était pas aussi imposant que l'avaient étés Muarim et Mordecai mais son pelage brun et lustré et sa musculature puissante pouvaient impressionner. Un magnifique représentant de sa race sans doute encore jeune. Laissant là ses pensées, sombres, le bretteur recentra son attention sur le combat. Ces créatures avaient attaquées ce village, elles devaient s'attendre à en subir les conséquences. Baisser sa garde juste au nom de la paix était stupide. Il n'aimait pas tuer mais peut-être pourrait il protéger les blessés...

Katti faucha encore plusieurs créatures, coup sur coup. Peu n'étaient pas mortels au vu de la bonne volonté avec laquelle les félins présentaient leur poitrail. Des jeunes sans aucun doute, envoyés dans cette région pour prendre les hameaux isolés et sans défenses de Begnion. Seulement, ils étaient tombés sur un os. Un... Non deux bretteurs plutôt doués semblaient avoir décidés de camper sur place pour la nuit. Du coin de l'œil, Stefan avait remarqué une jeune femme... Ou bien était-ce une enfant... Qui faisait pleuvoir un véritable déluge de sang Laguz sur le pavé. Ses coups étaient précis, rapides et mortels. Une véritable force de la nature pour son gabarit. De plus, elle semblait prendre un malin plaisir à écraser chacun de ses adversaires mais le bretteur n'eut pas le temps de la détailler d'avantage. Un chat lui boucha la vue et l'obligea à reculer, multipliant les attaques. Le bretteur esquiva une fois, deux fois... La troisième lui servit à reprendre ses appuis et Katti déchira la chair du félin qui poussa un glapissement suraigu avant de s'effondrer sur le pavé, une profonde entaille marquant son flanc.

Les Laguz s'étaient maintenant regroupés, les poils hérissés, tous crocs dehors, rugissant de fureur... Ce n'était plus qu'une vague tentative d'intimidation. Les victimes humaines se comptaient sur les doigts de la main alors qu'il en aurait fallu le double (de mains) pour dénombrer les Laguz. Dans un dernier rugissement, les Laguz détalèrent, poursuivis par de nombreux Beorcs bien décidés à les exterminer. Stefan lui, enfonça profondément sa lame dans le sol terreux afin d'en enlever le sang puis la rengaina et se mit en quête de quelques survivants. Il savait quel serait le sort réservé aux Laguz encore vivants... Un certain loup psychopathe le lui avait bien apprit. De plus, certains Beorcs pouvaient n'être également que blessés et ce n'étaient pas les imbéciles qui hurlaient leur soif de vengeance là bas qui pourraient leur venir en aide. Récupérant son bagage toujours à sa place, le bretteur retourna sur le champ de bataille et commença son inspection.

Vraiment.. Quels suicidaires ils étaient ceux-là…
Ces sous humains qui ne savaient pas faire autre chose que de répandre le chaos autour d’eux..

****** Combien de temps cela faisait-il exactement ? Une dizaine d’années tout au plus ?
Pourtant sa haine ne s'était toujours pas estompée, bien au contraire. Et sa soif de vengeance accrue.
Oui, car une éternité n’aurait sans doute pas suffit à lui enlever cette douleur atroce qu’elle avait ressentie à ce moment là...

La jeune fille avait une fois de plus foncé tête baissée dans le tas, aveuglée par sa haine profonde à l’égard de ces sous-humains qui avaient encore osé s’en prendre aux siens. Ne s’arrêteraient-ils donc jamais ? Fallait-il tous les exterminer pour pouvoir enfin espérer vivre en paix ? Eh bien soit. Lain n’allait surtout pas se faire prier.

Elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver un sentiment de dégoût lorsqu’elle vit ces êtres qu’elle détestait tant attaquer ces hommes. Ils étaient une petite vingtaine, mais c’était déjà largement suffisant pour faire un carnage dans un village quasiment sans défense. Plusieurs hommes étaient déjà aux prises avec eux, faisant de leur mieux pour résister aux agresseurs. Dans un désordre le plus complet, c’est dans ces moments là que l’on constate que n’importe quel objet pouvait servir d’arme.. Enfin, pour ceux qui savaient correctement s’en servir…
La bretteuse allait se lancer directement dans la masse lorsqu’elle vit un homme, déjà blessé à la jambe, qui essayait tant bien que mal de repousser un laguz chat avec une chaise. Malheureusement pour lui, il en fallait tout de même plus pour en venir à bout.
Lain avait déjà resserré la pression sur la garde de Coronach et s’élança vers lui.
Et tandis qu’un puissant coup de patte réduisit en miettes la pitoyable chaise en bois du villageois, ce dernier ferma les yeux et se précipita à lancer une prière à la déesse. Puisse-t-il mourir sans souffrance, lui, le vieux Ralf qui n’avait jamais rien fait de mal à personne… - Pour le coup, il n’avait jamais prié aussi vite de sa vie…-

Quelques secondes qui lui parurent une éternité passèrent, sans que rien ne changea. Etait-il déjà mort ? La déesse avait entendu ses souhaits ! Il n’avait rien senti du tout !!
... Mais comment cela faisait-il qu’il entendait encore les bruits de combat ?!

Lorsqu’il daigna enfin ouvrir les yeux après de longues et interminables secondes dans l’attente de la mort, il put voir qu’il était toujours bel et bien vivant. Des crocs aussi aiguisés que des lames de boucher gisaient à quelques centimètres à peine de son visage. Il ne put que retenir son souffle à cette vue. Baissant lentement les yeux, ce n’était qu’à ce moment qu’il comprit que la bête était déjà morte. Le villageois ne put que faire un hoquet de stupeur lorsqu’il vit la pointe de l’épée profondément enfoncée dans l’abdomen de la bête se rétracter d’un geste brusque et violent. Le laguz n’avait pas eu d’autre choix que de mourir sous le coup. Le vieil homme fit un pas sur le côté pour éviter le chat qui tomba comme une masse. Et il n’eût même pas le temps de remercier son sauveur que celui-ci était déjà parti.
Sans crier gare, ses genoux cédèrent sous le poids de l’émotion et de sa blessure. Ralf ne put alors que contempler la scène qui s’offrait à lui, se sentant incroyablement seul alors que le combat battait à présent son plein. Enfin non, il ne l’était pas totalement, puisque le cadavre de l’ennemi gisait à ses côtés, regardant lui aussi la scène.. De ses yeux vitreux, où se reflétait encore la surprise d’une mort qu’il n’avait pas vu venir.

Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit que son sauveur était en réalité cette fillette aux cheveux rouges sang qui courrait à présent se jeter sous les crocs des laguzs. Il voulut l’en empêcher, l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard…

Non… Il était déjà trop tard, voilà que deux chats, bien plus gros que celui qui gisait à ses côtés, s’en étaient pris à elle… Mais alors qu’il reprononçait déjà une petite prière pour lui souhaiter une mort aussi agréable que possible, le villageois resta littéralement bouche bée à la vue de la rapidité de la contre attaque. Il cligna des yeux, sans comprendre ce qu’il venait de voir… Il ne l’avait pas vu bougé, pourtant.. La jeune bretteuse était toujours là, et avait même déjà pu grièvement blesser ses opposants, d’après les plaies béantes sur leur flanc. Ils n’eurent même pas le temps de faire quoique soit d’autre, qu’elle les avait déjà achevés par une brève torsion de lame.
Le vieux Ralf muet de stupeur, se dit alors que finalement les laguzs n’auraient pas sa peau de si tôt…

Lain ne savait plus vraiment où donner de la tête dans ce désordre le plus total. Beorcs et laguzs se battaient, les uns pour défendre leur vie, les autres pour les leur ôter… Ces derniers étaient en nombre assez suffisant pour faire un carnage digne de ce nom dans le village, mais les beorcs, n’avaient pas dit leur dernier mot et se défendaient avec toute leur hargne.
Plissant les yeux, la jeune fille décrivait une série d’enchainements d’une rapidité étonnante qui s’étaient révélés utiles avec le temps, faisant tournoyer sa lame. Frappant, parant et se frayant un chemin avec une inspiration presque démente, la bretteuse assouvissait là sa vengeance. Chaque ennemi tombé la réjouissait davantage. Lain ne comptait plus le nombre de sous humains qu’elle avait tué ou blessé, mais le sang maculant ses vêtements n’était majoritairement pas le sien.

Elle n’arrivait pas très bien à discerner leurs mouvements avec la tombée de la nuit ne l’aidait absolument pas.. La bretteuse s’était même demandé ce qu’il se passait lorsqu’elle se retrouva soudainement à terre, à quelques mètres plus loin du laguz qu’elle venait de tuer. Rien de cassé, juste légèrement sonnée, elle dût remercier ses réflexes lorsqu’elle roula sur le côté pour éviter de justesse un puissant coup de griffes qui ne lui fit qu’une blessure superficielle sur le bras grâce à sa veste. Mais avant qu’elle n’ait pu se lever, il se jeta sur elle, tous crocs sortis. Pendant un court instant, Lain fut surprise de lire dans ce regard ambré la même haine qui brûlait dans le sien. Mais elle se ressaisit. Puis d’un mouvement rapide et précis, la jeune fille trancha les pattes avant du félin dans un craquement sinistre d’os, parvint à se délivrer de son imposante masse et continua son mouvement d’un coup meurtrier à la gorge.
Le combat battit encore son plein pendant un moment, puis il s’arrêta aussi brusquement qu’il n’avait commencé. Ces lâches battaient déjà en retraite en voyant qu’ils n’y gagneraient rien en restant plus longtemps. Ils laissèrent alors les villageois dans leur désarroi peut-être, mais sûrement heureux d’avoir pu leur résister.

Lain ne partit pas à leur poursuite bien que ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Elle essuya sa lame sur le pelage d’un cadavre avant de la ranger. Puis elle contempla d’un air désolé le carnage causé par ces bêtes. Plus de dégâts matériels que de pertes humaines, c’était déjà ça.
Ce n’est qu’alors qu’elle remarqua toute une série d’entailles plus ou moins profondes qui étaient passées inaperçu pendant le moment où elle était bien trop occupée à combattre et rester en vie. Mais pour l’instant, elle n’en avait cure et elle aida quelques blessés à se rendre prêt d’un guérisseur avant de revenir sur la place voir si elle ne pouvait pas être d’une quelconque utilité.
Tandis que tout le monde s’activait à remettre un peu d’ordre et à se débarrasser des laguzs morts qui encombraient les routes, Lain aperçut la tignasse verte qui l’avait grandement aidé pendant le combat. Elle n’avait pas vraiment pris le temps d’observer son style de combat à cause des laguzs qui lui étaient tombés dessus, mais du peu de ce qu’elle avait pu voir, il se défendait sacrément bien.
Profitant du fait qu’il paraissait désœuvré dans la masse, la jeune fille vint à sa rencontre et lui tendit une gourde dans un sourire :

- Tiens, tu l’as bien mérité je pense après cette raclée que tu leurs as mis ! Je parie que ces enfoirés de sous humains ne s’attendaient pas à ce retournement de situation !

- Tiens, tu l’as bien mérité je pense après cette raclée que tu leurs as mis !

Le bretteur leva la tête du cadavre qu'il examinait. Celui-là aussi ne souffrirait plus. La jeune femme qu'il avait remarquée pendant le combat se tenait devant lui, visiblement fière d'elle, une gourde à la main. Maintenant que le calme était revenu, le bretteur put l'examiner plus en détail. Des cheveux, ou plutôt une véritable tignasse, d'un rouge sang peu banal coupés à la garçonne et au moins aussi peu coiffés que les siens ornaient un visage aux traits fins et aux yeux gris. Elle portait des habits faits pour le combat, veste de cuirs, bottes d'hommes, pantalon tout ce qu'il y a de plus simple... Un vrai garçon manqué rien que de par son apparence. Restait à savoir si le caractère allait avec ... Toujours est-il que celle-ci lui tendait toujours sa gourde que le bretteur s'empressa d'accepter avant de boire lentement plusieurs longues gorgées. Le liquide frais qui envahit sa bouche avant de s'enfoncer dans les profondeurs de sa gorge lui fit le plus grand bien et ôta une partie de la tension du combat:
- Je parie que ces enfoirés de sous humains ne s’attendaient pas à ce retournement de situation !

Le bretteur tiqua légèrement sous la dureté des propos ce qui eut pour effet de lui faire avaler de travers avant de se mettre à tousser comme un beau diable. Lorsqu'il put enfin reprendre sa respiration, il répondit:
- Ils ne font que participer au cycle infernal que cette guerre leur impose ... Tuer ou être tué. Pour le coup, ils avaient mal choisis leur moment.

Puis semblant sortir de ses pensées:
- Tu te débrouilles bien à l'épée même vraiment bien ... C'est même étonnant vu ton âge.

A vue de nez et au vu de la taille de son interlocutrice, il aurait donné à la jeune fille environ 15-16 ans ce qui lui paraissait tout de même bien jeune pour être déjà impliqué dans ce conflit. Quelle pitié, la guerre n'épargnait personne. Lui tendant à nouveau la gourde, le bretteur reprit:
- Tu devrais éviter de catégoriser de la sorte. Les Laguz ne sont pas si différents: comme nous ils se battent pour protéger leurs terres et ceux qu'ils aiment. Réfléchis y avant de les insulter de nouveau.

Et sans plus de cérémonie, il lui fourra la gourde dans les bras avant de continuer son inspection du champ de bataille. Cette vision obtuse des choses commençaient sérieusement à lui taper sur les nerfs. Aucun des deux peuples ne pourrait progresser si cela persistait et cette guerre ne finirait qu'à la suite de l'extinction d'une des deux races. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua que tardivement le gémissement qui s'échappait du corps le plus proche. Un homme, roulé en boule et gisant dans une mare d'hémoglobine, semblait essayer de bouger sans pour autant y parvenir. S'approchant, le bretteur fit consciencieusement le tour de la victime avant d'esquiver un faible mouvement de surprise devant les oreilles félines de l'homme. Sans plus prêter attention à ce qui l'entourait, le bretteur s'agenouilla devant le Laguz en lui parlant lentement à voix basse:
- Ne bouges pas, continues de faire le mort. S'ils te trouvent, ils t'achèveront. Je vais essayer de te sortir de là mais il faut que tu m'écoutes.

C’était instinctif chez lui. Il ne faisait pas de distinction et n’en avait jamais fait. Si le blessé avait été un Beorc il aurait réagit exactement de la même manière. Le Laguz le fixait maintenant d'un air méfiant, son regard ambré emplit de haine. Il tenta d'effectuer un mouvement brusque ce qui n'eut pour effet que de faire gicler un peu plus le sang de sa plaie béante sous le regard impassible du bretteur:
- Je vais te sortir d'ici. Arrête de bouger.

Précision bien inutile vu que le félin n'était plus en mesure que de crisper ses mains sur la plaie. Le bretteur jeta un rapide regard aux alentours histoire de vérifier que personne n'était dans les parages avant de tendre les mains vers le Laguz pour essayer de le tirer un peu plus loin. Le réflexe de ce dernier fut de tenter de lui mordre les doigts. Il fallait qu'il le convainque rapidement, les villageois allaient forcément finir par découvrir que l'un de leurs agresseurs était encore vivant et lorsqu'ils le sauraient... Mieux valait ne pas y penser...

Désœuvré, désœuvré… Il ne l’était peut-être pas tant que ça finalement.

Abandonnant l’inspection du corps sans vie qui gisait à ses pieds, il sembla atterré par la vision de la gourde que lui avait tendue la jeune fille. Si bien que cette dernière se demanda si elle avait vraiment bien fait de venir lui proposer à boire…
Mais qu’importe, cette tignasse verte pouvait bien faire une tête de six pieds de long pour une quelconque raison, cela ne lui enlèverait pas le sourire victorieux qu’elle avait fiché sur son visage. Non, elle ne souriait pas devant l’apparence quelque peu loufoque du bretteur qui prouvait qu’il ne devait pas être du coin. Sous ses épaisses couches de tissus et vêtements amples aux multiples ouvertures, Lain se demanda un instant comment il faisait pour ne pas être gêné durant les combats. Mais qu’importe. La jeune fille savait très bien que se fier à l’apparence ne servait à rien.

Non, ce sourire là, elle l’avait gagné. Le village avait survécu à cet assaut, les pertes n’avaient finalement été que minimes, il y avait vraiment de quoi se réjouir malgré les dégâts matériels.
Après quelques secondes où il sembla la passer au crible, il accepta enfin la gourde. Pendant ce court laps de temps Lain n’avait pas pu s’empêcher de rajouter que ce n’était pas son genre d’empoisonner de l’eau qu’elle se proposait gentiment d’offrir. Et pendant qu’il testa si oui ou non elle disait vrai, la bretteuse remarqua que ce n’était pas sur un Beorc qu’il s’apitoyait avant qu’elle ne le dérange, mais bel et bien sur un de ces sous-humains. Alors que, continuant dans sa lancée, elle venait de lancer à toute volée qu’elle était loin de les porter dans son cœur…
La jeune fille allait le lui faire remarquer lorsqu’une soudaine quinte de toux incontrôlée l’arrêta. Le bretteur aux habits tout aussi étranges que son comportement du moment, semblait être en train de s’étouffer avec ce qu’il avait bu…

- Euh … j’t’assure que j’ai rien mis d’autre que de l’eau dedans …. (Enfin je crois) … T’es sûr que ça va aller ?

Voulant se montrer utile, elle s’était mise à lui donner une grande claque dans le dos… qui n’eût d’autre effet que de le faire tousser encore plus fort. Finalement, il s’en remit tout seul, comme un grand, et parvint à sortir une phrase qui déstabilisa la jeune fille qui finit par se relever. Elle planta son regard plein d’incompréhension dans les yeux de l’inconnu.
… Non, elle devait sûrement avoir mal compris …

- Arrête… On dirait presque que tu les défendrais là ! C’est moi ou t’es en train de me dire que ce n’était pas de leur faute s’ils viennent de crever ?! Ces sous-humains n’ont juste eu que ce qu’ils méritaient, c’est tout… déclara-t-elle dans un ton ferme qui ne tolérait aucune autre réplique.
Hey mais tu m’écoutes oui !?!

Levant ses yeux vers son interlocuteur qui s’était lui aussi levé, elle constata avec désarroi que ce dernier avait à présent le regard au loin, avec des pensées qu’il était le seul à connaître. Lain ne put s’empêcher de le secouer brièvement pour qu’il revienne sur le champ de bataille. A la remarque sur ses capacités de combat, elle aurait très bien pu se réjouir du compliment qu’il venait de lui faire. Pourtant, un froncement de sourcils accompagna sa réponse quelque peu acide.

- Qu’est ce que t’insinues par là … Qu’il faut être un vieux décrépi pour se prétendre bon à l’escrime ?! Ah ah, de toute façon toi non plus tu ne corresponds pas à la description – enfin, pas pour le moment du moins – et je peux pourtant te renvoyer le compliment !

Puis reprenant avec un peu plus de sérieux, sans pour autant perdre son sourire :
- L’âge n’a rien avoir avec la maitrise de l’arme. Tout le monde pourrait en arriver là s’il se donnait vraiment la peine de le faire. Ce n’est que lorsque l’on se donne vraiment les moyens de réussir, qu’on y arrive. C’est aussi simple que cela…

En disant ces mots, Lain avait ses yeux rivés sur son poing droit qu’elle venait de fermer. Sa conviction était toujours inébranlable et pouvait clairement se lire dans ses yeux d’argent. Ses dernières paroles venaient de lui rappeler le rêve d’enfance qu’elle s’était juré d’accomplir. Un doux rêve utopique autrefois… Mais la jeune fille ne se battait désormais plus que pour une seule chose : s’en faire une réalité. Oui, un jour, elle leur montrerait tous qu’elle pourrait devenir une grande bretteuse… Enfin, avant cela, Lain avait encore beaucoup de chemin à faire… A commencer par devenir indépendante des vieux marchands radins qui n’arrêtaient pas de l’arnaquer sur son salaire.

La dernière réplique de l’homme aux cheveux verts la sortit de ses pensées, et l’irrita davantage. Comment osait-il dire que ces sous humains les ressemblaient ?!
Ils n’avaient rien en commun. Absolument rien.
La différence ne se situait pas seulement qu’au physique, ils représentaient tout ce qu’elle détestait : l’arrogance, la fourberie, ce désir d’écraser les plus faibles…
Avant qu’elle n’ait pu lui sortir une réplique cinglante à ce propos, il lui avait déjà fourré sa gourde dans les mains et s’éloignait déjà à grands pas d’elle…
La laissant seule dans sa frustration.

Lain allait le rattraper lorsqu’à sa grande surprise, elle entendit quelqu’un l’appeler. Se retournant, elle vit alors Owyn, un autre membre de la petite escorte du riche marchand qu’elle accompagnait courir dans sa direction. La voyant visiblement – une fois de plus – de mauvaise humeur, il lui demanda ce qui n’allait pas mais elle balaya sa question d’un geste de la main pour lui demander d’en venir aux faits.

- Rigger est grièvement blessé, un laguz l’a salement amoché , dit-il en faisant référence à leur employeur du moment. Je l’ai apporté à un prêtre mais il avait l’air pas mal occupé et il commence sérieusement à se vider de son sang là..
- Et t’espères quoi au juste ? Que je me découvre de soudaines compétences de guérisseur ?! Tch. Mais qu’est ce que cet abruti faisait dehors aussi alors qu’on avait donné l’alerte ?!
- Ch’ais pas. Mais tu devrais peut-être voir si tu peux pas y faire quelque chose.. Chercher un autre prêtre pendant que je m’occupe de lui par exemple… Parce que, pu d’employeur.. pu de paye j’te signale.
- Hmph. Bordel, faut vraiment tout faire par ici… dit-elle d’un air résigné en lui emboitant déjà le pas.

Mais à peine avait-elle fait quelques pas, qu’elle s’arrêta lorsqu’elle revit le bretteur qui l’avait laissé en plan. Il avait l’air de s’occuper d’une victime de l’attaque éclair, comme lorsqu’elle l’avait rencontré. Encore un sous humain en plus. Tch.
… A une différence près, elle était convaincue d’avoir vu le présumer mort se débattre – faiblement certes, mais quand même – quand le grand type aux cheveux verts essaya de le tirer. Ses doutes se confirmèrent lorsque le soi-disant mort se débattit du mieux qu’il le pouvait pour lui échapper. Mais pourquoi ne l’achevait-il donc pas d’un seul coup ?! … A moins que .. Non .. il ne ferait quand même pas ça …
Lain n’écouta pas les protestations d’Oswin et tourna les talons en direction du bretteur aux habits bizarres. Il ne semblait pas l’avoir remarquée, tellement absorbait par sa tâche du moment…

- Besoin d’aide peut-être ?

Avant qu’il n’ait eu le temps de lui répondre, la jeune fille l’écarta d’un geste et marcha sans le moindre remord sur le laguz à l’agonie. Son cri de douleur mourut dans un gargouillis ensanglanté, lorsque sans crier gare, la lame froide de Coronach s’enfonça dans sa gorge en emportant avec elle son dernier soupir.
Et aussi rapidement qu’elle n’était apparue pour venir accomplir son devoir, elle rengaina Coronach, les yeux brillants de colère.

- Tu peux me dire ce qui cloche chez toi à la fin ?! Pourquoi ne l’as-tu pas buté comme tous les autres ?! Pourquoi t’as voulu aider un sous humain après en avoir tué des dizaines en même pas quelques minutes ? Tu vas me ressortir que c’est parce qu’ils nous ressemblent ?! Me fais pas rire. Ce ne sont que des bêtes qui sèment le chaos partout sur leur passage. La preuve en est aujourd’hui. Je pensais avoir devant moi un bretteur de ma trempe, mais je me suis trompée, je crois.

Sur le coup, elle ne le comprenait vraiment pas. Quelques minutes plus tôt il massacrait avec brio plusieurs de ces congénères, et voilà qu’il se mettait à vouloir sauver un de ses misérables vermines de la mort… La réaction de Lain était peut-être excessive sur le coup, même beaucoup trop pour les quelques personnes qui avaient tourné leur tête pour connaître la cause de ce remue-ménage. Mais sa soudaine colère faisait écho à celle qu’elle avait ressentie des années auparavant lorsqu’elle avait perdue tout ce qu’elle avait de plus cher.

A cause de qui ?
Eh bien, de ces sous humains…

Le félin n'avait même pas eu le temps de tenter quoi que ce soit, la lame l'avait mortellement transpercé, éclaboussant un peu plus les vêtements du Laguz de sang. Sans un regard pour le mort, la jeune femme avait retiré son épée et s'était tournée vers Stefan:
- Tu peux me dire ce qui cloche chez toi à la fin ?! Pourquoi ne l’as-tu pas buté comme tous les autres ?! Pourquoi t’as voulu aider un sous humain après en avoir tué des dizaines en même pas quelques minutes ? Tu vas me ressortir que c’est parce qu’ils nous ressemblent ?! Me fais pas rire. Ce ne sont que des bêtes qui sèment le chaos partout sur leur passage. La preuve en est aujourd’hui. Je pensais avoir devant moi un bretteur de ma trempe, mais je me suis trompée, je crois.

Il ne l'avait pas interrompue. A quoi bon, sa colère était très nettement perceptible dans le regard qu'il lui adressait et qu'elle se faisait sans doute un plaisir de lui rendre:
- Ce serait plutôt à moi de crier je pense... dit-il en se redressant Depuis quand achèvent-on un ennemi blessé et sans défense ! Est-ce ça que tu appelles être un véritable bretteur ? Enfoncer ta lame dans le coeur de ton adversaire sans lui laisser la moindre chance de riposter?

Plus le bretteur parlait, plus il sentait la rage l'envahir. Toutes ces années passées à les aider, tous ces combats menés pour en arriver ce résultat. Son regard, devenu aussi dur et froid que la glace, fixa la fille aux cheveux rouges sans prêter attention aux badauds qui avaient commencés à se rassembler:
- Vous me répugnez... Votre haine vous consume tellement qu'il vous est impossible de voir plus loin que le bout de votre nez ! Vous vous plaignez sans cesse de la guerre mais vous ne faites rien pour y mettre fin ! Ou plutôt si... Vous ne pensez qu'à exterminer le peuple d'en face. Vous êtes sans doute aussi stupides que ces Laguz que vous méprisez tant, incapables de faire le moindre pas vers l'avant, vous préférez vous enfoncer dans votre ignorance et dans la violence.

Le bretteur avait haussé la voix désormais et il ne faisait aucun doute que toute la place devait l'entendre. Il aurait droit aux cris et aux sifflets mais aucuns de ces lâches n'oserait prendre les armes contre lui. Les corps qu'il avait laissés sur le sol témoignaient en sa faveur:
- Alors oui j'ai tué et oui je tuerais encore mais s'il m'est possible de sauver une vie alors je le ferais qu'elle soit Laguz ou Beorc. Et cela m'apporte quelque chose que ni toi ni aucun d'entre vous ne pourrez comprendre tant que cette guerre continuera.

Ramassant son sac, le bretteur se retourna vers la jeune femme une dernière fois:
- Reste ignorante et en colère si tu le souhaites mais ne t'interposes plus dans ce que j'entreprends !

Sur ces mots, le bretteur fendit la foule sous les huées et les sifflements comme il l'avait prédit. Il devait quitter le village avant que l'un d'eux ne pense à appeler la milice pour le faire emprisonner en tant que traître. Il avait peut-être été dur avec eux mais constater à quel point ses efforts étaient inutiles le révoltait. Qu'ils restent donc dans leur ignorance ces imbéciles. La prochaine fois, il ne serait pas là pour empêcher les Laguz de prendre leur revanche.

" Les Laguzs rendent le mal pour le bien.
Ce ne sont que des hypocrites qui trahissent à la moindre occasion,
Des lâches incapables de se maitriser et ils sont mauvais de nature.
Même si nous les assujettissons,
nous ne pourrons espérer d’eux qu’ils restent fidèles à leurs maitres.
Nous devons donc les exterminer jusqu’au dernier,

Au nom de la Justice !
C’est le seul moyen de faire régner la paix et l’ordre dans notre monde ! "
(SLD 5)

Regan, un Beorc ayant perdu femme et enfants durant l'attaque du village de Lain.

_____ Bizarrement, ce souvenir enfoui au fin fond de sa mémoire lui revint en tête à ce moment là. Même si les traits de l'homme qui avait prononcé ces paroles étaient un peu flous, elle se rappelait très nettement avec quelle force et panache il les avait dites. Grâce à lui, plusieurs villageois qui avaient tout perdu, jusqu'à même leur raison de vivre, relevèrent la tête.
Lain en faisait partie.

Alors quand le bretteur aux cheveux verts lui fit remarquer qu'elle n'avait aucun honneur à tuer un de ceux qu'elle détestait tant à l'agonie, la jeune fille émit un petit rire bref, sans aucune note d'humour. Même s'il la dépassait de bien d'une tête et même s'il était assez imposant de par sa stature, Lain ne cilla pas une seconde. Elle se contenta de lui jeter un regard noir avant de lui répondre d'un ton égal :

- Tu peux me dire ce qu'il y a de mal à tuer un sous humain sans défense ? Si c'était face à un Beorc, j'aurai compris la raison de ton indignation, mais justement ce n'en est pas un. Il n'a eu que ce qu'il méritait après tout, dit-elle avec dédain en haussant les épaules.
Tu penses qu'ils n'auraient pas hésité à tuer une personne sans défense peut-être ? Si les rôles avaient été inversés, que crois tu qu'il aurait fait ? D'après toi, pourquoi sont-ils venus attaquer ce village, à cette heure-là ? Pour faire la surprise d'un grand feu de joie à l'attention de tous ces petits beorcs qu'ils aiment tant, bien fatigués après une dure journée de labeur ? Si je ne l'avais pas tué, celui-là aurait continué à massacrer des beorcs -sans défense-, c'est ce que tu aurais voulu ?, poursuivit-elle en désignant d'un coup de pied le cadavre.

Tandis que leur échange devenait de plus en plus vif et mordant, les personnes intriguées s'étaient à présent massées autour d'eux, bien décidées à savoir l'origine de cette animation soudaine. Certains jetèrent un regard à la dépouille du laguz gisant dans une mare de sang au milieu des deux protagonistes. D'autres commençaient déjà à chuchoter afin de renseigner les nouveaux arrivants. Mais personne ne semblait vouloir les arrêter alors que la tension montait de plus en plus à son comble.
Apparemment, l'ami des sous humains n'avait pas du l'air d'avoir apprécié sa réponse. Lain avait déjà connu quelques personnes pacifistes, après tout son maître l'était quelque peu, mais celui-là dépassait quand même tout ceux qu'elle avait pu connaitre. Le regard à faire froid dans le dos qu'il lui lança ne présageait rien de bon, et faisait écho à la rage qui le consumait à ce moment même.
La jeune fille ne cilla cependant toujours pas, il lui en fallait bien plus pour qu'elle perde son aplomb.
Pourtant, elle était déconcertée par la tournure qu'avait prise les évènements. Lain ne comprenait toujours pas cet homme qui prétendait que la violence ne résoudrait rien...

_____ Comment pouvaient-ils cohabiter avec ces monstres qui ne pensaient qu'à semer le malheur chez les siens ?

L'idée même lui était impensable.
L'attaque de ce soir avait une fois de plus montré qu'ils ne reculaient devant rien pour répandre le chaos autour d'eux. Alors, comme la majeure partie des personnes présentes sur la scène, Lain ne voyait pas d'autre solution que l'extermination simple et totale des sous humains. Des insultes et des sifflets de désapprobation ponctuèrent tout le long du discours du bretteur. Il devait être fou pour sortir ce genre de choses comme ça - carrément en train de le gueuler au centre d'une place -, surtout lorsque le village venait de subir une attaque. Lain n'avait cependant rien rajouté de plus, se contentant simplement de l'écouter.
Bien que toujours en rogne, la bretteuse avait désormais le regard rempli d'incompréhension. Plus cet homme parlait, moins elle le comprenait. De toute façon, il avait raison sur un point ...
Elle ne le comprendrait certainement jamais vu que la guerre était loin d'être terminée.

C'est donc sans un mot qu'elle le regarda partir sous une tonne de huées et de sifflements. A quoi bon lui répliquer autre chose ? A quoi bon le provoquer davantage ? Tous ces gens s'en chargeaient déjà très bien. Mais de toute façon, lui non plus ne la comprendrait certainement pas.
Malgré le fait qu'il ait de drôles de pensées pour un Beorc, Lain ne put s'empêcher d'apprécier le fait qu'il parte la tête haute, sûr de ses convictions. Quel drôle de numéro toute de même...

____________________

_____ Après avoir remis le village à peu près en état, les beorcs, épuisés mais contents d'avoir pu rééchapper à l'ennemi, rentrèrent doucement chez eux. Occupée à astiquer soigneusement et rigoureusement sa lame afin d'éliminer toutes les impuretés, Lain n'arrivait pas à chasser les paroles de cet inconnu de sa tête. Lorsqu'elle eût enfin fini son laborieux travail, elle contempla Coronach qui brilla à la lumière de la lanterne.
Non mais franchement, qu'est ce qu'il lui avait pris de le défendre devant les autre villageois ?! Cet homme méritait bien la milice aux fesses après tout ce qu'il avait pu dire, il l'avait bien cherché. Et puis surtout, c'était pas ses oignons.. Pourtant, elle l'avait fait, à son grand étonnement même, ce qui l'énervait encore plus.

La bretteuse jeta avec rage le pauvre morceau de tissu dont elle se servait comme chiffon contre le sol. C'était de sa faute tout ça.. Il payait rien pour attendre..
Sa décision était prise. Se levant d'un bond et s'équipant à la vitesse de l'éclair, elle quitta l'auberge sans un mot d'explication pour les autres occupants de la pièce.

Seul hic, mais elle ne le constata que lorsqu'elle avait passé les portes de la ville sous le regard à moitié endormi des gardes, elle n'avait absolument aucune idée d'où est ce qu'il avait bien pu aller. Cela faisait approximativement trois bonnes heures que Lain l'avait vu partir. Le seul indice qu'elle avait était qu'il avait quitté le village.. Mais pour aller où ?!
Un vent frais souffla et la fit comprendre que c'était encore une fois du grand n'importe quoi que de se lancer tête baissée, on ne sait où. Mais qu'importe.. De toute façon, elle avait besoin de marcher et de s'éclaircir les idées dans son état.
Alors, c'est ce qu'elle fit, en s'emmitouflant encore plus dans sa légère cape de fortune.

Un vent frais s'était maintenant levé et balayait la vaste plaine aux alentours. Stefan en profita pour resserrer son manteau et remercier les inventeurs de ce précieux tissu. Le petit nuage de vapeur qu'il exhalait à chaque expiration suffisait à lui indiquer que le manteau faisait correctement son travail isolant. Perdu dans ses pensées, il se remémorait les derniers évènements. Comment ces gens pouvaient-ils être aussi obtus? A les entendre on aurait pu croire que la vie n'avait aucun intérêt. Bien au delà de ces bêtes considérations entre Laguz et Beorcs, personne ne méritait de mourir pour assouvir une chose aussi stupide qu'un héritage de haine et de violence transmis au fil des ans.

Ramené à la réalité par une nouvelle bise glaciale, le Beorc continua sa marche. Aucune forêt ne se trouvait suffisamment proche pour qu'il l'atteigne en quelques heures. Le village était vraiment situé au beau milieu d'une plaine et seule une colline à proximité pouvait lui promettre un quelconque abri contre le froid mordant qui risquait de s'installer durant la nuit. La colline était beaucoup moins haute qu'il ne l'aurait espéré: un bien maigre rempart contre le vent... Lui qui espérait dormir dans un vrai lit pour au moins une nuit... Poussant un soupir de déception, Stefan jeta son sac dans le renfoncement qui lui semblait le plus protégé et entreprit d'examiner ses réserves : une couverture, quelques lanières de viandes séchées, du pain, une pomme et deux pierres de couleur assez foncée. Outils indispensable à tout bon voyageur qui se respecte pour pouvoir espérer se chauffer ou bien se protéger d'un prédateur quelconque... La plaine n'offrait malgré tout que quelques vagues buissons séchés et abimés par les rafales incessantes. Pas de quoi faire un feu de joie mais cela conviendrait parfaitement pour tenir dans le maigre intervalle qui précédait l'aube.

Sa petite corvée de bois achevée, le bretteur entreprit de déblayer une petite surface avant d'y amonceler un petit tas de brindilles monté en forme de cône. Il lui fallut une bonne dizaine de tentatives accompagnées de jurons et autre tapages de doigts avec les pierres pour obtenir quelques maigres étincelles... Evidemment pas orientées vers la bonne cible. Stefan se retint de fracasser les pierres l'une contre l'autre et entreprit d'améliorer sa technique. Après de nouveaux efforts et dix bonnes minutes à souffler sur de maigres braises, il parvint à obtenir de faibles flammèches. Les protéger du vent fut tout aussi difficile mais le bretteur parvint à obtenir un feu de camps plus que convenable. Les braises chaudes et rassurantes eurent vite fait de désengourdir ses doigts et il s'installa rapidement. Un repas frugal et rapidement réchauffé eut tôt fait d'achever sa soirée et le bretteur en profita pour astiquer sa lame avec de l'herbe et quelques poignées de terre avant de l'essuyer avec un morceau de tissu. La lame eut tôt fait de perdre les quelques tâches de sang séché qui l'ornait encore et de retrouver un éclat plus que convenable. Son regard se perdit alors dans les flammes tandis qu'il s'adossait à son paquetage. Il n'était pas particulièrement fatigué mais la chaleur le berçait doucement tandis que le vent s'acharnait sur le flanc de la colline. Il n'avait pas si mal choisit son emplacement que ça finalement...

[J't'avais prévenue Stefan.. M'enfin, tant pis.. Tu l'as voulu, eh bah tu l'as eu ! x)]

Fallait quand même le dire..
Y’avait vraiment des jours où on se pelait les fesses modèle géant dans cette foutue région..

A moitié gelée, Lain continuait d’avancer obstinément vers un lieu qu’elle-même ignorait. Sa cape légère ne la protégeait pas aussi bien qu’elle le devait – et surtout qu’elle le souhaitait -, peut-être à cause des multiples trous qui s’y étaient formés durant la bataille.. Le vent s’y engouffrait très bien –trop bien même -. Son souffle glacial ne la quittait décidément pas d’une semelle depuis qu’elle avait quitté le village, et ce, à son plus grand désarroi.
Son bon sens lui disait de faire demi-tour… Que faire les cents pas dans sa minuscule chambre de l’auberge n’était pas si mal finalement, même si Owyn râlerait certainement à la voir agir tel un animal en cage.

De un, c’était absolument pas dit qu’elle le retrouverait. Elle savait pister, mais la faible luminosité du lieu rendait sa tâche encore plus ardue. De deux, elle ne savait pas ce qu’elle ferait si elle le retrouvait enfin.. Il l’avait vraiment mise en rogne, mais vu comme ça, la jeune fille trouvait son attitude tout à fait absurde…
Bon, de toute façon, il était trop tard pour reculer à présent. Se retournant à demi, un clair de lune éclaira le village qu’elle venait de quitter. Et, à le regarder de loin, Lain ne put s’empêcher de la trouver ridiculement faible à ce moment là. Même les gardes somnolaient devant. Faut pas s’étonner qu’après, ces maudits sous-humains en profitent par la suite..
Non.. La seule solution pour pouvoir enfin vivre en paix, c’était d’éliminer tous ces sous-humains qui ne cherchaient qu’à répandre le malheur partout où ils passaient. Et c’était justement ce qu’elle voulait faire entendre au bretteur de tout à l’heure. La jeune beorc ne pouvait se résoudre à laisser quelqu’un de sa tempe faire autant fausse route.

Reprenant sa marche solitaire et transie plus que jamais de froid, la bretteuse se mit à désirer ardemment un bon feu… Que ne donnerait-elle pour entendre en ce moment même un feu crépitait joyeusement et pour se réchauffer à la simple vue des flammes.
Il suffisait simplement de demander.
A l’arrière d’une petite colline, s’élevait un trait de fumée poussé par le vent qui ne démordait toujours pas. A sa vue, Lain se sentit requinquée et avança de plus belle vers ce signe salutaire, courant presque à travers les herbes hautes de la plaine.
Arrivée au dessus, elle crût apercevoir une tignasse verte gisant à côté du feu de camp. Il était donc bien là. La bretteuse dévala la colline en trombe et stoppa sa course net devant les yeux ébahis du vagabond et sans se soucier de quoique ce soit, elle s’accroupit devant la source de chaleur.

- Un feu de camp ! Quelle bonne idée ! J’en rêvais justement !

Pendant un court moment, la jeune fille contempla les flammes avec des yeux digne de ceux d'une gamine à qui l’on venait d'offrir un cadeau. Y’a pas à dire, un bon p’tit feu, y’a que ça pour vous remettre d’aplomb ! Mais lorsqu’elle reposa son regard sur le bretteur, elle n’en était pas moins que la personne qui avait tué des laguzs sans aucun remord un peu plus tôt.

- T’as eu raison de partir avant que ça ne pète là-bas, dit-elle en désignant la direction du village par d’un signe de la tête. Juste après ton départ, plusieurs personnes voulaient déjà te faire la peau vu le topo que tu nous as sorti sur ces sous-humains. Après tout c’est normal, je les comprends tout à fait… Et c’est d’ailleurs pour cela que j’suis là !

Sans crier gare, la bretteuse avait déjà dégainé sa lame le temps de finir sa lame et avait bondi sur l’homme aux cheveux verts, pensant arriver à le prendre de court…
S’il n’arrivait pas à entendre raison de lui-même, elle allait l’aider. Les sous humains ne méritaient pas qu’on les défende, et ceux qui le faisaient allait le payer cher.

- Un feu de camp ! Quelle bonne idée ! J’en rêvais justement !

Tiré de sa léthargie, le bretteur ne put que regarder d'un air ensommeillé et surprit la jeune femme qui venait de s'incruster près de son feu. Secouant son esprit embrumé, il contempla un peu plus avant cette étrange bonne femme qui l'avait suivie. Ses cheveux étaient effectivement d'un rouge peu banal et elle portait une cape de voyage plutôt légère. Rien de bien encombrant mais le bretteur ne put s'empêcher de frissonner pour elle et de resserrer les pans de son manteau:
- Je suppose que tu ne m'as pas suivi uniquement pour profiter de mon feu ?

Le regard qu'elle lui lança suffit à le réveiller complètement. Ses deux yeux gris acier ne contenaient plus la moindre trace de cette joie toute enfantine qu'elle avait manifesté tout à l'heure. Là maintenant tout de suite elle lui faisait penser à... Ben à lui lorsqu'il arrêtait de faire l'imbécile à vrai dire... Soudain plus nerveux, le bretteur jeta un coup d'œil au fourreau rouge sang appuyé contre sa cuisse:
- T’as eu raison de partir avant que ça ne pète là-bas. Juste après ton départ, plusieurs personnes voulaient déjà te faire la peau vu le topo que tu nous as sorti sur ces sous-humains.
- Bah je finis par avoir l'habitude de dormir à la belle étoile...

Le bretteur se détendit légèrement quoique pas totalement. Il y avait toujours ce regard sérieux et très insistant...
- Après tout c’est normal, je les comprends tout à fait…

La jeune femme s'était relevée. Son ton de voix s'était durci et elle semblait très déterminée... Ce fut peut-être cela qui fit réagir le bretteur. Le fourreau glissa le long de sa jambe droit vers sa main:
- Et c’est d’ailleurs pour cela que j’suis là !

Le bruit de l'acier jaillissant du fourreau fut comme un déclic mais le bretteur, assis comme il l'était, n'eut peu de temps pour réagir. Son fourreau rencontra la lame de son adversaire juste avant qu'il ne s'esquive en roulant sur le côté. Rapidement sur pied, il brandit Katti devant lui tandis que l'étui écorché volait un peu plus loin suite à un souple lancer:
- Ohoh! Quelle fougue! Tu fais toujours rentrer tes idées dans la tête des gens de cette façon?

Les deux épéistes s'élancèrent à peu près en même temps et le choc des lames résonna par delà la plaine. Sous la pleine lune, deux adversaires de valeur virevoltaient. Le bretteur commença par enchainer deux trois coups puissants. Pour une fois qu'il avait l'avantage de la force et du poids, autant ne pas s'en priver. La contrattaque rapide de son adversaire lui fit pourtant rapidement oublier cette idée. Non vraiment il était plus fait pour la vitesse, la finesse ou la délicatesse. Tout un art! Reprenant donc son bon vieux style, mélange de l'école du désert et du monde extérieur, le Beorc s'élança de nouveau, feintant parant et esquivant à qui mieux mieux. Dès les premiers échanges il dut toutefois reconnaître que la jeune femme se débrouillait bien... Très bien même: c'en était presqu'effrayant: une telle maîtrise de l'épée alors qu'elle semblait à peine sortie de l'adolescence... Tiré de ses pensées par une attaque un peu plus rapide, il fut contraint de reculer près de la butte:
- Tes idéaux te motivent au moins autant que les miens. C'est bête... Il va nous falloir continuer ainsi jusqu'à ce que l'un de nous deux périssent... Alors ? Laquelle de nos deux visions est la plus erronée?

Le bretteur respira un grand coup et prit une position offensive, la lame pointée vers son adversaire et la tenant à deux mains. Maintenant qu'il l'avait un peu observée, il allait s'y mettre pour de bon. Oh bien sur il se doutait qu'elle n'avait pas tout donné mais il n'était pas dit qu'il était sans ressources non plus. Ses pieds le propulsèrent rapidement vers l'autre et les deux lames se retrouvèrent de nouveau l'une contre l'autre. Stefan ne tenta pas de duel de force mais en profita pour se décaler légèrement sur le côté et placer une autre attaque rapide. Sentant à nouveau la garde de la jeune femme, il recula pour esquiver une attaque et plaça Katti juste au bon moment entre le morceau de métal et son torse. Virevoltant dans son grand manteau bleu, le bretteur ne put empêcher une seconde attaque plus rapide de passer sa garde et se retira juste à temps pour en retirer une belle éraflure sur l'épaule. Attaquer, il ne devait pas céder. Plongeant sur le côté, il esquiva un nouveau coup latéral avant de se jeter droit sur son adversaire. Sa lame siffla tandis qu'il visait les côtes de son ennemie.

Le fourreau rencontra sa lame et dans un bruit d’acier, le bretteur aux cheveux verts dégaina la sienne.

____Intérieurement, Lain se réjouit de sa riposte, mais seul le fantôme d’un sourire ironique sur ses lèvres en était le témoin. C’était justement ce qu’elle attendait.
Un duel contre cet homme aux idéaux si différents des siens. Finalement, tout ceci n’avait été qu’un prétexte.. Ou pas. Les yeux brillants aussi bien d’excitation que de colère, la jeune fille reprit une position de combat, déjà prête à encaisser un coup qui n’allait pas tarder à venir.

____Son adversaire ne se fit pas prier, à peine s’était il levé que déjà sa lame s’écrasa contre Coronach dans un cliquetis d’acier. Pour le moment, elle se contenterait de parer, ne serait-ce que pour avoir un aperçu de son jeu de lame, mais surtout parce qu’elle savait qu’il valait mieux ne pas attaquer directement un guerrier de sa tempe. Le peu qu’elle avait vu un peu plus tôt l’avait impressionné, pour sûr que cet homme était un bretteur chevronné.

Tant mieux. Cela faisait des lustres qu’elle n’en avait pas vu.

____Fallait quand même avouer.. Cette tête d’algues était plutôt forte et habile dans ses mouvements. Lain eût d’abord un peu de mal à encaisser ses premiers coups qui ne manquaient absolument pas de puissance. Les parades la firent grincer des dents, mais elle tint bon sur ses jambes solidement ancrés au sol et riposta d’emblée, resserrant encore plus sa prise sur son épée. Repoussant une nouvelle attaque, la bretteuse feinta et utilisa rapidement une manœuvre de désengagement.
Puis il sembla changer de tactique, préférant la vitesse à la force. La jeune fille aux cheveux rouges esquissa un sourire, le duel allait vraiment commencer cette fois-ci.

____Elle avait préféré un jeu de jambe léger pour éviter les attaques qui commençaient à pleuvoir de toutes parts. Lain plissait les yeux dans cette pénombre environnante, décrivait des cercles et faisait tournoyer Coronach dans des enchainements serrés qui lui avaient pas mal servis pendant ses entrainements. Les échanges devenaient au fur et à mesure de plus en plus vifs et rapides. La jeune beorc faisait étalages de pratiquement toutes les bottes qu’elle avait apprises depuis ses quelques années de combat avec force et acharnement. Mais presque à chaque fois, sa lame rencontrait la défense solide de son adversaire.
Bizarrement, elle n’avait pas l’air agacée mais plutôt contente qu’il les pare ou esquive à chaque fois… Ou presque.
Une lueur d’espoir s’alluma dans ses yeux d’argent lorsqu’elle remarqua qu’elle était en train de gagner du terrain. Alors que des spectateurs d’infortune auraient largement parié sur la victoire du bretteur, à son physique plus carré et plus costaud.
____Et dans un brusque mouvement, elle se fendit lorsqu’elle vit une ouverture. Trop tard. Son adversaire évita sa lame et se retrouva acculé à la butte. Profitant de ce petit moment d’accalmie pour reprendre son souffle en même temps que lui, la jeune fille émit un petit rire bref à sa remarque mais ne baissa pas sa garde pour autant. Avant qu’elle ne puisse le répondre, il avait déjà bondit, la lame en avant mais Coronach était déjà prête. Lain bloqua un coup de taille en levant son épée et ils luttèrent ainsi, lame contre lame et nez à nez. Elle se permit une brève réponse au bretteur :

- Tu te débrouilles p’tetre pas mal, tête d’algues, mais je vais te prouver que les laguzs ne méritent pas que l’on prenne leur défense ! D’ailleurs, ça serait bien de savoir à qui ai-je l’honneur… Avant de te voir mourir.

____Un sourire carnassier se ficha sur le visage de la Beorc.
Puis dans un tourbillon d’acier, il se désengagea et tenta une attaque rapide sur le côté, mais la bretteuse para adroitement le coup, ripostant de plus belle. Son adversaire aussi était prêt, car une fois encore, Coronach alla s’écraser dans un bruit sonore contre l’autre lame. La sienne causa une blessure superficielle à l’épaule du bretteur alors qu’elle essayait de profiter d’un angle d’attaque pendant qu’il se remettait en position.
Avant même qu’elle n’ait pu se réjouir de ce coup, il l’attaqua sur le côté, trouvant ainsi une ouverture dont Lain aurait juré qu’elle n’existait pas.

____Lain n’avait plus assez de temps pour parer le coup, mais se débrouilla néanmoins pour reculer d’un bond. Elle sentit alors la lame de son adversaire griffer le cuir de sa veste de combat, juste au dessus des côtes.
Mais une nouvelle attaque l’attendait déjà, et elle ne put en réchapper que par un saut en arrière. Mais la désagréable sensation brulante sur ses talons lorsqu’elle atterrit, la prévint qu’elle s’était dangereusement rapprochée du feu qu’elle avait tant admiré un peu plus tôt. Elle grimaça. Coincée par ce feu et par lui devant, ça risquerait d’être un peu chaud – et c’était vraiment le cas de le dire ! -.

____Il lui fallut un saut périlleux d’acrobate pour s’échapper et ne pas être acculée à ce feu si gênant à présent. Lain esquiva le tourbillon des attaques du bretteur aux cheveux verts, avant de riposter de plus belle. Les deux lames tournoyaient dans une danse mortelle et ne laissaient décidément aucun répit aux deux combattants. Après quelques minutes d’échanges vifs et intensifs qui ne fit rien de mieux que multiplier les entailles et autres écorchures, ils étaient toujours au même stade. La jeune fille avait besoin de reprendre son souffle, et le combat ne lui en offrirait pas l’occasion. Profitant de ce léger moment de faiblesse où elle s’était largement exposée, le bretteur frappa. Lain se tourna à demi par réflexe et reçut une blessure à son bras gauche qui l’avait suffisamment coupée pour la cuire cruellement. La parade qu’elle remonta juste à temps, lui tira une exclamation de rage. Puis elle se fendit, faisant suffisamment confiance à son élan pour se placer à l’intérieur de la trajectoire d’attaque de son adversaire.

____Lain ne se souciait pas de la fatigue qui commençait à l’envahir, ni de sa prise qui commençait à glisser, ni des entailles qui parcouraient sa peau à découvert ou de sa blessure toute fraichement apparue. Totalement absorbée dans le duel, elle n’avait d’yeux que pour la lame de son adversaire, tentant d’entrevoir l’ouverture qui lui assurerait la victoire…

La lame ripa sur la tenue de sa jeune adversaire sans infliger de dommages. Qu’importe, il était prêt. Prenant la jeune femme de court, le bretteur parvint à ralentir sa vitesse en la prenant à contre pied. Katti fouetta malheureusement le vide une fois de plus. L’autre avait bondi en arrière… Toutefois, sa situation n’était guère brillante :
- Mon nom est Stefan et personnellement…

Il réajusta sa garde et chargea de nouveau :
- … Ca m’ennuierait de mourir aujourd’hui.

Sa lame s’approcha dangereusement de son adversaire. Elle ne pouvait plus esquiver que par la droite ou la gauche ce qui lui permettrait de prendre l’avantage et si elle décidait de parer, c’était la cuisson bien à point… Tout ce qu’elle pouvait faire c’était… Sauter ? Il hésita un fragment de seconde en observant la figure aérienne de la jeune femme,… Un peu trop longtemps d’ailleurs : Katti ne trancha que les flammes :
- Qu’est-ce que c’est que ce singe !

Ni une, ni deux, le bretteur bondit par-dessus le petit feu de camps avant de reprendre les échanges de coups. Les deux lames crachaient des étincelles et rivalisaient d’adresse, chacune essayant de feinter l’autre, de trouver une faille… Des failles il y en avait mais les deux Beorcs contrôlaient parfaitement leur bras et les deux lames ne formaient plus qu’une extension de leur corps. Le temps passait et le duel s’éternisait. L’un comme l’autre donnait autant de coups qu’il en recevait mais seules quelques rares attaques bien échafaudées parvenaient à égratigner la peau de l’autre. Le bretteur devait d’ailleurs reconnaître que son adversaire tenait parfaitement la distance malgré son jeune âge. Si elle parvenait à survivre et à se perfectionner, il lui suffirait de quelques années seulement pour l’envoyer valser en quelques passes. Mais aujourd’hui, il avait une leçon à lui donner et quelque soit sa force, il y parviendrait. Repoussant une fois de plus la fatigue de son bras, Stefan s’élança de nouveau contre elle avec plus de succès que les fois précédentes. Sa lame rencontra une légère résistance, signe qu’il avait touché quelque chose mais il dut aussitôt battre en retraite face à la contrattaque rageuse de la jeune femme. Un peu trop tard malheureusement, la rouquine profita du faible espace que lui avait laissé l’attaque pour frapper de taille.

La suite fut un peu confuse, les pupilles du bretteur n’avait plus d’yeux que pour cette fine trainée de sang qui volait dans l’espace tandis qu’une cruelle brûlure lui parvenait des côtes et il fut contraint de battre en retraite loin de la lame de la jeune bretteuse. L’estafilade n’était pas spécialement grave mais un filet de sang en dégoulinait en quantité suffisante pour tacher ses vêtements. Cela ne servait plus à rien de continuer : chaque mouvement le ferait souffrir et ouvrirait un peu plus la plaie. Oh certes il pouvait l’affronter pendant un bon moment encore mais s’il ne parvenait pas à lui infliger une blessure décisive rapidement, sa fatigue accrue par ce léger handicap assurerait la victoire de la jeune femme. Tandis que son esprit carburait à toute allure, le bretteur reprit sa position. Dans son état actuel, il devait toucher son adversaire ou perdre… Il ne lui restait pas énormément de solutions et il fallait se décider vite, l’autre rappliquait au triple galop. Le fin halo blanc le recouvrit à nouveau lorsqu’il localisa son étincelle :
*Moment de vérité… Voyons voir la force de tes propres convictions.*

L’attaque de la jeune femme vint de la droite mais le bretteur ne fit que parer mollement ; juste suffisamment pour dévier la lame, il n’était pas encore prêt. Il ne fit cependant rien pour esquiver la botte qui l’atteignit au ventre, l’envoyant rouler bouler quelques mètres en arrière. Qu’importe, le lien était établi. Le bretteur roula sur le dos et se releva juste à temps pour envoyer un violent coup d’épée contre la lame qui fonçait droit vers son crâne. Une attaque. Il sentait l’énergie contracter chacun de ses muscles, renforcer son bras et annihiler la douleur de son coté. Sa volonté était sans faille et c’était bien ce qu’il espérait faire ressentir à son adversaire.

Profitant de sa contrattaque surprise, le bretteur s’élança. Ses yeux rendus plus pâles par la magie qui le parcourait ne cillaient pas et restaient fixés sur sa cible. En un instant, déployant une nouvelle vigueur, il fut sur elle et frappa encore une fois. Deux attaques. Sentant sa garde, il la força encore à reculer en frappant de nouveau, ignorant totalement sa propre protection. Elle se décala légèrement et parvint à esquiver la lame au prix de quelques mèches de cheveux.Trois attaques. Le regard du bretteur croisa celui de sa jeune adversaire. Elle était trop proche de lui pour pouvoir espérer parer convenablement sa prochaine attaque mais sa propre position laissait une ouverture qu'un adversaire au style agressif comme elle ne pouvait louper... Surtout un adversaire ayant de l'expérience. Quelle ironie ! Sa propre botte secrète venait de le mettre dans une position délicate. Emporté, par son élan, le bretteur perçut du coin de l'œil l'éclat de la lame de son adversaire. Il n'avait plus rien à perdre, le quatrième assaut serait décisif. C'était ça ou se retrouver avec une lame plantée en travers du tronc. Sa main lâcha la garde de Katti tandis que l'autre tentait de s'en emparer. Un mouvement risqué mais qui aurait l'avantage de lui permettre de prendre de vitesse la jeune femme sans avoir à se repositionner. Le Stellaire décuplait force et vitesse pendant un instant mais le bretteur ignorait si sa dextérité s'en trouvait améliorée également. Toujours est-il que ses doigts se refermèrent bien sur la poignée dorée de la garde. Soudain, plus confiant, le bretteur stoppa son élan et abattit sa lame sur la bretteuse. Quatrième attaque.

Touché.

Lain sourit lorsqu’elle vit que son coup avait réussi, provoquant une légère blessure au flanc gauche de son adversaire. Elle n’était peut-être que légère, mais elle savait ô combien que des blessures de ce type – et tout comme celle qu’elle avait au bras - pouvaient très vite se montrer handicapant… En frappant dedans par exemple.
Pour elle, ce n’était en aucun cas le moment de faiblir, et encore moins de laisser le moindre moment de répit pour cet ami des bêtes. La jeune fille protégeait comme elle le pouvait son côté gauche devenu à présent vulnérable par sa plaie qui continuait à saigner. Si elle avait mal, elle serrait les dents, et mettait toute sa hargne à achever ce combat au plus vite.

Mais tandis qu’elle allait enchainer tout de suite par une autre botte, son adversaire recula et sortit de son périmètre d’attaque. L’épéiste ne s’en soucia guère pour le moment, et rechargea de plus belle vers son adversaire. Ce n’était plus le moment de fuir.. Il devait très bien le savoir, en tant qu’épéiste plus expérimenté qu’elle, non ? Oui, car il n’y avait pas de doute que ce « Stefan » ait plus d’années d’expérience dans ce domaine qu’elle. Mais elle savait bien que ça ne faisait pas tout. Certes, c’était un facteur assez conséquent dans la victoire, mais plus encore, il fallait l’avoir, cette envie de gagner…
Douter, ne serait ce qu’une seule seconde, et c’était la fin assurée.
Et des doutes, elle n’en avait aucun. Lain était persuadée d’avoir raison sur la question des sous-humains, et elle comptait bien le lui faire entendre ce soir-là.

Lorsqu’elle abattit sa lame avec un cri de rage sur son adversaire, la réplique molle qu’il lui fit la décontenança un moment. Un léger froncement de sourcils montrait sa surprise de ne pas avoir trouvé la résistance qu’elle croyait trouver…
Non, pas lui… Pourquoi.. ? Pourquoi cette riposte si faible ?
Une simple blessure serait la cause de cette faiblesse ?
Dans l’espoir de le piquer au vif, elle lança à toute volée une réplique :

- Eh tête d’algues, me dis pas que tu fatigues déjà.. Quoiqu’il en soit.. Ce soir, je te battrai.

Un coup bien placé au ventre – en plein dans la blessure qu’elle lui avait infligée – l’envoya bouler un peu plus loin.
La jeune fille parut soudainement déçue. Lain avait pourtant juré s’être trouvée un adversaire de taille pour une fois. Et voilà, qu’il abandonnait déjà ?! Il était exactement comme tous les autres finalement. Fuyant et lâchant prise à la moindre difficulté…
Resserrant encore plus la prise sur sa fidèle Coronach, le sourire de la jeune fille n’était déjà plus qu’un fantôme de souvenir, lorsqu’elle lui porta le coup qui aurait dû lui être fatal.

…. Mais contrairement à ce qui s’était passé quelques secondes plus tôt, le choc des deux lames avait été d’une rare violence cette fois-ci. Ses yeux azurés qu’elle croisa reflétaient désormais quasiment la même détermination qui brillait dans les siens.. Il n’y avait pas que ça.. Lain le sentait plus que jamais maintenant qu’elle était tout juste à côté de lui. Son aura avait augmenté. La magie qu’il utilisait parcourait la moindre parcelle de son corps à présent.
Bien. Elle le préférait ainsi.
Le bretteur aux cheveux verts ne lui fit pourtant aucune faveur et contrattaqua immédiatement, la prenant de court avant qu’elle n’ait pu remonter sa garde. Grimaçant de douleur, elle ne fit cependant aucunement attention à cette profonde entaille à la cuisse. Mais à la seconde attaque, Lain était déjà prête et para du mieux qu’elle put… Elle ne savait pas ce qu’il avait fait, mais il avait totalement l’air revigoré, plus en forme que jamais on dirait. Ca sentait vraiment pas bon pour elle. Il fallait qu’elle en finisse au plus vite… Il le fallait à tout prix. Coronach siffla son chant de mort dans les airs lorsque son coup rata sa cible de quelques cheveux à peine.
Tandis que Lain jura intérieurement et redoubla encore plus d’efforts malgré ses blessures qui commençaient à la faire souffrir à chaque pas qu’elle faisait, elle sentit que quelque chose n’allait pas. Prise dans ce tourbillon d’attaques incessantes et beaucoup plus puissantes que les précédentes, l’épéiste aux cheveux rouges ne comprit que lorsqu’elle croisa les yeux bleus de son adversaire qu’elle ne pourrait pas esquiver sa prochaine attaque…. Et lui non plus d’ailleurs.

Il s’était trop avancé, l’ouverture qu’il avait créée était une réelle invitation pour elle. Lain ne s’en priva alors donc pas. Lequel des deux serait le plus rapide ? Au vu de la distance, la jeune fille aurait juré qu’il serait le premier à se prendre un coup.
Et pourtant…
Le bretteur fit un véritable coup de maitre lorsqu’il passa sa lame de l’autre main et qu’il fut prêt à réattaquer. Sa puissance n’était en rien affaiblie, bien au contraire.
Les yeux remplis d’étonnement, la jeune femme regarda sans qu’elle n’ait eu le temps de faire quoique ce soit d’autre, la lame ennemie s’abattre sur elle dans une lumière aveuglante.

Telle une explosion, Lain venait de subir de plein fouet la puissance du Stellaire et gisait désormais au sol. Quelques derniers morceaux de sa cape continuèrent à tomber doucement autour d’elle tandis qu’elle essayait péniblement de se relever.
Elle toussa lorsqu’elle reprit son souffle, crachant du sang par la même occasion. Le moindre mouvement qu’elle faisait était une véritable torture. Fermant les yeux comme pour oublier la douleur lancinante, l’épéiste resta immobile quelques instants, le temps de faire le vide dans sa tête. Sachant pertinemment qu’un épéiste de la tempe de son adversaire ne s’abaisserait pas à attaquer une personne à terre et de dos qui plus est.

Toute personne aurait arrêté de combattre dans un état pareil, il en allait de sa survie.
Du moins.. Toute personne de sensée.
Mais Lain était têtue et tout ce qu’il y avait de plus obstiné. Oublier la douleur et tout ce qui l’entourait n’était pas chose aisée, mais elle devait y arriver. Petit à petit, elle y arriva.
Petit à petit, elle prit conscience de chaque détail du décor qui l’entourait grâce à ses sens rendus plus aiguisés et l’aura que dégageait son ennemi. Lorsqu’elle se sentit enfin prête, le moment de concentration qui lui avait paru si long n’avait duré qu’en réalité quelques secondes.
Et sous l’œil du spectateur de leur duel qu’était l’astre nocturne qui était à présent voilé, la petite épéiste se remit sur pied et se mit à nouveau en position de combat.

Les yeux clos, elle voyait pourtant désormais tout.
La respiration beaucoup plus calme qu’une minute avant, elle attendait tout simplement.
La face déterminée qu’elle affichait ne faiblissait pas malgré ses blessures.

Tel était son pouvoir, prémonition, et Lain était loin d’avoir dit son dernier mot.

Le choc sourd dans son dos lui fit comprendre que son adversaire gisait maintenant au sol. Quelques secondes s’écoulèrent dans le silence désormais revenu sur la plaine durant lesquelles l’énergie magique quitta le corps de l’épéiste, vidant ses yeux de tout éclat et alourdissant son fardeau de souffrances. Brisé par l’effort, l’épéiste ne fit aucun geste pour empêcher ses jambes de se dérober sous son poids. Plantant sa lame dans le sol, il tomba à genoux et s’appuya comme il put sur la garde de l’arme en plaquant une main sur son coté. Il avait trop forcé. La magie est quelque chose de puissant mais également de très dangereux. Les efforts qu’il avait fournit quelques instants plus tôt allaient à la limite de ce que sa blessure lui aurait permit. En quelques instants il venait de vivre plusieurs minutes d’intense combat… Et la chaleur du liquide vital qui suintait entre ses doigts n’était pas pour le rassurer. La plaie avait du s’aggraver avec tout ça. Tentant de calmer sa respiration, le bretteur focalisa son regard sur la première chose qui lui passa sous le nez à savoir, une goutte de sang le long de sa lame. Au bruit qu’il avait entendu, la gamine ne devait pas être en meilleur état que lui… Voire pire. Surtout penser, ne pas se laisser envahir par la torpeur qui l’envahissait. N’avait il pas frappé trop fort ? Il avait certes voulu vaincre son adversaire mais la tuer n’avait jamais été son objectif. La toux derrière lui le conforta dans ses pensées. Elle n’était pas morte, elle était juste incapable de se relever… Du moins c’est ce qu’il pensait…

Poussant sur ses jambes pour réussir à tenir debout, l’épéiste du fermer les yeux et respirer calmement pour maîtriser le haut le cœur qui le secoua. Son manteau était de plus en plus rouge au niveau du coté et la tête lui tournait violemment : le Stellaire ne laissait personne indemne dans ce genre de situations. Basculant lentement de l’autre coté, l’épéiste mit quelque secondes à interpréter ce que ses yeux fatigués lui renvoyaient. La gamine aux cheveux rouges s’était remise debout et en position de combat malgré la flaque sombre qu’elle avait laissée sur le sol et l’état poisseux de ses vêtements. C’était impossible ! Il lui avait clairement porté deux coups presque à pleine puissance… Même s’il n’avait pas voulu la tuer elle aurait du être incapable de se tenir debout ou tout du moins se retrouver dans le même état d’affaiblissement que lui ! Enfin c’est ce qu’aurait du devenir un être… Normal… L’épéiste émit un petit rire sarcastique :
- Depuis quand y’a quelque chose de « normal » dans ma vie…

Il n’avait pas vraiment le choix. Il était blessé aux côtes, ses jambes le supportaient à peine sans parler des courbatures qu’il commençait à ressentir et pourtant… Pourtant il allait devoir une fois de plus faire face à une gamine beaucoup trop tenace à son goût prête à risquer sa vie pour remporter un duel… Cette dernière pensée lui arracha également un sourire tellement il se reconnaissait dans les grommellements qui obscurcissaient son esprit. Reprenant son sérieux, il leva lentement sa lame et se remit tant bien que mal en position tandis qu’un filet rougeâtre refroidit par la température ambiante glissait le long de sa cuisse. Elle avait fermé les yeux et ne bougeait pas. Si elle s’attendait à ce qu’il lui saute dessus pour l’achever, elle se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. D’abord parce qu’il n’avait aucunement l’intention de l’achever :
*Place aux jeunes comme on dit….*

Mais également parce qu’il n’était absolument pas en état de sauter sur qui que ce soit et que la gamine commençait sérieusement à émettre une aura qui ne lui plaisait pas :
*Mon Dieu dites moi qu’elle ne va pas me sortir ma technique…*

Non… Ce n’était pas le Stellaire c’était… Différent… Quelque chose de plus subtil qui entourait la jeune épéiste mais qui s’étendait également sur le terrain alentour. Plissant les yeux pour maîtriser à nouveau un vertige qui s’emparait de lui, l’épéiste aux cheveux verts décida de tenter une dernière fois d’éviter un bain de sang auquel il participerait peut-être en temps que victime cette fois :
- J’espère que tu te rends compte qu’il est fort possible que ni toi ni moi ne réchappions de cet assaut… Personnellement j’ai encore beaucoup de choses à faire ou à voir mais si tu as envie d’en arriver là…

Il resserra sa prise sur l’arme et ouvrit complètement les yeux. La douleur était toujours présente mais au moins il voyait clair :
- Finissons en!

" In the land of twilight, under the moon
We dance for the idiots "

Les yeux toujours clos, la jeune fille n'avait absolument pas l'air préoccupé par les paroles - pourtant si représentatives de la situation - de l'autre épéiste.
Mourir ? Qu'importe ...
Lain arborait un visage particulièrement serein qui contrastait bien avec sa fureur de l'instant d'avant. Sereine en toute circonstance, malgré ses blessures qui continuaient à saigner abondamment. C'était un véritable effort que la petite épéiste faisait en ce moment même pour ne pas crier de douleur ou même tomber.
Elle devrait faire au plus vite avant de tomber inconsciente dans la mare de son propre sang. Si bien, qu'elle ne prit pas le temps de lui répondre, qu'elle s'élança déjà, l'épée de son père à la main, vers cet homme qui refusait de voir la vérité...

Cette seule vérité était que les Laguz n'étaient que des êtres abjects qui détruisaient tout ce qui lui était cher.
Rien de plus. Rien de moins.

Et dans cette vaste plaine isolée de tout spectateur autre que la lune, une mélodie au rythme si connu de ces deux là s'éleva une fois encore. Celle du choc de l'acier.
Un rythme incessant qui ne cesserait donc jamais...
Pas tant qu'ils seraient encore capables de combattre.

" I will sing for crescent moon
Dancing with the castanets "

Des étincelles.

Les blessures, la fatigue et tout le reste étaient laissés de côté pour le moment. Le nomade avait paré et contre attaqué de suite. Lain avait même presque esquissé un sourire de le savoir encore en état de combattre, avant de s'y remettre de plus belle.
Puisqu'il ne semblait pas vouloir lancer l'offensive, autant ne pas s'en priver...

Des mouvements beaucoup plus fluides qu'auparavant, la jeune épéiste se mouvait à présent avec l'aisance d'une danseuse. Chaque pas, chaque coup était contrôlé au centimètre près. Une diversion vers la droite, une attaque du côté à présent trop exposé. Raté. Recommençant toute une série de bottes qu'elle avait apprises pour percer ses défenses décidément un peu trop impénétrables, la jeune femme les enchainait désormais à une vitesse folle.
Lame contre lame, le rythme de ce son métallique s'accéléra.

C'était hallucinant de voir, comment l'ivresse d'un combat pouvait vous faire tout oublier.

Ils avaient beau avoir combattu depuis un moment déjà. Être plus que blessé pour pouvoir, ne serait ce que marcher.. Et pourtant, les deux épéistes continuaient à se livrer un combat sans merci. Leurs échanges devinrent alors si rapides que si spectateurs il y avait, ils auraient à peine pu les distinguer.
Enivrée de ce duel dont elle ne voyait décidément pas le bout, même le temps ne comptait plus..
La jeune fille aux cheveux flamboyant savourait chaque minute de ce combat même si tous les membres de son corps lui criaient d'arrêter cela au plus vite. Cherchant toujours la faille qui lui assurerait la victoire. Une autre feinte, puis l'épéiste se fendit une fois encore.
Décidément, il lui aurait donné bien du fil à retordre celui là..

Quel dommage qu'il soit si borné à vouloir défendre ces sous humains qui n'en valaient absolument pas la peine. En d'autres circonstances, Lain l'aurait sûrement apprécié...

"As the end will come so soon "

[Flashback - Lain & son maitre]

Spoiler:

Pourquoi ce souvenir lui revenait à ce moment là en tête ? ...

*Pft.. Même toi tu étais contre mes pensées.. Alors, pourquoi m'avoir appris tant de choses ..*

Le souvenir de son maitre ne vint la distraire que quelques secondes à peine, mais s'en était déjà trop.
Grâce à son pouvoir elle put percevoir à temps un coup en direction de sa tête. Lain se baissa instinctivement, se faufilant sous la propre garde de l'épéiste en espérant lui porter une attaque.

Mais c'était sans compter ses muscles qui avaient décidément trop donné en une seule soirée.
La durée de son pouvoir avait été plus court que prévu en raison de ses trop graves blessures... Mais également à cause d'un léger doute dans ses propres convictions.
Pour la première fois, depuis bien longtemps, sa haine envers les sous humains avait été ébranlée. Pourquoi fallait il toujours qu'il y ait des gens pour la remettre dans le droit chemin .. ?

Avant qu'elle ne puisse lui porter une attaque qui aurait pu lui être fatal s'il n'avait pas pu parer, la jeune fille s'immobilisa, comme indécise l'espace d'un instant. Haletante, le visage rougi par l'effort mais surtout ensanglantée de toute part, Lain ouvrit enfin les yeux après tout ce temps qui lui avait semblait infini.

Ses yeux gris embués de larmes fixèrent alors un instant son adversaire.. Même si ce n'était pas lui qu'elle voyait à ce moment là.
Un sourire apparut alors sur ses lèvres tandis que l'autre épéiste était en position de lui porter le coup final.

- Butée dis tu ? Mais tu t'ennuierais beaucoup trop si je ne l'étais p...

Prémonition avait vraiment pris fin désormais.
Les douleurs lui revinrent. L'air lui manqua. Sa vue se brouilla.

Qu'importe ?
C'était un beau duel qu'elle avait eu ce soir...

" In the land of the twilight. "

(Kajiura Yuki)

La réponse de la gamine ne se fit pas attendre… Et elle correspondait malheureusement au pire scénario envisageable. Une charge directe en dépit du sang qui dégoulinait de ses blessures. Serrant les dents, l’épéiste se campa fermement sur ses jambes et leva sa lame. Portée par cette mystérieuse aura, son adversaire risquait de lui donner plus de fil à retordre. Le choc fut rude. Dans leur état de faiblesse avancé, même la plus petite secousse semblait dur à supporter… Et les attaques que son adversaire portait étaient tout sauf petites…

Parant la charge, Stefan avait fait glisser sa lame le long de celle de son ennemie dans l’espoir de la désarmer. Elle se retira trop tôt et changea aussitôt d’angle d’attaque. La lame passa tout près de son visage… Bien trop près au vu de la piqûre qu’il ressentit à la joue. Acculé par sa propre fatigue, l’épéiste avait adopté une position défensive et faisait le moins de mouvements possibles, défendant sa position. La vitesse des coups s’accéléra de nouveau si bien que le nomade eut de plus en plus de mal à se garder d’un coup fatal. Subissant un véritable déluge d'attaques, n’ayant que peu d’occasions de porter les siennes, il dut se contraindre à supporter ; à relever sa lame au bon moment pour parer, à bouger ses jambes qui hurlaient grâce ! Chaque mouvement devenait de plus en plus difficile, de plus en plus lent et l’épéiste sentit sa fin approcher. Levant sa lame à nouveau, il dévia un coup plus puissant qui lui rasa le bras de près, ajoutant une autre entaille à celles, déjà bien nombreuses, qui le recouvrait.

Le pire était sans doute que la jeune femme combattait les yeux fermés… Un sursaut de fierté emporta l’épéiste et il parut tenir quelques secondes face au déluge mais sa faiblesse le rattrapa et il essuya une nouvelle entaille, au torse cette fois. Il perdait trop de sang… Le Stellaire l’avait entièrement vidé… Et cette gamine qui semblait de plus en plus énergique malgré ses propres maux… Son adversaire revint brutalement à la charge, l’arrachant à ses pensées. Il était trop tard, il allait être vaincu. Son regard décela pourtant une vague hésitation chez la jeune femme. C’était inespéré. Une ouverture ! Maintenant ou jamais, l’ultime assaut !

Sa lame fendit l’air droit en direction du crâne de la jeune femme. La moindre erreur pouvait être fatale en combat. Elle ne lui avait pas laissé le choix… Peut-être s’en tirerait elle avec un simple traumatisme… A en juger par son angle d’attaque, ce serait peu probable :
*Désolé petite…*

La Déesse savait qu’il avait tout fait pour ne pas en arriver là… Mais même au profit d’une jeunette, il n’avait aucunement l’intention de mourir… Ses yeux s’agrandirent aussi bien de surprise que d’effroi lorsque d’un mouvement surnaturel, la gamine aux cheveux de braise se glissa sous son attaque, toute lame dehors. Le coup était imparable, même avec le Stellaire… S’il n’avait pas été sur le point de mourir, il en aurait sourit, lui qui avait toujours évité de croire en une victoire certaine… C’était quand même un beau duel. Une belle façon de quitter la scène pensa-t-il en fermant les yeux à son tour :
- Butée dis tu ? Mais tu t'ennuierais beaucoup trop si je ne l'étais p...

Cette phrase… Prononcée d’une voix si faible… Et la morsure de l’acier qui ne venait pas… Un bruit sourd à ses pieds… Son poids qui part en avant pour s’embrocher et en finir une bonne fois pour toutes et… Mais c’est qu’il se cassait la gueule ! Battant des bras, lâchant sa lame, l’épéiste parvint à retrouver un équilibre précaire avant de constater que sa jeune adversaire gisait à ses pieds, la terre absorbant goulument le sang qui s’échappait de ses blessures :
- …

Un vent frais se glissa sous le manteau de l’épéiste en sueur et le fit frissonner, ouvrant un peu plus certaines blessures :
…. Toi alors ! La trouille de ma vie ! Même pas capable d’achever un travail correctement !

Un coup de gueule en réponse à l’un des plus gros coups de stress de toute son existence. Ses jambes se dérobèrent sous son poids et il manqua de s’effondrer aux côtés de la jeune femme. Le feu de camps n’était pas trop loin… En forçant encore un peu… Pour un homme dans son état, une gamine pesait réellement son poids, surtout en essayant de la tirer à même le sol vers les flammes. Elle laissait de belles trainées rouges sombres dans son sillage mais l’épéiste ne pouvait se résoudre à la laisser bêtement crever comme ça. Pas après la performance de ce soir. Pas sans même connaître son nom !

Le chemin jusqu’aux flammes réconfortantes ne lui avait jamais parut aussi long mais il lâcha un profond soupir de soulagement lorsqu’il y parvint. Laissant le corps là où il était, il rampa jusqu’à ses affaires et avala en hâte toutes ses provisions de viande séchée. Sa vue se stabilisa quelque peu après ce repas frugal mais il ferait avec. Bandant ses propres blessures comme il pouvait, avec des morceaux de tissus issus de ses vêtements et de sa propre couverture, il entreprit ensuite de s’occuper de l’autre. Elle était salement amochée et les blessures, mêmes une fois lavées avec le peu d’eau restante dans la gourde, ne lui donnaient que peu d’espoir. Quelle bêtise d’avoir voulu continuer ! Il en oubliait sa propre douleur et s’acharna tant qu’il put afin de fabriquer un bandage à peu près convenable aussi bien sur la cape de la jeune femme que sur sa veste de cuir. Elle aurait sans doute froid en simple chemise comme ça mais ce serait toujours mieux que de crever comme ça.

Au final, il la recouvrit avec ce qui restait de sa couverture et s’étala sur le dos près du feu… Il avait du y passer des heures au vu de la superbe teinte rose qui pointait à l’horizon… Ou peut-être était-ce simplement sa vision qui lui jouait encore des tours. Respirant avec difficulté après tout ça, il ne put s’empêcher de frissonner en tâtant son côté, non de froid mais de douleur. Les bandages qu’il avait fait ne suffirait pas pour stopper l’hémorragie et il allait falloir compter sur la bénédiction de la Déesse pour que l’un des deux s’en sorte vivant… Son seul regret était de ne pas avoir pu récupérer sa lame… Epuisé, il sombra dans l’inconscience.

Tout était si sombre.. Si froid, et si lugubre.
Pourtant, elle s'y sentait bien. Au moins ici elle n'avait plus mal. Le brouillard de souffrance qui l'avait enveloppé tout de suite après que Prémonition ait pris fin était parti.
Que les ténèbres savaient se montrer douces et accueillantes...

Lain avait perdu conscience immédiatement après le combat, elle avait décidément perdu trop de sang pendant ce combat.
Combien avait elle de chances de survivre à de telles blessures ? Elles étaient infimes...
Son maitre lui aurait sûrement sermonné à ce propos.. La jeune fille l'aurait très bien imaginé en train de la sermonner une énième fois sur le fait qu'elle était bien trop prompte à engager le combat pour un rien. Mais était ce vraiment de sa faute ?
Elle avait fait ce qui lui semblait juste, comme toujours, laissant certes libre court à ses émotions. Mais aussi vrai que ceux ci faisaient notre force, ils constituaient également notre plus grande faiblesse. Et Lain venait de l'apprendre à ses dépends.

Elle n'avait pas bougé d'un pouce depuis la fin du duel. Elle respirait faiblement et difficilement, mais respirait quand même. La jeune fille était à un stade où seul sa propre volonté pourrait la sauver. A savoir maintenant..

Pourquoi désirait elle vivre ?

______________________
[FLASHBACK]

Spoiler:

- Dis moi.. Pourquoi veux tu absolument apprendre à combattre, Lain ?

La question avait été posée de but en blanc.
La dénommée Lain stoppa net son activité et parut déstabilisée l'espace d'un instant.
La fille aux cheveux rouges leva alors ses grands yeux gris vers celui qui l'avait recueilli, il y a maintenant un peu plus d'un an. Son regard devint alors soudainement aussi tranchant que la lame acier qu'elle était en train d'astiquer. D'une voix déterminée et remplie d'une profonde rancœur, la réponse lui vint tout naturellement.

- Pour vaincre tous les sous hu.. Laguzs qui auront le malheur de croiser ma route.

- Vraiment ?

demanda-t-il d'un air pensif.

On apprend pas à manier les armes juste par esprit de vengeance petite. C'est tout un art de manier l'épée ! Mais ça, beaucoup de monde l'oublie.. Pour eux, c'est juste un moyen de tuer ou de se défendre. Point. Le jour où tu auras compris ça, peut-être ne seras tu pas un cas aussi désespéré que je ne le pense.

Sans d'autre commentaire, l'homme se retourna et allait partir quand une voix l'en dissuada. Le mot avait été prononcé dans un faible murmure. Faisant volte face, il découvrit Lain, les yeux plongés dans les profondeurs de la lame. Plus nostalgique qu'autre chose à ce moment là, c'était bien la première fois qu'il la voyait aussi fragile.. Comme cette petite fille d'onze ans à peine qu'elle était.

- ... Petite ...

- Quoi ?

- Petite, j'avais un rêve.. Je voulais devenir la plus grande bretteuse de Tellius... Je pensais que ça serait merveilleux de pouvoir voyager à sa guise et de pouvoir vivre pour sa passion. Mais..

Elle resserra un peu plus sa prise sur l'épée de son bienfaiteur, peinant à trouver ses mots. Ou plutôt à les lui dire.

- Mais.. En réalité je ne suis qu'une pauvre petite fille qui ne sait rien faire.. Mon rêve est impossible à réaliser.. Je le sais.. Je n'ai même pas pu le protéger.. les sauver.. Tout ça parce que je suis si faib..

Tandis qu'elle essuyait ses larmes d'un revers de la main, une main se posa sur sa tête. Les paroles du vieux mercenaire, bien qu'un peu bourrues la calmèrent immédiatement.

- Euh.. Ne dis pas ça. Tu y arriveras.. En tout cas, je verrai ce que je pourrai faire.. Après à toi de le réaliser. Bon allez, arrête de pleurer maintenant.. Je crois que je te préfère encore à crier pour un rien et sau..

La petite fille avait sauté à son cou pour exprimer sa reconnaissance.
Ce n'était que des paroles lancées pour calmer une enfant.. Pourtant Lain s'y était accrochée. Et peu de jours, l'entrainement tant attendu avait enfin commencé.
Il avait tenu sa promesse...

______________________

Alors, il fallait qu'elle tienne la sienne.
Elle ne pouvait pas mourir, pas maintenant.. Non, elle ne devait pas mourir, ne serait ce que pour ne pas le décevoir. Lui, et son père, qui avaient crû en elle.
Abandonnant les ténèbres chaleureuses, Lain ouvrit les yeux.

La jeune fille resta un moment à contempler la voûte céleste qui se parait peu à peu des douces couleurs de l'aube. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pris la peine de l'admirer, alors qu'elle adorait ça auparavant...
Respirant aussi calmement que possible, même si cela se révélait être une douleur atroce à chaque bouffée d'air, la scène réussit à la calmer petit à petit. Peu à peu, les souvenirs se remirent en place dans sa tête. Son arrivée à Begnion, l'attaque des laguzs, sa rencontre avec cet épéiste aux cheveux verts... Son duel.
Lain parvint alors par un effort incommensurable, à se relever. Rien qu'en restant assise, ses muscles endoloris hurlaient de douleur... Les larmes lui montèrent aux yeux et Lain parvint à s'adosser au versant de la colline qui était à son dos. Haletante et ruisselante de sueur et de sang après cet infime effort, elle constata avec horreur que ses bandages étaient trempés de sang...

Bandages ?
Ce n'est qu'à ce moment qu'elle comprit qu'on s'était occupé d'elle. On l'avait trainé jusqu'ici, bandée avec sa propre cape et veste.. on lui avait même mis une couverture.. Lain jeta un regard aux alentours et ne tarda pas à tomber sur l'épéiste aux cheveux verts qui était allongé près du feu quasiment éteint désormais. Avec de tels cheveux, la jeune femme se demanda un instant comment elle avait fait pour ne pas le remarquer plus tôt..
Alors comme ça, c'était lui qui avait fait ça ? ...
Aurait elle fait la même chose pour lui si leurs places avaient été inversées ?

L'épéiste resta un moment interdite face à cette question dont elle craignait la réponse. Continuant de le regarder vraisemblablement endormi, ce n'est qu'à ce moment là qu'elle constata qu'il ne l'était pas... Ses bandages d'infortune étaient aussi trempés que les siens.
Ne sachant trop que faire - dans son état, elle se sentait incapable de se trainer jusqu'à lui pour le moment -, elle aperçut une gourde à ses côtés et s'en saisit. Bien sûr il fallait qu'elle soit vide...
Lain l'envoya alors sur l'homme toujours inconscient.. ou du moins essaya vu que l'objet retomba pitoyablement près d'elle. A cette vue, la jeune fille s'enflamma encore plus de son incapacité.

- Eh ! Qu'est ce que t'attends pour te réveiller ?! J't'interdis de crever ! Tu m'ente.. *kof*

Cela avait finalement ressemblé à un faible coassement de sa part, avant de se plier en deux sous l'effet de la douleur. Forcée de constater que sans ses soins précaires elle n'aurait sûrement pas pu passer la nuit..

Un bruit non loin d'eux retint son attention.

- Eh dis, Greil, on est bientôt arrivé ?
- T'inquiète, passé la colline, et on y ...
- Qu'est ce qu'il y a ? ..

Son compagnon ne prit pas la peine de répondre et pointa du doigt les deux corps sans vie qui lui faisaient face en bas de la colline où ils se trouvaient. Quoique.. Il semblerait que l'un d'entre eux ait bougé. Traversant en toute hâte le champ de bataille où se trouvaient des traces de sang en abondance, il arriva près de Lain et demanda d'un air affolé.

- Vous avez besoin d'aide ?

....
* non non on fait un pique nique crétin, laisse nous en paix *

La jeune femme ne se sentait pas d'humeur à lui faire une pique, d'autant que son état ne le permettait pas. Répondant d'une voix faible elle parvint néanmoins à lui faire comprendre d'aller chercher un prêtre ou quoique ce soit d'autre s'y rapprochant.
Sur quoi, les deux acolytes repartirent aussitôt.. Alors qu'un seul aurait très bien suffit..
Quoiqu'il en soit, elle espérait juste qu'ils arriveraient à temps.

Fermant les yeux pour essayer d'oublier la douleur un instant, elle entreprit d'essayer de découper la couverture pour changer son bandage poisseux.
Tout en essayant de rester éveillée cette fois-ci..
Même si c'était plutôt mal parti là.

C’était étrange la façon dont l’espace et le temps se distordaient lorsqu’on était coincé dans le néant. Aux frontières de la vie et de la mort, l’épéiste dérivait lentement dans un univers où l’ombre semblait tout supplanter. Un souffle, sur son corps allongé dans l’herbe, paraissait une tempête dans son esprit. Toujours est-il qu’il faisait chaud dans cet univers ouaté. Chaud et doux. Les ténèbres étaient accueillantes et l’épéiste aurait volontiers prolongé cette expérience inédite si un bruit, amplifié par ce néant distordu, n’était pas venu perturber sa méditation. On aurait dit…
*J’aime le coassement de la grenouille le soir au fond des bois…*

C’était une pensée étrange pour un mourant… Même pour Stefan… Il allait falloir songer à remonter quand même… Être illogique était une chose que l’épéiste supportait mal. Certes il l’était aux yeux de bien des gens mais c’était toujours à dessein. Là cette pensée lui avait échappé sans qu’il ait souhaité la formuler. Cet univers chaleureux était décidément bien étrange et finalement, l’épéiste décida de s’y arracher pour remonter vers la lumière tout au bout de ce long tunnel.

Sa première pensée lorsqu’il ressurgit dans le monde réel fut :
*J’ai chaud…*

Ce qui est, avouons-le, fort étonnant lorsqu’on s’endort près d’un feu de camps même si celui-ci était actuellement réduit à l’état de quelques braises encore chaudes :
- Vous avez besoin d'aide ?
- Non tout va parfaitement bien je vous remercie jeune homme c’est fort aimable à vous.

Enfin, c’est ce qu’il aurait aimé répondre, accompagné d’un de ses grands sourires idiots dont il avait le secret avant de se relever tout fier et de se remettre en route comme si rien ne s’était passé mais… Dans l’état actuel des choses, cela se traduisit plus par un grognement inaudible et incompréhensible et une forte envie de se rendormir. Envie qu’il chassa de son mieux. Les yeux mi-clos, il contemplait le ciel qui se parait de ses couleurs matinales. Sa fatigue et sa douleur étaient telles qu’il n’arrivait même pas à tourner la tête. Il devait se contenter de regarder ce stupide ciel rose tandis que des pas passaient en catastrophe près de son crâne. Bon au moins on les avait trouvés… Il n’aurait pas à ramper jusqu’au village en trainant la gamine derrière lui… D’ailleurs…

Par un effort de volonté digne d’un coup critique à trois pour cent avec un javelot, l’épéiste donna une impulsion sur le côté de son crâne afin que celui-ci prenne suffisamment de vitesse pour basculer sur le côté… En termes barbares, il tourna la tête vers l’endroit où il était supposé avoir laissé son adversaire. Elle s’était redressée tant bien que mal et se débattait faiblement avec ses bandages et sa couverture :
*Elle est vivante…*
Soulagement :

*Arrête de t’agiter, tu vas rouvrir tes blessures… Ah, faudra aussi que je me rachète une couverture…*
Inquiétude :

*C’est fou comme c’est vert un brin d’herbe… Oh bonjour la fourmi !
Incohérence :

*Ils en mettent du temps …*
Fatigue.

Soudain, des bruits de pas précipités se firent entendre accompagnés d’un concert de voix incompréhensible. Quelqu’un ou quelque chose se pencha vers lui et une lueur éclatante l’obligea à fermer les yeux. La douleur qui suivit l’opération le réveilla brutalement. Imaginez que vos cellules s’activent et entrent en phase de mitose sans l’avoir prévu, que votre stock de kératine et autres joyeusetés au patronyme scientifique ne se reforme d’un seul coup, que du sang emplit vos veines et artères venu d’on ne sait où et tout ça en quelques secondes à peines…

L’opération laissa l’épéiste plus épuisé qu’autre chose mais au moins, il avait recouvert tous ses sens. Tentant de se lever :
- Non non non ! Restez allongés je vais m’occuper de votre amie .
*Qui ?*

Il lui fallut quelques instants pour percuter mais il réussit à rattraper l’homme par la manche avant qu’il ne se lève et, pointant d’un index tremblant le lieu de leur duel :
- Mon épée… Là bas… Siouplait…

L’homme aux cheveux blonds parut surprit, puis comprenant le sens de ces paroles, il opina du chef avec un sourire confiant. L’épéiste ne l’attendit pas pour se rendormir comme une masse.
A son réveil, il était dans un lit propre, chaud, douillet et bien plus accueillant que les ténèbres auxquelles il avait échappé. Perclus de courbatures mais en vie, il jeta un coup d’œil sur la pièce qui l’accueillait. Visiblement une infirmerie. Il était seul. Pas de gamine à l’horizon… C’était peut-être mieux comme ça, elle aurait été capable de le défier de nouveau même aux frontières de la mort.

Tournant la tête, il aperçut son fourreau, appuyé contre une chaise. La garde gravée de Katti resplendissait à l’intérieur… Au contraire de ses vêtements posés sur la dite chaise… Ils avaient été lavés mais la lame de la rouquine les avait tailladés un peu de partout si bien qu’il était bon pour un peu de couture… Oh et puis zut il s’en occuperait quand il serait remit. Là il avait envie de paresser, de rester couché et d’enfin profiter d’un vrai lit. Tournant sur le coté, il aperçut une fenêtre… Et put dès lors constater qu’il était revenu au village… Ce même village contre lequel il avait défendu les Laguzs… Et c’était de ce même village que provenait sans doute le prêtre qui les avait trouvés lui et… Une gamine qu’il avait blessé de sa lame…
*Réfléchit mon petit Stef… Si t’étais eux… Qu’est-ce que tu en conclurais ?*
- …
- …

Le soleil était déjà haut lorsque l’épéiste, son baluchon sur l’épaule parvint au sommet de la colline qui avait observée leur combat. Il avait récupéré ce qu’il avait pu sur le champ de bataille : une couverture déchirée, une gourde vide, ses deux pierres et un sac contenant encore une pomme… C’était bien maigre comme provisions… Bah au pire il chasserait et le prochain village ne devait pas se trouver bien loin. Mordant dans le fruit bien mur, il jeta un coup d’œil dans la direction du hameau qu’il venait de quitter. Au final il ne connaissait même pas le nom de la gamine… Bah une adversaire talentueuse comme celle-là, ce n’était surement pas la dernière fois qu’il la voyait.

Tout était si confus...
Les couleurs, les sons...
Comme dans un rêve qui n'en était pas un.

Tout son environnement tournait autour d'elle. Plus rien ne semblait avoir d'attache, ni d'importance à ses yeux.
Lain essayait tant bien que mal depuis tout à l'heure de remettre ses bandages. En vain.
Il semblerait qu'elle s'emmêle encore plus qu'autre chose. Sa tête lui tournait affreusement et elle devait faire de sérieux efforts pour ne pas s'évanouir une nouvelle fois.
Rester consciente.. Jusqu'à l'arrivée des secours.. Il le fallait à tout prix.
Secouant faiblement la tête, ses gestes maladroits ne firent que rouvrir encore un peu plus ses blessures. La grimace de souffrance qu'elle en tira mit fin à son entêtement insensé. Elle ne pourrait rien faire dans son état... Juste bonne à se laisser crever en paix.
Si c'était pas pitoyable ça...
Le temps s'écoula alors, péniblement et inexorablement, emportant avec lui du sang dans son sillage.

Lorsque du bruit se fit de nouveau entendre dans la clairière, Lain n'eût même plus la force de tourner la tête de leur côté. Les yeux à demi-clos, elle avait le regard au loin. Les yeux gris fixés vers quelque chose que personne ne pouvait voir. A la voir ainsi, les personnes du groupe qui avaient fait le plus vite possible pour être sur place, la crurent morte.

- Bon je crois que celle là, elle est foutue.
- ... Attends, dit-il en se penchant sur la concernée. Non, elle respire encore, il faut faire vite.

Le religieux qui les accompagnait acquiesça gravement d'un signe de tête et se mit au travail. Lorsqu'il vit l'état de la jeune femme à moitié consciente, il émit un hoquet de stupeur et s'exclama :

- Puisse Ashera veiller sur elle ! Cette pauvre fillette a subi des blessures capables de tuer un homme beaucoup plus robuste ! Sans ces pansements, je n'aurais pas donné cher de sa vie...

Sans d'autres mots, il se mit au travail et se lança dans un incantation en fermant les yeux. Le pouvoir emplit alors la scène, une lumière chaude et accueillante chassèrent peu à peu les ténèbres de son esprit. Lain serra les dents au contact de la magie qui s'opérait. Quand bien même elle avait l'habitude d'être soignée grâce à la magie blanche, elle était toujours réticente à l'idée de la côtoyer. Pourtant, une fois encore, ces mêmes mains lumineuses l'avaient soignée.
Ses blessures se refermèrent petit à petit et ne semblèrent plus si récentes que ça. S'atténuant peu à peu, seules des traces rouges encore visibles demeurèrent.

Le prêtre rouvrit enfin les yeux, reposant son bâton d'une main et s'essuyant le front de l'autre, alors qu'il venait d'achever sa dernière note d'un ton monocorde.
La jeune femme aux cheveux rouges sang n'avait pas bougé d'un pouce quant à elle.. Ou si, elle était désormais inconsciente. Ses plaies avaient toutes cicatrisées grâce aux efforts du religieux. Mais bien loin de se réjouir de sa performance, il désespéra encore plus à la vue de l'autre blessé.

- Mais.. que s'est il passé ici ... ? La fille était à deux doigts de mourir et lui n'est pas en meilleur état...
- Excusez moi, vous êtes sûr que la fillette va bien ? ... Elle est toujours inconsciente..
- Avec de telles blessures, c'était un miracle qu'elle soit encore en vie ! Ça lui prendra plusieurs jours pour tout récupérer, même avec l'aide de ma magie.. Bon, à son tour à présent.

Que ces trois hommes devaient trouver la situation bien étrange.
Un homme et une femme à moitié mort pour on ne sait quelle raison dans une clairière où du sang maculait une bonne partie de l'herbe.
Deux épées furent retrouvées non loin d'eux.
L'homme aux cheveux verts avait réclamé la sienne alors qu'il venait à peine d'être soigné. On supposa donc que l'autre devait appartenir à la jeune fille.
Tous deux furent ramenés au village et soignés. Quelques jours à peine et déjà les rumeurs avaient commencé à faire leur chemin.

Lorsque Lain reprit connaissance, les gens se montrèrent visiblement conciliants à son égard et l'exhortaient à raconter ce qui s'était passé.
En vérité.. L'épéiste doutait de ce qui s'était réellement passé cette nuit là..
La pleine lune.. Cet autre épéiste aux cheveux verts si talentueux mais pourtant si tête à claque..
Tout s'était passé comme dans un rêve.

Pourtant les indices étaient toujours là. Elle n'avait pas pris trois jours de repos forcés pour rien. Ses cicatrices supplémentaires n'étaient pas arrivées là toute seule... Son employeur n'était pas parti pour rien non plus...

.....
Alors comme ça, à cause de LUI elle avait encore perdu son boulot ?!
Il ne perdait vraiment rien pour attendre quand elle le reverrait cet ~~Ethan~~ !! ... ~~Rayan~~ ? ... CETTE TÊTE D'ALGUES DE PACOTILLE qui lui devait une revanche !!

.. Ne serait ce que pour ne pas lui avoir dit son prénom ! (en réalité, c'était Lain qui avait toujours du mal à se rappeler du nom exact.. qui plus est lorsqu'il est lancé en pleine volée dans le feu de l'action..)

Se remettant en route, la jeune fille s'aperçut qu'elle était peu à peu en train d'accomplir son rêve d'enfant.. Parcourir Tellius et devenir la meilleure bretteuse... Le destin l'avait placé sur sa route.
Malgré ses convictions totalement à l'opposé des siennes, elle ne pouvait que reconnaitre qu'il était plus que talentueux et qu'elle avait encore du chemin à faire pour devenir la meilleure..
Puisque cela impliquait d'avoir sa revanche sur lui.
Serrant le poing et souriant à l'horizon ensoleillé qui lui faisait face, Lain se jura de l'avoir la prochaine fois qu'elle le verrait. (des gens aux cheveux aussi bizarres, ça court pas les rues..)

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[TOPIC CLOS]
Merci bien pour le duel Mr Greenpeace ! xP