Le fer réclame le sang [Eli]

Les teintes orangés coloraient le ciel à présent. La journée était passée et le crépuscule pointait. Alan s'en revenait du village et se dirigeait vers la forêt, son habitat. La bourse qui heurtait son flanc au rythme de ses pas diffusait une agréable mélodie cliquetante. Après une journée de labeur pour Aurora et un passage à la taverne avec ses frères d'armes, il ne pouvait que se sentir bien. Ses quelques blessures ont été soignées par un des prêtres et un pichet de bière a eu vite fait de le revigorer comme il se doit. Un verre, pas plus. Rentrer ivre était une mauvaise idée quand la demeure se trouvait hors du village... et puis, il n'était pas sur que Kwendal apprécierait que son amant rentre en titubant avec une haleine de poivrot. Non, franchement, jamais au delà d'un verre.

Bref, c'est un pas assuré et énergique qu'il rentrait chez lui. Le vent caressait son corps agréablement, les teintes orangées sur ciel illuminaient amoureusement la vaste pleine foisonnant d'herbe qui répandait son parfum naturel dans les environs. La vie était belle.

Le voici enfin à l'orée de la forêt de Serenes. A compter d'ici, il ne fallait guère plus qu'un quart d'heure de marche pour se rendre à sa demeure où l'attendaient Kwendal et ses deux adorables bambins.

<< Tiens tiens... me semblait bien avoir entendu un agréable tintement de piè-pièces approcher. >>

Deux hommes sortaient de l'ombre d'un arbre, haches en main. Alan arbora en premier lieu un air surpris, puis blasé.

<< Dites, les gars, c'est un territoire Laguz sacré ici. Le crime n'y est pas autorisé.
- Oh, on est pas des criminels, on est des bénévoles ! On va te délester d'un poids encombrant. C'est pas gentil, ça ?
- On travail gratis et on te rend service, c'est pas un crime ça !
- Ah bon... ben c'est vraiment pas si lourd que ça, je peux me charger de porter ça seul, vous savez ? >>

Un sourire mauvais étiraient les lèvres des deux coupe-jarrets tandis qu'ils empoignaient des haches de bucheron aiguisées de frais. Alan haussa un sourcil.

<< Nous insistons. >>

Alan esquissa un sourire et dégaina Artamon. La lame dorée reflétait les lueurs solaires de toute part, forçant même les bandits à plisser les yeux.

<< Je maintiens ma position. Et si vous insistez encore, je serais dans l'obligation de salir ma lame... >>

Le premier ricana puis se jeta sur Alan, brandissant haut sa hache pour l'abattre sur sa proie. Alan évita d'une roulade sur le côté et donna un coup de garde dans le ventre du bandit qui se plia en deux sur le coup. Le second contourna son compère et donna un coup circulaire passant à ras du dos de son ami. L'épéiste fit un bond en arrière, sourire aux lèvres.

<< C'est dangereux, ça... >>

Alan se jeta sur l'homme, para son attaque suivant et donna un coup de genou dans les parties intimes de son adversaire qui s'effondra au sol, lachant son arme pour plaquer ses mains sur ses parties génitales. Le premier s'était relevé mais, avant qu'il n'aie pu faire un geste, Alan pointa sa lame sous sa gorge.

<< Lâche... >>

L'homme grogna et déposa son arme au pied de l'épéiste. Celui-ci ramassa les deux armes et les jeta plus loin.

<< J'habite ce lieu saint et je veille sur lui. Quiconque souillera ces lieux par des actes criminels sera châtié sans autres forme de procès. Partez et ne revenez jamais. >>

Il avait un peu inventé son identité de « gardien ». A lui seul, il ne pouvait veiller sur un si large périmètre, mais sa menace avait atteint les bandits qui s'en allèrent, l'un en marchant jambe écartées.

Alan soupira et ramassa les haches après avoir rengainé l'épée. Au moins, il avait deux outils neufs et tranchant pour couper du bois...

*Voila que des coupe-jarrets s'en prennent à la forêt. Va falloir que je m'assure qu'ils ne s'approchent pas de ma demeure de trop près...*

Rêver… c’est un verbe pouvant avoir tant de significations différentes. Ne trouvez vous pas qu’ils nous servent de refuges dans les moments difficiles ? Bien qu’ils puissent se transformer en cauchemars facilement et hanter nos nuits, aux aguets prêt à pourrir un doux repos. Même si nous avons aucune prise sur eux, et qu’ils vont et viennent si changeants. Et puis dans les rêves, tout est possible. On peut enfin être, avoir, posséder, aimer. Retrouver des êtres chers, manier le monde à son image. Envolées brutal qui finissent durement quand le matin vient. Mais on les recherches et ils nous rassurent. Ils nous motivent nous donnent un but, peuvent nous faire réaliser l’impossible. Quand ils disparaissent, le monde parait si triste. Eli avait finit de rêver. Elle courrait après la réalité, mais même cette réalité lui glissait entre les doigts. Elle n’était pas blasée. Seulement… elle ne rêvait pas. Son objectif n’avait rien d’onirique et elle avait cessé d’utiliser son imagination. La vie lui avait renvoyé si souvent ses espoirs au visage. De grandes claques dont elle ne s’était jamais vraiment remise. Alors, que faire alors pour conserver l’esprit et trouver des échappatoires ? Se trouver une passion qui l’absorbait jusqu'à lui en faire perdre la tête. Quelque chose à développer au delà de toutes limites : L’escrime.

Allongée de tout son long sur l’herbe douillette, Eli suçait un brin d’herbe en se reposant après une longue journée de marche. Elle avait enfin réussi à quitter Daien, et ce n’était pas pour lui déplaire. Juste que cet abruti de paysan lui avait indiqué la mauvaise direction. Au lieu de Criméa, bienvenue à Begnion. Enfin, puisqu’elle y était autant prendre son temps et parcourir un peu le pays. Mais ce soir encore, elle devrait se satisfaire d’une nuit à la belle étoile. La chasse avait été bonne et au moins, elle ne mourrait pas de faim. La lisière de forêt était propice pour trouver des proies. Et heureusement, car elle était ruinée. De cette manière, même en atteignant la ville la plus proche, impossible d’obtenir un toit sous lequel coucher. Mais elle avait l’habitude, passer sa vie à courir après l’argent était normal pour elle. Surtout que plus on en gagnait, plus il avait tendance à être vite dépensé. Que ferai-t-elle là si elle avait une bonne petite bourse rebondie sous la main ? Une bonne chambre d’auberge avec un bain, Eli en rêvait depuis un bon moment. Et ensuite ? Elle se saoulerait toute la nuit. L’avantage d’être bourrée facilement, c’est qu’on économisait une somme non négligeable. Et si elle était plus riche… Elle s’achèterait un cheval. Elle commençait à avoir mal aux pieds.

Tym, se posa soudainement sur sa poitrine et entreprit de dévorer la musaraigne qu’il avait attrapée. Eli se redressa d’un bond.

Dégage de là sale sac à puce ! T’es pas un peu malade de venir bouffer ce truc immonde sur moi ?

Tym s’envola avec nonchalance et se posa un peu plus loin. Eli fit mine de lui envoyer un coup de pied, brassant l’air, mais il l’ignora avec morgue.

Stupide animal !

L’air de rien, il reprit sa forme de chat et goba d’un coup ce qu’il restait de la bestiole. Eli tira sur sa chemise pour observer les dégâts. Rien de bien important heureusement. C’était sa dernière chemise à peu prêt propre et elle en avait bien besoin. Il faudrait penser à laver les autres un jour… et pas seulement les vêtements pensa t’elle en fronçant le nez. Tym sembla la narguer d’autan plus en commençant à faire sa toilette juste sous son nez. Un jour, elle l’abandonnerait dans une fausse profonde au fin fond de Goldoa. Qu’il aille au diable !

Eli ramassait ses affaires et bouclait son ceinturon, pensant chercher un coin plus propice pour passer la nuit lorsque des bruits de voix l’interpellèrent. Qui pouvait bien trainer dans ce coin perdu ? La forêt de Serenes n’était pas le meilleur endroit pour les balades en amoureux. L’atmosphère se corsait. L’idée de se défouler un peu ne lui était pas désagréable ou au mois, récupérer un peu de monnaie sur des corps abandonnés. Eli se dirigea d’un pas léger mais discret vers la scène du combat. Elle passa sous le couvert des arbres pour gagner en discrétion. Ainsi elle observa une scène de combat entre trois homme, appuyée les bras croisés contre un magnifique chêne qui devant être au moins centenaire. Un bataille qu’un homme grand et aux cheveux noirs mena d’une main de maitre.
Lorsqu’il dégaina, Eli eut l’impression que Belthil frémit sous sa main. La lame de l’homme paraissait dotée d’une âme propre. Les reflets dorés qui l’ornaient formaient une flamme ardente, bondissante avec les coups de son porteur. Il maitrisait ses coups avec art, l’intérêt d’Eli était éveillé. Elle pouffa ; douloureux cet endroit ! Ce garçon avait le sens de l’humour.

Cela ne dura pas bien longtemps. Mais le spectacle avait été agréable. Le problème était qu’il ne les avait pas achevés, du coup, rien à piller. Eli se mordit les lèvres. Tant pi, elle trouverait un autre moyen, ou les pisterait plus tard pour les détrousser. Pour l’instant, elle s’avança vers le soit disant gardien, prenant garde de ne pas se faire repérer. Malgré tout ses voyages et ses connaissances, elle n’avait encore jamais entendu parler du gardien de Serenes. Enfin pourquoi pas après tout, ce qui était intéressant c’est que cet homme semblait protéger quelques chose. Et les hommes prêt à tout étaient ceux qui se battaient le mieux. Voila qui allait être amusant.

Tym passa entre ses jambes et manqua de la faire tomber. Cet enfoiré choisissait vraiment ses moments. Cela manquait un peu de classe comme entrée, mais heureusement l’homme ne l’avait pas vue et ramassait les armes laissées par les bandits.

Eli saisit Belthil et sortit son arme qui glissa silencieusement hors du fourreau. La lame refléta les rayons du soleil couchant. Rien au monde ne pouvait égaler sa beauté, pas même la lame dorée de l’inconnu. Et une seule personne pouvait égaler le talent de sa propriétaire, ce que l’adite propriétaire allait s’empresser de démontrer. Placée sans un bruit dans le dos de l’homme ayant baissé sa garde après son combat, elle le piqua avec la pointe de Belthil.

Et que protège le gardien ce cette foret sacrée ? Y a-t-il du sang à verser sous ses frondaisons profondes ?

La jeune femme fit courir sa lame dans le dos du garçon.

Vous feriez bien de me répondre assez rapidement, la patience n’a jamais était mon fort ajouta t’elle en souriant.

Tym vint s’assoir devant l’homme et le regarda en penchant la tête avec un petit miaulement de compassion.
Eli secoua la tête. Vraiment, ce chat l’exaspérait.

A peine fut-il complètement redressé qu'un truc lui piqua le dos... un truc désagréablement familier... sur le coup, il retint sa respiration et lâcha les haches.

<< Et que protège le gardien ce cette foret sacrée ? Y a-t-il du sang à verser sous ses frondaisons profondes ? >>

Au début, il a cru que les bandits étaient revenu mais au final non. La voix féminine lui était parfaitement inconnue... La lame lui glissa le long du dos jusqu'à la nuque. La pointe était désagréable à sentir...

<< Vous feriez bien de me répondre assez rapidement, la patience n’a jamais était mon fort >>

Alan se mordit la lèvre. Dans la forêt, il n'y avait rien qui valait le détour mais si cette femme voulait tuer des Laguz... elle risquait de tomber sur sa demeure et alors elle pourrait s'en prendre à sa famille... non, pas question que ça se produise !

Un chat se plaça juste devant lui, miaulant de compassion.

<< Qu'espérez-vous trouver dans cette forêt hormis des Laguz ? Il y a du gibier et quelques champignons bien sur mais sinon... >>

Alan n'escomptait même pas dégainer tant que la pointe lui titillerait le dos. Rien que le fait qu'elle se soit placée dans son dos sans qu'il remarque quoi que ce soit indiquait qu'elle n'était pas une débutante... il n'avait plus qu'à parler en réfléchissant à trouver une sortie.

<< Et vous leur voulez quoi, aux Laguz ? Ils sont ici chez eux sous couvert de la loi. Essayez seulement de les toucher et on vous verra au bout d'une corde sur la grand-place de Sienne, j'y veillerais personnellement. >>

Pour le peu qu'il soit encore en vie après ça, bien sur... mais il se devait de vivre. Vivre et protéger sa famille. Vivre et élever ses enfants. Vivre et rendre Kwendal heureuse...

La jeune femme esquissa un nouveau sourire. Ça se sentait à des kilomètres, ce type ne voulait pas qu’elle aille trainer dans la forêt. Et il insistait particulièrement sur la présence des Laguzs. Ce qui lui plaisait dans cette histoire, c'est qu'elle n’en avait rien à faire des derniers descendants du peuple des hérons ou autres bestioles sacrées. Elle ne se serait même pas approchée de cet endroit si cet abrutit de paysan ne lui avait pas indiqué la direction opposée. D'autant plus que c'était par là que Nao Lyn Sha s'était dirigée. Et une de ces grandes inspirations du moment, était de l’éviter comme la peste. A ce nom, son corps se figeait. L’admiration devait bien avoir des limites mais celles de cette lionne étaient d’un autre niveau que celui du commun des mortels.

Son unique but dans cette affaire était de battre ce gardien de pacotille semblant recéler des talents très intéressant. Elle n'avait pas fait de duels contre quelqu'un de valable depuis un bon moment, et cette sensation grisante lui manquait.

Il ne voulait pas qu’elle empiète sur ses platebandes. Il paraissait avoir peur pour sa vie. Ce qu'il voulait sauf-garder était si important? C'était parfait. Elle le provoquerait jusqu'à ce qu’il se décide à montrer un peu de testostérone.

La luminosité commençait à baisser un peu, et sous les arbres, Eli put apercevoir que le ciel se tentait de magnifiques couleurs chatoyantes. Le soleil se couchait, il fallait avancer. Mais le garçon avait proféré une menace qui lui restait en travers de la gorge. Eli frissonna et ce n'était pas la brise légère agitant le feuillage des arbres qui était en cause.

Elle ne finirait pas par la corde. Cela au moins, c'était certain. La pendaison…. Rires, cris, lèvres souriantes. Sa prise se raffermit sur la poignée de Belthil. Eli piqua la nuque du jeune homme jusqu'à ce qu’une gouttelette de sang vermeille perle de la blessure. Sa lame sembla étinceler un peu plus fort; avide. Décidément, c’était vraiment une extension d’elle-même. Avoir cet homme à sa merci exaltait la jeune fille. Son corps commençait à demander un peu d’action pour utiliser cette énergie.

Tym donna un coup de pattes vengeresse sur la botte de l’homme puis, il s’éloigna la queue en l’air, très fier de lui. Plantant ces griffes dans l’écorce d’un arbre, il grimpa tout en haut, s’installant pour avoir une belle vue sur le spectacle. Eli secoua la tête en voyant son flegme habituel. Mais elle resta concentrée sur sa victime. Ce n’était pas le moment de laisser passer sa chance de se défouler.

Les Laguzs ? Ces sous-humains ? Ces bêtes orgueilleuses et stupides ? J’ai toujours trouvé que leur octroyer cette forêt était la pire erreur faite ces dernières années. Ou peut être pas. La pire serait plutôt de ne pas les avoir tous massacrés.

Eli baissa son arme. Avec un léger pas sur le coté, presque en sautillant, elle contourna l'homme pour se retrouver en face de lui. Elle releva son arme et le garda à portée. Pouvant enfin voir son visage, elle put se délecter de cette lueur alarmée brillant dans son regard. Facil, facil, facil, ! Une fin de journée très amusante se préparait.

Cependant, vous n’avez toujours pas répondu à a question.

Elle fit une pose, pesant soigneusement ses mots pour leurs donner plus d'impact.

Quelques chose de plus à ajouter pour m’aider dans mes recherches au lieu de mourir immédiatement ? De toute façon, avec ou sans votre aide, je trouverai forcément, dit t-elle en le regardant d’un air provoquant.

Eli fit quelques pas en arrières, diminuant la menace qu'elle faisait peser sur la poitrine de l'homme. Elle abaissa même légèrement son arme. Sa respiration s'était accélérée; elle était prête. Ses muscles bouillonnant n’attendaient plus que son commandement.

Ce n'est pas comme si vous pouviez m’arrêtée.

Elle le toisa de la même façon qu'une crotte que Tym aurait laissé sur son matelas. S’il ne réagissait toujours pas après cette provocation, il méritait vraiment de mourir et n'était qu'un idiot.

Alors, dansons?

Là haut, on pouvait apercevoir les yeux de Tym briller dans la noirceur des branches. Il ne perdait pas une miette du spectacle.

La sensation de picotement dans la nuque atteint une telle intensité qu'Alan pu sentir une gouttelette de sang perler. Le chatte donna un coup de patte dans la botte d'Alan puis grimpa à un arbre... c'était quoi, son problème au chat ?

<< Les Laguzs ? Ces sous-humains ? Ces bêtes orgueilleuses et stupides ? J’ai toujours trouvé que leur octroyer cette forêt était la pire erreur faite ces dernières années. Ou peut être pas. La pire serait plutôt de ne pas les avoir tous massacrés. >>

Alan serra les dents au point qu'il ne serait pas étonnées si elles se brisaient.

<< Parce que les Beorcs valent mieux ? Qu'est ce qu'ils vous ont fait, les Laguz ? Cette haine entre les peuples m’écœure au point que j'en vomirais mes tripes... >>

La pointe de l'épée quitta la nuque d'Alan. La femme se déplaça sur le côté d'Alan et l'épéiste put observer le visage de la femme. Il était encore à portée de coup. Pas question de bouger pour le moment, il fallait qu'il aie assez de chances d'éviter un coup avant de se dégager et sortir son arme.

<< Cependant, vous n’avez toujours pas répondu à a question. Quelques chose de plus à ajouter pour m’aider dans mes recherches au lieu de mourir immédiatement ? De toute façon, avec ou sans votre aide, je trouverai forcément. >>

Effectivement, il aura beau se taire, si cette femme le tuait, elle pourra trouver Kwendal et les enfants... non, pas question de mourir maintenant ! Alan garda le silence et attendit. La femme recula encore, mais la menace était encore trop importante pour se permettre de bouger, même si elle baissait sa lame.

<< Ce n'est pas comme si vous pouviez m’arrêtée.
- On parie ? >>

Elle le regardait comme s'il était un immondice sur ses groles soigneusement lavées.

<< Alors, dansons? >>

C'était un défi... Alan fit un petit bond en arrière et dégaina Artamon. La lame dorée reflétait les lueurs du crépuscule. Il la pointa vers le femme. Son regard affichait toute sa détermination.

<< Dansons... >>

Il se jeta sur elle et lança une attaque de taille. Un coup de base pour lancer la bataille comme celle-là.

Marcher vers le soleil déclinant et le voir baisser peut à peut sur la ligne de l’horizon. Toute ses couleurs chaudes qui se mêlent et s’entre-mêlent. L’orange fondu dans le rouge, le tout tinté de reflets jaunes et dorés. Et parfois même des nuées roses, parsemant le tout de petites touches vives sur un fond bleu profond allant s’obscurcissant. Un cavalier galopant en trombe vous dépasse. La trainée de poussière qu’il laisse derrière lui reste en suspension. Les particules captent la lumière et on a l’impression que des arches brillantes se forment devant nous. Elles scintillent parées d’irisations multiples, mouvantes selon les mouvements du vent.

Et nous, captivé, nous les admirons n’osant passer à travers. La scène devient irréelle. On reste planté là, comme à la porte d’un autre monde. Toutes nos pensées s’envolent, notre tête est vide; lavée. Il n’y a plus que cette beauté magique de la nature qui nous absorbe. Que sommes nous, petits êtres méprisables devant cette beauté inégalable? Qu’importe la douleur et les ténèbres qui errent dans nos cœurs quand on peut observer des spectacles aussi magnifiques. On se sent stupides et inutiles quand des choses aussi simples nous transportent à ce point. Et là, le soleil rejoignait sa couche et disparaissait.

Eli para le coup, avec facilité, tout en conservant un rictus de plaisir. Les lames s'entrechoquèrent dans un tintement de métal.

Elle recula de quelques pas, gardant son adversaire à sa portée. Puis elle se détendit comme un serpent et sa lame siffla dans l’air tant l’attaque était rapide. Mais le coup manquait de puissance, et cet homme semblait avoir des réflexes aiguisés. Il écarta Belthil d’un coup puissant avant de tenter une attaque de front. Eli sauta en arrière hors de sa portée. Elle le garda à distance, son épée tendue entre eux, la pointe en face du visage de l’homme. Il avait baissée son arme et ses mains se convulsaient contre la garde. Prêt à tout, donnant sa vie pour protéger ce qu'il devait sauf garder. La jeune femme en frémit de joie.

Elle ramena son arme en arrière puis la propulsa tout en faisant un pas en avant, tentant un coup d’estoc. Sans trop de puissance, comme le premier, elle chercher à tester le jeune homme, à s’amuser un peu avant de passer aux choses sérieuses. Lui piquer les côtes en dansant l’amusait au plus faut point. Il fut tout juste assez rapide pour écarter une nouvelle fois sa lame. Eli décida de le pousser jusque dans ces retranchements pour voir jusqu’où il pourrait égaler sa vitesse. Elle avait sans doute moins de puissance que lui, ce n’était pas pour rien qu’aucune cicatrice n’ornait son jolis minois.

Après avoir affermit sa prise sur son arme, elle se déplaça à petits pas rapides, usant de l’estoc, accélérant toujours la cadence. Ce rythme lui allait bien, elle aimait les coups rapides et les jeux de jambes vifs. Ils ferraillèrent un bon moment mais elle gagnait toujours du terrain, un pas après l'autre.

Son adversaire recula jusqu'à avoir le dos collé à un arbre. Le sourire d'Eli s’élargit, découvrant ses dents parfaites. Tant pi, c'était le moment de donner le coup de grâce. Trop facile, elle avait tout juste eut le temps de s'amuser. Même si l’excitation était à son comble et qu'elle s'était dénouée un peu les muscles.

La jeune femme avança sur l’homme et se fendit, dans un large mouvement. Elle aimait bien prendre des risques inutiles au combat, d'autant plus pour le coup final. C’était plus excitant. Sa lame fila vers le cœur de l’homme. Mais il y eut un nouveau claquement d'acier. Il avait eu le temps de voir le coup venir et cette fois encore, l'avait repoussée.

Le choc lui fit perdre l’équilibre, penchée comme elle l'était, ses pieds n’étaient pas stables et le poids de Belthil l’emportait. L'homme contre attaqua et elle ne pouvait bouger assez vite. Elle était à sa merci, sentait la lame dorée filer vers elle. Eli plongea au sol et se jeta sur le coté dans une roulade des plus désordonnée. Elle se blessa à la main en serrant Belthil pour ne pas l'échapper.

Sautant sur ses pieds, Eli reprit ses distances avec l’homme. Des mèches de cheveux tombèrent sur ses épaules. Eli parti dans un grand éclat de rire. Elle l’avait échappé belle. Son adversaire était doué, parfait, parfait, parfait ! Il était à elle, elle le ferait se donner jusqu'au bout de ses réserves. Jusqu'à ce qu’il s’écrase devant elle et lui demande grâce.

J’ai faillit y passer, admirable !

La jeune femme changea son arme de main, et chargea son adversaire tenant Belthil de la main gauche. La pointe de l'arme était dirigée vers le sol et laissait une fine trainée dans la terre sèche et herbeuse. L’homme l’attendait, prêt à lui faire payer cette position étrange. Au dernier moment, la jeune femme pivota, se plaçant de profil mit sa deuxième main sur la poignée de son arme et la propulsa en avant envoyant par la même occasion un nuage de poussière dans la tête de l’homme.

Aveuglé, il ne lui restait que quelques secondes pour réagir et survivre.

La danse était lancée rythmée par les lames s'entrechoquant et glissant dans le vent. Homme et femme s'approchaient, s'éloignaient, bougeaient, se contorsionnaient, tel une parade nuptiale pour impressionner l'autre parti. Alan se sentait grisé par le combat. Cette femme avait du talent mais ne s'en servait pas à plein régime. Elle le testait un moment, plaçant des coups simples à parer. Puis elle passa à un assaut plus rapide, forçant Alan a reculer pour se donner de la marge pour placer ses coups. Elle était sacrément rapide, elle pronait donc la vitesse pour avoir l'avantage. Mais la vitesse seule ne suffit pas toujours.

Finalement, à force de reculer, Alan se retrouva dos à un arbre. La femme sourit plus qu'elle ne souriait déjà. Alan était peut être vaincu... sauf que la femme fit une erreur fatale : elle tenta un coup un peu trop fort, la rendant vulnérable pendant la charge et prévisible avec ça : elle se fendait en avant. Alan para le coup et la repooussa. La femme perdit l'équilibre et Alan passa à la charge. La femme se laissa rouler par terre pour éviter le coup, mais sa main dominante se blessa en voulant garder l'épée.

La femme se redressa d'un bond et s'éloigna avant de... rire ? La tension du moment sans doute, elle a bien failli y passer après tout.

<< J’ai faillit y passer, admirable ! >>

Elle fit passer son arme dans la main gauche et repassa à l'attaque. La pointe de l'épée éraflait le sol, laissant une trainée de poussière et d'herbe derrière elle. Alan se mit en garde, paré à toute éventualité. Alors qu'il s’apprêtait à une parade, la femme empoigna son épée à deux mains et la redressa, soulevant un nuage de poussière. Alan ferma les yeux et bondit en arrière. Il sentait les particules de terre tenter de s’infiltrer dans ses paupières et sa main droite tenta de les enlever rapidement alors qu'il faisait des esquives au hasard jusqu'à heurter un mur. Il sentit une entaille dans son torse et Alan se décida à ouvrir les yeux juste à temps pour placer une parade et repousser la femme. Elle se redressa et plaça rapidement une nouvelle attaque. Seul moyen pour Alan de parer, dégainer Alondite pour dévier la lame d'un coup de poignée en la défouraillant... et c'est ce qu'il fit. La lame lui frôla la côte et l'épéiste fit un bond sur le côté pour se dégager et prendre ses distances. Le voilà avec une arme dans chaque main. Artamon la dorée dans la gauche et la sainte Alondite, lame aux reflets argentés, dans la droite.

<< Pas mal, pas mal... >>

Les yeux d'Alan pétillaient d'excitation. Voilà longtemps qu'il n'a pas affronté un adversaire à sa mesure. Mais pas question de perdre, surtout après ce qu'elle a annoncé. Quelqu'un qui n'aimait pas les Laguz et s'intéressait à cette forêt n'avait qu'une seule chose en tête...

Alan se cabra et repassa à l'assaut. Avec deux lames pour attaquer, ses assauts se faisaient moins rapide mais plus puissant. S'il se forçait un peu, il pourra la déséquilibrer et en finir en vitesse. Ses assauts vont pleuvoir, pas question de laisser à cette femme le temps de placer une attaque. Il devait la désarmer au plus vite.

Le sang, ce fluide qui représente notre vie et dont la couleur si magnifique, symbolise les plus grandes passions des hommes.

Lorsque la pointe de son épée déchira la chaire de l’homme, Eli ne put se retenir d’esquisser un nouveau rictus de satisfaction. Pas assez profond, mais le premier sang était versé. Et le reste suivrait. Elle relança sa lame qui fut parée avec précision. Le jeune homme ne se laissait pas déconcentrer par une simple blessure. Sans attendre une seconde elle enchaina visant les côtes. Cette fois ci, elle l’aurait, le coup était parfaitement placé et dans le timing idéal. Mais l’homme dégaina sa deuxième épée de sa main libre et Belthil trouva le métal argenté au lieu de la chair saignante qu’elle attendait. Eli sauta en arrière un peu surprise. Elle n’avait pas prit en compte la deuxième lame de l’homme, ce qui était une grosse erreur.

La Béorc tourna autour de son adversaire, ne le perdant pas des yeux une seconde, étudiant chaque partie de son corps. Ces yeux brillaient, lui aussi aimait se battre.

L’homme s’élança vers elle.

Ses coups pleuvaient. Ils étaient si puissants. La jeune femme avait prit son épée à deux mains, mais ses bras tremblaient à chaque fois qu’elle parait. Elle n’avait plus le temps de contrattaquer que déjà la lame suivante filait vers elle. Deux épées ; pourtant différentes, que le jeune homme semblait maitriser d’une main de maitre. Eli n’aurai jamais pensé qu’un partisan du style à deux épées puisse utiliser des armes si différentes. L’homme ne semblait pas être gêné. Au contraire, il exploitait chaque particularité de ses lames pour effectuer ses attaques, ne laissant aucun champ libre à la jeune femme. Elle se concentrait pour ne pas être déséquilibrer, ne pas faire un faux-pas mortel, éviter cette erreur pouvant lui faire perdre la vie.

Un funambule sur un fil tanguant sous les assauts du vent, voila où elle en était. Mais ce funambule ne restait pas immobile tremblant sous le coup de la peur. Au contraire, il accentuait les mouvements de la corde, elle se balançait de plus en plus, sautant d’un point à l’autre en marchant sur les mains. Consciente du vide qui attendait la moindre erreur, elle préférer jouer avec lui au lieu de le craindre ou même de l’ignorer. A chaque nouvelle foulée, elle narguait la mort, pleine de sarcasmes.

La jeune femme était toujours impuissante, admiratrice de la technique de son adversaire. Mais se faire malmenée ne faisait qu’augmenter sa furie. Elle se sentait bien. Son corps à l’écoute, réagissait à la perfection. Jamais elle ne se sentait autant en communions que lorsqu’elle combattait. Un plaisir exquis qui coulait dans ses veines, l’amenant à ressentir une euphorie proche de la folie. Un tel délire, un tel délice, même le sexe n’apportait pas la même satisfaction. Pour elle se battre donnait un plaisir inégalable qui ne faisait qu’augmenter avec la durée de l’épreuve et sa difficulté.

Parant, sautant, esquivant, devant développer des trésors de rapidité pour contrer deux lames au lieu d’une. La jeune fille s’amusait comme une folle. Ses bras vibraient et ses jambes dansaient. Elle cherchait la faille, toujours contrant, ne ressentant même pas les premiers signes de fatigue. Son corps lui envoyait des signaux d’alerte, mais toute à sa folie, son cerveau ne les interprétait même pas. L’excitation était à son comble, c’était le moment de contrattaquer.

La jeune femme tenta de réduire la distance entre eux, ce rapprochant progressivement. Dangereuse manœuvre qui lui laissait seulement moins d’occasion. Elle tenta de faire cela petit à petit, sans éveiller l’attention de son adversaire, exécutant des mouvements de moins en moins larges pour se contenter de petites frappes nets et précises.

S’en était-il aperçu ? Dans tout les cas, leurs corps étaient si proches qu’ils semblaient danser sur un air glacé apporté par la mort. Les rayons du soleil déclinant passaient quelques fois entre leurs corps, éblouissant ou disparaissaient derrière leur chaire. L’homme perdait peut à peu l’avantages de ses deux lames, encombrante pour un combat rapproché. Eli n’utilisait que certaines parties de sa lame pour bloquer, la faisant valser sur un air enjoué.
Enfin, elle sentit l’ouverture, plus qu’elle ne la vit. Prenant son arme seulement de la main gauche, elle fit glisser Belthil jusqu'à la garde d’Alondite, l’écartant sur la gauche. Sa main droite fusa, choppant le col de l’homme et la jeune fille lui envoya un coup de tête phénoménale en plein visage. Se sonnant à moitié également. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?

La chose qu’elle avait choisie d’ignorer était Artamon qui se dirigeait sur elle lorsqu’elle effectuait sa manœuvre. Bien que son action ait déséquilibrée et désorientée son adversaire, elle ne put éviter la morsure de la lame dorée. Celle-ci lui entailla le bras profondément.

Eli tituba en s’écartant, serrant son bras blessé mais fier de sa réussite. Elle déchira rapidement sa manche et s’en fit un garrot. Avec une seule main, l'entreprise fut difficile mais elle y réussi tant bien que mal. Levant son bras jusqu’à ces yeux, elle observa son sang qui avait coulé sur ses doigts. Portant sa main à ses lèvres, elle lécha le liquide tout en conservant un éternel sourire de satisfaction. Puis elle reporta son attention sur l'homme.

"-Délicieux n’est ce pas ?"

Tym changea de position dans les feuillages, laissant tomber une pluie de poussière entre les deux combattants.

La douleur... une sensation à la fois déplaisante et rassurante. Alan n'était pas masochiste, la souffrance était une chose qu'il exécrait. Mais avoir mal, ça veut aussi dire qu'on vit... la douleur l'empoignait vilainement au torse, mais s'il avait mal, s'il pouvait encore bouger, même en ayant mal, alors tout allait bien pour l'instant.

A en juger la mine surprise de la femme, elle n'aurait jamais pensé qu'Alan puisse manier sa seconde lame durant le combat. Comme un prédateur, elle a tourné autour de lui en attendant qu'il lance la charge. Même si elle parvenait à parer ses coups, ses membres tremblaient sous l'assaut des lames d'Alan. Elle ne pourra pas tenir indéfiniment comme ça. Pourtant elle se débrouillait bien. Alan se donnait à fond dans cet assaut et cette femme paraît chaque coup. S'il pouvait agir aussi rapidement que quand il maniait une seule lame, elle n'aurait pas eu de chance. Mais manier deux lames l'obligeait à se focaliser sur un côté à la fois. Manier deux lames si différentes en même temps, c'était comme vouloir sauter tout en écrivant.

La folie du combat... voilà longtemps qu'il ne l'a pas ressentie aussi nettement. Cette sensation, ce fourmillement qui faisait vibrer le corps, qui lui faisait tout oublier pour qu'il savoure pleinement ce fruit rouge sang. Il en jubilait presque tant c'était exquis. Sa langue passa voracement sur ses lèvres alors qu'il amorçait le prochain coup. Cette femme... il voulait l'entendre hurler alors qu'il portera le coup qui mettra fin au combat. Il veut la voir à terre, baignant dans son propre sang alors que celui d'Alan coulera sur son corps aux vêtements loqueteux, déchirés par l'ardeur du combat. Alors qu'il pourra rentrer chez lui, fier de sa victoire et soulagé d'avoir pu protéger sa famille.

Quelque chose clochait... la femme se rapprochait au lieu de s'éloigner. Elle voulait donc mourir ? A moins que...

Trop tard pour réagir, les danseurs étaient tellement proches qu'Alan sentait les seins de la femme lui frôler le torse. Ce combat prenait vraiment des airs de valses. Les violons des enfers jouaient leur lente complainte, rythmée par les bruits métalliques des lames s'entrechoquant. Un pas sur le côté, un choc. Un petit bond en arrière, un nouveau choc. Un pas en avant, un frôlement puis un nouveau choc. Le requiem du guerrier était joué, il n'avait plus qu'à donner la note final, un trémolo scandé par la femme. A cette distance, il pouvait l'abattre en une attaque. Il fallait tenter le coup...

La lame glissa le long d'Alondite, un main empoigna le col d'Alan et les deux crânes s'entrechoquèrent. Alan tituba, mais son réflexe a quand même porté. Alors qu'il titubait, il sentit
Artamon entailler un corps. Hormis sa tête encore étourdie, tout semblait être en état de marche chez lui. Quand il reprit ses esprits, la femme serrait son bras. Elle a mit fin à la danse, mais au prix d'une blessure au bras. Rapidement, et maladroitement, elle se fit un garrot. Alan la laissa faire. Il n'y aurait aucun plaisir à gagner s'il attaquait une femme qui se soignait. Il voulait l'abattre alors qu'elle était à fond dans le combat. Elle se lécha les doigts, couverts de son sang, après ça.

<< Délicieux n’est ce pas ? >>

Alan porta un regard sur Artamon, rougie du sang de la femme. Alors, comme un enfant léchait une glace, il porta sa langue sur le métal froid comme la mort et la fit parcourir le long du tranchant, délicatement, savourant l'hémoglobine qui lui titillait les papilles.

<< Savoureux en effet... je vais m'en resservir une cuillerée, je crois ! >>

Un peu de poussière tomba entre les deux combattants. Alan rengaina Artamon. Il ne s'agissait pas de frapper fort mais d'être plus rapide qu'elle. Il lui faudra donc porter des coups nets et précis. Il avait bien plus l'habitude d'Alondite, qu'il maniait maintenant depuis presque un an, qu'Artamon qui, bien qu'elle aie le gabarit de sa bonne vieille lame d'argent, lui était encore assez inconnue.

La lame siffla puis percuta l'épée ennemi. Alan s'était jetée sur elle de toutes ses forces et lames étaient collés l'une à l'autre, formant ainsi une croix, comme un sceau interdisant aux corps de se coller l'un à l'autre. Alan forçait comme il pouvait pour faire chanceler la femme. C'était un rapport de force et il se campait fermement sur ses jambes. Il mettait toute son énergie pour la forcer à en faire autant. Quand il sentira la force de son adversaire à son paroxysme, il donnera du mou pour la faire tomber à côté de lui, alors ça sera la fin. Mais c'était un jeu dangereux, bien qu'il aie une parade simple si la femme le faisait avant lui. S'il tombe, il devra rouler loin d'elle aussitôt, il était conscient du danger et se prendra sans doute un coup, mais s'il parvient à s'en sortir, il devra jouer un autre atout...

Le feut brulait, consumant sa raison pour qu'il savoure plus encore le goût du sang de la femme qui envahissait encore sa bouche. Il en voulait encore plus... toujours plus... il voulait son sang ! C'était le sang de cette femme qui devait souiller ce sol à l'orée du saint sanctuaire Laguz, pas celui de sa famille !

Ce coup,elle l'avait vu arriver à des kilomètres. De la force brute de taureau bondissant contre laquelle elle n'avait théoriquement aucune chance de remporter la victoire; théoriquement. Après des années de pratique de l'épée, elle avait apprit à combler ses faiblesses.Bonne position, équilibre et vitesse étaient la clef du succès. Mais ce coup était trop prévisible.

Le sourire d’Eli s’estompa. C’était comme si elle venait de recevoir une douche glacée et que excitation et plaisir c’étaient soudain envolés. Cet assaut lui paraissait faible. L'homme, arc-bouté contre sa lame, semblait donner toutes ses forces pour la faire chanceler. Eli une main sur la poignée de Belthil et l’autre appuyant sur la lame, les jambes bien écartées dans une position confortable, ne forçait absolument pas. Très souvent, ceux qui avaient voulu user de la force pure contre elle, s’étaient retrouvés avec un morceau en moins. Un bon gros morceau qui laissait échapper une fontaine de sang lorsqu’elle le coupait.

Joyeux souvenir.
Eli s’esclaffa.

Puis elle se jeta en arrière.

Courbant son corps souple et bien entrainé, elle accompagna l’homme dans sa chute en avant, devenant une sorte de tremplin. Elle put apercevoir rapidement son expression surprise avant de lâcher Belthil, poser les mains au sol et lui envoyer un coup de pied en plein dans l’estomac en parfaite position du poirier.

«- Vole petit papillon vole »

Après sa figure, la jeune femme se laissa tomber en arrière pour atterrir parfaitement sur ses pieds. Elle se retourna comme une danseuse, et admira l’enchevêtrement de corps et de métal qui gigotait devant elle. Elle s’inclina bien bas avec force de courbettes et en profita pour récupérer sa lame restée au sol.

« -Je suis navrée, je n’ai pas un style très académique, mais tous les moyens sont bon. »

La jeune femme regarda sa lame, passa le doigt sur le fil sans se couper. Elle avait voulu donner une bonne leçon au type aux cheveux noirs et espérait qu’il en prendrait de la graine. Était-ce la peine qu’elle se fatigue pour lui ? Eli ne savait plus trop quoi penser. Le jeune homme semblait avoir beaucoup de qualités mais les gardaient cachées pour l'instant. Elle changea à nouveau sa lame de main. Finalement, autant s’imposer de la difficulté sinon le combat serait ennuyant. La jeune femme ne savait pas si son attaque avait portée ses fruits mais peut importait. Peut importait également sa blessure au bras qui l’élançait, la faiblesse qui lui courrait l’épaule jusqu’au poignet.

Elle attendit que l’homme se relève.

« -Si on mettait fin à cette plaisanterie ? »

S’élançant, elle lui porta un coup de taille au visage, elle avait ralenti ses mouvements, laissant de larges failles grandes ouvertes pour que l’homme y plonge et se fasse happer par le piège.
Désormais, elle lançait ces coups d’une manière précise mais en faisant de grands gestes, comme pour un combat contre plusieurs adversaires. Elle avait perdu la flamme qui l’animait et se contentait de répondre mécaniquement, sans grand enthousiasme.

« -Et une et deux et une et deux »

Son entrainement avec Greil lui revenait. Quand elle était encore en train de former sa technique, et qu’elle se battait par fois contre son fils. Ike, il devait toujours être à Criméa. Après toute ses années sans le voir, la jeune femme se demandait comment elle réagirait en se retrouvant nez à nez face à lui. Surtout qu’elle l’avait vraiment incendié la dernière fois qu’ils s’étaient parlés. Enfin peut importe. Elle n’avait absolument plus envie de le revoir de toute manière. Ni lui, ni aucun membre des mercenaires. Et Myst ?

Un coup de l’homme lui frôla la pommette. Eli reporta son attention sur le combat. Si elle ne voulait pas qu’il se finisse sur cette note morne, il fallait agir maintenant. Continuer la provocation, toujours.

« -C’est tout ? Vous êtes un incapable. Je m’attendais à mieux. Vous devriez vous donner un peu plus si vous ne voulez pas que le sang de ceux que vous aimez coule dans cette forêt. »

Elle avait dit cela sous le coup d’une inspiration soudaine, attendant de voir si l’expression de l’homme confirmait ou non ses dires. Mettant son épée sur son épaule, elle le regardait d’un air crâneur.
Là haut, Tym poussa un faible miaulement.
Oh sa va, sale truc à patte !

Ca n'a pas marché. Cette femme l'a pris de vitesse alors qu'il voulait la faire chanceler. Le coup dans le ventre l'a assommé un moment et fait cracher un peu de sang, mais c'était passé. Bon, il n'aura pas la victoire en comptant sur sa force. Retour à la tentative pour la prendre de vitesse dans ce cas.

« Je suis navrée, je n’ai pas un style très académique, mais tous les moyens sont bon. »

Alan se releva, silencieux. Elle voulait le faire enrager. Surtout, garder son calme. S'il se laissait emporter, c'était fini... la lame de la femme, passa à la main blessée. Elle le provoquait encore... à moins qu'elle ne prépare quelque chose.

« Si on mettait fin à cette plaisanterie ? »

Et elle se jeta sur lui. Ses mouvements étaient ralentis... faiblissait-elle ? Quoi qu'il en soit, Alan para l'assaut aisément. La femme était bien plus précise dans ses assauts, mais elle faisait de bien grands gestes. Elle se rendait vulnérable. Elle préparait quelque chose. Et elle attaquait avec nonchalance avec ça.

« Et une et deux et une et deux »

Elle le narguait. Ca ne prendra pas avec lui. Alan se contentait de parer et d'éviter les coups tout en plaçant des attaquer ne le mettant pas trop en situation où il le regretterait. Il fallait qu'il puisse s'éloigner au moindre truc louche. Un de ses coups parvint à lui frôler la pommette, mais elle semblait être un peu ailleurs à ce moment la. Il n'y à pas à dire, elle se foutait vraiment de sa gueule.

« C’est tout ? Vous êtes un incapable. Je m’attendais à mieux. Vous devriez vous donner un peu plus si vous ne voulez pas que le sang de ceux que vous aimez coule dans cette forêt. »

Dit-elle en plaçant son épée sur l'épaule d'une attitude provocante. Alan stoppa net ses mouvements tandis que quelque chose brûlait en lui.

Des visions cauchemardesques défilaient devant ses yeux. La forêt en feu, sa maison réduit à un état inimaginable, Kwendal et ses enfants retrouvés sous la formes de tas de chairs informes. Non... il ne pouvait tolérer ça...

<< Tu veux qu'on en finisse, hein ? >>

La rage qui embrasait son cœur le mit hors de lui. Ses yeux brulaient d'une haine rougeoyante défiant l'imagination. Sa langue passa d'un air sadique et pervers sur ses lèvres retroussées par le rictus de folie qui déformait son visage.

<< Pourtant je commence à peine à m'amuser ! Allons, tu ne va pas déjà me quitter ? Pas avant que je ne te punisse comme il se doit ! Je me demande combien de temps tes jambes tiendront quand je les broierais amoureusement ! Tu as été une vilaine fille, pas question que tu entres dans cette forêt ! >>

Oui, pas question qu'elle y entre ! Il allait lui infliger un tel traumatisme physique qu'elle passera le restant de ses jours sur des béquilles, pour le peu qu'elle soit encore en état de ramper jusqu'au village après ça.

Alan reprit Artamon comme arme et se jeta sur la femme à toute allure. Alors qu'il allait se trouver à portée d'épée, il se jeta en avant, planta son épée dans le sol et s'en servit comme pivot alors que, porté par son élan, ses jambes se propulsèrent de façon circulaire au niveau de celle de la femme. Un fauchage, tout simplement. Reprenant appui, il ressortit l'épée du sol et bondit vers la femme pour l'asséner de coups. L'envie de faire couler le sang de la demoiselle était à son paroxysme désormais. Elle a prononcé les mots tabous aux oreilles de l'épéiste. Ne serait-ce qu'annoncer qu'on comptait faire du mal à ceux qu'il aime était le meilleur moyen de s'attirer le côté le plus sadique et vengeur du reflet d'argent.

Cette réaction confirma les soupçons de la jeune femme. C’était un trésor plus précieux que de l’or ou des bijoux que cet homme protégeait.

Il avait changé. Dans ses yeux, brulait le feu sombre de la folie. Eli aimait les fous. Imprévisibles, surpuissants, n’ayant rien à perdre, tout à donner, rien de plus excitant. Même dans ses paroles, la folie transparaissait. En effet elle était une mauvaise fille, s’il savait seulement à quel point. Que c’était amusant que de voir quelqu’un de parfaitement normal et posé sombrer dans les ténèbres ouvertes dans son cœur et vibrant sur la corde du plaisir sans contrainte. Eli se laissait prendre dans ce piège si souvent. Et elle se répugnait à chaque fois qu’elle y tombait. Mais la tentation était trop forte, devenir moins qu’une bête, moins qu’un animal, seulement poussée par l’envie de sang et celle de se battre. Réduisant son humanité à une particule microscopique par rapport à la puissance et au pouvoir. C’était si bon d'être perdu dans la folie. Plus rien n’avait d’importance, morale, lois, amis, tout disparait pour laisser place au plaisir infini parcourant le corps comme un poison. Mais sa folie est passagère, elle ne dure que le temps d’un combat, un battement de cils sur la longueur d’une vie. Autrement, la douleur vient et la situation devient insupportable. Bataille de chaque instant, guerre sans fin contre soit même.

L’homme fonça sur elle.

Eli s’apprêta à le piquer au vol. C’était-il laissé emporté dans ce fleuve au courant si puissant ? Sa vie était le prix de son erreur. Mais au moment où il parvenait à sa portée, il fit un mouvement tellement étrange qu’Eli, surprise, mit à peine trop de temps à réagir. Lorsqu’elle comprit ses intensions, elle sauta le plus haut qu’elle pu tout en reculant en arrière, mais… une seconde trop tard. Les jambes de l’épéiste accrochèrent les siennes et la déséquilibra. Au lieu d’un joli bond, souple vers l’arrière, la jeune femme s’étala violemment au sol, face contre terre, échappant Belthil par la même occasion. Elle roula sur le coté le plus rapidement possible, ayant ramené ses membres contre elle, elle venait déjà d'évité une fracture au coude ou au poignet. Cependant… Cela ne servirait à rien, si elle n’était pas assez rapide maintenant.

L’homme était déjà sur elle. Un rictus bavant sur le visage il plantait le sol là où elle se trouvait un instant auparavant. Eli roulait, ondulait pour éviter les coups d’épée qui s’enfonçaient à quelques centimètres d’elle.

La lame filait. Cette fois ci, elle n’aurait pas le temps de bouger. La jeune femme écarta les jambes et l’épée vint se planter entre ses cuisses. Elle l’avait échappée belle. Le temps que l’homme retire une nouvelle fois son arme du sol, la jeune femme se suréleva sur son bras blessé et envoya un coup de botte sur le poignet de son adversaire. Profitant du temps gagné, elle roula en arrière et retomba accroupie sur ses pieds. Belthil était à quelques mètres delà. La lame rougissait dans les derniers rayons de soleil qui éclairaient encore cette face du monde. Mais elle semblait si loin, alors que l’homme se précipitait une nouvelle fois sur elle. La jeune femme avala sa salive. Il y avait bien un coup à tenter, elle s’était mis elle-même en mauvaise posture mais appréciait cette erreur. Avoir sa vie sur le fil la plongeait toujours dans un état étrange de lucidité et de bien être. Comme si le pardon s’approchait, ainsi que le repos, que tout était à sa portée et qu’il lui suffisait d’abandonner pour s’en emparer. Sauf… qu’elle s’était promis de ne jamais laisser tomber. Dans un sourire résidait une promesse qui la suivrait toute sa très très longue vie.

Eli écarta les bras face à l’homme qui allait l’embrocher d’un instant à un autre. Comme si elle attendait la mort, comme si elle se rendait. Lorsque sa lame frôla presque sa poitrine, elle se jeta sur le coté. Elle exécuta une roue, digne des plus grands gymnastes, utilisant la force cinétique de son corps pour accroitre sa vitesse. Emportée, elle sauta jusqu'à son arme qu'elle empoigna avant de se retrouver à terre. Se redressant sur un genou, elle faucha l’air devant-elle dans un grand geste circulaire, la tête baissée, dans même savoir où se situait son adversaire. Si le coup avait porté, il serait bien amoché. Dans le cas contraire... il faudrait juste recommencer.

Petite créature sans ailes
Toi qui essaye de voler
Tu auras beau t’échiner
Pour toi il n’y’aura pas de miel

D’où venait cette comptine stupide ? De très loin, une voix moqueuse chantait tout en répandant l’horreur autour d’elle.

Le coup avait porté. Visiblement, l'adversaire s'attendait à ce qu'il frappe un grand coup de façon banale, mais pas à cette botte. La femme tomba par terre, sans grâce, et Alan se jeta sur elle pour l'empaler sur sa lame. Toutefois, la femme s'était repris rapidement et roula sur le côté pour éviter ce qui aurait du être une première blessure, promesse d'une longue et épouvantable souffrance. Tant pis pour cette fois. Alan continua a tenter de la planter mais rien à faire, elle évitait le coups à toute allure et donna même un coup de pied au poignet d'Alan pour le ralentir, une fois. Elle en profita pour se relever alors qu'Alan se jeta sur elle pour l'empaler debout. Elle fit une pirouette pour l'éviter et se jeta sur son épée, un peu plus loin. Bon, retour au point de départ. La femme était au sol et tournoya sur elle même en se redressant, fauchant l'air. Alan avait bondit sur elle et ne dut sa survie qu'à la chance... enfin presque.

Alors qu'il gémit de douleur, une profonde entaille apparut sous la morsure du fer. Une fontaine de sang jaillit du poitrail de l'épéiste, imprégnant l'étendue émeraude de quelques perles de rubis liquide. Alan porta instinctivement une main à sa blessure alors qu'il bondit en arrière.

La douleur... son sang... un ennemi à terrasser... le feu de ténèbres qui incendiait son âme....

<< Héhé... >>

La soif de sang... l'envie de faire souffrir cette inconnue qui menace sa raison de vivre et sa vie elle même...

<< Héhéhahaha... >>

L'envie de sentir les os se broyer sous sa poigne, les organes palpiter dans ses mains impreignées de sang et peut être même un dernier vice pour satisfaire une pulsion soudaine avant d'écraser un cœur palpitant dans sa poigne.

<< HAAAAAAAAAAAAAAAAAAHAHAHAHAAAAAAAAAAA ! >>

Ses yeux rougeoyant de folie étaient pointés vers la femme, exorbités, hagard, un sourire glauque qui ne lui allait vraiment pas venant parachever ce portrait macabre de la sombre facette de l'épéiste. Rire comme il le faisait accentuait la douleur de la nouvelle blessure.

<< Formidable ! Vraiment ! J'adore ! Je me suis pas autant amusé depuis une éternité ! Encore ! Encore du sang ! Encore de la douleur ! >>

Il applaudit, sa main ensanglanté heurtant le poing de l'autre main tenant son arme, l’imprégnant ainsi d'hémoglobines. Suite à cela, il lécha sa main libre. Un petit rire lui échappa tandis qu'il avançait vers la femme.

<< Je dois reconnaître que ton sang à meilleur goût que le mien... je veux encore le gouter ! >>

Il s'avança et posa sa main contre sa blessure pour en recueillir le sang qui coulait encore plutôt bien.

<< Mais dis moi... tu veux gouter le mien, avant ? >>

Il balança le sang qu'il a récolté vers la femme. Il n'y en avait pas énormément, c'était juste pour inciter l'ennemi à se couvrir ou faire un mouvement d'esquive... bref, n'importe quoi pour détourner son attention le temps d'une attaque bien placée.

Le champ de bataille se teintait de rouge alors que le ciel sombrait petit à petit dans les ténèbres. A l'aube ne subsistera en ce lieu qu'un cadavre dans une mare de sang, preuve d'une nuit agitée.

Là, faisant face à l’homme qui regardait s’échapper des flots de sang de son abdomen, Eli se sentait suffoquer. Rien à voir avec la blessure de ce type, elle en avait vu d’autres… et bien pires. Mais il y avait cette impression désagréable qui pesaient sur ses épaules et lui étreignait le cœur dans un étau d’acier. Quelque chose à voir avec la chanson? Ce souvenir venant d'on ne sait où qui lui était revenus? La jeune femme reprit sa respiration par à-coup, faisant attention à afficher une expression neutre voir amusée.

Une seule couleur l’enveloppait, comme si elle tentait de l’engloutir. De tous les cotés, un rouge étouffant, rouge éclatant, rouge passionnant, rouge folie, rouge vie. Partout, partout ; dans le ciel, sur le sol, sur ce corps et sur le sien, et dans ces yeux où toute humanité semblait avoir disparue. Un monstre? Il semblait devenir de plus en plus bestial. Le regardant attentivement, l’épéiste était persuadée qu’à cet instant, ce soi-disant « gardien » avait oublié la raison qui l’avait fait commencer ce combat. Il venait de sombrer. Eli retint un ricanement.

Ce n’était pas le premier qu’elle voyait devenir comme ça, elle-même goutant souvent à cette folie si tentante. Elle y avait succomber comme lui, oublier morale et principes pour décharger sa haine sur des innocents. Vouloir qu’ils souffrent autant qu’elle, qu’ils ressentent un peu la peine qui l’habitait, jusqu'à ce que le trop plein d’horreur la face tomber dans un état de jouissance où son cerveau oubliait toute raison pour la protéger des horreurs qu’elle commettait. Cet homme semblait encore différent. Celui qui ce laisse entrainer dans une telle soif de sang était-il encore digne de protéger quelqu’un ? Alors que la vie de ceux qu’il aimait passe après son plaisir personnel jusqu’à passer au second plant de ses pensées ?

Mais la jeune femme n’était pas dans sa tête. Elle ne pouvait que se fier à des impressions. De plus, qui était-elle pour le juger ? Elle aussi avait tant de mal à se contrôler parfois. La différence entre elle et lui, était qu’il avait commencé ce combat pour protéger quelque chose alors qu’elle… elle n’avait absolument rien de tel. Elle était seule, mais dans un sens cette vie lui convenait parfaitement. Aucune attache ne la retenait, tout était pour le mieux. Aucune faiblesse puisqu'aucun lien. Mis à part un chat stupide. Mais cette créature n’était pas digne d’intérêt, alors il valait mieux l’oublier.

L’homme se mit à parler et à travers ses paroles transparaissaient son état d’esprit et le feu qui l’animait. Eli ne craignait pas le feu. Elle aimait tout particulièrement voleter au dessus des flammes comme un papillon attiré par la lumière. Jusqu’au jour où elle finirait peut-être en cendre, mais ce jour ne semblait pas arrivé. Pour l’instant, cette lumière mettait en valeur ses couleurs, les rendant étincelantes.

L’homme lui envoya du liquide en pleine face. Eli ne détourna pas le regard sous l’insulte malgré les gouttelettes rouges qui parsemèrent son visage. Elle était bien trop fière pour faire une chose pareille, et trop expérimentée pour tomber dans un piège aussi banal. On était pas mercenaire dans le plus renommé groupe de Tellius sans garder quelques réflexes. Elle frissonna.

Cet homme, comme un reflet légèrement différent d’elle-même, lui montrait une partie d'elle qu'elle n'aurait jamais souhaiter contempler. Eli décida de garder la tête froide. Si elle se laissait prendre elle aussi, qui sait ce qu’il pourrait se passer. Son premier objectif de passer une petite soirée sympathique après un combat pour se dérouiller les os pourrait être remis en question et la famille de cet homme l’attendrait bien des lunes avant de retrouver son cadavre déchiqueté. Garder la tête froide, ne plus se laisser aller. Calculer ses actions pour mettre fin à ce combat sans perdre contre elle-même et mettre fin à une vie qu’elle n’avait pas prévu de prendre. Rester calme, rester calme… Facile à dire lorsque le gouffre du plaisir s’étendait devant nos pieds et que la tentation nous poussait violemment dans le dos. Elle tenta d’enfermer son plaisir et sa joie de combattre dans un coin de son corps, afficha du mieux qu’elle put une expression froide et neutre, et déclara les yeux rivés sur son adversaire :

« -Le gouter ? Non, je préférerai vous en vider jusqu’à la moindre goutte !...

Eli inspira, ses mains agitées de faibles tremblements.

-Ça me satisferait bien d’avantage ! »

Et elle éclata de rire, laissant aller la tête en arrière, avant de se jeter une fois encore sur l’homme.

Elle avait finit par succomber.

Plus rien ne retenait ses coups, une furie sanguinaire s’était emparée d’elle.

Ca n'a pas suffi. Lui jeter du sang à la gueule n'a pas suffi à l'obliger à détourner le visage pour ne pas se retrouver aveuglé. Le coup à donc échoué... elle semblait garder son calme mais...

<< Le gouter ? Non, je préférerai vous en vider jusqu’à la moindre goutte !... >>

Les mains de la femme tremblaient alors qu'elle prenait une profonde inspiration

<< Ça me satisferait bien d’avantage ! >>

Et elle rit, tête rejetée en arrière, ne prenant plus la peine de garder son clame. Les voilà tous deux happés par le tourbillon de la folie. Un sanglant combat entre deux bêtes dressées pour combattre, se rouler dans le sang, dépourvues d'humanité. Voilà ce qui attendait le seul spectateur perché au sommet d'un arbre.

La femme se jeta sur Alan sans forme de tactique apparente. Tout se jouera à l'instinct, aux réflexes et au talent désormais. Alan para le premier coup sans gros problèmes et s'en suivit une série de parade et coups, danse traditionnelle entre deux épéistes qui combattaient jusqu'à la mort. Lorsque la femme lui porta un coup vertical, Alan esquiva d'une roulade arrière puis ponctua de quelques bonds afin de mettre de la distance et changea d'arme, rengainant Artamon pour ressortir Alondite puis il repartit à la charge.

Il n'y avait plus aucune forme de tactique maintenant. Ce n'était ni plus ni moins qu'un combat entre deux bêtes assoiffées de sang, enivrés par le combat, sacrifiant la raison pour leur drogue préférée. Danser sur un fil aussi fin que celui de la vie, le risque de tomber dans la fosse de la mort, de tout perdre, voilà ce qui donnait autant de plaisir à l'épéiste.

Quelque part, au fond de lui, deux bébés pleuraient devant ce spectacle atroce, serrés par une femme qui n'osait regarder... ça faisait mal... il faisait ça pour les protéger, mais...

La goutte d'eau tombe du ciel sur la feuille et s'écrase par terre avant de se faire absorber dans la poussière.

Je tombe. Je sombre. Je m’enfonce dans un monde inconnu où tout n’est que noirceur. Un linceul étendu sur mon cœur et qui englobe mon âme. Ou est passée ma lumière, que sont devenues mes pensées ? Elles se sont noyées dans un instant de détresse pour se retrouver brisées en milliers de fragments. Depuis, ma quête consiste en les retrouver, une par une. De les assemblées pour reconstruire ce puzzle, renaitre. Pouvons-nous naitre plusieurs fois ? Pour moi c’est une certitude, sinon, je serai morte,… à moins que ce ne soit le cas ?

Frapper frapper et toujours asséner ses coups ; plus fort, plus dur, avec plus de puissance. Elle s’envole puis retombe, et des milliers d’étincelles jaillissent à chaque rencontre. Étincelle d’or, d’argent, des rires et des larmes qui se mêlent et s’entre mêlent dans un tourbillon de couleurs qui l’emporte doucement. Et elle ;… elle, elle chante. Ses lèvres rouges et brillantes entrouvertes laissent passer une mélopée sur un air doux et triste. Elle laisse aller sa tête en arrière et une cascade de métal doré se déverse sur la terre. Cette rivière d’or se perd en méandres infinis, agités de multiples remous qui les transforment en rapides dévastateurs. Mais qu’emportent-ils si se n’est quelques brins d’herbe flottant sans contrainte à leur surface. Rien, rien n’a d’importance.

Et je suis un rat mort, crevé qui se laisse emporter par le courant de ce fleuve à l’eau trouble et souillée. Je décharge ma colère et transforme ma volonté en une arme acéré pour l’envoyer sur cet homme qui me fait face. Un homme ? Une créature mi-humaine mi-bête que rien n’arrête, dont la raison c’est évaporée. Et ça m’amuse tant en fait. Là je me lâche et me décharge, et Belthil scintille entre mes mains. Si brillante, rayon lunaire capturé par l’acier qui se révèle froidement au cœur du combat. Cette moitié de moi-même qui en est peut être la meilleure, fatale et acérée apportant la mort plus rapidement qu’un éclair. Que je l’aime mon âme, cette extension de moi-même; mon devoir est de la faire vivre, de la nourrir pour la faire chatoyer. Mais elle rêve le sang, ce liquide fascinant couleur passion, lui en donner son contant est difficile, mais je m’y applique du mieux que je peux.

Ses pieds sautent, voltigent, courent, dans une valse indistincte, elle s’envole pour rebondir et repartir encore toujours plus vite, toujours plus loin. Elle s’échappe pour répliquer d’autant plus fort, jonglant avec esquive et attaque. Deux lacs gris au loin perdu dans la brume. Ils ne sont qu’a quelques mètres l’un de l’autre mais semblent tout deux disparaître sous des nuages de fumé. Brouillard qui les recouvrent, les absorbes et les transforment en taches floues et indistinctes. Ils se fondent dans quoi ? De la folie ?

Le tic-tac retentit, régulier et cadencé. Deux aiguilles qui s’entre-choc, deux épées qui se heurtent. Un objet qui se crée, une vie qui se détruit, mais pour moi le bruit est équivalent, même si la finalité est tout autre. Création, destruction, les deux vont de paire non ? Enfin il me semble. Je ne sais pas trop, je me prends au jeu et mes pensées s’échappent. Elles montent pour redescendre me quittent puis reviennent. Enfin là je ne sais pas ; je ne sais pas où elles ont bien put se cacher. Mon esprit est vide et une cloche carillonne au rythme de nos coups. Elle raisonne dans mon esprit, claire, avec un joli son qui me rappel une brise légère sur un champ de blé. Cette image me rassure, elle me permet d’être en accord avec moi-même. Je me sens bien, mon corps est à l’écoute, le moindre de mes gestes est calculé, et je danse avec moi-même bien d’avantage qu’avec cet homme, Belthil étant ma cavalière.

La feuille tombe puis un courant d’air la refait s’envoler à nouveau. Elle remonte de plus en plus haut, un flottement, une petite chute puis elle part. La feuille passe légère entre les troncs, oscille proche de la terre puis monte jusqu’aux cimes. Elle sort de la mer verte, inconnue découvrant le monde. Mais ses cotées sont tranchant, prêt à déchiqueter au moindre faux pas, il s’agit de les esquiver du mieux possible. Mais comme tous jeux la fin peut être tragique et apporter le malheur à celui qui échoue. A celui qui se trompe, celui qui échoue, le destin réserve souvent une surprise de mauvais gout. La feuille flotte innocente, apportant la mort sans s’en rendre compte. Car lorsqu’on est une feuille, à votre avis, se rend t-on compte de ce que l’on provoque ?

Je suis ses pas, je me révèle dans chaque assaut. C’est une farce qui a prit un tour horripilant. Moi je me joue du destin après tout. Je n’ai besoin de rien à part de mon arme. Et d’un peu de sang aussi… sans doute. Cela envenime tout mais c’est nécessaire. Nécessaire à la structure de mon monde et de ma vie. Même si je souhaite l’écarter jour après jours, après tout, je ne peux peut être pas vivre sans. Je suis un porteur de mort, qui a fait ça toute sa vie car c’était une voie qui lui convenait alors qu’il aurait dut mourir et abandonner bien avant. Mais rien, rien ne pourra me mettre à bas maintenant. Car c’est ainsi que je suis, un peu vide mais vivante. Ma vie qui s’enflamme plus fortement au cours des combats. Là, elle brule de milles feu et personne ne lui résiste.

Elle ondule dans la pénombre, s'abattant en sifflant. La scène devient difficile à suivre, même pour des yeux de félins acérés. Tout se fonde dans des tourbillons infinis, car la jeune fille blanche danse sur la plaine, vous emportant jusqu'à ce sombre cercueil.

<< Pourquoi hésites-tu ? >>

Dans les limbes de sa conscience, Alan faisait face à lui même... l'épéiste aux yeux émeraudes se sentait comme face à un miroir... sauf que son reflet avait un visage défiguré par la folie et des yeux rougeoyant de haine.

<< Tu as le pouvoir de la tuer ! Tu as le pouvoir de la vaincre mais tu refuses ! Il y a quelques temps, tu n'aurais pas eu de scrupules ! Eve t'a totalement ramolli ! Et je parle pas de Kwendal et tes marmots ! Tu es devenu une larve, Alan ! Elle n'éprouvera aucun remord à faire tomber ta tête ! Et ensuite... >>

Il s'arrêta, avec un sourire en disant long.

<< Tu veux empêcher ça, non ? Tu veux protéger ta petite famille ? Tu sais ce qu'il te reste à faire, moi j'ai assez joué comme ça... >>

Et le reflet se dissipa, laissant l'épéiste devant un vide immense. Dans un coin, les enfants pleuraient, Kwendal s'occupant de les calmer.

<< J'ai juré de vous protéger... mais si je ne la tue pas, elle risque de revenir... >>

Il se tourna vers sa famille, mais Kwendal ne lui accordait pas un regard, comme s'il n'existait pas. Dans l'autre coin de la pièce se trouvait Eve.

<< Ma famille ou mon honneur... je ne pourrais pas garder les deux éternellement... >>

Un coup d'épée paré le fit reculer. Alan fit un bond en arrière, ses yeux retrouvant leur clarté émeraude. Il recula encore et encore jusqu'à se trouver à distance respectable, à l'écart de la folle.

<< J'ai fait mon choix... >>

Il ferma les yeux et se concentra après avoir ressortie Artamon, le voilà avec deux lames à nouveau.

<< Mon corps et mon âme sont du même acier, ma force est le marteau et ma vie le brasier qui m'ont forgés. Je suis une arme brandie par le vent, destiné à te plonger dans les bras de la mort. En cela je suis invincible. Je suis le gardien de Serenes, le bouclier qui repoussera les maux de ce sanctuaire. >>

Son corps convulsa alors que ses muscles gonflèrent jusqu'à atteindre une proportion des plus inquiétantes. Le spectacle dura trois secondes après quoi il ouvrit les yeux, fixant la femme comme un chat fixe un rat.

<< C'est fini pour toi. >>

L'instant d'après, il disparut. La vitesse à laquelle il se déplaçait était inhumaine. Il tournoyait autour de la femme, passant au fer de ses lames la moindre parcelle de corps, enfonçant plus ou moins profondément pour qu'elle souffre le plus possible, mais jamais la tuer. Il fallait la mettre à terre mais pas la tuer. Tout au pire la blesser assez pour une très longue convalescence à venir.

Bras, jambes, corps, tête, tout se retrouva entaillé et cela dura 5 secondes à vitesse humaine.

Au final, il réapparut, adossé contre un arbre. Les deux lames heurtèrent le sol dans un bruit métallique étouffé par l'herbe. Sa vue était troublée par l'intense fatigue, ses muscle criaient au supplice et la force le quittait. Il se laissa glisser le long du tronc jusqu'à s’affaisser au sol puis s'allonger par terre. Il sentait Alondite coincé entre son flanc et le sol. Lentement, il chercha la femme du regard. Elle devait être vaincue, il le fallait. Sinon, cette fois, ça sera vraiment fini pour lui...

<< Je dois... les protéger... >>

No will to wake for this morn
To see another black rose born
Deathbed is slowly covered with snow

Une vie sans surprise ressemblerait à un ciel sans soleil. N’est ce pas l’évidence même ?

Eli perdait pied, elle se sentait partir. Où était-elle ? Il faisait noir autour d’elle. La jeune femme tâtonna sur le sol, tentant de se repérer. Que faisait-elle là ?

Son père lui crie quelque chose et elle se retourne vivement, mais ses yeux restent aveugles. Son père ? Comment est-ce possible ? Elle ne se rappel plus du son de sa voix. Son cœur lui dit que c’est lui. Il la cherche, tout autant que sa mère accrochée à lui, mais aucun des deux ne peux la retrouver dans cette noirceur opaque. Sa bouche s’entre-ouvre, elle voudrait les appeler, si seulement ils pouvaient la voir, l'entendre ! Mais ses lèvres restent collées, malgré tous ses efforts.

Elle sent ses personnes qui ont donnée leur vie pour elle s’éloigner petit à petit. Elle a tellement de choses à leur dire, à leur demander. « Revenez, par là !! » crie son cœur. Mais sa bouche est sellée. Rien n’y fait et la jeune femme est condamnée à rester muette. Elle tente de se soulever, pour les rattraper et les serrer enfin dans ses bras après toutes ces années. Mais elle ne peut bouger. Une statue prisonnière d’un monde de pierre où les sentiments ne devraient pas avoir d’écho. Comment s’échapper ? Comment s’envoler ? Et vous; l’avez-vous cette clef ou restez-vous poings et mains liés devant le départ de votre bonheur ?

Son épaule est nimbée d’une douce chaleur. La jeune femme papillonne des yeux, essayant de trouver la source de cette sensation. Qu’est ce qui peut bien la réchauffer dans ce moment de perdition ? La lumière lui vrille les pupilles lorsqu’elle parvient à soulever les paupières. Et pourtant, c’est le fugace éclat des derniers rayons de soleil qui illuminent encore le ciel. Ils sont reflétés par deux lames d’or et d’argent qui foncent droit vers elle à une vitesse faramineuse. Les deux armes entaillent son précieux corps, son enveloppe chérie qu’elle a toujours prit soins d’offrir d’elle-même et de protéger. Là on la viole sans son accord, sans qu’elle l’ai délibérément voulue. Les coups pleuvent si vite. Le temps semble s’être à nouveau stoppé. La jeune femme voit chaque gouttelettes écarlates jaillirent hors d’elle-même pour se répandent en flots à l’extérieur. Ce qui l’instant d’avant s’écoulait dans ses veines s’échappe d’elle en fontaines vermeilles. Sa peau s’ouvre puis se colore en rouge, coupures plus ou moins profondes qui la font atrocement souffrir. Son esprit souffre bien plus que son corps car c’est la première fois que quelque chose la transperce sans qu’elle l’ait décidé. Son amour propre et son propre amour sont mit à mal, cette déchéance doit cesser sinon plus jamais elle ne pourrait retrouver sa fierté. Un fierté qui a pourtant si peut d’importance mais qui, empreinte de dignité, tant à être sauf-gardée.

Ses yeux deviennent blanc et une aura d’énergie semble crépiter autour de l’épéiste tant sa rage est profonde. Elle ne voit plus rien, mais ressent tout, jusqu’au mouvement du moindre de ses cheveux, jusqu’au minime froissement de muscle de son adversaire. Là, la contraction de son biceps qui annonce la relève de la lame d’or, c’est comme si elle la voit encore mieux qu’avec ses yeux. Elle sait que l’instant d’après, la lame d’argent va effleurer son cœur, car le bras gauche s’est déplié, brassant l’air vivement autour de lui. Eli revient dans la partie et reprend son jeu avec l’homme. Le moindre geste est fatal, lui ayant du mal à contrôler ses coups, elle esquissant des micro mouvements pour rester en vie en subissant le moins de dommage possible.

Cinq secondes… cinq minuscules secondes qui peuvent parfois durer une éternité. Eli vivait son éternité. Il lui semblait que jamais le temps n’était passé aussi lentement. Jamais la corde n’avait été aussi proche de se rompre et de la faire basculer. Résister, elle n’avait qu’à résister, oublier toutes les souffrances qui lui transperçaient le corps pour pouvoir souffrir à nouveau un autre jour. Pour ne pas se retrouver à nourrir les vers à six pieds sous terre. Que c’était long ! Ça ne finirait donc jamais ?

L’épéiste resta un long instant immobile devant le corps prostré et haletant de son adversaire. Le gardien de Serennes hein ! Elle ne sentait plus son bras droit qui laissa échapper Belthil. L’épée divine atterrit avec un bruit mou dans l’herbe. Rester debout, respirer, reprendre son souffle et déglutir; vivre était si difficile. Le calvaire était finit. Elle avait survécu. Mais il s’en était fallu de peut, et sans doute grâce àla bonne volonté de son adversaire. Même si elle restait debout et lui gisait à terre, un gout amère lui vint à la bouche. Ce n’était pas elle qui avait remporté cette victoire. Cet homme n’avait pas sombré totalement, il avait réussi à protéger les siens. Eli se pencha doucement et rattrapa Belthil. Elle avait le souffle court et tous ses muscles étaient douloureux. De colère et de dépit, elle abattit sa lame sur le gardien. Mais au dernier moment, elle retint son geste. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle ne voulait pas le tuer. Ceci ne ferait-il pas plus accentuer ce gout de défaite ?

Tym vient se poster devant ses pieds. Il tenait dans sa gueule la sacoche de la jeune femme qu’il avait trainé jusqu’à elle. D’une main tremblante elle sortit une fiole remplie d’un liquide transparent et le balança à l’homme gisant à ses pieds.

« - Voici pour rentrer chez vous. Buvez-le ou non, faite moi confiance ou non… je n’en ai cure.
-Ce fut un bon combat… Adieu… et continuez à protéger ceux que vous aimez ainsi. »

Eli passa la sacoche autour de sa tête, faisant attention de ne rien laisser paraitre des tremblements qui agitaient ses membres. Elle tourna le dos à l’homme et s’éloigna lentement de la scène du combat, Tym sur les talons.

La nuit venait de tomber.

Comment a-elle fait ? Alan a pu constater que les yeux de la femme étaient devenus d'un blanc nacré, mais comment s'y est-elle prise pour deviner les mouvements d'Alan ? Par ce biais, elle parvenait à réduire l'ampleur des dégats qu'elle subissait, mais le mouvement la mettait paradoxalement plus en danger sous l'autre angle d'attaque. Pourtant elle parvenait à faire en sorte de se mettre dans la position où elle risquait le moins. Comme si elle parvenait à prédire les mouvements d'Alan.

Au final, l'épéiste a plus ou moins échoué... enfin, pas totalement. La femme était dans sale état malgré tout. Elle aura besoin de pas mal de soins et de beaucoup de repos. Voilà qui mettait son projet d'attaque sur Serenes à plus tard. Mais malgré tout, Alan allait mourir ce soir... La voilà qui s'approchait de lui. Elle s'était penchée pour ramasser l'épée qui avait quitté sa main blessée. Depuis le temps, et si on ajoutait les coups qu'il y avait porté, elle ne devait plus le sentir, ce bras. Elle avait plutôt intérêt à vite le soigner. Elle n'était plus en état de se battre. C'est à peine si elle pouvait marcher. Au final, il avait bel et bien remporté ce combat. Mais c'était la fin pour lui. Qu'elle l'épargne ou non, il allait mourir ici. Sa blessure au ventre continuait de répandre son sang goutte par goutte. Le temps qu'il reprenne des forces, il fera déjà une anémie. La voilà juste devant lui, son épée dans sa main valide. Alan ferma les yeux, sa vision était trouble de toutes façons, il ne voyait que des flots lumineux et c'était à peine s'il parvenait à évaluer les distances. Il n'avait plus qu'à attendre le coup de grâce...

*Adieu Kwendal. Prend bien soin des enfants. Je vous aime, tous les trois.*

Il sentit un souffle tranchant de la lame. Dans un dixième de seconde, ça sera la fin...

…........

Eh bien ? Elle venait la mort, oui ou pas ? Il rouvrit les yeux et vit quelque chose de poilu devant ce qui semblait être les pieds de la femme. Celle-ci se pencha en avant et attrapa quelque chose avant de lancer un truc qui atterrit devant les yeux d'Alan.

<< Voici pour rentrer chez vous. Buvez-le ou non, faite moi confiance ou non… je n’en ai cure. Ce fut un bon combat… Adieu… et continuez à protéger ceux que vous aimez ainsi. >>

Et elle partit ainsi. Elle lui laissait une fiole de potion. S'il la buvait, sa blessure pourrait guérir et il aurait peut être même assez de force pour rentrer chez lui. Et si c'était du poison en fait ? Bah, il était condamné à mourir de toutes façons. Le poison ne fera qu'abréger ses souffrances. Alan entama de laborieux mouvement pour attraper la fiole. Lorsqu'il parvint à la saisir correctement, ôter le bouchon fut plus laborieux encore et il renversa un peu de potion une fois ceci fait. Il enfonça le goulot dans sa bouche et il avala à grande gorgées.

La chaleur réconfortante du breuvage l'envahit. Le goût atrocement amer qu'il détestait tant se changea en un aigre messager de salut. Sa blessure se referma, ses hémoglobines se multiplièrent dans ses veines pour remplacer leurs frères répandus sur le champ de bataille, les réserves d'énergies d'Alan se virent bien vite renouvelées. Il était guéri. Pas totalement remis, mais au moins hors de portée de la mort.

L'épéiste se releva et ramassa ses affaires. Ses genoux tremblaient et il était épuisé. Il avait du mal à marcher et sa tête lui tournait. Même après avoir bu 30 potions, il resterait dans cet état. C'était le prix à payer quand on employait les lames tempêtes. Seule un bon repos bien mérité au lit pouvait le soulager de la fatigue physique et calmer ses muscles. Il tituba donc jusque chez lui, s'appuyant d'arbre en arbre puis parvint enfin à sa demeure. Une chaude lueur émanait des fenêtres et le dernier cri d'un bébé se tut, remplacé par un doux murmure apaisant. Alan sourit, plus heureux que jamais d'être vivant et de pouvoir jouir encore de sa vie de famille, goûter à la chaleur du foyer, se blottir dans les bras réconfortants de Kwendal, serrer contre lui sa progéniture. Même changer leurs couches pouvait le propulser au 7ème ciel après une lutte acharnée pour échapper à la mort.

Epuisé, il s'appuya contre la porte et tourna la poignée. La porte s'ouvrit, entrainant le guerrier fourbu qui s'étala au sol, à bout de force. Il faisait peine à voir avec ses habits déchirés et maculés de sang, tout comme sa peau, deux haches en main et un sac de provisions dont le contenu s'étala au sol.

<< Désolé pour le retard... j'ai eu... un empêchement... agressé... >>

Mais la fatigue, allié à la douce chaleur des bras de Kwendal qui l'enlaçaient, eut raison de lui. Il se laissa porter par les flots du sommeil, confiant sa vie à l'ex-dragonne.

A travers les rideaux recouvrant les strates dimensionnelles l’homme au sourire immortel observait sa proie entre les volutes du monde.

Les veines de sa main découpaient sa peau blanchâtre en longues rivières bleues. Entre ses longs doigts, scintillaient quelques étoiles commençant tout juste à luirent. Elle pressa sa paume contre sa joue, savourant l'odeur de la nature en ce début de nuit. Lentement, elle se releva son regard paraissait vide et terne, derrière ces lacs grisâtres et neutres, se cachait pourtant une volonté inébranlable, fondée à travers la souffrance. Regarder la lune en ce jour de sang, regarder le monde tordu par des combats sans fin. Qu'y a t-il d’intéressant dans un univers tordu par la haine? Toujours se battre, toujours combattre, où était le repos salvateur dont parlent tout les livres, sensé attendre le héros à son retour des combats? La guerre n'a pas de fin. L'homme en a besoin pour subsister, pour apaiser ses petites pulsions. S'entre déchirer pour exister, utiliser la mort pour vivre, se blesser pour ne pas s'ennuyer, toujours rendre plus compliquer. Abandonner, trahir, violenter, frapper, blesser, déchirer, anéantir. Tous ses mots qui ont tellement de significations et pourtant si peut sens. Les sentiments qu’ils évoquent sont bien trop puissants pour tenir dans un mot. Comment faire son chemin quand les portes se referme autour de soi, nous enfermant dans un monde de ténèbres ? Prendre une masse et taper dessus? On se fatigue et on se tue à la tâche pour parvenir à finir un travail bien ingrat. Jusqu'à ce qu’il nous éclate à la figure, rendant les blessures bien plus profonde à nouveau.

« -C’est difficile de marcher n’est ce pas ? Sens-tu ce corps qui va, s’alourdissant au fil du temps, sur lequel tu n’as aucune prise ? D’ailleurs, soyons honnête… que contrôle tu donc ? Rien. Pas ta vie, pas ton destin, ni ton corps et pas même ton cœur. Les autres ? Peut-être. Mais ce n’est qu’une impression. Rien n’est certain, rien n’est définitif. Une situation peut tellement changer du jour au lendemain du tout au tout. AH AH AH !!! Tu ne t’y attendais pas hein ? Encore un coup du destin dans ta face et maintenant tu n’as plus qu’a continuer. Marcher, marcher, toujours avancer, créature pitoyable sans but et sans avenir. Continuer pour mériter mon attention. Continuer pour qu’une chose encore me rattache à celui que j’étais avant. Tu es un flocon perdu dans la tempête de mes souvenirs. Mais tu perdure pourtant, ne se résignant pas à fondre et disparaitre. Comment puis-je laisser exister ma seule faiblesse ? Comment puis-je avoir une telle lacune et ne pas m’en être occupé plutôt ? Car comme je te vois là, je me sens apaisé. J’oublie tous mes rêves de grandeur, juste pour t’admirer. Tu parais si petite, tellement fragile. Mais moi je sais quelle force tu contiens en toi petite rose. Tes épines sont si acérées que même moi, j’ai peur de m’y frotter. Et pourtant, ce jour viendra où je devrai avancer ma main pour les détruire une à une. J’aurai le devoir de t’extraire de ma vie en même temps que ma dernière parcelle d’humanité. Comme cela, Eka mourra en même temps que toi. Vous serez réuni dans la mort tendis qu’Arvenes régnera. Et lui, contrôlera tout. Tu pourras m’observer du paradis Tinuviel; Eilwen Anfauglith. Ton agonie en ce monde, ne sera pas longue. Pour l’instant, débat toi encore un peu.

Fermons les yeux. »

Nuit profonde; faible bruit d’un pas trainant écrasant les broussailles, suivit par le trot d’un animal qui se faufile à la suite de la personne blessée entre les hautes herbes. Tania n’a pas peur. Tania n’a jamais eu peur. Même si elle s’est égarée, que la nuit la surprise bien loin de chez elle et qu’un inconnu avance vers sa cachette derrière ce buisson de ronce. Encore quelques mètres, et il sera sur elle. Si elle bouge maintenant, elle se fera repérer. Mais si elle ne fait rien, la chose va lui tomber dessus. Un miaulement plaintif qui raisonne à ses pieds. Le gros chat roux, l’observe avec un air moqueur tout en signalant joyeusement sa position à la personne qui l’accompagne. Tania tante de reculer quand le buisson s’agite, mais un bras musclé s’empare d’elle et la soulève sans mal. La petite se débat, elle mord le poing qui la retient jusqu'à ce qu’une voix douce et grave raisonne à ces oreilles. L’effet est immédiat, la petite est calmée sur le coup. Cette voix apaisante... elle ne peut luter contre elle. Tania cesse de gigoter. Elle relève doucement la tête et ses yeux noisettes se perdent dans les profondeurs grises qui s’étendent devant elle.

« -Doucement… ne te débat pas, je ne veux te faire aucun mal. Tu peux avoir confiance en moi. »

Eli contempla étonnée la fillette d’une dizaine d’années qu’elle venait de soulever sans peine du sol. De gigantesques yeux marron, dans un visage rond mais un peu maigre, l’observaient d’un air apeuré. Un petit nez retroussé surmonté une bouche pulpeuse lui donnaient de jolis traits. Son corps frêle recouvert d’une sorte de robe qui aurait pu être jaune se balançait au bout du bras de l’épéiste, comme un fétu de paille. Elle attirerait tous les regards une fois devenue femme. Eli lui fit un triste sourire. Elle avait besoin de cette petite. Un abri confortable pour cette nuit serait bienvenu pour l’aider à penser ses blessures. En fait... Tout son corps la faisait atrocement souffrir. Se reposer; il fallait qu'elle se repose. Elle devait s’allonger quelque part sinon elle ne pourrait que s’effondrer... s’effondrer.

Lâchant la petite, l’épéiste murmura :

« - aide-moi. »

Puis elle s’effondra au sol.

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