Mélior, capitale de Criméa. Cela faisait la seconde fois qu'elle s'y rendait, la première et dernière fois remontait à presque dix ans, quand elle avait rencontré cette troupe d'artistes. Épisode tragique sur la fin, elle décida cependant d'y retourner pour reprendre du poil de la bête, après tant d'années isolée à Goldoa. Elle se faisait passer pour une artiste également, ne sachant pas vraiment comment fonctionnait la société Beorc, elle n'avait songé qu'à cette couverture pour dissimuler son appartenance à sa race. Sans le sou, Aëluvia avait échangé une nuit d'auberge contre un accompagnement avec les musiciens présents ce soir. Ses 'talents' de danseuse appris sur le tas serviront, finalement.

Heureusement pour elle, la Lune était pleine ce soir, et ce pour encore deux jours environ. Sa transformation était appliquée, et c'était une Aëluvia adulte et féminine qui commençait à danser sur la scène de la taverne, uniquement accompagnée de l'air de musique derrière elle. Elle fermait les yeux et dansait, oubliant tout l'environnement autour d'elle, avec toute la grâce dont elle savait faire preuve. Le temps passait au rythme des instruments, les clients vaquaient à leurs occupations dans une taverne à savoir manger, boire, discuter et parfois lorgner sur la danseuse. Elle trouvait ça peu flatteur vu la façon de faire, mais elle préférait continuer sa danse, inexorablement.

Les heures passèrent, tout allait bien, ou presque. Au bout d'un moment, un mal de ventre s'installa, Aëluvia pensa au début qu'il s'agissait de l'appétit, cependant elle ressentit très vite qu'il n'en était point question de cela. Habituée depuis à ressentir les flux magiques parcourant son corps, ceux ci s'emballaient au point de provoquer des maux d'estomac. La danseuse tomba à genoux violemment, et sur le coup les musiciens, surpris, arrêtèrent leur musique alors qu'on voyait parfaitement que la jeune femme était nauséeuse.

" Vous allez bien mademoiselle ? "

Dit alors un des musiciens en se rapprochant d'elle. Cependant elle savait une chose, c'était qu'elle ne devait pas rester là. Elle repoussa l'homme venant à sa rencontre avec un ultime effort, et rassemblant ses forces, commença à sortir de la taverne. Arrivée dehors, son premier réflexe fut de regarder dans le ciel étoilée de Tellius, pour s'apercevoir qu'il y avait une tâche énorme recouvrant un tiers de l'astre lunaire.

" Une... éclipse de Lune ? Oh non... "

Sans la puissance complète de la pleine Lune, le sortilège commençait à s'inverser. Elle devait se cacher, et vite maintenant. Elle bifurqua dans une ruelle seule, et se mit à courir dans cette direction en entendant des bruits de pas non loin d'elle. C'était une impasse, mais il y avait des tonneaux empilés deux par deux au fond. Aëluvia se cacha derrière ceux ci, maintenant à l'abri des regards indiscrets. Cependant elle entendait toujours des bruits de pas dans les environs. Elle avait maintenant peur, se retenant de geindre pour ne pas être repérée.

Ray regardait la demoiselle dansait pendant un long moment, il ne savait pas depuis combien de temps exactement mais il était comme complétement absorbé entre regarder la danseuse et essayer de réparer ses gants, il admirait sa précision et son sens de la grâce la regardant virevoltait en harmonie avec la musique. Puis la femme tomba violemment sur le sol, Ray arrêtait avec ses gants et les rangea dans sa poche ainsi que l’aiguille. Il rangeait alors son tome tout en se levant, un des musiciens lui avant demandé si elle avait besoin d’aide mais elle le repoussa puis la femme sortit de l’auberge.

Ray, curieux, voulait en savoir plus… Pourquoi si soudainement la femme partait ? Et cette douleur ? Ray se leva de sa chaise doucement mais assez rapidement pour suivre la femme du regard. Ray suivait alors la femme qui se dirigeait tout droit vers une petite ruelle, assez sombre et étroite. Il marchait rapidement, les jambes tendues avec un rythme rapide. Il était maintenant devant la rue et il pouvait voir une étrange silhouette, assez petite qui se cachait derrière les tonneaux. Il l’avait vu se rendre là-bas. Il avançait doucement vers les tonneaux, les pas lents et réfléchis…


Il vit la silhouette de la jeune fille et regarda derrière lui, il y avait quelques personnes interpellés par le comportement de la danseuse. Ray regardait la fille, apeurée. Puis il se retourna en regardant les autres.

« Il n’y a personne ici ! »

Il fit mine de partir pour leurrer les autres et se retourna vers la silhouette, et s’agenouilla devant la jeune fille.

« Qui es-tu ? »

Il la regardait d’un air dubitatif, il ne savait pas ce qu’il s’était passé ni comment mais il voulait savoir et il comptait bien questionnait la femme ou plutôt l’enfant…

Ce corps, elle n'en avait jamais souhaité faire l'acquisition d'une telle étrangeté. Cependant il fallait accepter ce fait, plus rien ne sera normal pour elle. Cette fatalité, il fallait l'accepter, et faire en sorte que cela puisse paraitre tout à fait anodin. Une habitude, un train de vie à adopter, c'est tout. Pourtant dans les limbes du monde, il y a toujours des imprévus, des phénomènes passibles de bouleverser ces décisions, ces faits. Et c'était précisément ce qu'il se passait en ce moment même pour la jeune femme, qui ne tarda pas à redevenir petite fille d'apparence tandis qu'elle se couvrait les yeux de honte pour ne pas constater ce changement soudain et vulgaire. Cependant elle sentait la fatalité arriver dans son corps, ce qui lui manqua de verser un peu de bille sur le sol, toussotant légèrement. Malheur que ce bruit, il pourrait attirer les passants trop curieux, en espérant que personne ne l'avait remarqué. Elle sentait également avec le contact de ses mains sur son visage que celles-ci devenaient de plus en plus petites, gardant cependant des proportions moyennes comparé à la taille de sa tête. Le processus commençait.

Aëluvia paniquait intérieurement, mais faisait tout pour se retenir de geindre face à cette situation. Il ne fallait pas qu'on la voit dans cet état, non. Hélas ce concours de circonstances dépassait complètement l'entendement de la Laguz, et le hasard fit qu'un homme se dressa devant elle, qui était pourtant cachée derrière ce paquet de tonneaux. Elle le fixait de son regard d'enfant apeurée, avant de se rendre compte également d'un fait : elle était certes redevenue une enfant à l'insu de son plein gré, et de plus ses vêtements n'avaient pas suivi cette évolution. Elle se trouvait à genoux sur le sol, son pantalon, désormais bien trop large pour elle, recouvrait la partie basse de son corps, des hanches jusqu'aux jambes, cependant... Ce n'était pas le cas de son torse, dévoilant sa poitrine peu formée de par son âge physique, mais poitrine dénudée quand même. Elle fit remonter son 'pantalon' jusqu'en haut du torse, avec un air à la fois gênée et confuse, n'ayant cependant pas poussé de cri d'effroi pour n'alerter personne. Personne sauf cet individu blond devant lui, qui la scrutait du regard. C'était fini, il avait sans doute deviné toute la mise en scène désormais, les indices ne suggérant aucune autre alternative. Néanmoins...

" Qui es-tu ? "

Pourtant face au fait, l'homme ne semblait pas comprendre la situation. Évidemment, c'était en vérité une histoire de fou furieux, nul être hormis les concernés ne seraient expliquer ce phénomène rien qu'en le voyant. Et même si c'était compréhensible, c'était loin d'être normal. Oui, elle était anormale, loin de toute la normalité possible. Ce mot résonnait dans la tête de l'enfant, tandis qu'elle plaça à nouveau ses mains devant ses yeux et commença à pleurer légèrement, comme une arrivée incontrôlable de sentiments négatifs. Ou comme un traumatisme certain, il n'en faisait aucun doute.

" Je... Je ne peux pas... sniff, vous répondre, je... Laissez-moi tranquille s'il vous plait, je... Partez, je vous en prie... "

La confusion la gagnait de plus en plus, et elle pleurait de plus belle. Non elle devait rester seule, et non elle ne voulait en aucun cas que tout ça soit révélée. La peur profonde l'habitait, toujours recroquevillée sur elle-même.

L’homme regardait la jeune fille, fébrile, faible entrain de pleurer. Il ne pouvait pas s’empêcher de faire une triste de tête en regardant la demoiselle recroqueviller comme un fœtus. C’est alors qu’il décida d’aller poser sa main sur la tête de la jeune fille, la tapotant légèrement afin de la rassurer. Il esquissa alors un petit sourire de gentillesse sur son visage. Il a regardait, les yeux baissés sur elle et d’un ton plutôt chaleureux. Un de ses genoux au sol pour être au même niveau qu'elle, à moitié courbé.

« Je vois…Vous n’avez pas à avoir peur mais s’il vous voulez rien me dire, je vous forcerai pas et si votre volonté est que je parte, alors je partirai. J’aurai bien aimé pouvoir vous aidez mais je vais obéir à vos ordres, jeune demoiselle. »

L’homme se levait, tapotant la tête de la fille pour la rassurer. Le moine remettait ses habits plus ou moins convenablement et il regardait en direction de la sortie, personne. Les hommes étaient tous partis. C’est alors que Ray enfilait sa capuche et souriait à la dame.

« Il n’y a plus personne, vous pouvez partir. »

C’est sur ces mots que le moine reprit sa route, étrangement surpris par son comportement face à se phénomène inexplicable. Il regardait alors une dernière fois derrière lui, le cul de sac sombre et lugubre, la jeune fille encore présente. Il regardait à droite puis à gauche et s’en allait, espérant qu’elle irait mieux et qu’il la reverra dans de meilleurs conditions…