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 Portés par un vent nouveau

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Jaffar
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MessageSujet: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeVen 15 Oct - 22:34

La nuit. Sous l’éclat argenté de la lune, la puissante ville de Nevassa se dressait fièrement tandis que les honnêtes gens s’endormaient lentement... Et que les moins honnêtes commençaient à peine leurs activités. Sillonnant les rues des bas quartiers, deux silhouettes se dirigeaient vers un objectif connu d’eux seul... Enfin surtout connu d’un seul des deux membres. L’assassin jeta un coup d’œil à la fillette qui trottinait derrière lui. N’était-ce pas trop risqué de l’emmener avec lui ? N’aurait-il pas mieux valu commencer par quelque chose de plus simple ? Non c’était absurde. Il ne pouvait pas encore avoir une totale confiance en la capacité de yue à lui rapporter des informations en épiant leurs proies et il doutait que la lâcher seule en ville en tant qu’informateur soit une bonne idée. Elle était incapable de se déplacer de jour, à l’heure où chacun relâche légèrement sa surveillance, et ne connaissait pas non plus l’étroit réseau de ruelles de la capitale, savoir pourtant vital que chaque membre du Fang se devait de mémoriser rapidement en cas de problèmes. De plus, ses capacités au combat étaient largement supérieures à celle des apprentis ordinairement utilisés comme espions. Elle avait depuis longtemps dépassé ce stade où lui-même ne commençait qu’à s’entrainer au combat. Non décidément, mieux valait qu’elle apprenne sur le terrain, là où il pourrait la surveiller et éventuellement lui sauver les miches.

Depuis leur rencontre au relais, il l’avait trainée jusqu’à la ville la plus proche où ils s’étaient installés le temps que leurs blessures respectives cicatrisent. Il avait rapidement appris à ne pas l’exposer trop longtemps au soleil en raison de sa maladie et avait donc passé un temps fou à en apprendre plus sur elle, sur son ancienne vie, son style de combat favori et tout ce qui pouvait lui être utile. Naturellement, ni Dame Lilith ni les autres Crocs n’avaient encore été informés de l’existence de l’apprentie du Croc Pourpre, ce dernier estimant préférable de d’abord s’assurer de la fidélité de cette dernière. C’est après presque une semaine de ce régime que la nouvelle mission était arrivée. L’assassin s’était rendu seul au point de rendez vous afin de recevoir ses instructions puis tout deux s’étaient mis en route en direction de Nevassa, située à quelques jours de voyage à cheval. Naturellement il avait fallu à nouveau convaincre Yue de grimper en selle et cela n’avait pas été une mince affaire mais la corde dont il ne se séparait plus désormais avait mit fin aux réticences de la fillette. Ficelée sur l’étalon, elle avait fait le voyage juste devant le Croc Pourpre, manquant de glisser à chacune des enjambées de la bête, emmitouflée dans plusieurs épaisseurs de tissu pour survivre à la journée. L’assassin n’était pas réellement sur qu’elle ait apprécié le traitement mais si elle voulait rester avec lui, elle devrait apprendre à constamment être en mouvement que ce soit de jour ou de nuit.

Nevassa était la première grande ville dans laquelle Yue pénétrait mais le tueur ne lui avait pas laissé le temps de visiter. Il avait fallu s’organiser rapidement. Leur cible n’était entrée que très récemment dans le collimateur de Lilith et devait probablement être au courant. Il s’agissait d’un petit bourgeois au cœur facilement corruptible avec qui la Dame Noire avait rapidement engagé les négociations. Le Fang avait besoin de fournitures, de plus de cachettes et d’argent et cet homme simple et cupide pouvait les leur fournir moyennant quelques petits... paiements. Problème : les négociations avaient échouées et cet imbécile avait décidé de leur mettre des bâtons dans les roues. Son influence était d’ailleurs largement suffisante pour que les autorités le suivent jusqu’aux sources du Black Fang. Ils avaient cru le tenir mais il s’était retourné contre eux au dernier moment, la prime sur leur tête étant probablement plus alléchante. Le message avait été clair... A leur tour de lui délivrer le leur.

Ils s’étaient donc relayés sur quelques jours pour noter les allées et venues des gardes présents à l’extérieur de la maisonnée. S’il connaissait mieux ses chances de réussite, il aurait pu envoyer Yue en éclaireur à l’intérieur, lui faire endosser le rôle d’une servante ou de n’importe quoi d’autre mais, sur de rien, il avait préféré jouer la carte de la prudence.

Aujourd’hui se trouvait être la nuit de l’infiltration. La demeure se situait en plein centre ville et comportait trois étages, ce qui ne leur faciliterait pas la tache. Le maître de la maisonnée pouvait se trouver n’importe où autre part que dans le lit qu’il était censé occuper à cette heure et cela rendait nerveux l’assassin. Habituellement, il effectuait ses missions avec le plus grand calme et pénétrer tel ou tel manoir ne le gênait pas plus que cela. Mais aujourd’hui, il avait la responsabilité de la jeune albinos inexpérimentée qui le suivait toujours. Du temps de l’ancien Fang, il se souvenait avoir déjà perdu des compagnons lors de missions périlleuses, c’était les risques du métier et chacun l’acceptait mais étrangement, il espérait que Yue serait différente... Et puis mourir lors de sa première mission... C’était tellement ridicule que mieux valait ne pas y penser.

- Nous y sommes.

En réalité, ils se trouvaient à une bonne centaine de mètres de l’édifice. Porté par ses connaissances de la cité et par les repérages déjà effectués, l’assassin les avait conduits dans une ruelle un peu à l’écart d’où il leur serait très facile de prendre pied sur les toits. C’était en effet la seule solution envisageable dans la majorité des cas. Aucun complice ne les attendait à l’intérieur et il n’y avait ni passage secret ou autre voie dérobée. De plus, forcer l’entrée aurait pris suffisamment de temps pour permettre, premièrement, à la victime de filer et, deuxièmement, à la milice de nuit de rappliquer. La cheminée présentait toutefois maints inconvénients également. Bien qu’inattendu, le passage pouvait aussi bien déboucher sur une salle vide que sur une soirée mondaine où la garde aurait été renforcée. Voila pourquoi il passerait en premier. La fillette suivrait si tout allait bien et ils n’auraient plus qu’à se faufiler jusqu’à la chambre de leur cible. Si tout se passait bien, Monsieur de Vizen recevrait bien le message et tout deux seraient loin bien avant le lever du soleil... Trop de « si » pour une seule phrase.

Sans un mot supplémentaire, l’assassin déroula le rouleau de corde qu’il avait apporté et propulsa le grappin vers le toit choisi. Appliquant quelques secousses afin de vérifier s’il restait bien accroché, le Croc Pourpre se lança alors. Aussi agile qu’un singe, évoluant aussi bien avec ses mains qu’avec ses pieds, l’assassin fila le long du mur, insérant le bout de ses bottes dans la moindre prise, une main enroulée dans le filin tandis que l’autre le hissait progressivement. Sans un bruit, le Fang agrippa la corniche avant de se hisser en un ahanement rauque presque inaudible sur les tuiles sèches du toit. De là où il se trouvait, il distinguait parfaitement leur objectif. Il leur faudrait à peine quelques minutes pour l’atteindre. Faisant un signe à Yue, l’assassin se redressa sans pour autant se relever complètement. Il savait que Vizen postait deux hommes chaque soir sur son propre bâtiment. Deux archers qui n’hésiteraient sans doute pas à tirer à vue. Réflexe de proie... Début de la mission.
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Yue
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeDim 24 Oct - 20:24



Plus jamais, elle se l’était répétée plusieurs fois, plus jamais elle ne monterait sur un cheval. Son petit voyage à travers Daien lui avait confirmé qu’elle ne pourrait jamais s’entendre avec un animal à sabot. Selon elle, il n’était bon qu’à être mangé avec un peu d’épices et au feu de bois. Jaffar avait été impitoyable avec elle. Il l’avait forcée à voyager de jour alors qu’elle ne pouvait supporter la chaleur du soleil. Il l’avait malmenée et ficelée à son canasson pour qu’elle ne s’échappe pas. Il avait bien fait d’ailleurs car elle n’aurait pas manqué une occasion pour éviter le quadrupède. Cette bête avait la fâcheuse tendance à accentuer son déhanché comme la dinde du relais où il l’avait trouvé, la balançant de droite à gauche comme une vulgaire barrique de vin et emmitouflée dans ses capes et couvertures, elle n’arrivait même pas à respirer. Jaffar avait attenté à sa vie... Jamais, elle n’avait tant eu la nausée, elle lui ferait payer ce traitement.

Posée à une centaine de mètres de leur cible tenant à la main la corde devant la mener au toit, elle ruminait la vengeance qu’elle lui appliquerait pour le faire souffrir autant qu’elle avait souffert.

Leur long voyage avait eu pour but une grande ville Beorc du nom de Nevassa, la capitale de Daien. Ils avaient pénétré la ville de nuit et Jaffar l’avait abandonnée dans une chambre sombre et humide pendant qu’il allait vaquer à ses occupations. Avait-il réellement pensé ne serait-ce qu’une seule seconde qu’elle serait restée là à l’attendre comme une gentille petite fille alors qu’il ne lui avait même pas fait assez confiance pour lui dire où il allait ? A peine avait-il passé le coin de la rue qu’elle avait mis un pied hors de la chambre.


*Il me sous-estime vraiment s’il pensait pouvoir m’empêcher de sortir en fermant simplement la porte à clé*


Elle s’était donc retrouvée seule dans les rues de Nevassa à errer sans un sou en poche pour profiter des salles de jeux nauséabondes, des mets douteux qui se vendaient dans les impasses sombres de la cité,... Jaffar avait chamboulé sa vie mais surtout son horloge interne avec ses escapades diurnes. Elle se sentait fatiguée mais n’avait pas voulu rentrer à l’auberge par simple esprit de contradiction. Elle s’était donc baladée des heures durant, évitant les endroits clos pour ne pas suffoquer. Elle était tombée au bout d’un moment, sur un petit bonhomme aux allures rupestre qui tenait un stand à la sortie d’une ‘maison de joie’.

- Venez mesdames, messieurs, venez tenter votre chance ! Ne soyez pas timide !

Yue s’était approchée, intriguée par ce petit être qui gigotait ses bras dans tous les sens. Sur une table devant lui il avait trois gobelets posés à l’envers dont l’un d’eux contenait un haricot. Tout autour de lui, une foule de Beorcs tournait et criait des injures ou des encouragements. Elle aurait préféré ne pas se mêler à eux mais sa curiosité était plus forte que sa réticence. Sa capuche sur la tête et une écharpe sur le nez et la bouche, elle s’était frayée un chemin à travers la foule et s’était retrouvée juste devant le petit stand. Le petit homme rupestre et un autre Beorc étaient en train de parier sur le gobelet qui contenait le haricot. C’était débile avait-elle pensé car pour elle, il était évident qu’il se trouvait à droite, pourtant le Beorc s’était trompé… qu’elle manière idiote de perdre de l’argent, elle secoua la tête et décida de prendre les choses en main.
Discrètement, elle avait soufflé la réponse au Beorc qui retentait sa chance et l’avait fait gagner. Puis, elle recommença à plusieurs reprises. Elle ne sait pas combien elle lui avait fait gagner, mais en tout cas, se fut suffisant pour qu’il lui donne une partie de sa recette. A partir de ce moment là, elle avait été prise d’une folie qu’elle ne pensait pas posséder… Une lueur d’avidité s’était allumée dans ses yeux et tout le monde s’était reculé de quelque pas devant son expression chasseresse. Tranquillement, elle avait pris place devant le Beorc et avait posé quelques pièces.

- Jouons, Monsieur le marchand

Les gens s’étaient rapprochés et le jeu avait commencé. A plusieurs reprises le Beorc avait essayé de tricher mais rien ne pouvait tromper les yeux de l’albinos. Le public n’aimait pas les tricheurs, il avait donc rapidement renoncé à le faire puisque Yue démaquait toutes ses tentatives. Rapidement, il avait mit fin à ce petit jeu pour sauver ce qui lui restait de plumes mais Yue, elle, avait trouvé un passe-temps des plus lucratif… Résultat, elle se retrouvait avec une petite fortune en poche en à peine une soirée.
Après cela, elle était rentrée à l’hôtel comme elle en était sortie, par la fenêtre et s’était jetée dans le lit douillet.

Elle n’avait pas su exactement combien de temps elle avait dormi mais quand Jaffar était revenu, il n’avait pas trainé sur les explications. Il l’avait obligée à observer toutes les nuits une villa Beorc complètement inintéressante. Chaque nuit, quatre Beorcs plutôt bien faits de leur personne se relayaient pour surveiller l’entrée de la villa. Sur les toits, Yue en avait noté deux autres et elle avait vu plusieurs hommes dans la maison même. C’était d’un ennui !
Pourtant, elle l’avait suivi comme un gentil petit chien. Elle avait voulu crier lorsqu’il était revenu la fleur au bec après l’avoir abandonnée des heures entières mais rien n’y faisait elle lui obéissait docilement. Cependant, il était difficile de le faire avec entrain car il n’avait pas eu assez confiance en elle pour lui dire le but de toute cette mascarade. Petit à petit, une frustration grandissante avait envahi son cœur.

Le matin même, il lui avait dit qu’ils s’infiltreraient dans la maison, elle n’en voyait pas l’intérêt et il ne l’avait pas éclairée là-dessus. La seule chose qu’elle avait su c’était qu’elle devait le suivre quoi qu’il fasse.
C’était une nuit sombre de nouvelle lune. Ils étaient invisibles dans les ombres de la rue, invisible parmi les bâtiments. Jaffar avait été d’une discrétion à toutes épeuves quand il était monté sur le toit de la villa. Elle l’avait regardé dans son ascension élégante et soudain elle comprit quelque chose. Il ne l’ avait pas choisie comme partenaire parce qu’elle était douce et obéissante, il avait eu un aperçu de sa personnalité. Il savait qu’elle n’était pas du genre prévisible. Cette mission secrète qu’il ne voulait pas lui expliquer était surement un test pour évaluer ses capacités. Il ne serait pas déçu, elle lui prouverait qu’elle était apte à le suivre et lui ferait regretter de l’avoir mise à l’épreuve et mise sur un cheval également.

Elle lâcha la corde et se dirigea de manière bien téméraire vers la porte principale. Les deux gardes seraient relayés dans une vingtaine de minutes, elle pourrait tous les neutraliser d’un coup. Elle comptait après sur l’intervention de Jaffar pour mettre les archers du toit hors d’état de nuire.


*Espérons qu’il ne m’en veuille pas trop après ça*


Elle ne savait pas encore si elle irait à leur rencontre avec subtilité ou si elle utiliserait la méthode bourrin d’Eristoff. Tout ce qu’elle savait c’est qu’ils ne devaient pas se séparer, elle devait agir rapidement et efficacement… Les deux gardes se firent rejoindre par deux autres hommes et ils se mirent à discuter.

*Va pour la méthode bourrin j’aurais le temps d’être subtile plus tard…*

Rapidement mais d’un pas feutré, Yue s’avança vers l’entrée aussi silencieusement qu’un loup à l’affût d’un agneau. Le vent fusait à ses oreilles mais sa capuche était remontée haut sur sa chevelure blanche pour la rendre invisible. Lorsqu’ils la remarquèrent enfin, elle ne se trouvait qu’à une dizaine de mètre d’eux. Sa cape glissa soudainement découvrant ses yeux rouges et son arc à la main. Elle plongea sur eux à l’aide de Célérité et sauta devant leurs yeux ébahis. Sa silhouette se dessinait dans la lumière des torches, elle avait des allures de démons.

- Un monstre…


Ces mots furent les derniers qu’il prononça du moins pour cette nuit là. Elle leur était passé derrière et avait frappé leurs nuques d’un coup précis. Eristoff utilisait parfois cette technique sur elle quand elle était un peu trop énervante… Elle attrapa deux des gardes et les cacha dans les fourrés puis à l’aide de quatre de ses flèches elle accrocha les deux autres à la porte pour simuler leur éveil. Elle récupéra sa cape, leva ses yeux vers le toit et cru apercevoir le reflet des lames de Jaffar. Un silence inquiétant régnait.
Elle savait qu’il devait trouver quelqu’un dans cette villa, elle le trouverait avant lui.

Un sourire aux lèvres, elle s’engouffra dans la maison et disparu dans ses ténèbres.
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Jaffar
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeSam 30 Oct - 17:04

Naturellement, la jeune albinos n’était plus en bas depuis belle lurette lorsque il se décida enfin à regarder ce qu’elle faisait mais étonnamment, l’assassin n’en ressentit ni surprise ni irritation comme s’il s’y attendait. C’était devenu si classique de ne pas la voir là où quelqu’un de normal se serait trouvé... Son regard perçant eut vite fait de la repérer, marchant d’un pas vif et leste vers les quatre gardes de l’entrée. Yue avait décidé de faire cavalier seul et de choisir une approche un peu moins discrète... A sa guise. Après tout, ils étaient aussi là pour tester ses capacités. Sortant de sa contemplation muette, le Croc Pourpre se focalisa sur son propre objectif : si la jeune archère s’attaquait aux gardes de l’entrée, il se devait de neutraliser rapidement les deux archers sur les toits afin de couvrir ses arrières. Il enroula rapidement la corde qui lui avait servi à monter, surveillant du coin de l’œil l’approche de sa jeune apprentie. Si elle avait décidé de passer par la porte, lui se cantonnait toujours à son conduit de cheminée. Déposant le paquet à ses pieds, l’assassin estima rapidement le temps qu’il mettrait à atteindre ses cibles. Ils étaient assez éloignés l’un de l’autre ce ne serait pas aisé. Qu’importe même si l’un parvenait à crier, il ne le ferait pas assez longtemps pour alerter trop de monde...
*C’aurait quand même été nettement plus simple si elle avait daigné m’obéir pour une fois...*

Ravalant ses sombres pensées, le tueur franchit rapidement la courte distance qui le séparait du toit de sa victime, utilisant les ombres de la nuit pour se dissimuler, dansant sur les tuiles sèches mais traîtres comme il en avait si bien l’habitude. Son approche fut aussi furtive que celle d’un fauve en chasse et pas une seule fois le regard des archers ne s’arrêta sur lui. Enfin il bondit, surgissant des ténèbres lame en main, une lueur féroce dans le regard. Seul le claquement de sa cape dans le vent nocturne résonna alors que le coutelas s’enfonçait avec une précision mécanique dans la nuque de sa victime, sectionnant artères et veines, brisant les petits os qu’elle croisait sur son passage. La pointe jaillit du bas la gorge, noire de sang. L’homme perdit le contrôle de ses jambes et s’effondra sans un cri tandis que le Fang terminait de faire pénétrer son arme jusqu’à la garde dans la chair molle et flasque de son cou. L’autre avait fait volte face, les lèvres entrouvertes, déjà prêt à donner l’alarme mais c’était sans compter la vivacité et surtout le deuxième bras toujours libre du tueur. En un chuintement métallique, la dague quitta son écrin empoisonné avant de décrire une superbe courbe dans les airs, projetée par un bras exercé et guidée par une volonté sans faille. L’acier rencontra à nouveau la chair, éraflant l’émail des dents et lacérant la tendre membrane buccale en une véritable boucherie funèbre. Un gémissement s’échappa de ce qui restait de la bouche du blessé alors qu’il lâchait ses armes pour tenter d’extraire l’objet de ses souffrances. Tout à ses occupations, il n’eut pas le temps de réaliser qu’une poigne de fer le repoussait au sol juste avant qu’une botte ne se pose avec grâce et élégance sur l’embout qui dépassait de son visage abimé. L’assassin exerça une rapide pression sur la dague, appuyant brusquement jusqu’à sentir la boite crânienne céder et la pointe de l’arme rencontrer les tuiles du toit. Le gémissement se tut et le Fang put enfin savourer la beauté du calme de la nuit. En temps normal, il préférait éviter de prendre des vies inutiles mais il s’agissait ici d’une mission carnage. Le Sieur Vizen n’allait pas tarder à se réveiller, deux lames ensanglantées posées sur la gorge et une grande partie de sa garde d’élite massacrée. Plus il y aurait de mort, plus le message passerait facilement. Immobile, l’assassin tendit l’oreille, attentif au moindre bruit pouvant laisser croire qu’il avait été repéré mais rien ne lui parvint. Un rapide coup d’œil lui confirma que Yue n’était plus là et que sur les quatre hommes qu’il avait aperçus, seuls deux étaient encore visibles. Cette petite se débrouillait bien.

Dégageant ses lames des chairs meurtries dans lesquelles elles reposaient, l’assassin s’approcha de sa propre voie d’entrée. Du conduit de cheminée ne lui parvenait aucun bruit pouvant indiquer qu’il débarquait dans une pièce peuplée mais on n’était jamais trop prudent. Ignorant les deux cadavres ensanglantés qu’il laissait derrière lui, il s’empara du rouleau de corde, fixa solidement le grappin et déroula le tout dans le conduit. L’apparition d’un bout de corde dans la cheminée ne surprenant visiblement personne, il se décida finalement à s’engager à son tour dans l’étroit couloir.

Les pieds calés dans les maigres aspérités, s’aidant de son dos pour se poser de temps à autre, ses deux mains enserrant fermement la corde, le Croc Pourpre se laissa lentement glisser dans le conduit, provoquant de temps à autres la chute d’un léger nuage de suie. A quelques mètres du sol, il se laissa tomber, se réceptionnant avec la souplesse d’un félin. Son regard balaya aussitôt la pièce, un petit bureau en apparence vide. Les fenêtres laissaient passer un flot de lumière lunaire, qui donnait à l’endroit une apparence froide et austère que démentaient le tapis rembourré, la chaise de travail confortable et le matériel à fumer qui trônait sur un luxueux bureau vernis. Une petite bibliothèque ornait le fond de la pièce tandis que quelques fauteuils, heureusement vides, entouraient l’entrée par laquelle venait de passer le Fang. Discrètement, ce dernier se glissa jusqu’à la porte qu’il entrouvrit sans un bruit. La pièce n’était pas gardée, ce qui signifiait qu’il se trouvait probablement assez loin de l’endroit où reposait sa cible. Pas de bol pour le coup...

Réprimant un grognement de déception, il referma rapidement la porte derrière lui et s’enfonça dans le couloir, le pas de ses bottes amortit par la moquette qu’elles foulaient. Une véritable partie de cache- cache s’engagea alors, l’assassin zigzaguant d’une pièce à une autre, profitant de la moindre colonne pour se protéger du regard de l’un des soldats. Pas un seul de ceux qu’il croisa ne lui échappa et sa lame entra en action à de nombreuses reprises, toujours dans le plus grand calme. Qu’ils soient en groupe ou seuls, les hommes et femmes armés se retrouvaient égorgés, transpercés, assommés sans la moindre once de pitié ou de remord et aucun d’entre eux n’eut le temps de crier suffisamment longtemps pour signaler un problème. L’assassin se livra à un carnage méthodique, tuant comme s’il était la mort incarnée. L’ange noir fit couler des flots de sang ce soir là et ses lames purent enfin étancher leur soif de fluide vital. Il arrive cependant toujours un moment où une patrouille un peu trop consciencieuse s’approche de trop près d’un cadavre seulement appuyé sur sa pique. Toujours un moment où ce cadavre laisse rouler sa tête au sol alors que son tronc s’effondre sans vie, abreuvant la moquette, déjà poisseuse, d’une nouvelle gorgée d’hémoglobine. Toujours un moment où tombe ce cri fatidique :

- A l’assassin ! Aux armes ! Aux armes !
*Enfin.*

Le tueur se rua dans le couloir qu’il était en train d’explorer. La chambre de la cible ne devait plus être bien loin, il devait se dépêcher. Son but n’était pas de tuer Vizen mais si celui-ci essayait de s’échapper au lieu de l’attendre sagement dans un coin pour recevoir son message... Alors il n’aurait pas le choix. Ce serait un avertissement général pour quiconque tente de négocier avec le Black Fang. La maisonnée s’était réveillée et des hommes couraient un peu partout dans les étages... Mais aussi à son niveau. A l’angle du couloir, une course assourdit par les tapis lui parvint. La personne lui fonçait droit dessus. Et un mort de plus en cette sombre nuit. L’assassin jaillit au moment où sa proie atteignait l’angle. Son regard décidé eut à peine le temps d’identifier sa future victime alors que la lame cherchait déjà à atteindre la gorge sans défense de cette dernière.
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeDim 31 Oct - 2:50


Elle avait exploré la maison avec une curiosité enfantine. Avançant à pas feutré, elle se fondait dans le décor et se rendait invisible. Quelques gardes lui étaient passés devant le museau mais elle n’avait pas remué d’un pouce. S’ils n’étaient pas capables de sentir sa présence, ils n’étaient pas dignes de la combattre. Elle continuait donc à s’enfoncer dans la demeure sans se faire repérer.
Cependant, elle s’était montrée un peu trop confiante. Avec trop de témérités, elle avait poussé la porte d’une salle remplie de Beorcs.
Sans réellement réfléchir, elle avait refermé la porte derrière elle et avait caché son arc et ses flèches derrière elle. Avec un grand sourire elle baissa sa capuche.

- Bonjour messieurs, les gardes à l’entrée m’ont ouvert en me disant d’aller rejoindre M. Vizen. Cependant personne ne m’a dis où le trouver précisément, pourriez-vous m’aider ?


Le ton de sa voix, la manière qu’elle avait de triturer ses doigts d’un air gêné, son attitude peu sure d’elle, tout ses gestes étaient étudiés pour détendre ses hôtes, pour leur faire croire à une faiblesse qu’elle ne possédait pas. Elle ne pensait pas avoir de telles ressources en elle. Sa petite comédie rasséréna quelques uns des soldats mais d’autres restèrent sur leur garde et la regardaient d’un œil sombre. Néanmoins aucun n’avait donné l’alerte.

- M. Vizen ne se trouve pas ici comme vous pouvez le voir. Il est dans le petit salon du deuxième étage. Mais puisque vous êtes là vous pourriez nous divertir.


Yue les regarda tour à tour. Ils étaient cinq et seulement trois semblaient enthousiastes à sa présence, trop enthousiaste d’ailleurs. Parmi les deux autres, il y avait une femme qui la dévisageait avec un dédain non caché et un homme d’âge mûr qui tenait fermement la poigne de son épée. Yue adressa un sourire innocent à l’homme qui lui avait parlé et lui répondit :

- Désolé, mais vous ne présentez pas assez d’intérêt pour que je m’attarde ici avec vous.

La femme soldat pouffa de rire mais ces messieurs n’apprécièrent point son trait d’humour. L’un d’eux rougit quelque peu. Un autre, un grand gaillard brun dont la face était barrée par de nombreuses cicatrices se leva et s’approcha d’elle d’un pas expert et fluide. Il plaça un bras à coté de sa tête et caressa sa joue de sa main libre.

- Ne soit pas difficile gamine,… je n’aime pas les filles trop farouches.

- Je suppose qu’avec l’haleine que vous avez, vous ne devez pas en avoir beaucoup de toute façon…


La femme explosa de rire et se roula par terre.

- J’adore cette fille !!


Le balafré leva la main sur Yue, elle contracta les mâchoires s’attendant à la douleur cuisante mais ce n’est pas elle qui reçu le coup. L’homme d’âge mûr s’était levé et avait assommé l’autre Beorc. D’un signe de main il demanda au timide de lui débarrasser le plancher de l’autre énergumène à la mauvaise haleine. Il s’exécuta sans attendre. L’homme d’âge mûr devait être le chef. Il saisit le bras de Yue avec force sans qu’elle ne résiste et la regarda droit dans les yeux. Son regard était perçant on sentait sa grande expérience.

- Qui t’envoie ? Que viens-tu faire ici ?


La fille sourit encore plus. Ce type là on ne la lui faisait pas… Elle ne pouvait pas tromper son œil expert. Elle concentra sa force dans son bras libre et prépara son prochain coup. Quand soudain un cri retentit.

- A l’assassin ! Aux armes ! Aux armes !


Le Beorc leva les yeux et baissa sa garde une seconde. Elle saisit une flèche et profita de son moment d’inattention. Elle lui planta sa flèche dans le nombril.

- Putain la salope elle a troué Gills.


Ils avaient tous repris leurs armes en main, la fille s’était relevée et avait empoigné ses épées. Yue dégagea le dénommé Gills, elle n’avait pas touché de points vitaux. Ils portaient à sa ceinture des clés, elle s’en saisit et rouvrit la porte pour s’enfuir. Les trois soldats se jetèrent sur elle. Elle leur claqua la porte au nez et la maintint pour la fermer de l’extérieur.

Elle se mit à courir en direction du cri, Jaffar n’avait pas été très doué sur ce coup là elle se devait de lui faire remarquer. Elle rencontra plusieurs Beorcs qu’elle bluffa par sa vitesse. Elle dut tirer certaines de ses flèches, elle ne devrait pas oublier de retourner les chercher. Cependant, elle n’avait pas le temps d’y penser pour l’instant. Elle courrait à en perdre haleine alternant entre sa vitesse normale et sa célérité et elle commençait à fatiguer. Soudain, une odeur de sang la guida sur la voie à suivre.
Elle entendait les gémissements étouffés, le son caractéristique des lames de Jaffar fendant le vent, le bruit des pas précipités. Elle tourna au coin d’un des couloirs et vit sa vie défiler devant ses yeux. Elle était courte. La lame de la mort s’approcha de sa gorge. Elle pencha son corps en arrière en pliant un peu les jambes comme pour un ‘limbo’ et passa sous la lame et le bras qui la tenait.

- Holé !!


Elle tomba à genoux un bras tendu au dessus de sa tête avec un sourire amusé aux lèvres. Elle posait littéralement. Un Beorc se jeta sur elle, elle se retourna et tira en pleine poitrine.

- On n’attaque pas une personne dans le dos c’est trop peu honorable, tu ne mérites pas de combattre et tu ne le pourras surement plus.


Elle se tourna vers Jaffar, son regard était encore sombre mais en une seconde elle passa de l’ombre à la lumière.

- Tu aurais pu faire plus attention tout de même… Je m’efforce à passer inaperçue et toi tu débarques avec tes gros sabots et tu sabotes tout mon travail. Je suis persuadée que tu ne sais même pas où aller.


Elle croisa les bras, le détailla de haut en bas en secouant la tête d’un air désapprobateur et finit par lui dire le fond de sa pensée :

- Je ne suis plus très sure que tu sois digne des informations que j’ai à te fournir.


Elle regarda le carnage qu’il avait fait. Ils étaient tous morts ou mourant et la peinture qu’ils décrivaient avait quelques choses de vomitif. Ce n’était pour la plupart que des gosses se croyant plus fort qu’il ne l’était. Elle se retourna et se remit en route. Elle devait trouver un moyen de monter à l’étage. Elle passa devant les corps mutilés et adressa un chuchotement à Jaffar ne sachant pas s’il l’entendrait :

- Il n’est pas non plus honorable de tuer à tord et à travers surtout quand l’adversaire est plus faible que soit et qu’on le sait.
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Jaffar
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeLun 1 Nov - 3:27

- Holé !!

La lame siffla à quelques centimètres de la tête de la jeune archère avant de se stopper, la pointe reposant sur le pan de bois du mur. La fillette avait eu le réflexe de se baisser au dernier moment, esquivant un coup qui lui aurait surement été fatal. Sans le moindre remord, l’assassin détailla sa compagne de haut en bas. Echevelée, elle affichait son habituel sourire d’écervelée, sa main crispée sur le bois de son arc. Inconsciemment, elle venait de gravir un échelon dans l’estime du Fang. Un homme normal aurait littéralement été égorgé, trop surpris par son apparition pour seulement penser à reculer, mais elle était parvenue à y survivre. Pire, elle l’avait suffisamment anticipée pour prendre une pose théâtrale et s’en amuser. Si elle était morte maintenant... De sa main qui plus est... Eh bien tant pis, elle n’aurait peut-être pas tant valu le coup que ça. Seulement elle était bien vivante et elle comptait le rester au vu du sort qu’elle réserva à l’individu qui s’approchait par derrière :
- On n’attaque pas une personne dans le dos c’est trop peu honorable, tu ne mérites pas de combattre et tu ne le pourras surement plus.

Le Croc Pourpre avait à peine bougé. L’homme aurait été pile à sa portée s’il s’était avancé de quelques pas supplémentaires. Son attaque aurait été alors imparable et trop vive pour qu’il puisse y faire quoi que ce soit et l’homme serait mort sans souffrance. Naturellement, Yue aurait probablement eu le crane fracassé mais à quoi bon survivre si elle était incapable de se défendre à ses cotés ? Il la protègerait certes mais il n’avait pas non plus besoin d’un poids mort. Si elle voulait découvrir le monde, il lui fallait être forte.
- Tu aurais pu faire plus attention tout de même… Je m’efforce de passer inaperçue et toi tu débarques avec tes gros sabots et tu sabotes tout mon travail.
- Oui il est clair que c’est moi qui ait alerté ces hommes vu qu’ils essaient de t’éliminer par tous les moyens possibles...
- Je suis persuadée que tu ne sais même pas où aller.
- Parce que tu as une idée peut-être ? Bref ne trainons pas.
- Je ne suis plus très sure que tu sois digne des informations que j’ai à te fournir.
- ...

Les deux assassins s’engagèrent à nouveau dans le couloir. Des bruits de cavalcade leur parvenaient de toutes parts et il ne faisait nul doute que c’était désormais toutes les troupes armées de la demeure qui leur couraient après. S’ils ne se dépêchaient pas il y avait également de fortes chances que la milice du coin intervienne rapidement ce qui ne serait surement pas bon pour eux. Pressant le pas, ils finirent par dégoter un escalier qui pouvait aussi bien les mener à leur but qu’à leur perte :
- Les voila!

Une troupe venait de déboucher du hall qu’ils venaient tout juste de quitter. Enjambant les corps fraichement entreposés là, les hommes se précipitèrent dans leur direction, armes aux poings. Ils devaient se décider. Qu’importe la direction qu’ils prendraient, toute sortie leur serait barrée par les hommes de Vizen. L’assassin pouvait leur faire gagner un peu de temps mais ce serait très certainement tout juste de quoi remplir leur mission. Brusquement une phrase de sa coéquipière lui revint en tête. Elle avait des informations... Elle savait où se trouvait leur proie ! La gamine l’avait déjà précédé en direction de l’escalier :
- Yue !
Elle se retourna. Il avait rangé ses lames et obstruait désormais le couloir qu’empruntaient les ennemis, se dressant sur leur chemin comme s’il s’apprêtait à les affronter :
- Tu sais où tu vas ?

Pour toute réponse, elle se contenta de commencer à grimper :
*On va prendre ça pour un oui...*

Vif comme l’éclair, l’assassin recula brusquement lorsqu’une hache fracassa le mur devant lequel il se tenait une seconde auparavant. Son coude partit vers l’avant et percuta férocement l’avant-bras qui tenait la hampe de l’arme. Un sourire de prédateur aux lèvres, il ne laissa pas à ses adversaires le temps de riposter que son autre main s’emparait d’une des sphères à sa ceinture :
- Ca va piquer un peu...

Le fumigène résonna bien plus puissamment qu’il ne l’avait escompté dans l’espace étroit et clos du corridor tandis qu’une épaisse fumée envahissait les lieux, masquant assassins, soldats et provoquant une incommensurable pagaille alors que les deux Fangs se hissaient tant bien que mal dans l’escalier, aidés par le brouillard qui avait commencé à grimper à l’assaut des étages supérieurs. Débouchant au deuxième pallié, il leur fallut quelques secondes pour reprendre leur repère. Yue était visiblement au courant de l’étage où ils pourraient le trouver mais quand à la pièce... Il fallait encore la chercher.

Ce fut vite fait. Deux hommes armés d’épées trônaient devant une porte. L’assassin n’attendit même pas. Qu’importe ce que pouvait dire la jeune femme, ils avaient déjà perdu assez de temps comme ça et l’effet de surprise était de leur coté. Jaillissant tel un spectre à travers les limbes, il se précipita au travers des restes du brouillard droit sur les deux gardes. Ils l’aperçurent bien avant qu’il ne les atteigne réellement mais l’un d’eux, sans doute encore jeune et inexpérimenté, brandit son arme et prit le temps de prononcer une mise en garde futile :

- Halte assassin ! Ou je...
- Ou tu quoi !

Le tueur se jeta littéralement sur lui, esquivant la misérable tentative d’attaque de son adversaire, il pénétra rapidement sa garde pitoyable et bondit sur sa proie. Son genou percuta le thorax de l’homme tandis qu’il le faisait basculer sous son poids et que sa dague cherchait déjà la chair tendre du cou. L’épée heurta le sol dans un fracas métallique au moment où les yeux du garde devenaient vitreux et que sa gorge rendait son dernier souffle en un crachat sanguinolent qui vint maculer la joue basanée de l’assassin. Laissant sa première arme fichée dans la gorge du mort, le tueur se releva rapidement pour dévier juste à temps l’attaque du deuxième ennemi, visiblement plus prompt à réagir. Profitant du léger déséquilibre de son adversaire, il porta sa lame plus avant mais celui-ci utilisa le poids de son corps afin de faire valser l’acier en une attaque circulaire meurtrière qui força le Fang à se replier dans le couloir. L’homme ne plaisantait pas. Il s’agissait très certainement d’un vétéran, un vieux de la vieille :
*Intéressant.*

Les deux combattants ne prirent pas le temps de s’observer. Tous deux devaient régler ce combat au plus vite. L’un parce que sa proie allait lui échapper et l’autre parce qu’il savait parfaitement qu’il n’aurait pas le dessus à long terme. Plongeant par-dessus le corps inanimé du jeunot, le vétéran trancha dans le vide tandis que le Fang s’esquivait derrière lui. Le croc scintilla dans la clarté lunaire avant d’entailler faiblement la protection dorsale du garde, celui-ci ayant plongé vers l’avant pour éviter un coup fatal. Déséquilibré, il dut effectuer un magistral retourné, changeant de pied d’appui au dernier moment pour parer la charge rapide du tueur. Le croc ne mordit qu’une fraction de seconde l’acier de son adversaire mais ce fut amplement suffisant pour lui permettre de se remettre en position. Il fallait en finir. Il perdait trop de temps ! Etouffant un rugissement guerrier, l’homme attaqua encore une fois. Il devait mourir... Le Croc Pourpre ne cilla pas alors que la lame s’approchait dangereusement de son torse :
*Maintenant !*

La dague jaillit et percuta l’épée. Le tueur sentit une atroce brulure naître puis s’intensifier brutalement le long de sa joue, tout près de son œil mais, maitrisant ses propres sens, il se décala légèrement vers l’avant, décollant sa chair poisseuse de sang de l’acier. Son poing vide percuta brutalement l’arête du nez de l’homme, heureusement protégée par un heaume. La douleur explosa le long de ses doigts paralysant ses réflexes mais dans ces affrontements, le plus rapide à se ressaisir est toujours vainqueur. Son poing se referma, étouffant la morsure cruelle de sa propre douleur dans l’œuf. La lune déposa un dernier reflet étincelant sur la peau étrangement pâle de son adversaire alors que sa tête basculait en arrière. Même la déesse semblait lui indiquer la voie à suivre. Le Fang mordit à pleines dents dans la chair juteuse. Son croc d’acier déchira la peau et trancha muscles et nerfs avec la plus grande facilité. L’homme gargouilla une seconde, une lueur de surprise dans le regard, avant de basculer sur le dos et de s’immobiliser définitivement, un large ruisseau de sang dégoulinant le long de ce qui restait de son cou. Son casque avait glissé et ses longs cheveux châtains trempaient dans la rivière pourpre qui s’écoulait de sa blessure béante. C’était une femme.

L’assassin relâcha instantanément la pression laissant la douleur, qu’il avait jusque là refoulée, l’envahir complètement. L’épée avait sérieusement entamée sa joue droite et son visage, jusque là épargné, aurait sans doute droit à sa toute première cicatrice. Mieux encore : il s’était démoli les phalanges contre le casque de la guerrière et un mince filet rouge sombre dégoulinait le long de ses doigts, s’ajoutant à celui qui ruisselait jusque dans son cou. Qu’importe ce n’étaient que des blessures anodines et elles pouvaient très bien attendre la fin de la mission. Leur affrontement avait à peine duré quelques secondes mais c’était plus qu’il n’en fallait pour permettre aux gardes à l’étage d’en dessous pour reprendre leurs esprits. Ils y étaient presque !

Adressant à peine un regard à l’archère l’assassin désengorgea sa seconde dague et fracassa la porte d’un coup de pied. Celle-ci, à peine verrouillée d’un tour de clé, s’ouvrit à grand fracas, laissant passer l’incarnation même de la mort. Le bas de sa cape était taché de sang et celle-ci présentait un vilain accroc. Ses deux lames dégainées laissaient perler le même liquide sombre qui imprégnait l’une de ses mains ainsi que son visage et son regard, dur comme la pierre et froid comme la mort, transperça les ténèbres de la pièce pour identifier deux choses. Premièrement : la fenêtre était ouverte et deuxièmement : Vizen n’était plus dans son bureau mais bien sur le toit là bas en train de détaler, aidé de deux de ses hommes.

*Tu es à moi !*

Sans crier gare, le Croc Pourpre rangea ses lames, franchit la pièce en deux bonds, prit appui sur le rebord de la fenêtre, prêt à se jeter sur le toit en contrebas. Sous la lueur argentée de la lune, un fauve se mettait de nouveau en chasse.
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeMar 2 Nov - 19:51



- Yue ! Tu sais où tu vas ?


*Suis moi et tais toi*

Elle aurait voulu le dire à haute voix mais s’était retenue. Parfois le silence en disait plus que les mots. Jaffar avait réussi à l’énerver elle ne savait comment. De toute façon, elle n’arrivait plus trop à réfléchir, l’odeur de sang qui envahissait ses narines lui donnait le tournis et lui rappelait de mauvais souvenirs. Soudain, elle vit les escaliers menant à l’étage, peut être que dans les hauteurs l’odeur serait moins forte, elle se précipita espérant respirer de l’air un peu plus frais.
Jaffar lâcha une espèce de fumigène asphyxiant, elle sentit ses yeux se mettre à pleurer et sa gorge se serrer. Pour ne pas s’écrouler elle se rattrapa au mur et respira profondément. Ses jambes flageolaient, son corps tremblait. Il faudrait réellement qu’elle s’habitue aux effluves humaines, ce n’était pas pire que le sang des bêtes qu’elle égorgeait, du moins, elle essayait de s’en convaincre.
Jaffar passa derrière elle comme une flèche et se jeta sur deux gardes surveillant une porte. Yue avait à peine eu le temps de voir le gamin sortir son arme que Jaffar l’avait jeté au sol enfonçant sa dague dans sa gorge. Yue eut un haut le cœur, elle ne savait pas si c’était du au sang, à la fumé, à des souvenirs de balade à cheval ou au spectacle sanglant que venait de lui offrir son mentor. Ce gamin ne valait pas un clou au combat mais il aurait pu s’améliorer, il aurait pu devenir un homme accomplis. Il aurait pu mais ne serait jamais. Jaffar avait mis un point final à son existence. Elle ne regarda pas le combat qu’il avait engagé. Cet adversaire là méritait d’être tué, il savait se défendre mais le gamin… sa mort était inutile.

Elle se retourna pour voir trois ombres sortir de la brume. Sans hésiter ils se jetèrent sur elle, elle ne leur fit pas de quartier. Les hommes étaient tous les mêmes à agir avant de réfléchir. Une réflexion de quelques secondes ce soir là aurait pu épargner de nombreuses vies. Elle regarda le chemin qu’avait pris Jaffar… elle ne le suivrait pas, il pourrait très bien s’en sortir sans elle. Une demi-douzaine d’hommes l’attendait dans les étages inférieurs. Du sang, du sang et encore du sang. Elle n’avait pas envie de les retrouver. Néanmoins, elle avait des flèches à récupérer. Elle ferma les yeux pour éviter les restes de fumé et descendit les escaliers. Ses oreilles étaient sa vue personnes ne pouvait la surprendre.
A peine avait-elle posé un pied sur le sol du rez-de-chaussée que deux personnes sortirent leur épée et frappèrent dans le vide. Elle les avait esquivés facilement et passa sur leur droite sans même les regarder. Elle se pencha sur un corps inerte près du mur et arracha la flèche plantée dans la hanche d’un homme. Elle l’avait frappé méchamment mais il s’en sortirait. Les deux autres hommes se retournèrent frustrés et énervés pour la frapper de nouveau. Leurs mouvements désordonnés ne l’inquiétaient pas mais ils commençaient doucement à l’exaspérer. Sur un coup de tête, elle attrapa les deux lames avec ses mains nues. Ses yeux rouges flamboyèrent.

- Hors de ma vue humain… tout l’or du monde ne vaut pas vos vies alors disparaissez…

Les jambes des deux hommes se mirent à trembler, ils s’écroulèrent sous son intimidation. Elle leur tourna le dos sans peur et s’éloigna dans le couloir sombre.

A plusieurs reprises, elle se baissa sur un corps pour reprendre ses amies. Trois de ses cibles avaient succombé à ses tirs. C’était franchement triste. Elle espérait au moins que leur mission avait un réel objectif.
Bientôt, elle arriva dans le couloir où elle avait rencontré le vieux Gills, elle aurait du éviter cet endroit.

- Sale garce tu reviens achever ton travail, je ne te laisserais pas faire. Les deux autres ont averti la milice mais tu ne sortiras pas d’ici vivante.


La garde se tenait en plein milieu du couloir. La lune dans son dos lui donnait un air fantomatique et l’ombre de sa haute silhouette s’étendait jusqu’à baigner Yue de ténèbres. Ses deux épées se mirent à fendre l’air, un moulinet de la main gauche, un autre de la main droite, elle était habile. Cependant la colère rendait ses gestes trop prévisibles. L’une des lames siffla à son oreille droite quand elle lui envoya une estocade. La jeune fille fit un mouvement circulaire avec son autre épée et entailla le bras de Yue. La blessure était superficielle mais cuisante. Le sang éclaboussa son visage, Yue commençait à être lasse. La garde continua à balancer coup sur coup sans s’arrêter laissant aller sa rage et sa détresse mais Yue n’y répondit pas, elle esquivait sans même chercher à riposter. La femme lâcha l’une de ses épées pour prendre l’autre à deux mains et continua à battre l’air en criant comme une démente. Une frustration grandissante commença à percer à travers ses mouvements. Yue ne pouvait rien pour elle, elle ne pouvait même pas se battre au corps à corps pour lui permettre d’extérioriser sa colère. Elle ne prenait aucun plaisir à cette confrontation.
Yue avait presque de la peine pour elle. Elle prit un petit élan, une impulsion et se projeta en avant. Elle pénétra la garde de la soldate sans aucune difficulté poussa légèrement la femme du bout des doigts, au niveau de son thorax et la fit basculer en arrière. D’un mouvement fluide, elle s’assit sur le haut de son corps et saisit rapidement ses deux bras. Elle les frappa sur le sol pour la faire lâcher son épée. Elle finit par le faire, elle serra les poings et essaya d’atteindre Yue au visage. Elle se débattit avec force, lui donna des coups de genoux et de pieds mais ses efforts étaient vains.
Puis, elle se résigna, elle arrêta de bouger, elle renonça. Yue soupira, elle n’aimait vraiment pas jouer ce rôle.

L’albinos se releva et ramassa son arc. Au loin elle entendait la milice approcher. Elle prit l’une de ses flèches, la fit jouer sur la gorge de la jeune femme et lui dit :

- Tes vêtements retire-les, j’en ai besoin.

- Es-tu obligé de m’humilier ?


Yue appuya la pointe d’acier de sa flèche sur la gorge offerte faisant perler quelques gouttes de sang.
La soldate s’exécuta. Yue les prit et les revêtit. Elle ouvrit la porte de la salle de garde. Gills se trouvait dans un coin, on lui avait retiré ses vêtements et on avait bandé sa blessure. Elle prit la tunique et la veste en cuir portant l’écusson de Vizen puis ressortit sans un mot.

La tête haute elle se dirigea vers la porte d’entrée. Elle récupéra les deux flèches qui maintenaient les deux hommes de lord Vizen et s’en alla. La milice serait là dans moins de cinq minutes. Elle se positionna dans un endroit à la vue dégagée. Sur le toit elle pouvait voir trois, non, quatre silhouettes se mouvoir. Elle arma deux flèches sur son arc, le banda et attendit. Si elle en ressentait le besoin elle les tuerait.

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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeJeu 11 Nov - 22:57

Le vent siffla un bref instant à ses oreilles avant que ses pieds ne rencontrent le toit. Deux tuiles se fendirent net sous son poids en un craquement sec et, avant même que sa cape n’ait à nouveau recouvert ses épaules, la bête s’élança. Bondissant par-dessus les obstacles, le prédateur se précipita à la poursuite des trois silhouettes qu’il voyait fuir au loin. Son visage affichait une joie cruelle à l’idée de la proximité de son objectif. Ramassé près du sol, s’aidant autant de ses mains que de ses pieds, le chasseur atteint le premier espace et bondit souplement par-dessus une petite ruelle, roulant sur lui-même à l’arrivée avant de se relever et de repartir dans le même mouvement. La distance entre le chasseur et sa proie diminuait à une vitesse hallucinante c’en était presque ennuyant. Naturellement, le fauve avait abandonné toute discrétion pour se précipiter en une course souple et fluide sur ce nobliau et ses deux hommes en armes qui peinaient à chaque ruelle qu’ils traversaient. Au jugé il leur restait à peine deux immeubles avant de pouvoir atteindre une fenêtre qui les entrainerait dans la rue mais il serait trop tard pour les rattraper.

Si Vizen parvenait à contacter d’autres personnes extérieures à l’affaire, le Croc Pourpre devrait les éliminer ou abandonner la mission. Dans l’état actuel des choses, même tout le sang qu’il avait fait couler ne l’avait pas assez enivré pour qu’il exécute froidement un civil. Accélérant la cadence, le Croc Pourpre fendit de nouveau l’air nocturne en un saut félin avant de se réceptionner sur un bâtiment un peu plus en contrebas. Il ne pouvait ralentir mais face à lui, l’un des deux gardes semblait en avoir décidé autrement. Epée levée il s’apprêta à fendre l’air en direction de l’assassin désarmé qui lui fonçait dessus. Une seule solution, le faire basculer du toit en évitant de prendre un coup. Un sifflement suraigu répondit à ses pensées, un sifflement que Jaffar avait aussi reconnu la première fois qu’il l’avait entendu. L’arc de Yue chantait son premier véritable requiem, offrant le repos au soldat qui tentait d’intercepter le Croc Pourpre. Un sourire de fierté transparut l’espace d’une seconde sur le visage du tueur alors qu’il ralentissait à peine sa course pour passer à coté du cadavre chancelant. Vizen avait à peine escaladé le surplomb du dernier immeuble que le Croc Pourpre bondissait déjà pour s’accrocher au rebord. Un autre sifflement suivit d’un bruit mat lui apprit que son apprentie venait de nouveau de dégager la voie et le corps chutant dans la rue finit de l’en convaincre. Vizen était seul.


- Stop !
- Yiiiiih !
- Un pas de plus et mon associée vous cloue littéralement au toit.
- Pi... Pitié !
- …

Le noble s’était stoppé net dans sa course dératée pour se retourner vers le tueur, tremblant comme une feuille. Il avait à peine pris le temps d’enfiler une robe de chambre et ses lèvres bleues prouvaient que son corps n’était pas secoué que par la peur. Le peu de cheveux qui lui restait était châtain et rebiquait en petites mèches rebelles sur son crâne luisant. Ses lunettes à écailles étaient de travers et menaçaient de tomber chaque fois qu’il parlait tandis qu’un ventre un peu rebondi dépassait de sous son vêtement. Ses gardes avaient du vraiment être motivés pour l’emmener jusqu’ici. Toutefois, Vizen était maintenant coincé, incapable de franchir tout seul les quelques mètres qui le séparaient de la fenêtre la plus proche ou de tenter le tout pour le tout en sautant dans le vide. Ce n’était plus qu’un petit homme presque chauve et un peu gras qui tremblait pour sa vie à s’en pisser dessus. Pitoyable. Le Fang fit un pas et de son coté, Vizen vit cet homme, tout de noir vêtu et couvert de sang se rapprocher de lui, une arme à la main. Son regard n’exprimait rien, ses gestes étaient calmes et déterminés. Pire ! Il souriait légèrement tandis que sa cape déchirée flottait au vent nocturne :

- Yiiiiih ! Je... Je ne veux pas mourir !
- Lord Vizen de Begnion.
- Hiiiiiiiih !

Il avait parlé ! Il s’adressait à lui et il se rapprochait encore !

- Vous êtes accusés de trahison envers le Black Fang. Un pas.
- Je... Je peux t-tout expliquer ! Un pas.
- Vous avez trahis la confiance de la Dame et ce, pour votre intérêt personnel. Un pas.
- C’est... C’est faux ! Mon intérêt est le votre je vous suis d-dévoué ! Le dos de Vizen heurta une cheminée et celui-ci poussa un couinement de peur en se recroquevillant sur lui-même lorsque le tueur le contempla de toute sa hauteur.
- En conséquence, la Dame m’a chargé de vous remettre un message.

Le silence se fit alors que la lame jouait avec le cou de sa victime. Une simple petite pression obligea le noble à se relever et à se tenir le plus droit possible pour éviter de se couper.
- Pi... Pitié...
- …

L’assassin ne tenta pas le diable et relâcha légèrement la pointe de son arme. Il aurait été dommage que le poison soit encore trop virulent et que sa mission échoue si près du but. Son regard plongea droit dans celui de sa victime :
- Ne vous occupez plus jamais des affaires du Black Fang.

Le Lord s’empressa d’hocher la tête, trop heureux de s’en tirer avec une simple leçon de morale. Il ne comprit d’ailleurs pas immédiatement pourquoi son poursuivant souriait de la sorte. L’assassin rangea tranquillement l’une de ses dagues avant de s’emparer fermement du bras de sa victime. Le cou était une zone trop sensible mais rien ne l’empêchait de se laisser aller sur une zone un peu plus éloignée... Ignorant les cris suraigus de protestation de sa victime, il la retourna d’une seule main avant de la plaquer brutalement au sol, lui broyant les jambes de l’un de ses genoux tandis que son autre pied écrasait impitoyablement la main libre restante. Sa poigne de fer étendit celle mollassonne du nobliau sur le sol tandis que ses cris de douleurs se transformaient en véritables supplications alors que la dague se rapprochait lentement. Les lunettes gisaient en morceau un peu plus loin et Vizen ne put que contempler de son regard myope la pointe fine s’insérer lentement près de la troisième phalange alors qu’une horrible douleur s’emparait de toute sa main.
- Et ceci pour ne pas l’oublier.

Un horrible hurlement transperça la nuit alors que la lame déchirait le fin cartilage en un craquement sinistre. Le sang gicla sur les tuiles tandis que Vizen se débattait comme un beau diable, hurlant à s’en faire exploser les poumons. L’assassin lui asséna un rapide coup pour le calmer avant de se redresser. Vizen, gémissant, se tenait la main d’un air pitoyable, tentant de stopper l’hémorragie.
- Je saurais vous retrouver la prochaine fois Vizen. Nous vous retrouverons toujours. lui envoya le tueur en dressant injurieusement le majeur qu’il venait de lui sectionner.

Lorsque monsieur Smith ouvrit la fenêtre pour voir d’où venait tout ce grabuge, seul un dingue qui pissait le sang restait présent sur son toit.

L’assassin se laissa souplement glisser à terre avant de s’étirer longuement. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fais ainsi une petite course poursuite : rares étaient ces gros et gras de bourgeois à avoir des hommes suffisamment motivés pour les obliger à ce genre d’exercice. Soit Vizen payait bien, soit il n’était pas un si mauvais bougre que ça... Songeur, l’assassin contempla le doigt recroquevillé sur lui-même qu’il tenait toujours et en détailla plus amplement la bague brillante qui l’ornait. Elle lui rapporterait surement de quoi offrir un bon repas à sa jeune apprentie pour la récompenser, elle le méritait. Esquissant un nouveau sourire, il ôta le bijou avant de le glisser dans sa poche puis jeta le doigt dans un coin avant de se mettre en route d’un pas vif. Il avait soigneusement contourné les sbires de Vizen ainsi que les patrouilles de la milice et se dirigeait maintenant vers leur auberge. Il pensait retrouver Yue là-bas avant de filer comme des voleurs tant que la lune le leur permettait. Cependant, il était d’excellente humeur et était même prêt à se laisser aller aux caprices du sommeil si elle était trop fatiguée. Mieux valait peut-être la prévenir qu’il risquait de la réveiller pour filer en douce si les choses se compliquaient... Et qu’il y avait de fortes chances qu’ils reprennent un cheval...
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeMar 16 Nov - 13:33


Cachée dans le jardin, un genou au sol et l’œil aux aguets, Yue écoutait et se concentrait sur tout ce qu’il l’entourait. Le pas régulier et ordonné d’hommes en armure se rapprochait rapidement. Des gémissements fantomatiques venaient de la maison abandonnée. Le pas rapide et presque silencieux de Jaffar faisait craquer les tuiles du toit et la respiration haletante des fuyards résonnait dans le vent. Elle pouvait même percevoir le son des feuilles et des animaux qui retenaient leur respiration devant la tension malsaine qui pesait dans l’air. Un sourire cruel défigurait le visage de Jaffar, avec une telle expression il lui faisait presque peur. Elle se demandait même si elle avait le même genre d’expression quand elle chassait parce que si c’était le cas elle arrêterait tout de suite. Sans s’en être rendu compte tout de suite, elle avait envie que tout ce termine rapidement, cette mission et tout ce qui la concernait. Elle n’aimait pas ce style de chasse, il n’y avait rien de difficile, d’excitant ou même d’intéressant. Tuer des humains sans valeur, faibles comme des nouveaux nés, lui donnait envie de vomir.
Soudain, elle vit l’un des gardes que suivait le Croc Pourpre faire volte-face et l’affronter. Il s’affrontait à la mort, il était donc près à mourir. Sans attendre, elle relâcha la pression dans ses bras et sa flèche partit à la vitesse de l’éclair. Elle fusa à travers les airs et toucha l’homme en pleine poitrine. Elle ne prit pas le temps de reprendre son souffle qu’elle réarma son arc et tira une nouvelle fois sur le second homme qui se positionnait déjà en traitre pour prendre Jaffar par surprise. Elle avait visé le bas de son dos souhaitant épargner sa vie mais le Beorc chuta en arrière et se fracassa le crâne sur le sol dur faisant éclabousser son sang et sa cervelle sur les murs et les parterres de fleurs... Un mort de plus. Yue avait suivi sa chute et était restée muette devant le spectacle de son crâne explosé. Elle se leva avec des gestes lents et approcha doucement de l’endroit où l’homme gisait. Chaque pas qui la rapprochait de l’homme lui donnait des hauts le cœur. Néanmoins, elle continua à s’approcher comme un papillon s’approche d’une flamme pour s’y bruler.
Il n’y avait plus rien à voir, rien qui ne ressemble à un être humain, c’était juste de la chair éparpillée mélangée à du sang.

Comme elle savait si bien le faire, Yue immergea son être à l’intérieur d’elle-même se coupant de l’environnement dans lequel elle était plongée. De son pied, sans aucun remord elle retourna l’homme prit sa flèche et la rangea dans son carquois. Puis, elle tourna les talons pour fuir ce qu’elle venait de faire. C’était la première fois qu’elle tuait un homme comme cela, de manière lâche, dans le dos… Elle regarda ses mains et se rappela les paroles de celui qui était pour elle comme un père :


*S’il est mort, c’est qu’il n’y avait plus de raison à la poursuite de sa vie, la déesse en a décidé ainsi…*


Yue savait qu’il n’avait jamais cru en un être supérieur qui contrôlerait nos faits et gestes, mais c’était aussi une manière de se déculpabiliser. Néanmoins, Yue n’avait jamais fui, et elle ne le ferait pas. Cet homme était mort de sa faute et n’avait pas eu la chance de se défendre. Elle fit demi-tour s’excusa auprès du cadavre qui gisait à ses pieds et fouilla ses poches. Elle y trouva un portrait, de l’argent et un mouchoir. Le portrait et le mouchoir appartenait à une femme, elle lui les rendrait.

Soudain, un hurlement de douleur déchira les cieux. Yue n’avait jamais entendu un bruit plus horrible. Son cœur se serra dans son cœur. Quand elle tuait un animal, il n’y avait pas de cris, pas de pleurs, pas de douleurs. Elle était une chasseuse qui faisait les choses dans les règles de l’art mais en respectant une certaine éthique. Jamais, elle ne ferait volontairement souffrir quelqu’un. Elle ne pouvait même pas comprendre l’intérêt d’un tel comportement…
La sensation qu’elle ressentait au fond de la gorge avait quelque chose d’amer.

Elle vit Jaffar quitter la propriété et disparaître dans la nuit. Yue, elle, se trouvait toujours au milieu du jardin habillée de ses habits de garde et portant à sa ceinture une tenue d’homme. Finalement, Jaffar n’en aurait pas besoin. Elle abandonna les vêtements près du cadavre et se prépara à aller récupérer sa dernière amie. Avec des gestes lestes et souples elle grimpa le mur de la demeure et rejoint le toit. A coté de la grimpe des arbres, ce bâtiment offrait de trop belles prises pour être ignorées. Elle gagna les sommets de l’habitation avec une grande facilité et parcouru le toit sombre à la recherche de sa flèche. Elle la trouva sur un corps inerte. Cet homme n’était pas mort, sa flèche avait touché juste au dessus de son cœur. Yue trouva la situation ironique. Celui qu’elle avait visé en pensant le tuer survivait et l’autre non… elle arracha sa flèche d’un coup sec et fit une pression sur la plaie. Elle vit le nobliau déambuler dangereusement sur les tuiles glissantes et l’appela avec une voix plus rauque que celle qu’elle possédait.

- Venez m’aider mon seigneur.

- Je…Je me vide de mon sang, je vais mou…mourir…


Yue lui attrapa le bras alors qu’il passait à coté d’elle sans la voir.

- Mon seigneur vous ne mourrez pas, si vous restez là et que vous teniez ce bout de tissus sur la plaie je vais de ce pas chercher la milice et ils viendront vous sauver…

- Pers… personne ne peut me sauver… je vais mourir…


Yue le fit s’accroupir sans prêter attention à ses paroles. Il était tellement effrayé qu’elle avait pitié de lui et s’en voulait presque d’avoir participé à une telle horreur. Avec douceur, elle plaça les mains de l’homme sur le corps de son garde. Il était trop choqué pour bouger. Yue les laissa dans cette position délicate et redescendit du toit en un saut. Elle ramassa du sang brunit sur le sol et en recouvrit ses vêtements. Elle ne savait pas d’où lui venait de telles idées mais une seule cause guidée ses gestes.

*Jaffar tu dois m’expliquer pourquoi nous avons tué ce soir*

Elle se mit à courir d’un air affolée dans la cours. Elle simulait une blessure à la jambe qui la faisait boiter. Elle savait que la milice était bientôt là. Elle partit dans leur direction et fit exprès de les heurter de plein fouet.

- Je vous en supplie mon maître se trouve sur le toit il est blessé et les assassins sont encore dans la demeure à piller


Elle s’était accrochée à l’un des hommes qui la regardé avec dégout, pitié et un peu de compréhension. C’était un homme grand avec une carrure de bucheron qui aurait certainement fait un adversaire plus digne d’intérêt que les personnes qu’elle avait combattu ce soir. Bien sûr, il y avait eut des personnes très fortes, des élites… mais aussi énormément de novice.

- Ne vous inquiétez pas, on prend le relais.

Il écarta fermement Yue et passa à coté d’elle. Yue baissa la tête quand elle vit les deux hommes qu’elle avait rencontrés dans la salle de gardes, ils avaient fait vite pour prévenir la milice. Ils allaient être heureux de retrouver leurs amis vivant mais la personne à qui elle avait l’intention de rendre visite serait bien plus triste à son réveil demain. Elle attendit de les voir s’évanouir dans la brume sanglante que Jaffar et elle avait laissé et prit la tangente.

A l’aide de son flair, elle pista la trace de la personne portant le même parfum que celui présent sur le mouchoir. Elle parcouru la ville de toit en toit cherchant la moindre trace. Elle eut de nombreuse difficulté à retrouver ne serait-ce qu’une fragrance du parfum et traversa plusieurs fois la ville de long en large. Elle finit par retrouver la propriétaire du portrait. C’était une jeune femme de la vingtaine qui dormait paisiblement dans un lit de paille rêvant de son prince charmant qui ne reviendrait jamais. Sa chambre se trouvait dans un grenier avec une fenêtre direct sur le toit. Ce devait être une chambre de bonne et Yue n’eut aucun problème pour s’introduire dans la pièce par la fenêtre entrouverte. Elle entra dans la chambre avec des pattes de velours et déposa l’argent, le portrait et le mouchoir sur la table de chevet à coté du lit. Dans un coin de la pièce un berceau se balançait doucement. Une boule de nœud se forma dans le ventre de Yue. Elle se sentait réellement mal. Elle se pencha sur le visage de la jeune femme au teint pâle et lui glissa à l’oreille :

- Désolée, désolée de vous avoir prit un être cher de manière si lâche. Désolée.

Elle sortit la flèche meurtrière de son carquois et la mit à coté des objets. Elle était maculée de sang, certainement le même que celui de l’enfant qui gigotait doucement dans son lit.

Yue ne sait pas si elle avait rêvé ou pas mais avant de sortir de la chambre, elle avait cru voir une larme perler des yeux de la femme Beorc.

Yue n’avait jamais eu de difficulté à tuer des êtres vivants. Ceux qui l’attaquaient en payaient le prix comme la plupart de cette soirée mais c’était la première fois qu’elle tuait quelqu’un qui ne l’agressait pas directement. C’était peut être ce que Jaffar appelait de la prévention mais si c’était le cas, elle n’appréciait pas cette façon de faire.
Pendant quelques heures elle erra dans la ville et arriva finalement devant les portes d’entrée de la cité. Derrière ces portes, se trouvait sa forêt bien-aimée, sa vie insouciante et solitaire. Derrière ces portes se trouvait son existence sans responsabilité autre que sa survie. Elle posa une main sur cet obstacle se retourna et y appuya son dos pour s’étaler par terre. Elle se sentait perdue. Aujourd’hui elle avait perdu des choses précieuses à son cœur, elle avait perdu une partie de sa fierté, l’une de ses précieuses amies qui avait été souillée par un sang indigne d’elle et elle avait aussi perdu une part de ses espoirs, elle avait l’impression de ne pas avoir de place dans ce monde. Elle resta assise à réfléchir jusqu’à ce que le jour pointe le bout de son nez. Elle retira les vêtements de la garde et partit rejoindre l’auberge où l’attendait surement Jaffar. Elle ne pouvait partir sans comprendre, reculer devant la première chose qui ne lui convenait pas. Elle devait le voir, Jaffar était là pour la guider, il devait lui expliquer.
Elle se relava en étirant ses muscles. Machinalement, elle compta ses flèches, les onze restantes étaient bien à leur place, elle devait également trouver la sienne.

- J’espère qu’il s’est inquiété de ne pas me voir revenir.

D’un pas pressé par la montée rapide du soleil au-dessus des nuages, Yue retourna auprès du Croc Pourpre.
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Jaffar
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeMar 23 Nov - 22:19

Le soleil commençait à pointer à l’horizon, éclaboussant de sa douce lueur rassurante la ville en émoi, la réchauffant agréablement après les terribles évènements de la nuit. Dans la chambre des deux assassins du Black Fang cependant, les rayons ne parvinrent pas à franchir le rempart de chair qui obstruait presque complètement la fenêtre, laissant celle-ci à demi-plongée dans l’obscurité. Le battant était ouvert et les rideaux remuaient faiblement, agités de la brise matinale douce mais encore chargée du froid glacial de la nuit. Le Croc Pourpre plissa les yeux sous l’assaut de la lumière, avant de déplier une énième fois ses jambes ankylosées par sa longue attente. Yue n’était pas rentrée. Toute la nuit l’assassin avait vu les lumières des torches de la milice, toute la nuit il les avait entendus aboyer leurs ordres aussi puissamment et férocement que s’ils étaient les molosses qui les accompagnaient, tirant sur leurs chaines et grognant contre ceux dont ils recherchaient l’odeur. Jaffar savait qu’il n’avait pas laissé de témoin. Il savait également que les quelques toits qu’il avait franchis empêcherait les chiens de trouver une piste continue de son odeur. De plus, la promesse qu’il avait faite à Vizen pousserait celui-ci à empêcher les gardes de le traquer. Il avait un tour d’avance sur eux et l’auberge était sous contrôle du Fang... Mais elle ?

Le soleil éclatant franchit la tour derrière laquelle il s’était dissimulé et frappa la rétine du tueur de plein fouet, brouillant sa vision de larmes qu’il essuya aussitôt. Il avait patienté des heures durant. Certain que la jeune femme reviendrait à leur point de départ, il s’en était revenu nonchalamment et avait commandé à manger et à boire à foison. La première mission n’était jamais facile pour les apprentis et le tueur savait pertinemment qu’un être aussi pur que Yue ne pouvait en ressortir indemne. Cependant elle n’était pas revenue. Le repas, intact et désormais froid, patientait toujours sur la table. L’assassin avait d’abord attendu sur sa chaise, puis sur son lit et enfin, peinant à trouver une quelconque forme de sommeil, devant la fenêtre. Debout, caché derrière les rideaux, il avait observé les vas et vient des soldats qui passaient dans le quartier, guettant un signe quelconque de son apprentie et, alors que l’aurore commençait à pointer le bout de son nez, il s’était assis dans la position qu’il tenait actuellement. Le Fang ferma les yeux et remonta un peu plus le col de sa cape. Il était épuisé mais son corps refusait de lui accorder le repos tant que le nœud au creux de son ventre n’aurait pas disparu. Cette mission devait être l’éveil de Yue, le commencement de sa carrière dans les traces de l’assassin. Pour lui, une seule raison expliquait son absence à l’heure actuelle. Les premières missions étaient généralement considérées comme les plus difficiles et les plus marquantes. Rien ne préparait un apprenti à endurer réellement la mort d’un être de son espèce, qui plus est par sa propre main, et rares étaient les novices qui effectuaient leur travail seuls... Rares étaient ceux qui lui ressemblait à lui : le Croc Pourpre, membre d’élite et tueur confirmé du Black Fang.

Il avait cependant cru percevoir ce potentiel chez Yue et il ne s’était pas trompé. La gamine s’était admirablement bien battue au cours de leur attaque. Elle avait envoyé au tapis nombres de vétérans bien plus expérimentés qu’elle essayant malgré tout de préserver leur vie... Etait-ce la cause de sa disparition ? L’erreur fatale qui l’avait menée à sa perte ?

*Voila ce qui arrive lorsqu’on éprouve de la pitié...*

Le tueur balança ses jambes dans le vide et resta là, le dos vouté, les yeux perdus dans la ruelle désormais vide en contrebas, toujours emmitouflé dans sa cape. La ville s’était calmée à présent... peut-être les toutous de Vizen avaient-ils dégotés ce qu’ils cherchaient ? Peut-être s’acharnaient-ils désormais à arracher un renseignement à cette jeune femme qu’il avait juré de protéger... Quel remarquable garde du corps il faisait...

Il refusait de se l’avouer. Il refusait de le reconnaitre mais, au fond de son être froid et insensible, l’assassin était triste. Triste d’avoir envoyé son apprentie à la mort. Triste d’avoir rompu sa parole. Triste tout simplement au vu de l’immense vide qu’allait laisser la jeune archère. Aucune larme ne coulait, un homme qui passe sa vie à prendre celle des autres ne peut se permettre de plaindre la disparition des siens. Cependant, il est une chose que ces hommes savent particulièrement bien faire.

Le Croc Pourpre se redressa dans la lueur matinale. De profondes cernes creusaient ses yeux mais son regard était plus vifs et tranchant que jamais. Vizen avait parlé malgré son avertissement. Il n’avait pas accepté de se soumettre même après avoir frôlé la mort au plus près. Il avait peut-être même réussi à capturer ou à éliminer le novice qui l’accompagnait. Cet homme avait du cran.

L’assassin claqua la fenêtre et tira les rideaux. Son visage inexpressif émergea de son bandana tandis qu’il resserrait ce dernier, s’assurant que sa cape ne gênerait pas ses mouvements. Le poison avait cessé de faire effet sur ses lames depuis bien longtemps et même celui qui enduisait l’intérieur de son fourreau était épuisé. Qu’importe, il n’avait ni le temps ni l’envie de mieux se préparer. Trois bombes fumigènes restaient accrochées à sa ceinture et c’est d’un geste maitrisé qu’il ceignit les lames à sa taille. Sans un regard pour le repas désormais aussi gelé que la nuit qu’il venait d’endurer, il se dirigea vers la porte, ressassant une dernière fois les émotions qui l’avaient traversé avant de les enfermer dans un coin de son esprit. Il aurait du abandonner Yue sur place et prendre la fuite comme l’indiquait le credo. Cependant, même les chiens les plus loyaux possèdent leur fierté. Celle de Jaffar avait résidé en une jeune femme l’espace d’une nuit. Sa mort ne resterait pas impunie :

*Vengeance !*
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Yue
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeMar 30 Nov - 23:08



Le soleil se levait plus rapidement qu’elle ne l’avait escompté mais heureusement, avec la clarté des rayons du soleil une fine pluie glaçante s’abattait comme un voile brumeux intensifiant chaque particule de lumière et rendant cette dernière agressive pour ses yeux mais douce pour sa peau. Jaffar était un peu comme cette lumière, il pouvait avoir ce coté désagréable et irritant, il était dangereux pour sa survie mais en même temps il était difficile de s’en passer, car même s’il l’entrainait toujours plus profondément dans les profondeurs de l’âme humaine, il était aussi celui qui faisait la lumière sur tous ces aspects. Il l’avait à mainte reprises confrontée à la mort, la sienne, celle des autres... mais il était aussi celui qui l’avait menée sur les voies de la vie.

Yue n’avait que rarement pensée à autre chose qu’à son diner du soir, l’endroit où elle dormirait pendant la journée,... ses besoins primaires. Elle ne connaissait pas les conséquences de ses actions car elle n’y avait jamais réfléchi. Eristoff l’avait entrainée et bien entrainée à la survie, mais jamais il n’avait parlé de plan, de désir, d’avenir,... la survie n’était pas la vie. Elle ne savait pas comment elle devait mener cette dernière. Jaffar lui, lui enseignait la manière dont il avait vécu, il la préparait comme il l’avait été, du moins elle le supposait. Cependant, elle se demandait à présent s’il n’y avait pas de chemin plus ... amusant, plus humain. Elle ne se permettrait pas de juger le mode de vie de son ‘ami’ mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que ça ne lui correspondait pas. Jamais, au grand jamais elle n’obéirait aveuglément à un ordre qu’elle pensait injuste, jamais elle ne ferait souffrir quelqu’un volontairement, jamais elle ne tuerait une personne plus faible qu’elle si elle pouvait l’éviter. Plus jamais elle ne ressentirait la honte et la tristesse qu’elle avait ressentit la veille.
Elle pouvait concevoir qu’il fallait parfois prévoir les choses et pourtant c’était déjà quelque chose de difficile pour elle, elle pouvait penser à créer des plans pour le lendemain,... plutôt prévenir que guérir lui avait on dit. Néanmoins, tuer quelqu’un en prévention d’un potentiel danger qui pourrait intervenir dans une longue période ou qui pouvait avoir des conséquences à long terme... définitivement hors de sa portée...

Perdue dans ses pensées elle en avait oublié où elle allait et s’était également perdue dans la réalité. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle errait dans les ruelles de la grande cité mais une chose était sure, elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait et ne savait pas vers où elle devait se diriger pour retrouver le Croc Pourpre. Plusieurs options s’offraient à elle, elle pouvait continuer à errer et finirait surement par reconnaître le chemin, elle pouvait aussi interpréter ça comme la réponse du destin à ses questions silencieuse et saisir cette occasion pour partir sur un nouveau chemin ou elle pouvait faire ce qui était le plus logique. Elle avait déjà pensé à la fuite et y avait renoncé. Errer durant des heures et des heures ne lui apporterait que des rougeurs supplémentaires et peut être même un rhume carabiné. La seule chose à faire était d’une simplicité enfantine, elle n’avait qu’à régresser à son état primaire et retrouver l’odeur musquée de l’assassin via son flaire.
Elle soupira profondément, libéra ses sens qu’elle limitait toujours quand elle se trouvait dans une ville Beorc et se concentra sur le parfum épicé de l’assassin. Le froid glacial mordit sa peau avec autant de cruauté que les rayons du soleil, l’odeur d’égout vint agresser son nez lui donnant une sainte envie de vomir le repas qu’elle n’avait pas pris. Ses yeux même clos ne parvenaient pas à stopper la clarté feutrée du jour luii donnant un affreux mal de tête. Néanmoins, malgré ce surplus d’informations, elle réussit à trouver la trace particulière du Beorc. Guidée par ce lien infime qu’elle entretenait avec lui elle avança avec résolution vers la vie qu’il lui promettait.

Elle tourna à un carrefour passa à coté de Beorcs qui commençait à peine à s’éveiller, elle sentit les premières odeurs agréable de la matinée et des boulangeries et avant même qu’elle ne s’en rende compte, elle se trouvait devant l’auberge quelque peu essoufflée mais étrangement soulagée. Avec une certaine appréhension elle poussa la porte de l’auberge. Une jeune fille s’échinait déjà à nettoyer les tables pour le petit déjeuner et l’aubergiste essuyait ses verres avec un chiffon surement plus sales que ces derniers. Elle s’avança vers lui et avec un ton circonspect, elle lui demanda :
- l’homme du second étage est-il déjà parti ?

Il la fixa d’un sale œil, la déshabillant complètement du regard. C’était tellement vulgaire de sa part. La prenait-il pour une putain ? Au vu de ses vieilles fripes et des écorchures qui recouvraient son corps, il aurait dû comprendre qu’elle n’avait aucun rapport avec ces femmes de joie... Il acquiesça d’un signe de tête sans apporter de réponse oral. Yue lui tourna le dos et secoua exprès ses vêtements dans la salle répandant la poussière qui la recouvrait sur le sol propre. Il haussa un sourcil faisant mine de vouloir protester mais le regard sanglant que lui jeta l’archère le retint de prononcer un mot. Satisfaite, Yue monta les escaliers. D’abord rapide son pas ralentit alors qu’elle approchait de la porte de leur chambre. Elle s’arrêta devant le palier se préparant à frapper mais sa main tremblait...

*Et s’il était déjà parti, que ferait-elle ?*

Elle respira profondément mais défonça la porte avec bien trop de puissance. Etrangement le choc ne fit pas le bruit attendu. Elle entra en la refermant rapidement et découvrit un Jaffar en rogne et avec du sang coulant de son nez. Elle se sentit tellement soulagée de le voir que toutes les appréhensions qu’elle avait eues la quittèrent. Son sourire réapparu en un éclair et sa joie aussi. Sans réfléchir et sans penser aux lames qu’il tenait à la main, elle se jeta dans les bras de son Beorc et le serra aussi fortement qu’elle le put. Elle était tellement heureuse de pouvoir le voir de nouveau...
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeDim 5 Déc - 23:31

La douleur lui vrilla l’esprit un court instant : le bois de la porte avait rencontré assez abruptement l’os de son nez et le Croc pourpre mit un certains temps à reprendre conscience de ce qui l’entourait... Enfin était-il vraiment remis ? Au vu de ce qu’il apercevait désormais devant lui, l’assassin avait un doute sur la fiabilité de sa vision, le choc avait du être trop violent. Ce n’est que lorsque la jeune femme atterrit dans ses bras qu’il prit réellement conscience de sa présence. Elle était bien là, en chair et en os et bien vivante. Sa main trembla l’espace d’un instant alors que le filet de sang nasal atteignait désormais sa lèvre inférieure et brusquement, ses lames rebondirent sur le parquet alors qu’il enserrait sa jeune apprentie dans une étreinte maladroite et un peu brusque. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, il ne cherchait même plus à comprendre. Elle avait survécue, elle avait échappée aux molosses de Vizen et l’avait rejoint, avec retard certes mais elle l’avait fait. Une bouffée de fierté envahit le cœur de l’assassin tandis qu’il appréciait l’instant présent, ce qu’il ne s’était permis depuis bien longtemps.

Un soupir de soulagement souleva sa poitrine, exhalant par la même toute l’angoisse qui avait perturbée son jugement cette nuit. En un instant, Jaffar redevint le Croc Pourpre. Se redressant brusquement, il fixa Yue d’un œil insensible avant de la repousser et de se relever. Marchant jusqu’à la porte, il jeta un œil dans le couloir avant de la refermer précautionneusement.

- Tu n’as pas été suivie ?

Traversant rapidement la pièce, il écarta légèrement les rideaux. La rue était déserte et rien ne laissait penser que des soldats pouvaient s’y trouver embusqués. Soulagé, le tueur fit volte-face et planta son regard noir dans celui rouge de son apprenti. Pour la première fois depuis des années, une pointe de colère y perçait et sa voix était tendue alors qu’il posait la question qui l’avait maintenue é veillé toute la nuit :
- Où étais-tu passée ? On devrait avoir vidé les lieux depuis longtemps !

Droit comme un i, il contemplait cette jeune femme qui avait failli précipiter sa propre chute. Que se serait-il passé si elle était arrivée à peine cinq minutes plus tard ? L’assassin se serait précipité chez Vizen toutes lames dehors et aurait tué jusqu’à se faire arrêter. Seul et aveuglé par son désir de vengeance, il se serait sans doute battu jusqu’à la mort. Une mort inutile puisque Yue était belle et bien en vie ; une mort ridicule qui l’aurait tout simplement éjecté de l’élite du Fang. Il le savait pourtant, il en avait fait l’expérience il y a longtemps : les émotions peuvent apporter force et confiance mais elles sont souvent responsable de l’échec d’une mission. Sauver un compagnon en détresse, venger la mort d’un proche, il s’agissait d’actions stupides pouvant conduire à l’échec... Et l’échec c’était la mort : Jaffar n’avait jamais échoué. Pourtant cette nuit, il aurait été prêt à tout foutre en l’air ne serait-ce que pour la retrouver. Ce n’était pas du à sa promesse de la projeter : les promesses se rompent même si elles entachent l’honneur. Au fil des années, le Croc pourpre avait soigneusement barricadé chacune de ses émotions derrière une barrière infranchissable, se transformant petit à petit en une arme redoutable et insensible. Cependant, cette jeune femme y avait créée une brèche, pas forcément de façon volontaire ni de façon très subtile... En fait elle avait plus trébuché avant d’enfoncer violemment les portes en se vautrant mais... le résultat était le même.

Elle était dangereuse, aussi bien pour lui que pour l’organisation : il le savait et se devait d’y remédier. Ses lames étaient à portée de main et elle se trouvait plus ou moins en position de faiblesse. Dans cet espace réduit il avait l’avantage, un simple coup par derrière et... Sa main se contracta impulsivement. C’était une sanction qu’il n’aurait en temps normal jamais hésité à appliquer. Yue les avait mis en danger et le Croc Pourpre lui-même la considérait comme une potentielle menace pour l’organisation mais... Il ne pouvait la tuer. C’était tout simplement inenvisageable pas après toutes les épreuves qu’il lui avait fait traverser. Il était un tueur froid et sanguinaire mais les innocents n’avaient pas à pâtir de ses actions. Car Jaffar le savait : le seul responsable de son trouble n’était pas la jeune albinos qui lui faisait face mais bien lui-même. Il ne restait qu’une alternative, qu’une seule solution. Il avait promis à la jeune femme de la protéger quelques jours auparavant or, quel était le meilleur moyen d’éliminer toute l’inquiétude et l’incertitude qu’il pouvait ressentir en son absence ?

S’avançant de nouveau dans la chambre, le Croc Pourpre ramassa ses lames avant de consciencieusement les essuyer. Rangeant l’une, il leva la seconde et l’abattit violemment, la plantant dans le rôti qui les attendait toujours sur la petite table de la chambre. D’un coup sec, il trancha un gros morceau qu’il tendit à l’albinos. Il lui suffisait de la garder près de lui. Il allait l’entrainer, la présenter au Fang comme son apprentie et faire d’elle un membre du Fang à part entière. La meilleure façon de respecter sa promesse n’était-elle pas de lui apprendre à se défendre par ses propres moyens ?

- Mange. C’est froid mais encore bon... Un temps... Au fait... Il y’a des chances que l’on remonte à cheval aujourd’hui...
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeVen 10 Déc - 1:20


Dans les bras de Jaffar, Yue réussissait à oublier toute sa rancune, toutes ses peurs, toutes ses craintes. Dans la douce chaleur des membres puissants de l’assassin, elle oublia jusqu’à sa culpabilité, ses doutes et ses remords. Il était tellement bon d’avoir quelqu’un auprès de qui rentrer. Mais surtout, il était tellement agréable de se savoir attendue. Yue sentait encore dans la pièce l’odeur appétissante d’un diner qui l’avait attendue toute la nuit. Près de son oreille, elle entendait le cœur battant à toute allure de Jaffar se calmer doucement, reprendre un rythme normal et serein. Elle était étrangement satisfaite de savoir qu’elle pouvait faire s’affoler le cœur de cette âme insensible. Elle était heureuse de savoir qu’elle n’était pas qu’une vulgaire femelle qu’il avait ramassée pour passer le temps.
Elle relâcha ses muscles pour mieux profiter de cette étreinte qu’elle savait éphémère et se fit violemment repoussée, comme elle s’y attendait, de l’autre coté de la pièce par un rouquin en colère. Sans plus tarder le chaleureux Beorc fit place au glacial assassin. Il se releva sans lui jeter un coup d’œil et lui jeta à la figure avec une platitude déconcertante :

- Tu n’as pas été suivie ?

Yue rigola intérieurement, quand on chasse le naturel, il revient au galop…
Elle s’assit contre le mur qu’elle avait précédemment heurté et le regarda se dépêcher entre la porte et la fenêtre pour vérifier si elle avait été une pure idiote et s’était baladée avec une pancarte dans le dos « j’ai tué vos camarades suivez moi que je vous montre où est mon complice ! ». Bien sûr, elle aurait pu lui répondre, lui certifier qu’ils étaient bien seuls. Elle aurait pu lui dire qu’elle était capable de sentir des gardes à plus de 500 mètres à la ronde mais il était tellement plus drôle de le voir déambuler en s’inquiétant, en essayant vaguement d’effacer au plus vite le petit moment de ‘faiblesse’ qu’il s’était grassement accordé.
Avec un léger sourire, elle remonta ses genoux au niveau de son visage et les enserra entre ses bras. Elle avait du mal à se l’avouer mais pour le moment, elle avait besoin de Jaffar. Elle avait besoin de son coté froid qui la rendait indépendante et de sa chaleur qui lui faisait vaguement croire qu’elle pouvait être indispensable et lui donnait confiance en l’avenir. Il n’en avait surement pas conscience mais c’était sa maladresse du moment qui avait sauvé Yue.

- Où étais-tu passée ? On devrait avoir vidé les lieux depuis longtemps !

Yue soupira intérieurement, elle n’avait pas envie de lui faire part de ses doutes et de son moment de fragilité. Cet homme ne pourrait pas la comprendre, il ne pourrait pas comprendre ce qu’était le sentiment de culpabilité, il ne comprendrait pas son geste pitoyable envers une femme dont elle ignorait jusqu’au nom. Le Croc Pourpre ne possédait pas de doutes car il avait toujours vécu ainsi selon ces principes cruels et sans pitié mais elle, qui arrivait dans son monde comme une fleur, avait déjà certaines idées encrée profondément en elle. Des idées surement vieilles comme le monde et particulièrement idiotes, presque paradoxales par rapport à son instinct de survie mais pourtant c’était des idées dont elle ne pouvait, dont elle ne voulait absolument pas se défaire. L’honneur, la fierté, la dignité.

- J’avais besoin de m’aérer l’esprit après la nuit d’hier… et puis je me suis perdu en route. Heureusement d’ailleurs que j’avais emprunté une tenue de garde, j’ai pu me sortir de là-bas sans problème.

Il ne l’avait pas vraiment écouté, elle ne s’en vexa pas. En un sens elle n’avait plus envie de se mettre en colère. Elle se releva doucement et s’approcha de lui en tentant une approche calme et douce de l’être pensif qui se trouvait en face d’elle. Soudain, il se retourna face à elle la regardant sans la voir. Il se dirigea vers la porte et ramassa les lames. Consciencieusement, il les essuya, en rangea une et planta l’autre dans le gigot qui l’attendait depuis de bonnes heures. Ça lui rappela qu’elle n’avait pas mangé depuis la veille.

- Mange. C’est froid mais encore bon... Au fait... Il y’a des chances que l’on remonte à cheval aujourd’hui...


Yue grimaça à cette idée mais elle y penserait le moment venue. Rien ne servait d’y réfléchir si on ne pouvait l’éviter. Elle mordit dans la viande froide mais encore tendre en regardant du coin de l’œil l’assassin qui tournait un peu autour d’elle. Quand soudain, Yue sentit un énorme problème venir dans leur direction.

- Salope, montre-toi !!! Je sais que tu es là !!

Yue regarda Jaffar avec des yeux particulièrement déterminés. Elle se plaça devant la porte avant qu’il ne fasse un pas et lui dit d’un air sombre qu’il ne devait pas lui connaître, un air qu’elle n’avait acquit que depuis quelques heures.

- J’aimerais régler ça seule s’il te plait…

Ses paroles étaient étrangement froides mais elle avait compris qu’elle devait l’être si elle voulait pouvoir agir comme elle le voulait. Jaffar devait croire qu’il avait réussit à lui inculquer ses valeurs. Prévenir pour ne pas avoir à guérir.
Sans attendre de réponse elle sortit dans la cours. La fille était seule, elle le sentait.
Une boule se forma dans le fond de son ventre. Elle aurait voulu éviter de revoir cette femme avant d’être sûre d’elle, d’être certaine qu’elle avait fait les bons choix ou du moins les meilleurs.

- Yoche ! La dernière fois ne t’a pas suffit il te fallait revenir ?

- Tu m’as humiliée je vais te faire payer pour ça !

- Si tu avais vraiment voulu me faire payer comme tu dis, tu aurais fait appeler la milice or tu es venue seule, je suppose donc surement à raison que tu es là pour te venger.

La lame fendit l’air juste à coté de sa joue, Yue l’avait esquivée avec une aisance paisible, c’était tellement prévisible...

- N’as-tu pas honte du mal que tu fais ?

Yue haussa les épaules en esquivant un second coup, elle ne souhaitait pas riposter sachant que si elle le faisait et qu’on la voyait, elle n’aurait aucun moyen de défense.

- Ils n’ont pas hésité une seule seconde à m’en faire et s’ils sont morts c’est qu’ils ont eu moins de chance que moi.

En un sens cette phrase relevait de la vérité, hier c’était elle qui aurait pu mourir mais la chance avait été de son coté et elle avait survécu. Regretter les morts ne ferait que les insulter. C’était des combattants, ils étaient voués à mourir au combat. Voilà la réponse à ses questions… elle ne chercherait jamais à tuer mais elle ferait tout pour ne pas mourir.
Elle la regarda de son air le plus féroce et la vit reculer. Elle ne se laisserait pas tuer ni elle, ni Jaffar. Hier l’homme était mort mais Jaffar n’avait pas était touché. Tuer pour protéger un être cher, elle pouvait le concevoir. Des gens alertés par les cris de la femme enragée étaient sortis de leur maison l’œil penaud devant les lueurs matinales. Elle devait rapidement mettre un terme à ça. Elle n’oubliait pas qu’elle devait prendre un cheval…

*Je déteste les chevaux*

…et partir avec Jaffar. Heureusement, sa cape et sa capuche était remontée haut sur son visage peu la reconnaitrait. Elle profita d’un moment d’inattention créé par la vue de tant de spectateurs et se jeta sur elle. Elle lui mit un coup de poing bien placé dans le menton, puis un coup du plat de la main au niveau du plexus solaire. La jeune femme s’écroula et Yue la rattrapa avant qu’elle ne touche le sol. Il fallait désormais qu’elle joue bien son rôle.
Avec un sourire charmeur, elle s’adressa aux gens qui s’étaient regroupés autour d’elle.

- Désolée, elle a un peu trop bu hier soir et est persuadée d’avoir vu un démon me ressemblant…

Elle mit la soldat sur ses épaules et rentra dans l’auberge pour retrouver sa chambre. Elle ne jeta pas un regard à Jaffar et déposa la jeune femme sur le lit.

- C’est la personne à qui j’ai pris les vêtements et j’ai bien peur que mon faciès soit quelque peu reconnaissable, elle a dû demander aux passant s’il avait vu une albinos. Je me suis pas mal promenée hier soir. Il valait mieux que je lui retire toute crédibilité pour éviter les problèmes.

Elle savait que d’autres avait vu son visage et même si peu seraient ceux à croire cette femme, Yue ne pourrait pas revenir de si tôt dans cette ville. Mais Jaffar ne le savait pas, ainsi en lui faisant croire que seule cette femme était un potentiel danger pour eux et en la discréditant elle pouvait la sauver la rendre inutile, inoffensive aux yeux de Jaffar.

- Partons J…mon ami.

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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeDim 26 Déc - 19:29

Le silence revint entre eux, uniquement perturbé par la mastication active de la jeune archère. Enfin soulagé de sa longue attente, l’assassin commençait également à ressentir les effets de la faim avant d’y céder et de se poser en face de la jeune femme. De sa dague, il découpa une énorme part qu’il engloutit presqu’aussi rapidement que son apprentie à sa grande surprise. En y repensant, la mission ne s’était pas si mal déroulé que ça. Vizen avait eu ce pourquoi ils étaient venus, Yue et lui-même s’en était tirés indemnes et personne n’était en mesure de les retrouver.
- Salope, montre-toi !!! Je sais que tu es là !!
- ...

Personne hein... L’assassin ne prit même pas le temps de jeter un œil à son élève et se leva sans attendre avant de se diriger vers la porte. Il aurait du savoir qu’un novice ne pouvait pas rester aussi longtemps en ville sans se faire repérer par contre une chose était sure : il en avait marre ! Il n’avait aucune idée de qui était la personne qui pouvait bien en vouloir à Yue mais il allait se débarrasser d’elle une bonne fois pour toute ! Ensuite, ils quitteraient la ville rapidement afin de mettre un terme à cette mission qui avait eu tendance à virer au cauchemar. Sa main se tendit vers la poignée avant de se figer. Devant lui, Yue lui barrait le passage, stoïquement dressée entre lui et sa future victime. Allait-elle essayé de le dissuader ? Son regard était empli d’une détermination provocante : un regard de braise qui se heurtait à l’âme glacée de l’assassin. Deux pupilles ardentes face à deux orbes de glace : le feu et la passion de la jeunesse contre le stoïcisme et la fatalité de l’expérience. Cependant, le Croc Pourpre n’était pas d’humeur à négocier : aucun sourire amusé ne barra son visage, aucune lueur ne prouva qu’il approuvait le caractère actuel de son apprentie. Le tueur froid qu’il était contrôlait désormais la totalité de son être et même la considération qu’il accordait à la jeune femme ne l’empêcherait pas de franchir cette porte pour mettre fin aux vociférations qui lui parvenaient toujours.
- Ôtes-toi de mon chemin.
- J’aimerais régler ça seule s’il te plait…

L’impatience scintillait au fond de ses yeux et ses mains réclamaient de l’action. La seule présence de leur ennemi là, juste au bas de leur repère, avait mis tous ses sens de tueurs en alerte. Il fallait fuir mais avant, il fallait se débarrasser du gêneur et tout ça, le Croc Pourpre l’avait fait des dizaines voire des centaines de fois au cours de son existence. Ce n’était qu’un travail de routine mais un travail capital qui pouvait tous les deux les mener à la potence s’ils échouaient. Refusant de lui répondre, l’assassin la regarda dévaler l’escalier pour se précipiter là où l’attendait l’élément perturbateur. D’un geste rageur, il claqua la porte et s’installa de nouveau près de la fenêtre, contemplant la scène de son habituel post d’observation.

La rue était calme et les gens commençaient à peine de se réveiller. Le tenancier était tout naturellement sorti jeter un œil mais s’était rapidement écarté lorsque Yue avait déboulé devant lui. Les sbires du Fang étaient toujours aussi bien éduqués. La personne qui hurlait depuis tout à l’heure devant la porte était une femme, armée de deux épées simple... Et visiblement, elle en voulait particulièrement à son apprentie. Fouettant l’air de ses lames, elle continua de cracher ses insultes tandis que l’archère se contentait d’esquiver. Elle n’avait pas pris ses armes et les avait laissées dans la chambre, ce qui était surement plus prudent. Eliminer l’épéiste devant témoin ne leur rapporterait que des problèmes. Mieux valait se débarrasser de cette trouble fête à l’intérieur de l’auberge...

En attendant, le combat se poursuivait en contrebas ou plutôt, le semblant de combat venait de s’achever. D’une brusque détente, l’albinos venait d’étaler son adversaire en deux coups bien placés, la réceptionnant avant qu’elle ne heurte le sol. Le Croc Pourpre avait déjà été témoin de la force que pouvait développer sa jeune associée mais il ne pouvait que rester admiratif devant la précision et la rapidité des coups. Elle avait mis hors jeu un adversaire, certes furieux et dérouté, mais armé et toujours aussi redoutable, en un temps record. Oui, avec l’entrainement nécessaire, Yue deviendrait rapidement l’une des élites de l’organisation.

Lorsqu’elle franchit la porte, prisonnière au bras, l’assassin n’avait pas bougé de sa position et la fixait d’un regard neutre sinon moins antipathique que les précédents. La jeune femme traversa la pièce avant de déposer son fardeau sur l’un des lits. L’assassin la regarda un instant avant de comprendre qu’il devrait lui-même se charger du travail s’il voulait en finir. Quittant sa position, sa lame chuinta à peine lorsqu’il la dégaina mais Yue s’interposa de nouveau. Son babillage ressemblait désormais plus à une vulgaire supplication. Elle lui demandait d’épargner cette personne sous prétexte qu’elle lui avait ôté toute crédibilité. Le poing de l’assassin se resserra infilmement sur le manche de son arme avant qu’il ne s’approche davanage de la couche :

- Partons J... Mon ami.
- Je ne peux pas !

Ce n’était pas une constatation. Bien loin du calme assassin qu’il avait toujours été, le Croc Pourpre venait clairement de crier sa désapprobation. La lame toujours en main, il s’approcha de l’albinos, la colère faisant étinceler d’une vie nouvelle ses yeux d’ordinaire si vides :
- Je ne peux pas et tu le sais pertinemment ! Aucun de nous deux ne peut se permettre de laisser cette idiote en vie !

Son doigt s’était tendu vers sa future victime, toujours inconsciente sur le lit. Elle bavait légèrement suite au coup qui l’avait assommée et ses cheveux emmêlés de sueur recouvrait son visage fin. En s’approchant d’elle, l’assassin avait clairement pu ressentir une fort odeur d’alcool émaner de son haleine.
- Tu lui as laissé sa chance cette nuit mais elle a persisté à te retrouver. C’est à elle d’assumer les conséquences de ses actes.

Reprenant le contrôle de sa voix, l’assassin se redressa avant de se retourner de nouveau vers le lit. Sa voix avait repris un timbre calme et maîtrisée et c’est d’un ton décidé qu’il termina :
- Si elle est assez stupide pour se frotter à trop fort pour elle, qu’il en soit ainsi.

D’un pas décidé, il s’empara de l’épée de la jeune femme avant de la soulever au dessus du cœur de cette dernière. Avec une petite manipulation, il pourrait faire passer ça pour un suicide et l’aubergiste se débarrasserait du corps pour eux. La lame hésita un instant alors que la soldate remuait très légèrement dans son sommeil puis elle s’abattit et transperça en un bruit mat le duvet du matelas avant de s’enfoncer profondément dans le sommier. Tremblant de rage l’assassin s’équipa lentement de ses propres armes avant de dépasser l’archère sans même un regard. Saisissant la poignée de la porte :
- Cette auberge est sous contrôle du Fang. Je ne dirais rien à l’aubergiste mais si cette abrutie est incapable de survivre, c’est qu’elle ne méritait pas que tu te donnes tant de mal.

Son regard n’avait plus rien d’amical lorsqu’il se retourna une dernière fois vers Yue. Bien au contraire, ses iris n’exprimaient même plus la fureur qu’il ressentait, ni la honte qu’il éprouvait à s’être incliné de la sorte. Sa voix avait perdu même les accents de vie qu’elle possédait et son ton désincarné avait de quoi faire frissonner même un mort et c’est d’un ton pourtant impérieux qu’il cracha:
- Maintenant, nous partons. Prépare tes affaires et retrouve-moi en bas. Il est temps pour toi d’entrer dans le Fang et je ne tolérerais aucune résistance face aux chevaux !

Cette phrase eut pu paraître comique dans une situation normale mais l’assassin avait envie de tout sauf de rire. Aucune pulsion meurtrière ne l’agitait non mais l’aura qu’il dégageait inspirait la terreur et la pitié à la fois. Sa fureur n’avait d’égal que sa honte d’avoir échouer et le tout donnait un étrange mélange de sentiment qui le perturbait bien plus qu’il ne souhaitait l’avouer. Passant sans un regard vers le sbire affalé derrière son comptoir, le Fang se dirigea droit vers les écuries. Le voyage se ferait surement dans le silence le plus absolu.
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MessageSujet: Re: Portés par un vent nouveau   Portés par un vent nouveau I_icon_minitimeLun 27 Déc - 0:51

Pensait-il qu’elle lui appartenait déjà, qu’elle était déjà partie intégrante du monde des assassins ?

Pensait-il que leur rencontre fortuite au milieu d’une forêt avait changé sa vie et sa façon d’agir ?

Le ‘nous’ qu’il avait utilisé… pensait-il que cela faisait d’eux une paire inséparable ?


Yue avait vécu seule durant trois ans sans avoir besoin de personne. Elle était parfaitement capable de s’en sortir quelque soit la situation. Si elle n’avait pas rencontré Jaffar, elle aurait pu rencontrer cette femme qu’il se proposait avec tant d’enthousiasme de tuer. Elle aurait pu devenir soldat dans une maison de noble ou bien garde chasse pour un grand seigneur… Elle aurait pu utiliser ses capacités sans avoir à tuer ceux qui lui barraient la route et s’amuser sans conséquence. Il y aurait eu tant de possibilités pour sa vie, bonnes ou mauvaises mais un éventail de choix s’était offert à elle. Si elle avait choisi Jaffar, c’était peut être à cause de l’attrait mystérieux qu’il dégageait, ou bien cette pointe d’émotions qui éclatait parfois au fond de ses orbites glacées.
Néanmoins, s’il le fallait, elle était capable de tourner le dos à tout ce qu’il lui proposait et repartir sur les routes. Recommencer à zéro, elle l’avait fait une fois, elle pourrait le faire une seconde. Après tout, elle faisait énormément d’efforts pour s’accommoder à son mode de vie, elle avait beaucoup de contrainte et pourquoi...

Elle le regarda partir d’un air glacial sans un coup d’œil en arrière. Tant mieux car s’il s’était retourné, il aurait vu la flamme de défi et d’insolence qui brillait dans ses yeux…

Elle se dirigea vers la femme endormie, en la regardant plus attentivement. Ça pourrait être elle allongé sur ce lit à la merci d’un assassin et de son apprentie. Elle prit un bout de papier et y nota ce qui lui semblait le plus important au monde. Elle posa son épée près de son bras afin qu’elle puisse la saisir avec un minimum de mouvement et dans sa main elle posa le petit mot qu’elle avait rédigé rapidement :
Vie

Puis avec la même nonchalance que Jaffar, elle saisit un morceau de viande l’engouffra. Elle perdait du temps par provocation car en un sens il avait cédé devant elle et elle savait ou plutôt sentait qu’il l’attendrait. Après avoir finit ce qu’elle pouvait manger, elle ramassa ses armes et les passa par-dessus son épaule.
Elle sortit en se préparant mentalement à la journée chaude et lumineuse qui se préparait et qu’elle devrait passer sur un cheval. Avant de passer les portes qui la séparait de Jaffar et de la poursuite de leur aventure qu’elle commençait doucement à regretter, elle décapsula une fiole de potion spécial Eristoff pour son teint blafard et en pris une large gorgée. Aujourd’hui, elle se tiendrait droite sur son cheval la tête haute et exposée au soleil.
Jaffar pensait la connaitre, mais elle avait vécu 15 ans sans lui.

Il ne la connaissait pas
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