Bain de midi

Les hautes montagnes se dressant comme des marches pour atteindre les cieux, les vastes forêt englobant la terre pour la protéger, les longs fleuves transportant l'eau à travers le pays comme les veines nécessaires de sa survie. Le ciel bleu dans lequel les nuages gambadaient, l'herbe verte s'insinuant entre ses pieds. Criméa. D'après Bélial, la plus magnifique terre que le monde ait porté, le cœur de Tellius. Elle le devait reconnaître, ces étendues étaient un endroit agréable, et Ema s'y plaisait, c'était le principal. Après une longue route dans le ciel de la nation, la cavalière s'était posée dans cette petite clairière, d'un petit saut elle descendit de sa monture, fit quelques pas puis se déchaussa.
Ses pieds nus flottaient sur l'herbe à chacun de ses pas, et dans un mouvement naturel et pourtant plein de grâce, elle s'avança jusqu'à une petite rivière. Sous le regard du soleil illuminant sa peau, Llyr plongea son orteil dans le cours d'eau pour en mesurer la température. Le retirant aussitôt, elle détacha de sa main droite les boutons retenant la cape noire des Fangs et la laissa tomber sur le côté, puis planta d'un geste sec sa lance dans le sol. Elle retira le vêtement qui lui couvrait le torse par un mouvement de ses bras qui se croisèrent au dessus de sa tête, la tunique rejoint la cape, puis ce fut au tour du pantalon qui glissa le long de ses jambes comme une caresse s'éloignant peu à peu. Le vent faisait corps avec elle, balayant ses cheveux et adoucissant la chaleur du soleil, dont les rayons se répandaient sur sa peau, le long de ses hanches et de ses seins. Elle entra délicatement dans la rivière et se laissa flotter à sa surface, la sensation de l'eau sur son corps nu était un vrai soulagement, un toucher délicat bien différent de celui du vent, plus proche en réalité, de celui du sang.
Car cette même rivière, des mois auparavant, était emplie des cadavres de membres du Black Fang. Elle y était, et n'avait pas compris tout ce qui s'était passé. Brusquement sa compagnie s'était faite attaquée par certains membres, apparemment un contrat avait été posé en interne, mais leurs ennemis n'étaient pas des nettoyeurs, juste de simples membres. Une insulte à la compagnie de wyvern de la Serre d'Argent, inutile de dire qu'ils furent simplement exterminés. Comme tous les traîtres. C'est d'ailleurs suite à cet accident que Bélial et elle furent séparés, et que désormais, elle était à sa recherche.
Le soleil continua de réchauffer l'air, stoppant la course du temps. Elle était seule, seule au centre du monde, immergée dans le sang de la planète. Seule une poignée de personnes avait pu connaître le bonheur de se baigner dans le sang, de plonger son regard dans celui d'un mourant et de voir la vie quitter le miroir de l'âme. La seule chose au monde qui la faisait se sentir véritablement vivante.

Un grognement retentit, son qui aux oreilles de la jeune femme ressemblait plus à un doux ronronnement. Ema, au bord de l'eau, guettait les environs et servait de gardien, quiconque oserait interrompre le bain de sa maîtresse finirait dans l'estomac du reptile, sans plus de sommation. La sauvagerie de l'animal contrastait avec la pureté de la jeune femme, qui se posa quelques minutes dans l'eau claire avant de se relever. L'eau ruisselait à présent sur son corps, elle remit ses cheveux d'ébènes à l'arrière pour qu'ils fleurissent le long de son dos. Un autre grognement d'Ema stoppa le moment d'oisiveté, Llyr se rapprocha du bord, lorsqu'elle criait comme ça, c'est que quelqu'un approchait, et l'odorat des wyvernes n'est pas à sous-estimer.

Rien… Il n’était rien songeait-il en observant la rivière qui s’écoulait, impassible, patiente et puissante. Il admirait cet élément à la puissance sans comparaison qui détruisait tout, effaçait tout, masquait la douleur des uns et offrait l’oubli aux autres. Nul ne pouvait résiter éternellement à l’eau et celle-ci était bien la seule qui, avec le vent pouvait effacer une montagne ; avec du temps certes, mais l’eau avait tout son temps. Par le passé elle avait englouti de nombreux continents, signe de la colère des déesses. Les déesses…

Il s’adossa à un arbre, s’emplissant du calme paisible de la nature. Et dire que quelques mois avant un massacre avait eu lieu ici même se rappela-t-il. Il y a quelques mois la compagnie wyverne des Serres d’Argent avait été victime d’une embuscade. Les dissidences internes du Black Fang… À cette époque sa maîtresse n’était pas encore à la tête de ce dernier. Non, elle commençait seulement à exécuter son plan. Sa première mission avait, d’ailleurs eu lieu à ce moment-là, il s’était mêlé aux stupides soldats qui avaient eu l’ordre de prendre d’assaut la compagnie. Et ils s’étaient jetés dans le piège, obnubilés par la récompense offerte s’ils en sortaient vainqueurs. Des bons à rien selon celle qui l’avait asservi, ils étaient des dangers pour les idéaux du Black Fang et leur intérêt pour l’argent n’en était que la preuve. On mourrait pour ou par le Black Fang.

Il se rappelait encore la décharge d’adrénaline lorsqu’il s’était mêlé à eux ; il devait s’assurer que les rares cavaliers wyverne qui avaient trahis les idéaux du Fang seraient éliminé. Son corps vibrait au souvenir de l’excitation qu’il avait alors ressentie. Le tueur ne pouvait que reconnaître la puissance terrifiante des wyvernes ; le massacre fut éblouissant, un tourbillon de sang et de sauvagerie. Kratos avait dû se concentrer pour garder son calme et ne pas se laisser aller au massacre lui aussi. Le sang dragon qui coulait dans ses veines l’ayant rendu particulièrement sensible au chaos et à la violence. Ironiquement il était devenu assassin, un métier ou le calme était plus important que tout. Il repensa au massacre des crocs pourpres, il y a cinq…

« Le sang versé est un cadeau,
L’acier et une offrande aux dieux,
Tandis que la vie s’écoule telle l’eau,
J’abandonne tous et fais mes aveux.

Qui suis-je pour juger ?
Mon rôle est d’exécuter,
Mon devoir de l’accepter,
Je ne puis qu’être jugé… »

Avec du recul, il regrettait d’avoir prêté serment à cette femme. Maintenant il n’était plus en mesure de protester. Le loup errant qu’il était avait rejoint une meute sans savoir de quoi il en retournait. Même si les idéaux de l’organisation lui plaisaient, jamais il ne les aurai suivi. Mais maintenant il était enchaîné et ne pouvait faire autrement. Kratos trouvait presque dégradant la mission qui lui avait été confiée,e réunir les quatre Fangs. Quatre nouveaux crocs, dévoués à l’organisation, qu’elle lui avait désigné parmi de nombreuses personnes. Il doutait que tous soient dévoués au Black Fang, mais il s’exécuterait. Si un jour quelqu’un devait en éliminer un ce serait lui avait-elle déclaré. Cela ne lui plaisait pas particulièrement, chaque Fang devait être aussi talentueux que lui si ce n’est plus.

Il s’étira alors, se redressant et s’éloignant du coin d’ombre qui le dissimulait complètement, quoiqu’il soit vêtu de blanc, lorsqu’il entendit un bruit d’éclaboussure. Mais qui se serait baigné à cet endroit après le massacre qu’il y avait eu ? A vrai dire peu de personnes savaient ce qui était arrivé. Il se dirigea alors furtivement en direction du bruit. Une partie de lui, lui disait de partir d’ici et d’aller en quête du « cavalier ». Si le « fou » avait été trouvé, il lui restait encore trois crocs à rechercher. Mais une autre partie de sa conscience lui murmurait d’aller voir ce qui pouvait bien se tramer, peut-être pourrait-il trouver une réponse.
Lorsqu’il arriva à l’endroit d’où provenait le bruit, toujours dissimulé dans l’ombre de l’épais feuillage, un sourire se dessina sur son visage. Une jeune fille se délassait nue dans l’eau. Quelle inconscience, seule dans un endroit désert comme celui-là de multiples mésaventures pouvaient lui arriver sans qu’elle ne puisse rien faire. Il observa les courbes de son corps avec sérieux. Un corps harmonieux, bien dessiné… Il profita encore du spectacle pendant quelques instants. Après tout, ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait assister au charmant spectacle d’une jolie nymphe profitant des bienfaits de la nature. Il commença son observation par la nuque et la chevelure de jais de la demoiselle ne pouvant voir son visage, il descendit alors sur l’harmonieux arc que formait le dos avant de s’attarder sur la courbe de ses hanches pour enfin terminer par le galbe de ses cuisses ; avec le décor des arbres et de la rivière, l’image qu’il avait devant lui était magnifique. Il se jura d’en faire une chanson à la gloire d’une inconnue qu’il vit un jour se baigner dans une rivière. Lorsqu’il remarqua un détail non négligeable : une lance était fichée dans le sol et ces vêtements… Des vêtements que l’on ne pouvait trouver qu’au sein du Black Fang. Un grognement se fit alors entendre. Trop distant encore pour qu’il craigne quelque chose, même si l’animal était une wyverne, à en juger par le bruit, il aurait largement le temps de s’effacer avant qu’elle ne le trouve là ou il était. Mais quelque chose l’intriguait.

Il comprit à l’instant où il vit le visage de la cavalière ; cavalière car il ne pouvait en être autrement, c’était elle qui chevauchait le reptile. L’animal qui rôdait et veillait ne pouvait qu’être le sien. Mais son visage… Il ne pouvait se tromper, il l’avait déjà vu. Et il se rappelait ou il l’avait vu ; ici même lors du massacre qui avait eu lieu il y a à présent quelques mois. Les paroles de sa maîtresse lui revinrent alors… Le cavalier est une cavalière, il l’avait déjà vu lors de sa première mission. En réfléchissant ses doutes se confirmèrent, c’était elle. Le tueur décida de se dévoiler, peu importe la présence de la wyverne.

Il sortit donc à découvert, son étui à violon sous le bras. Voilà maintenant bien longtemps qu’il n’en avait plus joué d’ailleurs. L’animal l’avait trouvé, il en était sûr. Ce fut confirmé lorsqu’un grognement caverneux et menaçant se fit entendre juste derrière lui. Il se retourna et se retrouva face au reptile géant pour la surprise des deux. Il ne s’attendait pas à se retrouver nez à nez avec l’animal et ce dernier semblait éprouver la même chose par rapport au minuscule être qu’il était. A vrai dire, finir dans l’estomac d’une telle créature ne lui faisait par particulièrement envie. Il plongea ses yeux dans ceux de l’animal. Sauvagerie, méfiance et intelligence. Voilà ce qu’il pouvait y lire.

« Dis moi toi… Tu ne comptes quand même pas me manger ? Je serais particulièrement indigeste pour toi ; qui sait, tu pourrais même mourir d’empoisonnement cause de ma chair…"

Il ne savait pas si l’animal l’écoutait ou pas mais au moins il avait capté son attention. Il n’allait donc pas finir en amuse gueule pour gros lézard avant quelques minutes au moins ; c’était déjà cela de gagné. Il s’apprêtait à ajouter quelque chose lorsqu’il entendit alors un imperceptiblement bruis de pas étouffé par l’herbe verte et grasse. La jeune cavalière arrivait. Il se retourna donc avec calme vers elle, un sourire contrit sur son visage. La nudité de la jeune fille n’avait plus aucun intérêt pour lui à présent.

« Eux… Veuillez m’excuser si je vous dérange alors que vous vous… délassez… Mais… J’aurais comme qui dirait un léger problème avec votre compagnon… Ou compagnonne ; Auriez-vous l’obligeance de lui demander de… ne pas m’attaquer ? Je ne suis qu’un simple ménestrel en quête de liberté et de rencontre. »

Mensonge, ses paroles n’étaient que mensonge, mais il ne pouvait faire autrement pour l’instant. Il ne pouvait pas encore se permettre de révéler son identité. Au moins sa tenue n’était pas celle d’un tueur. Vêtu de blanc avec finesse il avait vraiment l’air d’un simple troubadour (riche mais troubadour quand même). La marque du Black Fang qui entaillait ses chairs n’était pas visible et à moins qu’il ne le décide, celle-ci ne serait pas révélée. Dans son sac était sa tenue d’assassina à l’emblème de l’organisation, ses poisons ainsi que son matériel d’escalade. Ses multiples couteaux étaient à divers endroits tandis que ses deux dagues étaient dissimulées entre ses manches, prêtes à surgir à la moindre occasion. Pour l’instant seuls ses étranges yeux, bleu et vert pouvaient le trahir par la lueur froide et sans pitié qui y étaient à présent fixé à tout jamais…

IL ne tenait pas à avoir recours à la violence. Mais s’il le fallait il savait comment il procéderait. IL fit alors le combat fictif dans sa tête en attendant une réponse. Il roulerait entre les pattes de la wyverne, frappant avec sa dague de gauche, celle enduite du poison le plus virulent, sur les parties les plus faibles de la créature. Il ne tuerait sûrement pas l’animal, mais il le sonnerait suffisamment longtemps pour régler le problème de la cavalière qui serait alors bien moins dangereuse. Cette option lui déplaisait particulièrement, il préférait recourir à la voix pacifique avec ses alliés théoriques.

Une odeur de mort. Elle ignorait pourquoi, Llyr avait comme ce sentiment qui la prenait. Et l'impression était encore plus forte chez Ema. Tandis qu'elle s'était suffisamment rapprochée de sa lance pour la saisir en un seul geste, elle vit un homme sortir des bois des environs, il semblait...quelle était l'expression déjà? Ah oui, immaculé. Vêtu tout de blanc, dans un assortiment d'habits plutôt étrange, qui ne disait rien à la cavalière, bien qu'elle en avait déjà vu de semblables, ses cheveux étaient d'un blanc si pur qu'ils donnaient au mot sa véritable signification, même les habits n'étaient pas aussi lumineux, même le ciel n'était pas aussi fascinant. Il semblait un ange descendu du ciel pour porter la parole d'Ashera. Un pégase sous forme humaine, un être différent. Ses traits fins et son corps maigre étaient intrigants, il semblait...chétif? Ou bien malade. Mais le trait le plus marquant était ses yeux, deux iris de couleurs différentes, l'un vert l'autre bleu. C'était la première fois qu'elle apercevait un tel mélange, mais au fond de ce regard, dans les tréfonds de l'âme dissimulé par ce miroir, elle percevait...quelque chose d'extrêmement familier. Difficile à expliquer.

"..."

Elle saisit la lance et se rapprocha du jeune homme, le fait qu'elle soit nue ne la gênait pas le moins du monde, d'ailleurs pourquoi cela devrait-il la gêner? Ema aussi était totalement nue, et elle n'était pas gênée. Toute la beauté et l'intimité de la créature était révélée, des écailles saillantes aux dents pointues, de cet éventail de couleur se reflétant sur sa peau à l'émail parfait de ses crocs, de son regard d'or au bout de sa queue. Mais fort peu de personnes considéraient les wyvernes ainsi, avec tout le respect qui leur était dû.

« Eux… Veuillez m’excuser si je vous dérange alors que vous vous… délassez… Mais… J’aurais comme qui dirait un léger problème avec votre compagnon… Ou compagnonne ; Auriez-vous l’obligeance de lui demander de… ne pas m’attaquer ? Je ne suis qu’un simple ménestrel en quête de liberté et de rencontre. »

Un silence, long et pesant tandis que le grognement de la créature se faisant plus intense dans le dos du colporteur, leurs regards enfouis l'un dans l'autre se contemplèrent intensément, avant qu'elle ne réponde:

"Non."

La réponse refroidit l'atmosphère, le temps se fissura face à cette déclaration imprévue, le ton utilisé restait le même, le regard indifférent en était presque renforcé. Elle n'avait pas à se préoccuper du sort d'un passant, il l'avait surpris, dommage pour lui. Elle ne souhaitait pas le tuer, mais n'empêcherait pas sa wyverne de passer à l'acte. Llyr fit demi-tour sans plus se préoccuper de ce gêneur et traversa la rivière jusqu'à l'autre rive. De son côté, Ema observait avec gourmandise sa proie...elle n'était pas fameuse, mais bon, elle s'en contenterait.

Le vent soufflait à travers les arbres tandis que le silence engloutissait les berges de la rivière. Le temps semblait s’être arrêté pour le loup enchainé. Le grondement sourd qui étouffait les protagonistes venait de la créature ailée qui accompagnait la jeune fille. Quelle ironie de tomber pour la deuxième fois face à un être taciturne pour l’ombre des crocs. Ainsi chaque croc serait-il si semblable ? Si le silence était d’or, la parole était l’acier de Kratos, le fil de sa lame. Mais comment faire face au bouclier de vide qui se présentait face à lui. Il était évident que s’il ne pouvait attendre plus longtemps. Retirer le masque du ménestrel s’avèrerait nécessaire s’il voulait sortir du cul de sac dans lequel il était à présent. Vraiment gênant. Lorsqu’il sentit des coups de butoir tenter de fracasser la cage de son esprit. Un souffle suave commença à s’insinuer dans les brumes de sa pensée ; l’autre se manifestait de nouveau avec des paroles aussi douces que l’amour d’autrefois. Il ne pu résister à la tentation et écouta.

*Pourquoi mentir ? N’êtes vous pas tous les deux du même coté ? Continu ainsi et tu finiras vraiment à l’état de néant… Mais dans l’estomac d’une wyverne. Révèle lui la vérité tout en t’assurant que tu ne risque rien…*

Pour une fois l’autre n’avait pas tord. Un large sourire carnassier se dessina alors sur son visage. Et tout ne fut plus que ténèbres. Abandonnant son odorat, Kratos ne vit alors plus que de multiples et complexes entrelacs de vie. Voilà pourquoi il existait, pour prendre la vie. De multiples fleurs rouges, cœur de la vie de tout être vivant pulsaient autour de lui. Pendant une fraction de seconde il se concentra sur les deux qui l’intéressaient. Une immense fleur pulsant avec sauvagerie, la wyverne. Une fleur plus petite de la taille à peine d’un poing, battant avec calme au grès de l’esprit de la jeune fille. De ces deux fleurs, de multiples entrelacs de racines s’échappaient en tout sens sans aucune logique apparence révélant toute la beauté des êtres vivants ; le fouillis grouillant de la vie tout en rouge et bleu. Au centre des ténèbres qui l’enlaçaient depuis sa plus tendre enfance, Kratos était ébloui par l’apparition même de la vie dans son plus simple apparat. Mais l’heure n’était pas à l’émerveillement, la cavalière était déjà passée de l’autre coté et s’il ne se dépêchait pas, celle-ci sortirait de son royaume d’obscurité. Sa propre prison qui l’accompagnai. Peut importe la créature dans on dos, à l’heure actuel celle-ci ne pouvait le voir. Pour l’espace de quelques instants il était à nouveau un prince.
Il se fit alors aussi léger et rapide que le vent, si la jeune fille avait encore été en possession de ses sens, elle l’aurait à peine entendue se faufiler dans l’eau. Il était dans l’eau il le savait. IL fut alors derrière la jeune file et ses ténèbres se relâchèrent. Une dague surgit alors de sa manche avec la vivacité d’une vie qui se tranchait. De sa main libre il empoigna la jeune fille nue et lui mettant sa lame sous la gorge il pivota face à la wyverne, la jeune fille sous son étreinte à la fois douce et meurtrière. S’il n’avait pas éveillé son sens du sang, il aurait pu sentir le parfum sauvage de la cavalière. Mais il n’en était pas ainsi. De toute façon cela lui importait peu. Il avait pu pendant quelques instants se délecter du plaisir d’admirer la vie dans son entière nudité mais son devoir reprenait le dessus. Le fil de son arme s’appuyait légèrement sur le cou de la jeune nymphe.

« Mon existence n’est qu’aberration,
Ma vie n’est qu’un simple poison,
Mais malgré tout cela j’existe,
N’est pas particulièrement sinistre ?

Je suis l’ombre des crocs, tu as juré fidélité à l’organisation ; me feras tu le plaisir de m’écouter et d’ordonner à la créature qui t’accompagne de ne pas m’attaquer ? »

A peine avait-elle fait quelques pas que tout s'assombrit. Pas au sens figuré, pas non plus au sens propre...elle ne voyait plus, mais plus que cela, elle ne percevait aucun son, aucune odeur. Le néant. La fin de toutes choses, un endroit où plus rien ne vivait, ou plus rien n'était. Rien hormis les ténèbres. Sa propre existence pouvait être mise en doute, la seule chose qu'elle était capable de sentir, c'était l'eau touchant ses chevilles, et le sol galeux de la rivière. Sans ça elle serait certainement tombée. Elle fit un pas en arrière, manquant de s'effondrer dans ce vide immuable, sans la vue et sans l'ouïe, tout sens de l'équilibre est annihilé. Deux secondes, peut-être trois, le temps semblait aussi figé que la vie dans ce lieu. Elle sentit quelque chose se glissant dans son dos, et le monde apparut. Une déferlante d'images, de sons, d'odeurs qui s'insinuèrent dans son esprit à une vitesse hallucinante. Un léger vertige, et elle pu distinctement sentir la respiration du "ménestrel" sur son cou, la pointe d'une dague sur sa nuque.

-Je suis l’ombre des crocs, tu as juré fidélité à l’organisation ; me feras tu le plaisir de m’écouter et d’ordonner à la créature qui t’accompagne de ne pas m’attaquer ?

Début d'analyse. Distance estimée: 7 mètres entre le sujet et Ema, moins de 5 centimètres avec le sujet, distance jugée comme dangereuse. Possibilités d'action: fortement réduites, l'application d'une arme à caractère tranchant de la taille d'une dague empêche tout mouvement visible, les capacités du sujet sont trop grandes pour une intervention extérieure. Solution envisagée: Contre attaque plaçant les deux combattants dans un état de dépendance.
L'index de sa main gauche se leva, ce signe anodin fut capté par la "créature" et Ema s'avança en poussant un hurlement qui déchira l'atmosphère, un cri si puissant qu'il fit s'envoler tous les oiseaux peuplant la forêt, et s'enfuir la plupart des mammifères y séjournant. D'un habile mouvement de poignet la lance pivota, la lame de celle-ci passa dans l'eau et se retrouva sur la nuque de l'assassin. Le hurlement n'avait pour but que de détourner l'attention du Fang pendant que la lame pénétrait dans l'eau. Il était bon, mais n'avait pas choisi la bonne cible.

-...

Son regard restait fixe, la pointe de la lame de l'assassin était toujours sur son cou et la pointe de sa lance était sur la nuque de l'assassin. De cette position, elle éprouverait plus de difficultés à le tuer, mais elle en était largement capable. De toutes manières si elle était touchée il ne parviendrait pas à s'opposer à Ema, et la cavalière doutait qu'il veuille s'y essayer...s'il était seul tout se passerait bien. Une légère brise commençait à souffler, mêlant les mèches noires et blanches des deux chevelures, celle de l'ange et du démon.

-Que me voulez-vous?

Le ton était le même qu'à l'habitude. Après tout, elle était aussi un assassin du Black Fang, et avait frôlé trop de fois la mort pour la craindre, cependant elle avait commis une erreur de débutant, tourner le dos à son adversaire. Trop sûre d'elle, ou sous-estimant son adversaire, en tout cas elle n'avait pas été suffisamment vigilante.

A présent il ne pouvait plus utiliser que son sens du sang. Et encore, il pouvait perdre un de ses autres sens s’il prolongeait trop longtemps son pouvoir. Au moins avait-il le contrôle de la situation. Ou tout du moins le croyait-il. Il ne vit pas le geste du pousse que fit la jeune cavalière, ne se doutant pas de ce qui devait arriver. Lorsque la wyverne hurla à lui en arracher les tympans il ne fut pas particulièrement surpris. A vrai dire il s’attendait à quelque chose. Mais il ne focalisa pas son attention au bon endroit. Il entendit le sifflement de la lance tranchant l’eau un bref instant. A ce moment là tout le corps de Kratos se raidi, ses muscle se tendirent pour effectuer un mouvement d’esquive. Sauf qu’il ne bougea pas, il avait plus de chance de se tuer en voulant éviter de se retrouver menacé par la lance. Il laissa donc la lame de celle-ci se poser sur nuque.

A vrai dire Kratos aurait aimé être à la place du reptile à ce moment là. Non pas parce qu’il était menacé mais parce qu’il aurait apprécié d’assister au tableau qui s’offrait à la créature. Un assassin vêtu de blanc, une dague sous la gorge d’une jeune fille nue tandis que la jeune fille avait sa lance sur la nuque de l’assassin. Décidemment, même si il était habitué à ce genre de problème… Cette fois les rôles étaient vraiment inversés. En temps normal c’était lui qui retournait complètement une situation. Et dire que c’était elle la cavalière… Rares étaient les personnes ayant réussis à le mettre dans cette position sans une bonne préparation. Il éclata alors de rire, la situation était vraiment amusante. Se reprenant alors il enfonça légèrement sa dague dans la chair de la gorge de la jeune fille, laissant couler un mince filet de sang. Le poison s’était répandu dans le corps et ferait effet d’ici quelques minutes, ainsi il s’assurerait de ne pas mourir stupidement ou au moins il emporterait la jeune fille avec lui. La pression de la lance sur sa nuque se fit un peu plus forte. Il se décida alors à répondre à la question de la jeune fille.

« Ce que je veux ? A vrai dire je ne veux rien personnellement ; si je suis ici c’est afin de remplir la mission qui m’a été donnée. Veuillez m’excuser de recourir à une méthode aussi peu honorable que de vous menacer comme ça mais je ne tiens pas à finir dévorer par la monture de celle qu’on m’a envoyé retrouver. De plus nous nous sommes déjà vus ; ou moi je t’ai déjà vue. Au même endroit il y a quelques mois. Je suis ici au nom de la dirigeante du Black Fang ; elle vous veut… »

Il espérait que la jeune cavalière aurait assez d’intelligence pour ne pas faire empirer la situation. Il se décida à faire le premier pas. Il retira définitivement sa dague de sous la gorge de la jeune fille. De toute façon avec le poison à présent il n’avait plus besoin de la menacer de sa dague. Il sentit alors l’infime odeur de sang, cette odeur qu’il reconnaissait entre milles avec celle des multiples poisons. Il avait retrouvé son sens de l’odorat.

« En attendant j’ose espérer que vous me ferez le cadeau de bien vouloir retirer votre lance de ma nuque afin que nous puissions discuter calmement du sujet qui m’amène ici… »

Un silence. Si lourd dans la chaleur de l'été, si pesant qu'il réclamait un son venant des deux partis, une brise de vent, un miaulement, n'importe quoi qui le briserait à jamais. Et c'est à ce moment, que l'assassin éclata de rire. C'était spontané, totalement imprévisible et plutôt déconcertant. Il trouvait cette situation drôle? L'humanité engendre de bien drôles enfants, aux yeux de la cavalière, cet homme était soit un fou, soit une personne qui tentait de camoufler sa perte de contrôle, dans tous les cas, il n'était rien face à elle. La pointe de la dague pénétra une douzaine de millimètres sous sa peau, ainsi fit sa lance dans le même mouvement, pénétrant toutefois un peu plus, et même s'il n'était pas visible pour la cavalière, sa monture avait déjà senti l'odeur des deux filets de sangs, dont celui bouillonnant de sa proie.
L'inconnu se décida à répondre à ses interrogations, un homme de main du Fang? Vu sa dextérité il pourrait aisément être l'un des nettoyeurs, et d'après ses dires il l'avait aperçue quelques moi auparavant à cet endroit même, lors de l'embuscade tendu à la troupe de la Serre d'Argent. Comme observateur ou comme adversaire, l'un ou l'autre faisait de lui un ennemi. Ses derniers mots voulaient tout dire, "la" dirigeante du Black Fang. Il n'y avait au Black Fang qu'un dirigeant, et il n'était pas une femme, si le poste avait été repris, cela pouvait expliquer leur altercation avec d'autres membres du Fang.

Llyr ne dit mot tandis que l'assassin retirait sa lame de son cou...quelle stupidité, s'attendait-il vraiment à ce qu'elle retire simplement sa lance? Elle lui laissait une telle ouverture que ce serait un crime que de n'en profiter. Mais au vu de son agilité et de sa proximité, il pourrait bien parvenir à l'achever dans son agonie, le risque était trop grand. Ema était toujours aux aguets, prête à bondir dès que sa maitresse le demanderait, excitée par les quelques gouttes qui venaient de couler. La lance se détache doucement du corps de son ennemi et elle fit un pas en avant, puis se retourna pour le fixer.

"Une nouvelle dirigeante..."

Elle ne s'adressait pas à l'épéiste - ou plutôt manieur de dagues - elle exprimait juste ce qui venait de lui traverser l'esprit, une nouvelle dirigeante, de nouveaux hommes, un nouveau but. Une femme qui avait envoyé un de ses sous-fifres pour la rencontrer.
Elle passa ses doigts sur la blessure qu'elle avait à la nuque: pourquoi l'avait-il blessée? Il n'y avait aucune raison à ce mouvement...quoiqu'il en soit, sa réponse était toute faite. La lance tournoya dans l'air et vint se poser dans son dos, pointe vers les abysses.

"Je refuse."

Elle relâcha l'étreinte sur le manche et il glissa dans sa main, en moins d'une seconde elle changea de point d'appui sur le manche et lançait un coup en contre taillade: de bas en haut, de droite à gauche tenant son arme près d'une extrémité pour plus de puissance. Ema bondit, ailes déployées, vers la rivière.

Il lui laissait l’occasion de le tuer. Mais ce n’était pas véritablement une occasion. La situation actuelle serait restée bloqué s’il n’avait rien fait, et avec la wyverne dans la coin la situation était dans tout les cas à son désavantage. Il sourit alors. En réalité non, le danger était moindre ; à présent que le poison s’était répandu dans l’organisme de la cavalière il ne suffisait plus qu’à attendre. D’ici une minute maximum, les premiers effets se révèleraient : tétanisation des muscles en surface, difficultés à respirer, maux de tète. Ensuite si un antipoison n’était pas administré dans l’heure qui suivait, ce serait le coma qui viendrait puis la mort…
L’univers des poisons était vraiment un univers fascinant. Comment penser qu’une plante de la taille d’un minuscule pouce avait la capacité de faire mourir un homme dans d’atroces convulsions pendant une dizaine d’heure ? Comment croire qu’une baie rouge et appétissante avait de quoi tuer le plus robuste des pégases ? Comment penser qu’un fruit au parfum suave avait assez de potentiel pour devenir un gaz toxique… A part les initiés nul ne se rendait compte de tous les poisons que proposait la nature. Il revint au sujet qui le concernait, la cavalière wyverne.
Il attendit quelques secondes avant de sentir La pression de la lance se relâcher. Enfin, maintenant il aurait plus de chances de s’en sortir vivant. Après avoir fait un pas en avant elle se tourna ver lui, dans une position plutôt nonchalante. Sa réponse était non…

« Le problème c’est que… »

Il n’eu pas le temps de continuer sa phrase que déjà la lance de la jeune fille pivotait dans un mouvement fluide. S’il ne bougeait pas il finissait éventré. S’il reculait il se retrouvait dans une position d’infériorité. S’il avançait il était blessé… Le choix fut vite fait, au moins en se rapprochant il ne craindrait plus trop de la lance et aurait une chance de la maitriser. Sans compter cette foutue wyverne, Kratos détestait vraiment ces créatures au final, trop grosse, trop résistantes et dangereuses. Il s’avança alors sur la fauche de la cavalière tandis que la wyverne lui fonçait dessus. Il sentit l’impact de la lance contre ses côtes. Une de brisée, deux de fêlée. Il grimaça de douleur tandis que de sa main droite surgissait une dague et que de son bras gauche il plaquait une manchette dans la gorge de Llyr avant de se précipiter dans la foret
Ses côtes le brulaient. Normal avec les dégâts que la lance lui avait causés.
Il pénétra à l’abri des arbres de justesse, entendant le claquement sec de la gueule de la wyverne se refermant derrière lui. Ici il pourrait se battre sans trop de risques, la wyverne aurait du mal à entrer et la cavalière à manier sa lance. Sans compter le poison qui ferait effet d’ici quelques secondes…

Il avait fui. Lâchement, mais très efficacement. Plaçant sa main contre sa gorge, elle plongea son regard dans les bois qui cernaient la clairière, combattre en forêt s'avérerait difficile et Ema n'était pas capable d'y mettre une patte sans la transformer en plaine.
Une ombre...? S'il avait été envoyé ici, il ne se contenterait pas de fuir, particulièrement si la loi du Fang était toujours d'actualité. Quelques secondes s'écoulèrent, le temps pour le Diamant Noir de reprendre son souffle et de remettre ses sous-vêtements, pas par pudeur - le mot lui-même lui étant inconnu - mais par pragmatisme. La taille de sa poitrine jouait en sa défaveur en combat et la laisser libre ralentirait considérablement ses mouvements. Elle ne prit même pas la peine de saisir ses autres effets, saisit sa lance et d'un bond sûr sauta sur la wyverne qui l'attendait.
Mais quelque chose clochait. Il avait fui trop rapidement, il ne l'avait pas tuée, et elle sentait ses sens l'affaiblir.
Ne prêtant pourtant pas plus d'attention à cela, elle observa la forêt vue du ciel, tandis qu'Ema suivait sa proie à l'odeur, les wyvernes ne sont pas au sommet de la chaîne alimentaire pour rien...elle volait à quelques mètres des arbres, en rase-motte, prête à saisir dans ses serres cet assassin.
Une brise, un grognement, un mouvement, et tel un éclair fondant sur la terre depuis les cieux, Llyr plongea, lance en avant, au cœur du bois obscur. Il était là. Sa lance percuta l'ombre qu'elle voulait saisir, mais celle-ci se volatilisa en un instant, revenant par l'arrière, aussitôt bloquée par un revers de lance.

-...

Lents. Ses réflexes étaient rapides, mais ses mouvements commençaient étrangement à ralentir, elle pouvait encore suivre le rythme de son adversaire, mais pour combien de temps? Sa lance heurta les dagues, deux, puis trois fois avant qu'il ne s'évapore à nouveau. Sa jambe gauche s'engourdit subitement, puis presque instantanément ce fut au tour de son épaule droite. Pendant ce temps, Ema faisait demi-tour et s'apprêtait à plonger pour nettoyer rapidement la zone.

-Du poison.

Elle fit volte-face, une fois, puis deux: droite, gauche, avant, arrière? Il était en constant mouvement et ses déplacements étaient si discrets qu'elle n'en percevait qu'une infime partie. Llyr devait le tuer rapidement avant que ses capacités ne lui fassent défaut, mais elle devait plus que tout éviter de se retrouver dans la position précédente.
Un soupir à l'ombre des arbres, et d'un mouvement basique mais efficace elle se retourna, son arme tranchant l'air horizontalement à l'endroit où se situait son ennemi.

Kratos s’était abrité entre les arbres juste à temps. Maintenant il pourrait jouer à jeu égal contre la cavalière. IL devait reconnaître le talent de celle-ci. En temps normal il n’aurait jamais pu affronter un adversaire tel, surtout que la créature semblait s’entendre parfaitement avec sa maîtresse. L’assassin gardait en éveil son sens du sang, veillant à ne pas se faire piéger par la wyverne. L’ombre de la créature se faisait visible tout comme l’énorme et éclatante fleur de vie qu’elle représentait. Et avec celle-ci, une autre plus petite qui étrangement s’affaiblissait petit à petit ; le poison faisait son effet tranquillement. Une douleur le fit alors sursauter. C’était vrai qu’il avait aussi trois côtes sérieusement abîmées et que lui aussi était handicapé. Mais maintenant l’heure n’était plus à la fuite, il allait essayer ce que son maître lui avait autrefois conseillé dans ce genre de situation.
Il allait servir lui-même d’appât. Il se plaça à un endroit ou il était visible, attendant que la jeune fille le repère. Il la sentit se rapprocher et d’un coup s’aplatit à terre et roula sur le coté dans un trou qu’il avait repéré juste à temps, disparaissant ainsi du champs d’attaque de la combattante. IL était la souris et elle était le chat. Sauf que le chat s’affaiblissait petit à petit et que la souris avait des crocs particulièrement aiguisés. Il commença alors à susurrer son mantra.

« Je suis l’ombre… »

Rapidement il se faufila entre les fourrés, S’écartant et cette fois sortit ses dague noires, l’avantage était qu’elles ne luisaient pas. Se redressant il maintenait tous ses sens en éveil, attendant la nouvelle attaque. Celle-ci surgit alors dans un angle mort. Seulement son sens du sang était éveillé et l’attaque fut parée. Il mit ses deux dagues en avant et d’un mouvement souple dévia la lance avant d’à nouveau disparaître. La douleur à ses côte se fit de plus en plus prenante, il ne pouvait se permettre d’attendre trop longtemps.

« Insaisissable et mortel… »

Nouveau d »placement, cette fois il commençait à assimiler le terrain dans lequel il se trouvait, se mouvant avec de plus en plus d’aisance. Quand il y pensait, il se demandait comment il pourrait convaincre une tel machine de guerre de faire « équipe » avec lui. Comment convaincre une cavalière qui ne fonctionnait que pour détruire ce qui lui faisait face… IL allait devoir être plus que diplomate, convaincre et persuader ne suffirait pas, menacer non plus. Cette fois il eut à peine le temps de sentir l’attaque venir et la para de justesse. Heureusement que l’attaque avait faiblit car il faillit perdre un œil mais ne récupéra qu’une légère entaille à l’oreille. Même si le poison devenait de plus en plus efficace, elle avait malgré tout une énergie des plus impressionnante. IL comprenait pourquoi sa dame l’avait choisit elle. Mais cette fois il était temps de contre-attaquer.

« Mon souffle est de poison »

IL se plaça à un endroit ou elle ne pourrait pas le louper. Comme prévu elle le repéra et fondit sur lui. Une dague avait disparut dans sa manche, il déviât la lance avec sa dague droite, il attrapa l’arme de sa main droite, d’une traction brusque il bondit vers le ciel et dans un mouvement acrobatique impressionnant évita la gueule de la wyverne ; il se décala alors rapidement derrière son adversaire et, d’un violent coup de bassin la fit tomber en s’accrochant à elle. Ils chutèrent tous les deux dans le sol de la foret dans un mêlé incompréhensible, Kratos réussissant malgré tout à trainer la guerrière dans un endroit que la wyverne n’arriverait pas à atteindre de si tôt.
Il crachat alors du sang, sentant que ses côte étaient à présent dans un état pitoyable, il craignait qu’il n’ait subis d’autre dégâts. Décidément, sans son poison à l’heure qu’il était il serait sans aucun doute mort. Étrangement, l’assassin remarqua alors que la jeune fille était quasiment nue, n’ayant remis que son soutien-gorge. IL jura et s’essuya alors la bouche, étant en position dominant sur la jeune fille et lâcha une nouvelle floppée de jurons. Heureusement que le poison avait agi. IL planta son regard d’acier et bicolore dans les yeux inexpressif de la jeune fille, une expression qu’il aimait.

« Maintenant parlons à tête reposée… »

Il était essoufflé et savait qu’il ne pourrait lutter très longtemps, mais avec la toxine dans le corps de la jeune fille et les arbre comme bouclier face à la wyverne… Il craignait que la chance soit contre lui et qu’une nouvelle mauvaise surprise l’attende…

Une ombre. Elle comprenait la signification de son nom à présent. Il était aussi agaçant et inquiétant qu'une ombre, à suivre chacun de ses mouvements, toujours derrière elle, prête à la poignarder dans le dos. La chevalière wyverne commençait à être agacée par ce petit jeu, toujours devoir surveiller ses arrières, se retourner sans cesse pour tenter de le repérer et voir la plupart de ses coups échouer dans le vide. Elle n'avait pas été formée à combattre un tel adversaire, tout comme elle détestait combattre seule. L'absence d'Ema à ses côtés était assez déstabilisant, et elle pouvait sentir chacun de ses mouvements ralentir crescendo. Jusqu'à ce qu'enfin, il prenne l'avantage. D'un mouvement très impressionnant il passa au dessus d'elle, s'agrippant à sa lance et parvint à éviter Ema qui plongeait en piqué; avant qu'elle n'ait le temps de se retourner il l'avait déjà entrainé avec lui. Les deux combattants dévalèrent une pente à toute vitesse, roulant comme de vulgaires pierres soumises à la gravité. Ses côtes prirent un coup dans le processus, ainsi que ses jambes, ses bras et sa tête, ce n'étaient que de vulgaires éraflures et son ennemi était bien plus amoché que lui, mais à présent, sa lance était hors de portée et il avait clairement pris l'avantage.

« Maintenant parlons à tête reposée… »

L'homme était littéralement sur elle et elle haïssait ce fait. S'il n'était pas armé elle lui aurait déjà tordu le cou, mais le faire maintenant serait simplement stupide. Ema ne prendrait que quelques instants à la repérer, mais à en juger par les lieux, atterrir ici serait difficile pour elle. Non, maintenant il fallait passer par la phase "négociation", et Llyr n'avait guère l'envie de considérer sa proposition. Sa troupe avait été embusquée par le Black Fang lorsqu'il avait fait scission, les membres fidèles à l'ancien chef avaient été traqués et maintenant ils réclamaient son retour? Avaient-ils tant besoin d'effectifs qu'ils devaient rechercher leurs fugitifs?

-Le Black Fang nous a trahi, est-il si désespéré qu'il doive renouer avec ses dissidents?

Elle était toujours calme, mais son visage inexpressif avait laissé transparaître de l'agacement. "L'ancien" Black Fang n'était plus, il avait sombré, chacun pensait que l'autre était un traitre, entre ceux qui prétendaient servir le chef et ceux qui s'opposaient à lui, remettant en cause le manque de véritable justice dans leurs actes. Traîtres à l'organisation et traîtres à ses valeurs. Quel combat ironique.

Théoriquement, Kratos aurait du être le grand perdant de cette lute. En effet, il était bien plus faible physiquement que la demoiselle, il avait aussi des blessures autrement plus grave que celles de la cavalière et lui n’avait pas de wyverne pour le soutenir. Pourtant un sourire trônait sur les lèvres ensanglantées de l’assassin. Le sourire d’un tueur chargé d’effectuer le travail d’un émissaire, le sourire satisfait d’un résultat comme il l’exigeait. De ses deux genoux il bloquait les bras de la cavalière, de sa main libre il la maintenait plaqué au sol par le buste tandis qu’il la menaçait de sa dague, la pointe de l’arme plaquée sur sa gorge prête à percer. Une chance pour lui qu’il ai été particulièrement souple car sinon il se serait certainement brisé une jambe dans la chute. De plus la wyverne ne pourrait pas venir ici avant qu’il n’ai réglé le problème d’incompréhension et qu’il ai au pire disparut. Il respira un instant avant de répondre, reprenant son souffle.

Le Black Fang les avait trahis ? Qu’en avait-il à faire lui ? Il exécutait les ordres de sa maitresse, le reste n’avait pas d’importance. Et pour ce qu’il en savait l’ancien dirigeant du Black Fang ne respectait pas les idéaux de l’organisation. Quand au fait d’être désespéré… Non ce n’était pas ça, c’était la véritable différence avec l’ancien Black Fang. Tous les traitres étaient éliminés, sauf ceux correspondant aux nouvelles règles et ayant un potentiel intéressant. De plus ce qu’il savait de la cavalière était assez utile au final.

« Venant de quelqu’un réputé pour agir comme une machine je suis surpris que tu formule à voix haute une remarque si pertinente. Mais le Black Fang n’est pas désespéré, il donne juste une occasion au traitres susceptible d’être de nouveau fidèle et aux capacités assez utiles de ne pas mourir. Pour les autres c’est la mort. »

Son visage se fit alors angélique tandis que ses yeux étaient plus froids que l’acier et prêt à tuer, ou plutôt à donner l’ordre fatidique à sa dague. Il avait suffisamment cerné la jeune cavalière pour savoir que celle-ci lui ressemblait d’une certaine façon ; une machine à tuer elle aussi, peut-être même encore plus que lui.

« Donc venons en au point important. Tu bénéficieras d’une relative liberté quand tu ne seras pas en mission, et tu pourras être contactée à n’importe quel moment par contre ; de plus en acceptant de rentrer dans les rangs du Fang, tu bénéficie aussi de tout leur réseau d’informations ainsi que du matériel que du matériel disponible dans la mesure du raisonnable bien sur… Si tu accepte voilà les conditions. »

Il se pencha sur la cavalière et lui murmura à l’oreille tout en marquant un peu plus la pression de sa dague

« Si tu refuse je crois que tu sais ce qui se passe non ? Je te fais confiance pour choisir ce que toi tu désir vraiment… »

Réputée...? Oui, elle avait surement eu cette réputation à un moment donné. Tuer de sang-froid, sans remords, sans pensée, sans sentiment. Le meurtre était-il quelque chose de fondamentalement mauvais? Elle ne le pensait pas, et même si c'était le cas, qui viendrait le lui reprocher? Qui la blâmerait pour cela? Tuer était son métier, elle n'avait pas spécialement à se sentir coupable de quelque chose. Elle agissait "automatiquement", certains diraient "inhumainement" mais le meurtre, n'est-ce pas le propre de l'homme? L'être humain n'est-il pas la seule créature à tuer sans motif autre que la chasse ou la survie? Tuer, au final, n'était-ce pas simplement être humain?
Son discours était intéressant ,quoique faux, elle n'était pas une traitresse. Elle avait toujours été fidèle à son maître, et à l'idéal qu'il défendait. C'est pourquoi elle avait été poursuivie. Mais maintenant qu'elle avait été retrouvée, au lieu d'être tuée, on lui offrait la possibilité de réintégrer cette organisation qui l'avait recueillie... et l'avait trahie. Avoir un endroit où rentrer, cela pouvait être bien... et si elle disposait effectivement d'un réseau d'informateurs, peut-être pourrait-elle le retrouver. Et voler dans son sillage, comme avant.

-...

Il s'était glissé tout près d'elle pour lui susurrer un dernier avertissement. Il avait le contrôle complet sur son corps, et pouvait décider de sa vie comme de sa mort, à cet instant. Il savait donc très bien qu'elle allait être la réponse de son interlocutrice, qui n'avait que le choix entre la vie et le néant. Sans Ema, elle s'en rendait compte pour la première fois, elle était terriblement impuissante.

-...Très bien.

Venait-elle de se lier à un nouveau maître? Elle n'en avait cure, la seule créature qui comptait à ses yeux volait à présent vers elle pour la secourir, l'autre être qu'elle avait admiré, errait lui quelque part dans le monde. Elle avait toujours suivi les ordres en restant liée d'abord à Ema, avant toute autre chose, ensuite à un certain seigneur dragon.
Les bruits d'une paire d'ailes fendant l'air se firent distinctement entendre, suivis d'un cri effrayant, qui signifiait à l'ensemble du règne animal que le prédateur était en route, qu'il était l'heure de fuir pour sa vie.