Une commerçante dans l'âme, pour sur, mais clairement pas la meilleure des négociantes. C'est une façon assez simple et rapide de résumer qui est Luciella pour les personnes extérieures à son cercle de proche.

Quatrième génération d'une famille marchande, et héritière de leur commerce ambulant, Luciella est quelqu'un qui a très vite appris à vivre au gré des voyages et à apprécier ce mode de vie nomade, bien différent de celui de ses camarades de jeu occasionnel en fonction des villes et villages où ils s'arrêtent. Si on voulait s'attarder à son caractère plus en détail, il serait sans doute plus aisé de se servir des préceptes qui lui ont été inculqués dès son plus jeune âge, imprimés en elle plus sûrement que des marques au fer rouge...

Sans doute la chose qui l'a le plus marqué en voyant ses grand-parents et ses parents faire, c'était l'importance de sourire. Un sourire dit bien des choses, de même que son absence. Sourire au client, c'est lui assurer qu'il s'est arrêté à un magasin où il sera traité convenablement, alors qu'un commerçant se comportant de la même façon, mais incapable de faire bouger ses lèvres vers le haut, sera toujours moins considéré. Du coup, le sourire est quelque chose qui a une importance toute particulière pour elle, que ce soit dans le cadre du travail, ou dans sa vie personnelle. Accueillir une personne avec le sourire est devenu quelque chose d'important pour elle. Sourire à un ami le rassure, sourire à une personne triste peut l'aider à remonter. Sourire à un ennemi peut aisément l'enrager et lui faire perdre de sa superbe.

Pas forcément douée, mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'essaiera pas. Luciella est une avide négociante, persuadée que les prix de chaque choses peuvent être négociés, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Dans d'autres situations, il est peut être aussi question de s'en sortir sans conflits, ou tout simplement en bons termes sans avoir envie de mutuellement s'étriper. Le problème, c'est que malgré tous ses efforts, elle n'est jamais parvenue à devenir une bonne négociatrice. Ce n'est pas faute d'essayer mais, loin d'être diplomate, et d'une franchise peut-être un peu trop extrême, le résultat final est qu'elle ne parvient pas à réellement négocier. Parfois même, elle se fait rouler, le comble pour une commerçante !

Mais sa franchise ne vient pas sans être accompagnée, et sa sœur s'avère être sa volonté de fer. S'il est une chose qu'elle a appris sur les routes, c'est à s'exprimer clairement et à ne pas revenir sur sa parole, quelles que soient les circonstances. Cela peut s'agir de quelque chose d'aussi brave et stupide que de dire à des bandits d'aller "cordialement se faire dévorer par des ours" avec son sourire habituel, que de ne pas se laisser marcher sur les pieds par un patron particulièrement malpoli, quitte à devoir perdre un ou plusieurs clients au passage. Les marchands vendent et achètent toutes sortes de choses, mais ce n'est pas pour autant que leur dignité est à vendre, même si la pratique peut paraître contre-productive !

Aussi étrange que cela puisse paraître, cette habitude lui vient d'une habitude purement commerciale. Quelqu'un de reconnaissant ou qui estime avoir une dette achètera plus, et attirera plus de clients par le bouche à oreille. Et pour une caravane de marchands nomades, le bouche à oreille fait beaucoup pour attirer de nouveaux clients et faire revenir les anciens ! Cependant, penser qu'elle aidera une personne blessée sur le coin de la route par pur intérêt mercantile serait mentir. Luciella reste quelqu'un de relativement bon à la base, et elle agira de toutes façons envers son prochain comme n'importe qui d'autre. Commerçante ou pas, si quelqu'un meurt de faim devant elle, elle ne refusera jamais de lui faire don d'un peu de pain et de fromage qu'elle aurait pourtant pu vendre, et si quelqu'un a un besoin urgent d'un médicament eh bien... tant pis si le compte n'y est pas. La santé d'autrui est plus importante que le profit personnel...

... ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en retirera aucun ! Rendre un service, c'est également endetter l'autre personne, et plus le service rendu est important, plus l'est la dette ! Et si elle estime qu'une personne a qui elle a rendu un service est endettée à son égard, l'inverse est également vrai. Que vous l'ayez aidée à trouver son chemin dans une ville qui ne lui est pas familière, ayez réparé la roue de sa charrette, brisée sur les écueils du chemin, ou même, qui sait, que vous lui ayez sauvé la vie, elle estimera avoir une dette envers vous. Et une dette, ça se rembourse, quoi qu'il arrive. Que ce soit en vous offrant une petite babiole ou un article de plus grande valeur, en vous proposant de voyager dans sa charrette, ou en vous rendant la pareille... elle fera toujours en sorte de rembourser sa dette.

Là par contre, il est effectivement question d'un intérêt purement et simplement mercantile. Pourquoi donc laisser des catégorisations raciales empêcher de faire commerce avec un être de telle ou telle race ? Tous égaux devant la divinité suprême qu'est l'argent, elle achète et vend à tous, elle, comme l'ensemble de sa famille, se refusant à cracher sur des opportunités de business pour de bêtes questions de race d'appartenance. Beorc, Laguz et Marqués, tous sont égaux aux yeux des Clémens, parce que tous sont des clients potentiels ou de futurs partenaires commerciaux. Et Luciella ne fait pas exception à la règle.

Finalement, et c'est peut-être là la chose la plus importante qu'on ai pu lui inculquer, Luciella  a un sens de la famille particulièrement fort et développé. Et par famille, il ne faut pas seulement comprendre ceux avec qui elle a des liens de sang, mais bien tous ceux avec qui elle a pu tisser des liens particulièrement forts au court du temps. Elle-même adoptée, le principe de liens du sang qui régissent tout est quelque chose de très flou pour elle, et accéder à ce statut est peut être particulièrement dur, mais le jour où elle finira par vous appeler "ma sœur" ou "mon frère" vous pouvez être sur de vous êtres fait l'une des alliées les plus fidèles que vous pourrez jamais acquérir. Pas de jugement, pas de questions posées, si c'était nécessaire, elle vous aiderai à cacher un cadavre pour qu'il ne soit jamais retrouvé. ... Mais si vous la trahissez, souvenez-vous qu'elle sait comment cacher un cadavre pour qu'il ne soit jamais retrouvé.

Un peu maladroite, mais pleine de bonne volonté. C'est ce que la gestuelle générale de Luciella semble communiquer. Ses mouvements sont parfois un peu lents, parfois trop rapides pour ce qu'elle essaie de faire. Elle mettra trop de force en se saisissant de ce savon que vous avez décidé d'acheter, et ce dernier glissera pour vous atterrir sur la tête. Ou alors, elle lâchera trop tôt ce vase qu'elle a réussi à vous vendre, et il se brisera en mille morceaux sur le sol à vos pieds. Elle est volontaire, certes, mais nous n'avons jamais dit qu'elle était très douée.

Ceci dit, elle a pour elle des atouts clairement loin d'être... négligeables. Une frimousse rendue mature mais qui pourtant dégage une certaine innocence que nul ne saurait nier, l'innocence tranquille d'une enfant qui sait qu'elle n'a rien fait de mal, qui parfois se teinte de l'inquiétude, qui en devient vite risible, d'avoir mal fait. Ses grands yeux verts brillent d'un enthousiasme contagieux, et sa voix, claire tant qu'elle ne trahit pas ses états d'âme, suffit souvent à attirer l'attention. Par contre, quand elle se met à crier... on se rend compte que sa voix porte loin, et qu'elle a de sacrées cordes vocales, ainsi que des poumons bien remplis !

Ses longs cheveux blonds ne l'aident pas non plus à passer inaperçu, pour sur ! Une crinière comme ça, et aussi belle, on en voit rarement ! Généralement coiffés et attachés en un improbable chignon retenu par encore plus de ses cheveux, attachés en une ferme tresse, une fois détachés ils deviennent cependant une longue cascade dorée qui lui arrive aisément dans le bas du dos. Et quand on connaît sa maladresse, il est surprenant qu'elle arrive tous les matins à les attacher en un arrangement si complexe. D'un autre côté, on comprend très bien qu'elle le fasse, il lui serait aisé de se prendre les cheveux dans une poignée de porte, de gifler un inconnu avec, et toutes sortes d'autres péripéties aussi variées les unes que les autres.

Finalement, et c'est quelque chose qu'il est très dur de ne pas remarquer... c'est qu'elle est bien faite. Très bien faite, peut-être même trop. Sa poitrine est opulente au point d'en frôler l'obscène et de lui causer bien des douleurs dorsales, ses hanches sont généreuses, et son fessier rebondi. Et loin d'être le genre de potiche qui serait imperméable à ces faits de son propre corps, Luciella en bien consciente, et cela se reflète dans les tenues qu'elle porte, aux décolletés parfois révélateurs, et aux robes et jupes parfois un peu courte. Non pas qu'elle cherche spécialement à plaire ou séduire, mais elle est bien consciente d'une chose : dans le commerce, les apparences comptent, et le mignon petit bout de femme de la carriole d'à côté attirera sans doute même ne serai-ce qu'un client de plus que celle tenue par une mégère aigrie et amère.

Mais toute cette image de tranquille maladresse, de la presque fragile demoiselle, disparaît quand elle est montée sur un cheval. Quand elle est à cheval, Luciella change du tout au tout. Elle est belle. Belle d'une autre façon que lorsqu'elle ne se bat pas.

Ses yeux verts tranquille se sont fait impitoyable acier. Son port est digne, noble même, presque royal. Ses gestes sont mesurés, assurés. La force est parfaitement calculée, et la poigne sur sa lance est ferme. Ses mouvements sont parfaitement coordonnés avec ceux de sa monture. Son sourire, toujours aussi tranquille, rassurant, devient alors désarmant. Comment peut-elle ainsi sourire, meurtrière lancière en armure, alors que sa lance et ses atours sont couverts du sang de celui qui tantôt avait pensé que sa caravane serait une proie facile, un pactole livré dans un paquet cadeau ? Comment peut cette maladroite jouvencelle soudain se révéler être une furie, une walkyrie sur le champ de bataille dont la férocité se fait l'écho d'une force tranquille ?

Et comment, ô comment par les déesse, pouvez-vous malgré tout la trouver belle ? Pourquoi cette armure dont le métal luit au soleil lui va-t-elle si bien, comme un bijou en acier fait pour la mettre un peu plus en valeur ? Vous êtes sous le charme. Mais malheureusement pour vous, du mauvais côté de sa lance.

La famille Clémens. Ce nom vous dit peut-être quelque chose et ce n'est pas un hasard. Loin d'être une grande famille noble au prestigieux héritage, il s'agit là d'une famille de roturiers tout ce qu'il y a de plus ordinaires. Du moins, c'était le cas jusqu'à il y a quatre générations en arrière. Un jour, le fils de la famille en eut assez de labourer les champs familiaux et de dépendre du seigneur local pour la vente de récolte, moyennant un exorbitant pourcentage qui leur laissait à peine de quoi vivre, alors il avait pris son cheval, sa charrette, leur récolte de cette saison, et sa binette pour se défendre, et il était parti sur les routes. Avec une absence totale des pratiques commerciales, ou des règles de prudence élémentaires du voyageur.

La chance voulu que plutôt que de se faire égorger par les premiers bandits passés, il tombe nez à nez avec un groupe de marchands plutôt ouverts à l'idée d'accueillir un petit nouveau et de lui apprendre à se débrouiller. Ils s'étaient séparés deux villages plus tard, et ce jeune homme s'éprit d'une jeune femme rencontrée sur place, qui s'avérait également être une mercenaire qu'il engagea sur le champ pour assurer sa protection, suivant les bons conseils du chef de la caravane qui l'avait accueilli. Malgré les moqueries et condoléances anticipées du seigneur local quand il compris que les Clémens ne passeraient pas par lui cette saison pour vendre leurs produits, et se réjouissant d'avance de les voir forcer de lui emprunter de l'argent pour survivre, le jeune homme revint à la saison suivante.

A la place de ses légumes, bouteilles de lait, fromages et pains, il avait trois fois leur valeur en écus sonnants et trébuchants, ainsi que diverses babioles et objets de la vie courante. Le train de vie de sa famille s'était grandement amélioré grâce à lui, et quelques années plus tard, le nom de Clémens devenait très connu dans la région comme étant celui d'une carriole marchande transportant tout ce dont on pouvait avoir besoin, à des prix qui se voulaient toujours aussi abordables que possible.

Deux décennies plus tard, la mercenaire qu'il avait engagé lors de son premier voyage était enceinte de leur fille qui, quelques dizaines d'années plus loin dans le futur, permit à ses parents de prendre une retraite bien méritée, les laissant vivre sur leurs économies tandis que d'étonnamment bon cœur, elle reprit le commerce familial. Trois scores et une décennie plus tard, et le nom était maintenant connu dans tout Criméa, avec le fils de la seconde du nom à la tête du commerce. Une nuit d'automne, dans une grande ville, il trouva Luciella.

Un petit bébé d'à peine quelques jours, pleurant de tous ses poumons malgré la pluie l'accablant, le froid menaçant de la dévorer, une volonté de vivre face à laquelle, du haut de ses trente ans, il ne put que céder, prenant cette petite, et la couronne dorée placée dans son couffin, sous sa cape. Puis son aile. En faisant au fil des années sa fille, puis son apprentie.

L'héritage à la fois de commerçant et de mercenaire de la famille fit qu'elle pu profiter des deux éducations, apprenant la lecture, l'écriture, les mathématiques, et même la langue ancienne pour pouvoir converser avec les clients Laguz sur un terrain plus égal, tandis qu'en parallèle, elle apprenait à manier la lance, et à monter à cheval. Il apparaissait clairement que Luciella était plus douée pour les arts militaires que ceux du négoce, et plus elle grandissait, plus son héritage de noblesse qu'indiquait cette couronne qu'elle gardait avec elle comme un trésor semblait se confirmer. Un temps durant, père et fille furent en conflit quand à ce que serait son avenir. Michalis voyait où se trouvaient ses talents, et tentait de l'encourager à rejoindre l'armée, où il savait qu'elle parviendrait sans peine à se démarquer. Peut-être même qu'en grimpant les échelons, disait-il, elle parviendrait à retrouver la famille qui lui avait donné naissance. Il pensait à son avenir et voyait ses talents. Mais Luciella, elle, savait où elle serait heureuse. Elle aimait ce style de vie. Elle aimait négocier des prix, même si elle n'était pas très douée, et par dessus tout, elle aimait voir les sourires de clients satisfaits par leurs achats. Les enfants ravis d'avoir une friandise, les adultes heureux d'avoir trouvé un bon alcool bon marché, la ménagère impatiente d'essayer ces nouveaux produits qui, lui avait-on assurés, rendrait son quotidien plus facile, ou encore ce petit bout d'homme à qui on achetait sa première arme, tout impatient qu'il était de s'en servir pour participer à la défense de son village.

Elle était douée pour se battre, douée pour tuer, impitoyable quand il s'agissait de défendre sa vie ou celles d'autres, mais son bonheur se trouvait du côté des vivants et des sourires. Et finalement, il céda. Un peu avant la première grande guerre, elle reprit le flambeau, et durant cette dernière renforça la réputation de sa famille, distribuant vivres, informations et encouragements à travers le pays. Elle faisait partie des criméans luttant dans la guerre qu'Ike, en mouvement avec leur princesse alors renégate, ne pouvait déclarer. Elle faisait partie de ceux maintenant Criméa en vie.

Lors de la seconde guerre, elle avait commencé à étendre le commerce familial aux terres de Gallia de façon plus poussée qu'autrefois, pouvant maintenant pénétrer plus loin dans les terres sans craindre pour sa vie et celles de ceux l'accompagnant d'aventure. Les choses n'en étaient pas moins loin d'être aisée, les préjugés raciaux envers les Beorcs qu'ils soient justifiés ou non, plus fort ici qu'ils ne le seraient jamais, mais elle teint bon. Et se fit pétrifier comme nombre d'autres individus lors du Jugement d'Ashera.

La nouvelle paix instaurée par la Chevelure d'Argent et le héros de la flamme bleue ouvrirent également de nouvelles opportunités de commerce, avec les nations oiseaux, Beignon, mais aussi Daein. Les choses ne sont pas toujours facile, et souvent, une sale envie de rentrer au village où les Clémens aujourd'hui encore continuent de se réfugier venu l'heure de la retraite, et simplement rester dans les bras de son père la prend souvent. Pourtant, elle n'est pas prête d'abandonner la caravane, surtout avec les troubles qui courent.

Les personnes de bonne volonté sont nécessaires partout. La paix est fragile, et la maintenir est le devoir de tous. De préférence, en échangeant des biens et des services plutôt que des coups de lances et de crocs de préférence pour elle, s'il vous plaît ! Elle ne laissera peut être pas une grande empreinte pour la postérité, et d'ailleurs peu lui importe. Elle laisse volontiers les rêves d'épiques batailles et de gloires aux guerriers. La guerre des marchands ne se situe-t-elle pas, après tout, sur un autre champ de bataille ?