Toutes les rencontres ne sont pas calmes... [PV : Griffin]

Begnion… Encore une fois…
Haut perchée sur Varathorn, Erin réprima un frisson. Elle avait beau faire, peu importait la situation qui l’amenait en ce royaume, elle n’arrivait jamais à ressentir une quelconque joie. Elle n’arrivait même pas à faire fi de se retrouver en ces lieux, ressentant toujours une certaine crainte mêlée à de l’amertume et c’était une des rare chose qu’on pouvait lire sur son visage, ses traits se durcissant alors et son regard se faisant sévère.

« Avez-vous vu quelque chose d’alarmant ? »

La voix fit sortir la jeune femme de ses sombres pensées. Quelque peu prise au dépourvu, elle mit un certain temps avant de se tourner vers l’homme qui venait de lui adresser la parole et à se remémorer le pourquoi de sa venue à Begnion.
Celui qui venait de lui parler était un artisan dont le travail était très apprécié, autant à Criméa où il avait élu domicile, qu’à Begnion où son fils aîné tenait une succursale et il faisait le voyage entre les deux contrées au moins une fois par trimestre. Ce faisant, sa petite famille, composée de lui-même, de sa femme et de leurs cinq enfants, deux garçons et trois filles, partait de Mélior en formant une petite caravane composée de deux carrioles. Bien que l’artisan et ses deux fils savaient se défendre à l’épée, le père de famille redoutait tout de même une attaque de bandits, surtout en ces temps sombres où les méfaits ne faisaient que croître et ceci même dans le calme pays qu’est Criméa. Aussi l’homme fit-il une demande afin d’avoir une petite escorte, ne serait-elle constituée que d’un soldat. Le corps armé faisant toujours réfléchir à deux fois les petits brigands.

Se fut Erin qui fut désignée pour cette tâche. La marquée avait hésité un instant lorsqu’on lui eut dit la destination, mais ne trouvant pas de raisons réellement valables pour ne pas faire ce travail, elle ne put contester cet ordre et dut se faire à l’idée de retourner à Begnion… Au moins le point d’arrivée n’était-il pas Sienne, mais un village plus proche de la frontière du pays qui fut celui du peuple héron.
Et la voici donc, au pas à côté de la seconde charrette, après avoir effectué la majeure partie du voyage dans les airs, surveillant tout ce beau petit monde à une altitude convenable.
Tout s’était passé pour le mieux et n’ayant rien d’alarmant à dire à l’artisan, Erin lui sourit avant de le rassurer.

« Non, je n’ai rien aperçu. Veuillez m’excuser de vous avoir fais craindre une attaque. »

« Il vous faut alors chasser ces pensées trop sérieuses qui assaillent votre esprit. »

C’était la femme de l’artisan qui venait de parler et la marquée n’afficha pas la surprise qui s’était prise d’elle à ces paroles. Laissait-elle ses sentiments transparaître à ce point ? Il fallait qu’elle se reprenne…
Laissant ses lèvres afficher le sourire fin qu’elle avait adressé à l’homme, elle se contenta d’hocher la tête par politesse. Erin n’avait rien contre la femme, mais elle n’aimait pas s’afficher ainsi et devoir subir la compassion des autres. C’était se montrer faible…

« Rien de bien grave, soyez rassurée. N’étant plus sous couvert de la forêt, nous allons reprendre de l’altitude pour vous surveiller. Nous redescendrons lorsque nous arriveront proche du village. »

La marquée attendit à peine que les deux adultes aient hocher de la tête pour détourner Varathorn du droit chemin qu’il suivait paisiblement en pressant simplement son talon sur son flanc. S’élançant dans un court galop, quelques battements d’ailes lui suffirent pour regagner les airs. Une fois à une altitude convenable, assez haute pour pouvoir couvrir une bonne distance du regard et assez basse pour pouvoir effectuer un piqué s’il devait y avoir une quelconque attaque, Erin inspira profondément, appréciant grandement les courants d’air qui lui caressaient le visage. Il n’y avait pas à dire, le vol était vraiment quelque chose d’exquis et les hauteurs du ciel formaient un domaine où elle se sentait particulièrement à l’aise, n’ayant aucune crainte de chute car elle faisant pleinement confiance au pégase.

Le reste du périple fut tout aussi calme et comme elle l’avait dit, Varathorn et sa cavalière retrouvèrent la terre ferme lorsque le petit convoi arrivait à proximité du village représentant leur destination finale.
Erin accompagna la famille de l’artisan jusqu’à l’édifice qui servait de maison et d’atelier au fils aîné, puis une fois assurée qu’elle n’était plus d’aucune utilité, elle refusa poliment l’offre de repas et fit demi –tour.
Dans l’enceinte du village, elle avait mit pied à terre bien qu’elle n’ai qu’une envie, regagner le dos de son compagnon ailé et s’éloigner le plus rapidement possible de ce pays, aussi beau et tranquille fut le village…

La forêt de Serenes... Ancien théâtre du plus grand génocide de tous les temps. Griffin était venu ici en premier lieu suite à son bannissement officieux de la Cour, en guise de pèlerinage si on pouvait dire. Il y avait tout perdu, sa famille, ses amis, sa patrie... Témoignage de l'immondice humaine, et bien que la forêt se porte mieux depuis quelques années, elle ne sera jamais comme avant, avec cette ambiance unique que seul le peuple des hérons savait le faire. Mais il ne restait comme vestige que cette forêt et la volonté du Marqué de venger un jour son peuple des méfaits de ce monde.

Puis il partit. Il ne savait pas encore où, mais la direction de la frontière lui était tout indiqué, resté en Begnion trop longtemps attirerait les ennuis potentiels. Il arriva à un village au bout d'une longue marche, et s'y arrêta pour se réapprovisionner en vivres et en eau. Une fois cela fait, il commença à se diriger vers la sortie de ce lieu-dit, tandis qu'il sortit une pomme bien rouge de son sac. Ce maigre repas étancherait sa faim pour un petit moment, et dans un effet de style il s'amusa à la lancer en l'air de la main droite avant de vouloir la rattraper et croquer dedans à pleine dent. Néanmoins cela ne se passa pas comme ça, car la pomme ne retomba jamais dans la main du personnage. Ce dernier leva la tête pour constater qu'un cheval ailé l'avait intercepté et la mangeait sans honte. Griffin devint aussi rouge de colère que la pomme qu'il venait de perdre, et commençait à insulter la bête sans vergogne.

"Bougre de canasson, rends-moi immédiatement mon repas ! Saleté !"

- Humpf…

Levant les yeux au ciel, Erin avait lâché ce joli petit soupir en affichant un air qui indiquait clairement au marchand ambulant qui la suivait depuis 5 minutes que, non elle n’achètera pas ses quatre superbes poules de compétition, et ceci, même si les œufs qu’elles pondaient étaient bien plus gros, et donc contenaient plus de matière que les œufs qu’elle pourrait acheter chez ses concurrents. De un parce qu’elle ne voulait pas d’œufs à ce moment précis de la journée, et de deux parce qu’elle n’était pas intéressée non plus pour le long terme.
Mais rien à faire le marchand insistait. Aussi, se retenant de le lui faire comprendre d’une manière verbale moins élégante que le devrait une jeune femme, elle se contenta de soupirer à nouveau et, s’excusant, elle prit la personne la plus proche à sa droite et la tira devant elle, en s’éloignant alors rapidement pour que le marchand change de cible.
Pourquoi ne l’avait-elle pas fait plus tôt ? Parce qu’elle pensait que l’homme se découragerais vite face à son attitude, mais non…

Un troisième soupir, mais cette fois-ci de soulagement car elle en était enfin débarrassée ! Restait un problème… Elle avait perdu Varathorn…
Comment peut-on perdre un pégase ? C’est simple, il suffit de passer par la place du marché à l’heure de pointe et de s’assurer qu’au moins un marchand requiert votre attention pendant deux ou trois minutes. Ce qui venait d’être le cas. Puis connaissant la tête de mule qui lui servait d’ami depuis tant d’année, Erin était certaine qu’en la voyant occupée ailleurs il s’était dit qu’il pourrait faire un tour du côté des étales de fruits à la quête de celui à la chaire tendre, juteuse, sucrée et juste assez acide pour lui picouiller (oui j’invente des mots et alors ? ><), la langue, la POMME ROUGE !

Un pégase seul se baladant tranquillement dans les allées d’un marché, ça ne devait pas arriver tous les jours ici, aussi Erin resta à l’affût de tout mouvement de masse ou cri qui pourrait la mener vers sa monture. Mais rien…
Elle se faufila dans la foule pour atteindre la dite allée, mais pareil, rien… L’endroit était noir de monde, elle n’arrivait même pas à discerner si une quelconque grosse tâche blanche s’y trouvait quelque part. Lâchant un juron à voix basse, elle marcha jusqu’à la fontaine qui se trouvait non loin et monta sur le rebord afin de se surélever de la foule. Toujours pas de signe du pégase…

« Rahhh… Mais où es-tu Var ? »

La cavalière descendit de son « perchoir » et se remit en quête, demandant cette fois-ci aux gens qui étaient près d’elle, s’ils n’avais pas vu un le cheval ailé. La plupart se contentèrent de hocher la tête négativement, un avait voulu lui vendre l’information, puis une gamine lui répondit qu’elle en avait vu un suivre un monsieur aux cheveux blancs. Elle lui indiqua la direction que le dit homme avait prit, et, après l’avoir remerciée, Erin alla dans ce sens.
Il ne lui fallut pas bien longtemps avant d’entendre la voix d’un homme :

"Bougre de canasson, rends-moi immédiatement mon repas ! Saleté !"

Pour Erin, c’était certain, il s’agissait de Varathorn. Accélérant le pas, elle arriva enfin au niveau de son pégase qui était en train de se régaler d’une magnifique pomme rouge. L’homme aux cheveux blancs dont avait parlé la fillette était juste à côté et il fallait croire que la pomme lui appartenait.

« Var ! Espèce de crétin ! »

Après ces belles paroles, Erin se rapproche du duo et ne manqua pas de frapper le bout du museau du pégase, un signe qui lui signifiait clairement qu’elle n’était pas contente, tout comme l’homme vers lequel elle se tourna alors, s’exprimant poliment.

« Veuillez m’excuser pour ce désagrément, cet idiot tient plus de la vache avec ses quatre estomacs que du pégase… Permettez que je vous rachète une pomme ou deux pour vous dédommager de celle qu’il vient d’engloutir. »

Plus la bête mâchait sa pomme, moins Griffin n'avait le réel souhait de la récupérer pour ses fins personnelles, et par dépit laissa tomber cette dispute envers un animal trop stupide pour comprendre son langage, déjà. Du moins ça c'était vrai jusqu'à l'arrivée de sa cavalière, qui semblait gênée dans le comportement de sa monture, et lui proposa de racheter la pomme qu'il venait de perdre. Réponse vaine, car maintenant Griffin pouvait extraire toute sa frustration sur une entité capable de le comprendre, et il ne s'en priva pas du tout.

"Vous feriez mieux de bien éduquer votre monture plutôt que d'être désolée à la moindre de ses âneries."

Le ton fut directement donné, incisif, mesquin. On sentait toute la mauvaise humeur de l'homme dans sa plus grande splendeur, qui du coup se mit à en rajouter une couche supplémentaire.

"De plus que fait un membre de la Sainte Garde impériale de Sienne dans les environs ? Votre boulot est de veiller à la sécurité de l'Impératrice, et non pas à faire rouspéter les pauvres passants comme je suis. Vos supérieurs devraient avoir honte de votre comportement, c'est incroyable...!"

« Pauvre passant avez-vous dit ? Vous êtes bien trop mesquin pour n’être qu’un « pauvre » passant. »

En effet le ton était donné…
Erin avait été polie et voilà qu’on lui crachait à la figure en retour. Ce genre de comportement l’énervait toujours au plus haut point et ce cas ci ne dérogeait pas. Elle aurait comprit que la personne soit irritée vis-à-vis de cette action du Pégase, mais que l’homme réagisse ainsi… Fallait pas pousser non plus !

La jeune femme se permit alors d’observer plus en détails le dit homme. Elle devait admettre qu’il ne manquait pas d’élégance et qu’il se dégageait de lui un certain charisme. Non ce n’était pas un simple passant, et elle l’aurait sans doute qualifier de charmant s’il n’affichait pas cette attitude et ce faciès hautain que prenaient sans s’en rendre compte les nobles.
Quand elle était arrivée près de lui, elle avait ressentie une sensation étrange à son égard, et elle comprit lorsqu’elle vit la marque qu’il possédait sous son œil gauche, le pourquoi de cette curieuse perception. Pour elle c’était clair, il s’agissait bel et bien d’un marqué et cela l’agaça encore plus. Comme quoi… Beorcs, Laguzs ou Marqués, les gens pouvaient bel et bien tous être pareil !

Bien que piquée à vif, Erin se contenta alors de soupirer alors qu’elle attrapait dans un même temps les rênes de Varathorn. Le pégase n’avait pas fait un geste, sentant la tension soudaine qui régnait entre sa cavalière et l’homme qu’il venait d’alléger du poids d’une pomme. Se fut très docilement qu’il suivit la Marquée alors qu’elle tirait sur les lanières de cuir pour le faire pivoter et qu’elle avait commencer à marcher, passant à côté de l’inconnu en ne lui jetant ne serait-ce qu’une œillade.

« Oh, et pour votre gouverne monsieur le « pauvre passant », je ne fais pas partie de la Sainte Garde impériale de Sienne et c’est plutôt vous qui devriez avoir honte. Je plains l’Apôtre de l’image que vous donnez à son peuple ! »

Disant cela, la cavalière s’éloigna peu à peu. Elle n’avait pas l’intention de poursuivre cette conversation qui n’en était pas une. Les choses qui ressortiraient si cela devait continuer ne seraient pas toutes belles et toutes roses, loin de là… Erin qui était pourtant reconnue pour son flegme, redoutait de littéralement sortir de ses gonds face à cet inconnu, alors, oui c’était peut-être faire part d’une faiblesse, mais elle préférait « fuir » plutôt que de faire face…

Mesquin... Même si Griffin se devait de ne pas contredire cette facette de sa personnalité, qu'une personne lambda et vraisemblablement détestable le lui fasse remarquer, c'était autre chose. Elle passa à côté de lui, lanières en main, pour lui renvoyer une nouvelle tirade agaçante. Et suite à celle-ci, Griffin ne put se retenir plus longtemps, il allait se retourner pour dire une nouvelle phrase, mais au passage de l'arrière-train du pégase à côté de la tête du Marqué, la queue de celui-ci balayait l'air tout en infligeant un revers dans la figure du pauvre noble. Certes le coup était loin d'être létale, cependant ce geste de dédain de la part d'un stupide mulet à son égard lui fit échapper un sourire de frustration, et il explosa complètement cette fois.

"Je vous interdis de médiser sur l'impératrice, vous entendez !? Une personne de si basse condition telle que vous n'en a pas le droit !"

C'était terminé, et malgré la bêtise de cette altercation, c'était maintenant devenu un véritable défouloir qui a de forts risques de terminer en rixe si jamais le ton continuait d'évoluer dans le même sens. La cavalière pégase s'arrêta légèrement, mais ne prit pas la peine de se retourner, du genre "tu n'en vaux pas la peine" comme s'interpréta le duc de Persis. L'attitude de trop, se dit-il. Comment une personne de rang inférieur pouvait-elle se permettre de le prendre de haut, lui ?

"Entre la maîtresse et ce stupide canasson, je me demande qui tient le plus de la vache en vérité..."

Son regard se 'chargea d'électricité', comme si si jamais cette sotte prenait la peine de se retourner vers lui, il la foudroierait des yeux sur place.