Comment marche mon esprit ? Haha… Vous avez peur de rien, vous… Comment vous dire ça… Essayer de comprendre mon esprit, c’est comme essayer d’aller vous balader dans une zone  qui vient d’être détruite par une explosion magique. Y a des petits bouts par-ci, par-là, mais rien qui ressemble à quelque chose. En fait, j’ai même envie de dire qu’il n’y a rien tout court…
Je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas d’où je viens. Je ne sais pas pourquoi j’ai un arc dans les mains. Ce que je sais, c’est que cet arc a déjà servi, et qu’il servira encore. Ce que je sais, c’est que j’ai déjà eu des ennuis, et que j’en aurai encore. Ce que je sais…c’est que le voyage ne fait que commencer. Je trouverai mon passé en regardant le futur.

[Un observateur extérieur remarquera en premier le regard froid du jeune homme, presque sans émotions. Presque, car au fond de ses yeux se cache une grande tristesse, et la peur de ne jamais découvrir qui il est vraiment. Il ne veut pas faire confiance, mais sait pertinemment qu’il y sera forcé pour survivre. Toarsen est un louveteau qui a perdu sa meute : seul, terrifié, prêt à tout pour survivre.]

Ah, parce que j’ai l’air d’avoir un miroir à portée de main, selon vous ? Allez, on va au moins essayer, hein… Bon. Je suis pas très grand, je crois. À vue de nez, je dirais…1m70. Grosso modo. Je suis loin, très loin d’être gros, il est même probable qu’on me qualifie de maigre. Je sais pas. Je m’en fous. Mes mains sont marquées, je crois que je me suis beaucoup servi de mon arc. En écartant mes vêtements, beaucoup trop nombreux d’ailleurs, je meurs de chaud, je peux voir des cicatrices. Beaucoup de cicatrices. Certaines font un peu mal quand je les touche, je crois qu’elles sont plus récentes. J’en sens aussi quelques-unes dans mon dos. Qu’est-ce qui a bien pu m’arriver…
Ah, une rivière. Ce sera très bien, je vais pouvoir boire et en profiter pour me regarder et finir de me décrire. Voyons voir… J’ai les cheveux…gris ? Original. Ils n’atteignent pas mes épaules mais ils sont assez longs pour être très mal coiffés. Ils sont plus ou moins tenus en ordre par un gros bandeau. Mes yeux ont l’air dorés, ou alors c’est juste un reflet de l’eau, je ne sais pas. J’ai deux…trucs à l’oreille gauche, deux bijoux qui font ding quand je bouge la tête. Je me disais bien que ça faisait du bruit… J’ai une corde rouge autour du cou, comme un collier très serré mais qui ne me gêne pas. Je me demande bien à quoi il sert…

Et c’est là que ça devient drôle ! Je ne me souviens de rien. Complètement amnésique. Enfin, pas tout à fait, mais presque.
Je me suis réveillé il y a environ deux heures. J’ai ouvert les yeux, et la première chose que j’ai vue, c’était ma propre main, tenant fermement un vieil arc. Puis l’eau. Tout autour de moi. L’odeur qui parvenait à mes narines était celle de la mer. Comment je le savais ? Bonne question. J’ai essayé de me redresser, mais j’arrivais à peine à bouger les bras. Et puis le truc sur lequel j’étais n’était pas stable du tout. En regardant, j’ai vu que c’était un assemblage de planches tellement gorgées d’eau que je me suis demandé si je n’étais pas encore vivant par simple intervention divine.
J’ai finalement réussi à me redresser un peu et à m’asseoir tant bien que mal sur mon radeau de fortune. Il y avait une bande de terre, là-bas, et le courant semblait m’emporter dans cette direction. J’en ai profité pour faire le point et…oups.
J’avais mal partout. J’avais l’impression que je m’étais fait attaquer par une armée entière. Mais surtout…je ne me souvenais de rien. Qui étais-je ? D’où est-ce que je pouvais bien venir ? Qu’est-ce qu’il venait de m’arriver ? Je n’en avais aucune idée… Dans mon esprit, deux mots se bousculaient pour prendre le pas sur le reste : Toarsen Aesir. Ce devait être mon nom. Oui, ça m’était suffisamment familier pour en tirer cette conclusion.
Mon arc était usé, mais encore utilisable malgré l’humidité. J’avais aussi un carquois, avec cinq flèches dedans. Je n’irais pas bien loin avec, mais si ça pouvait me permettre de chasser mon déjeuner…
Et justement. J’ai fini par heurter le rivage. Sitôt à terre, et sitôt capable de tenir sur mes deux jambes (tremblantes), j’ai commencé à chercher ce que je pourrais chasser pour me nourrir. Un lapin ? Pas mal. Sauf que cette sale bête s’est enfuie et que j’ai dû lui courir après pendant une bonne heure avant d’enfin l’abattre. Mauvais archer, donc, super. Très bien, une petite liste d’objectifs :
1) Survivre, c’est le minimum syndical.
2) M’améliorer au tir à l’arc, parce que sérieusement, je me fais honte.
3) Me trouver un cheval. Mon petit doigt me dit que ça va me servir.
4) Comprendre ce qui m’est arrivé…
Allez, c’est parti !